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Gérard de St Jean - la résurrection de Lazare (v. 1480-85)

Jésus face à la mort de Lazare

De tous les incidents qui ont rempli le quotidien de Jésus, les évangélistes n’ont retenu qu’un petit nombre, les plus significatifs de la condition humaine. Ainsi, Jésus fait face au scandale suprême, à la mort. Et c’est la mort de Lazare, un de ses rares vrais amis.

Cet évènement marque d’autant plus Jésus qu’il le place aussi face à l’immense douleur des deux sœurs de son ami, qu’il aime tout autant. Si Jean consacre un long chapitre à cet épisode, c’est qu’il y a là beaucoup d’aspects à nous faire méditer.

Lire  Jean  11

1. Jésus et ses amis

On n’a peut-être pas vraiment mesuré l’importance de cette maison des trois frère et sœurs, à Béthanie, un village à 3 km à l’Est de Jérusalem. Dans tout le pays c’était peut-être le seul endroit où Jésus était franchement bienvenu, sans arrière-pensée, et même aimé. Un havre de paix où il pouvait respirer un air pur, libre de toute menace et de toute haine, où il pouvait se détendre.

A son contact Marie avait un jour fait une expérience spirituelle décisive et elle va en exprimer sa reconnaissance d’une manière bouleversante, lors d’une visite de Jésus chez un voisin (11.2 ; 12.1-8). C’est aussi à Béthanie que Jésus passe ses dernières soirées et nuits de liberté avant son arrestation ; il y arrive le vendredi avant la Passion et y revient chaque soir jusqu’à mardi. (Notre épisode a eu lieu un peu plus tôt.)

Un cercle intérieur d’amis

Malgré la masse de ses contacts et malgré tout le bien qu’il leur a fait, Jésus a eu très peu de vrais amis : surtout Lazare et ses deux sœurs.

Nous aussi, nous avons quelques relations plus proches avec certains. L’amour choisit et n’exclut pas la préférence, sans pour autant négliger les côtés positifs des autres. C’est le fonctionnement normal des hommes et femmes : même parmi les disciples il y avait une sorte de cercle intérieur avec des relations privilégiées entre Jésus et trois disciples : Pierre et les deux frères Jacques et Jean.

Délicatesse et confiance

Remarquez la délicatesse des deux sœurs envers Jésus. Juste une information, aucune demande ni appel au secours angoissé. La confiance est totale : leur ami Jésus saura que faire, comment le faire et il le fera forcément.

Mais remarquons aussi la position difficile de Jésus. Il est homme et ses sentiments le portent à partir aussitôt auprès de ses amis très éprouvés. Mais il est aussi l’Envoyé de Dieu parmi les hommes pour glorifier Dieu (v.4). Pour cela il va devoir attendre que Lazare soit mort et vraiment mort (quatre jours). Il est donc obligé de blesser cette amitié confiante, de plonger ses amis dans la douleur et la déception.

Ne disons pas que ce n’est pas si grave, puisque le deuil ne durera que quatre jours. Un deuil est toujours pour toujours ! Leur douleur très profonde le bouleverse jusqu’aux larmes. Notre Dieu Tout-puissant, incarné en un homme comme nous, souffre comme nous, à nos côtés, de ce qui nous angoisse, nous déchire.

2. Le dialogue entre Jésus et Marthe

C’est de cette douleur qu’il va se charger tout d’abord. Et il s’agit là d’un aspect important, même fondamental et pourtant rarement relevé dans les commentaires.

Notons d’abord l’optique dans laquelle Jésus se place : v.4. Pas un mot sur la maladie, la cause de la mort, aucun regard en arrière. Il est entièrement tourné en avant, vers ce qui vient , de la part de Dieu et pour sa gloire. Une leçon pour nous.

Marthe aussi regarde en avant : v. 21, 24. Avec cette ferme assurance elle a une longueur d’avance sur nos contemporains. Au v.21 elle dit à son ami Jésus toute sa souffrance, mais aussi sa confiance intacte, malgré la déception. Jésus lui répond par la phrase un peu ambiguë du v.23 pour la conduire plus loin. Une phrase que nous employons aussi, mais sans pouvoir aller au-delà.

Et alors Marthe affirme cette certitude du v. 24, une réalité pour elle, mais hors de portée, au dernier jour, lors de la résurrection des morts. Seulement, en attendant, aujourd’hui, la place de Lazare est vide, le cœur des deux sœurs est vide et elles pleurent. C’est pour aujourd’hui qu’elles ont besoin de quelque chose de fort, tout de suite.

Pour Marthe la résurrection est une chose qu’elle sait bien, mais ça n’atténue guère sa peine d’aujourd’hui, c’est un savoir pour un temps si lointain qu’il reste abstrait et surtout sans conséquence vivante, sans effet concret sur l’aujourd’hui douloureux. Une Parole de Dieu est toujours donnée maintenant pour être entendue, pour être obéie maintenant et avoir son effet aujourd’hui.

C’est alors que Jésus fait un pas de plus. V. 25 : « Tu souffres de l’absence de ton frère que tu ne retrouveras que bien plus tard. Mais moi, je suis là dès aujourd’hui : la résurrection, la puissance de vie, le dernier jour, la vie qui jaillira de la mort, sont déjà là, devant toi, en ma personne ».

Quand on vient se placer devant Jésus, le temps se télescope : l’avenir le plus éloigné, devient présent maintenant, la résurrection commence aujourd’hui. Si je me place devant lui, la puissance de vie qui agira au dernier jour, commence aujourd’hui déjà, avec lui, par lui.

Il est la résurrection finale dès maintenant : Crois-tu cela ? Veux-tu recevoir dès cet instant la vie qui triomphe de la mort, bénéficier dès aujourd’hui de la puissance vivifiante du dernier jour… jusqu’au dernier jour (et encore plus ensuite) ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu.

Il ne s’agit plus de SAVOIR, mais de CROIRE. Marthe est passée d’un savoir sincère, mais abstrait à un croire personnel, centré sur le Messie qui vient ainsi changer profondément sa perspective. Et un quart d’heure après elle commence à voir la gloire de Dieu comme jamais encore : v. 43-44.

Est-ce aller trop loin, si je dis que ce jour-là il y eut deux résurrections, une physique qui couvre deux versets, 43,44 et une spirituelle qui s’étend sur sept,20-27. Et à votre avis laquelle est la plus importante, c’est à dire  laquelle a le plus de conséquences ?

Et nous-mêmes, comment voyons-nous la résurrection ? Est-ce une chose extérieure à nous qui est loin dans l’avenir et ne concerne que les morts en Christ ? Quelque chose d’assez confus qui ne peut donc pas avoir d’impact sur ma vie actuelle ? Mais à quoi m’avance une croyance qui reste sans effet sur mon vécu actuel ?

La résurrection ne devrait-elle pas plutôt être une révolution actuelle qui a pris son élan depuis quelque temps déjà et qui se poursuit toujours ? Un puissant renouveau de vie actuel, qui continue jusque dans l’éternité par la présence transformatrice de celui qui seul est la Vie. Alors Résurrection et Vie éternelle sont une seule et même expérience

Le grand malentendu

Les choses se déroulent ce jour-là largement comme ce qui s’est passé quand on a amené à Jésus un paralytique du haut d’un toit. Tout le monde et ses quatre porteurs attendaient sa guérison et voilà que Jésus commence par lui pardonner ses péchés !

Laquelle des deux libérations a entraîné le plus de conséquence heureuses ? Il y a là, entre Jésus et les gens un malentendu auquel Jésus a toujours à nouveau buté tout au long de son ministère et qui existait aussi dans la tête des disciples et même des deux sœurs : v. 21, 32. Mais il vient d’en libérer Marthe.

Quel est l’objectif du ministère de Jésus ?

Ou, plutôt, qu’est ce  qui y retient le plus notre attention ? C’est une question-piège ! N’est-ce pas la foule de ses actes miraculeux, si nombreux qu’on pourrait remplir la terre des livres qu’on en écrirait Jn 21.25 ?

Voilà le point de départ de l’erreur, car, enfin, si Jean fait cette déclaration dithyrambique, pourquoi lui-même ne présente-t-il que sept miracles sur 21 chapitres ? N’est-ce pas la preuve que l’objectif de Jésus était ailleurs que là où tout le monde croyait le voir et cela jusqu’à la fin.Si tu es le Fils de Dieu, descends et nous croirons.

Jésus n’est pas venu rendre le monde plus humain, plus vivable. Il n’est pas venu comme médecin infaillible pour supprimer hôpitaux et médecins. Il voulait signifier que le mal n’est pas souverain, que Satan n’a qu’une latitude d’action limitée et pas d’avenir. Jésus n’était pas un super révolutionnaire qui élimine toute injustice et tout crime et instaure la paix, la liberté, l’égalité….

En fait ces deux domaines sont de la responsabilité de l’homme qui devrait leur donner la priorité absolue, au lieu de tant d’autres choses qui encombrent la vie politique.

Jésus n’est même pas venu empêcher les gens de mourir (v.21, 25), prolonger indéfiniment la vie naturelle.

Il est venu, par sa mort et sa résurrection, nous faire accéder à un type de vie nouvelle, éternelle. Nouvelle parce que  libérée du contentieux du péché et recentrée sur lui, le Créateur de toute vie. Nouvelle, parce que c’est dès à présent une vie de résurrection qui n’aura pas de fin, même si elle s’interrompt sur cette terre.

Seul Dieu est capable de donner cette qualité de vie et c’est pour y attirer notre attention et notre espoir par ses miracles-signes, pour nous en ouvrir l’accès que Jésus est venu vivre parmi les hommes, assumant notre condition et ses drames, même le pire : la perte d’un être cher.

Il n’est pas un simple réparateur de gaffes et de catastrophes, encore qu’il le fasse souvent. Mais il veut nous faire vivre sur un autre niveau malgré et à travers les catastrophes, jusqu’au jour où c’en sera fini des souffrances , auprès de lui.

Et son action doit être un signe de ce qu’il est, de sa suffisance, de sa puissance aimante, de sa victoire finale pour introduire dans sa présence éternelle. Un signe donnant un clair espoir et même la certitude que le mal, et donc la mort seront un jour éliminés dans un univers et une humanité recentrés sur le Créateur

Miracle et foi

Un miracle n’a vraiment pas sa raison d’être en soi. Il n’est pas fait pour épater, ni pour convaincre, ni même seulement pour glorifier Jésus. Lui, il fuit la publicité, interdit qu’on parle de ce qu’il a fait et quand on lui désobéit, il reste hors des localités, dans la solitude, alors que tous ne parlent que de lui et le cherchent.

La raison d’être du miracle est d’attirer l’attention sur ses déclarations concernant le royaume de Dieu, de démontrer l’origine divine de ce message et de le faire accueillir comme tel.

A plusieurs reprises les évangélistes disent que beaucoup de gens ont cru en voyant les libérations opérées par Jésus. Mais Jésus ne se fiait pas à ce genre de foi.

C’est une foi fondée sur le spectacle de la puissance, sur le sensationnel, l’exceptionnel et donc aussi un peu sur la peur de voir disparaître tout cela. Elle n’est pas fondée sur un amour véritable pour Jésus, tout au plus de l’admiration. Mais elle a surtout besoin de sa ration régulière de miracles, elle ne vit surtout de miracles. S’ils cessent pour une raison quelconque, la foi s’évanouit avec eux. Et l’Église où on ne trouve pas ce quotidien merveilleux est déclarée morte et on la quitte pour une autre, réputée plus vivante.

Il y a aussi des gens que le miracle endurcit. Et ceux-ci sont les derniers qu’on soupçonnerait d’incrédulité : les autorités religieuses. Et la raison n’est pas qu’eux n’ont rien vu des actes de Jésus, au contraire, c’est justement à cause d’eux : v.47b-48.

A la différence de beaucoup de gens, eux ne se demandent pas si Jésus ne serait pas le Messie : ils savent qu’il l’est et leur préoccupation est bien ailleurs : Si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui, le suivre lui et donc se détourner de nous ! Et alors adieu notre pouvoir, nos postes de dirigeants, notre raison d’être ! Voilà ce qui les panique, mais ils ne peuvent pas avouer les choses aussi crûment, alors ils avancent un beau prétexte politique typique. Mais c’est ce jour-là, v. 53 ! Et ils prennent toutes les mesures pratiques pour assassiner leur Messie, v. 57.

Mêlée à la foi, la politique pourrit toujours la foi et la foi n’est plus qu’un pauvre mensonge quand on la prend en renfort pour faire passer des intérêts politiques ou bassement intéressés. Les Romains ont bon dos : en fait ils évitent par principe de se mêler des questions religieuses en Israël.

Ce que Jésus veut signifier ce jour-là, ce n’est pas seulement qu’il est le Maître de la vie : il l’a déjà démontré deux autres fois. Ce qu’il offre, ce n’est pas une simple prolongation ou reprise de l’existence actuelle, mais une vie d’une toute autre qualité, marquée par la libération de toute culpabilité et une paix définitive dans la communion avec Dieu .

Et surtout cette vie nouvelle commence aujourd’hui même, au moment où je place ma confiance en Jésus qui est la résurrection et la vie. Dès ce moment-là ma vie est éternelle, même s’il reste devant moi un passage difficile et mystérieux à franchir. Mais ce n’est qu’un passage vers la pleine expérience de ce dont Jésus m’a déjà donné des arrhes : 2 Corinthiens  5.17-18.

J.J. Streng

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