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Esaïe prophète en temps de crise

Esaïe 40.27-31 : un temps de crise politique et spirituelle

Israël et Juda sous domination de l’empire assyrien

Esaïe a été prophète pendant plus de quarante ans à Jérusalem, depuis la fin du règne d’Osias en 740 jusqu’au début de celui de Manassé, le plus mauvais roi du royaume de Juda, vers 686.

Israël et Juda sont les deux royaumes du Nord et du Sud après le schisme, la séparation des tribus, sous le règne de Roboam fils de Salomon.

 

Les deux royaumes sont passés sous la domination de l’empire assyrien, … la grande puissance politique et militaire de l’époque.

Depuis plus d’un siècle, l’empire assyrien, la grande puissance politique et militaire de l’époque impose sa suzeraineté, son autorité politique sur les petits États : Syrie, Israël et Juda. (2e livre des Rois, chapitres 16 à 20)

par l’intermédiaire du parti pro-assyrien

Cette influence s’exerce par l’intermédiaire du parti pro-assyrien, qui cherche à mettre en place le roi et la politique de son choix, évidemment favorables à l’empire assyrien. Mais il y a un parti adverse qui résiste, d’où des luttes d’influence.

 C’est un temps de crise, de crise violente. Plusieurs des derniers rois d’Israël assassinent leur prédécesseur et se font assassiner par leurs successeurs. Les petits États entrent dans des jeux d’alliance pour se rebeller ; ils refusent de payer le tribut, leimpôt exigé par l’Assyrie;  ils cherchent l’appui de l’autre grande puissance, l’Égypte.

Des alliances à risque catastrophique : l’idolâtrie

Dans le monde antique, toute alliance politique avec un pays étranger, a une conséquence … quasi inévitable. On se conforme à ses croyances religieuses, on rend un culte à ses divinités, à ses idoles. Et on le fait d’autant plus facilement que – croit-on- … ce sont ces divinités qui lui donnent sa puissance, qui lui permettent ou lui accordent la réussite.

Esaïe s’oppose à ces alliances avec des puissances étrangères. En effet, elles entraînent l’idolâtrie. Il prophétise aussi bien la fin des États vassaux que celle des empires suzerains successifs, Assyrie puis Babylonie. Seul un reste du peuple de Dieu se repentira et reviendra de l’exil

Achaz, roi de Juda est en conflit avec les rois de Syrie et d’Israël. Plutôt que  la confiance en Dieu, il préfère l’alliance avec l’empire assyrien.
Résultat logique et inévitable : le royaume de Juda deviendra un satellite de l’Assyrie.
Comme Esaïe l’a prophétisé, le royaume de Syrie est écrasé en 732, le royaume d’Israël cesse d’exister en 722, la population est déportée en Assyrie.

Ezéchias un roi fidèle mais…

Ézéchias, fils et successeur d’Achaz est un roi fidèle qui fait confiance à Dieu. Les chapitres 36 à 39, la partie historique du livre d’Esaïe racontent ses démêlés avec l’empire assyrien.
Jérusalem est assiégée en 701 par le roi Sanchérib et l’armée assyrienne   
Suite aux prières du roi  et du prophète, la ville est délivrée miraculeusement. Une épidémie, probablement la peste, fait 185000 morts en une nuit chez les assaillants.

Mais Esaïe dénonce aussi l’orgueil et la légèreté du roi. Ezéchias montre tous ses trésors, c’est à dire sa puissance militaire à l’ambassade babylonienne du roi  Mérodac-Baladan. Certes celui-ci veut le féliciter pour sa guérison miraculeuse; Mais surtout chercher une alliance contre l’empire assyrien.
L’empire babylonien, la nouvelle puissance politique  et son roi Nabuchodonosor reviendront plus tard, en vainqueurs.

Les Babyloniens emmèneront les descendants d’Ézéchias en captivité.

La prophétie d’Esaïe : un encouragement en temps de crise

Les chapitres 40 et suivants peuvent être lus selon des perspectives différentes.

Esaïe, prophète du 8ème siècle s’adresse sans doute d’abord directement à ses contemporains, qui ont échappé au siège de Jérusalem après le retrait de Sanchérib en 701. Ils n’ont pas retrouvé d’indépendance politique véritable et craignent toujours une nouvelle invasion.

Le message pourra s’appliquer aussi aux contemporains de Manassé, le plus mauvais des rois de Juda. Son idolâtrie et ses crimes attireront nécessairement le jugement et l’exil annoncé à Ézéchias.

Enfin, la prophétie peut contenir, un message pour les exilés qui la liront beaucoup plus tard à Babylone après la prise de Jérusalem en 586.

Ceux qui veulent rester fidèles à l’Éternel ont besoin d’être encouragés Ils ont besoin de savoir qu’il y aura, au-delà de l’exil, au delà des épreuves, un avenir pour le peuple de Dieu.

 

Contestation et découragement

Pourquoi dis-tu, Jacob,
pourquoi répètes-tu, Israël :
Ma destinée est cachée au Seigneur,
mon droit passe inaperçu de mon Dieu ?
(Segond 21)

Il y a contestation

Ma destinée échappe à l’Eternel
Il y a un accusé, Dieu : il ne s’occupe pas de Ma destinée, il ne tient pas compte de Mes droits avec grand M
Il y a un contestataire, le prophète l’appelle par son nom : Jacob/Israël, peuple de l’alliance. 

Tout un programme pour Israël : Dieu l’a choisi, s’est révélé à lui, il lui a donné des avertissements et des promesses. Dieu ne s’occuperait-il pas de son peuple ? Quelle contradiction !

Les « pourquoi » d’Esaïe sont lancés sur un ton de réprimande : pourquoi dis-tu…, pourquoi répètes-tu… ?

Le prophète veut les faire réfléchir à leurs pensées, à leurs attitudes, et à leurs actions.

Le temps du 2e verbe en hébreu (répètes-tu) suggère que se plaindre était devenu une habitude en Juda.

Ma destinée est cachée, mon droit passe inaperçu ou dans la version Semeur :
Mon Dieu ne fait rien pour défendre mon droit.

Le verbe hébreu Abar, signifie littéralement « passer à côté, ne pas tenir compte », comme quelqu’un qui marche juste à côté de nous sans faire attention à nous. Je suis en panne sur la route, les voitures passent sans s’arrêter

Il y a découragement

Israël se plaint : ses droits et sa justice ne figurent pas à la première place dans le plan de Dieu. Dieu n’est pas juste, il aurait dû faire les choses à leur manière, à eux.

A première vue Israël a raison. De nombreux rois ont trop souvent méprisé ses droits et son sens de la justice. Samuel en avait averti le peuple quand celui-ci avait demandé un roi 

Quelques extraits de 1 Samuel 8. 11-18
Voici les droits du roi qui régnera sur vous : il prendra vos fils et … ils iront devant son char comme gardes du corps … Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères.  Il prendra le meilleur de vos champs, de vos vignes et de vos oliviers et il le donnera aux gens de sa cour.  Il prendra la dîme de vos semailles et de vos vendanges, et il la donnera à ses hauts fonctionnaires et aux gens de sa cour. … Ainsi vous deviendrez ses esclaves.  Ce jour-là vous crierez contre le roi que vous vous serez choisi, mais ce jour-là le SEIGNEUR ne vous répondra pas !

La situation politique du moment est sombre. L’empire est toujours maître de la situation : l’Assyrie ou, de manière prophétique, la Babylonie, dominent la région dans toutes les questions politiques et militaires. Jérusalem, assiégée, affamée a été délivrée par miracle sous le règne d’Ezéchias en 701 (2 Rois 19.35-37) mais pour combien de temps. Sa destruction et la captivité de ses habitants sont annoncées, mais pour quand ?

La chair est comme l’herbe, fragile comme la fleur des champs (Esaïe 40.6 et 7).
Il n’y a pas d’espoir de voir la domination impériale s’affaiblir. Pas d’espoir non plus qu’Israël redevienne assez puissant pour secouer le joug du dominateur.
Les quelques tentatives des derniers rois d’Israël et plus tard, des derniers rois de Juda ont été des échecs lamentables. Le royaume d’Israël a disparu en 722 et celui de Juda en 586 avant J.C.

Mais comment oser contester ?

Dieu n’est pas seulement le créateur mais aussi celui qui préserve tout, terre, corps célestes, nations, individus.
Alors comment pouvez-vous, vous le peuple de Dieu, vous qui avez reçu des promesses et des privilèges qui ont été accordés à vous seuls parmi toutes les nations, comment pouvez-vous dire que Dieu vous a abandonnés ?

Cette contestation pose aussi la question : « qui tient le gouvernail du navire, qui dirige le monde, qui détermine la direction de l’histoire, qui décide du rôle du peuple de Dieu » ?

La réponse est évidente. Cependant, à travers les paroles d’Esaïe, Dieu veut aider son peuple à réfléchir. Bien sûr, rien n’a changé dans sa situation mais il ne peut pas voir comment les choses vont évoluer. Il lui manque la perception, la compréhension de la grandeur de Dieu.

Qu’est ce que ces affirmations nous apprennent à propos des pensées du peuple d’Israël et aussi des nôtres ?

La justice qui m’est due échappe à mon Dieu :

Autrement dit, nous n’obtenons pas les bons coups de main au bon moment. « La vie » n’est pas juste !

Est ce de l’incroyance, est-ce de l’ignorance, peut-être les deux ?

On ne croit pas vraiment que Dieu est capable de connaître tous les détails de notre vie. On ignore l’amour qu’il a pour nous. Dieu ne s’intéresse pas à nous, il est trop occupé par autre chose pour faire attention à nos besoins.

Ces accusations illustrent le processus d’endurcissement de la personne : apitoiement sur soi-même, amertume, frustration, colère. Si on n’obtient pas ce qu’on veut, alors on se croit négligé ou abandonné par Dieu ; « personne ne m’aime ».
Les épreuves et les difficultés de vie sont inévitables. Mais elles ne veulent jamais dire que Dieu nous a oubliés ou ne se soucie pas de nous.

 Un Dieu éternel aux commandes : Esaïe 40.28

Ne le sais-tu pas ?
Ne l’as-tu pas entendu ?
C’est le Seigneur (YHWH), le Dieu de pérennité (d’éternité)
qui crée les extrémités de la terre ;
il ne s’épuise ni ne se fatigue ;
son intelligence est insondable.

Un peuple qui ne comprend pas

Le prophète introduit au verset 28 une  2ème série de questions adressées à son peuple 
Ne le sais -tu pas, n’as-tu pas entendu, c’est à dire, ne comprends-tu- pas?
La connaissance de Dieu du peuple est inadaptée et peu profonde. Sa pratique extérieure superficielle a fermé et endurci les cœurs

Le Seigneur dit : Ainsi, quand ce peuple s’approche de moi, 
il me glorifie de la bouche et des lèvres, mais son cœur est loin de moi, 
et la crainte qu’il a de moi n’est qu’un commandement appris des hommes
. (Esaïe. 29.13).

La nature insondable de Dieu

Le prophète affirme la nature insondable de Dieu. L’Éternel est Dieu de toute éternité. Sa stratégie s’étend dans la durée. Elle ne se limite pas au présent. Il ne compte pas en mesures humaines mais en dimensions cosmiques à la mesure et à la distance du ciel (Esaïe 40.12) et des étoiles (Esaïe 40.26)

C’est lui, Dieu,  qui crée les extrémités de la terre

Lui seul peut mesurer l’étendue des océans, peser montagnes et collines (Esaïe 40.12 ) Son œuvre de création mais aussi sa providence s’appliquent à tous les pays et à toutes les créatures de la terre et pas seulement à Israël. Il a des projets pour l’Assyrie puis pour Babylone ; il en aura plus tard pour la Perse avec Cyrus aussi bien que pour Israël.
Israël restreint son droit, sa justice au cadre de son petit pays. Son sens limité du temps exige une satisfaction immédiate.

Dieu ne s’épuise ni ne se fatigue

Même après avoir déployé les cieux comme une tente (v. 22), avoir fait marcher en ordre l’armée des astres (v. 26) (Version Semeur)

Il est indépendant et n’a pas besoin de notre aide

« De qui Dieu a t-il pris conseil pour se faire éclairer ? (v.14) (Version Semeur)
Les nations sont comme des gouttes dans un seau , comme un grain de sable (v. 15) … Elles ont pour lui la valeur du néant et du vide (v. 17) La puissance de l’Assyrie et de Babylone peut paraître terrifiantes, ces empires ne sont rien devant Dieu. Leurs rois, il les réduit à néant, comme des fétus de paille (v. 23-24).

Dieu donne force et courage : Esaïe 40.29-31

Il (Dieu) donne de la force à celui qui est épuisé
et il augmente la vigueur de celui qui est à bout de ressources.
Les adolescents s’épuisent, ils se fatiguent,
les jeunes gens finissent par trébucher ;
mais ceux qui espèrent le Seigneur renouvellent leur force.
Ils prennent leur essor comme les aigles ;
ils courent et ne se fatiguent pas,
ils marchent et ne s’épuisent pas. Segond 21

A celui qui est fatigué

Il donne de la force à celui qui est fatigué, Et il augmente la vigueur de celui qui est à bout de ressources (qui tombe en défaillance, Semeur)

Cette force, appliquée à Dieu, suggère sa toute puissance.

Cette force pour celui qui est fatigué, cette vigueur pour celui qui est à bout de ressources, il les met à la disposition d’Israël.  Il les donne à tous ceux qui reconnaissent leur faiblesse, leurs limites. Il la donne même à ceux qui se croient forts, qui ont l’illusion d’être forts mais risquent de faiblir et de tomber, une fleur qui se fane, une herbe qui se flétrit.

Les jeunes se fatiguent et trébuchent

Les adolescents s’épuisent, ils se fatiguent, les jeunes gens (robustes gaillards, Semeur) finissent par trébucher

«Jeunes gens» vient d’un mot qui signifie élu, choisi pour porter les armes, donc ce sont des hommes dans la force de l’âge. 
Même les jeunes hommes, qui sont des symboles d’énergie, et les gages du  renouvellement de la nation, trébuchent et s’écroulent. La force humaine n’est pas grand chose. C’est parfois plutôt l’obstination, l’entêtement : une illusion de force.
La véritable force consiste à ne pas s’entêter dans des positions fausses, à se rendre compte de ses limites, ne pas se faire d’illusions sur ses capacités ou sa résistance à long terme mais c’est faire confiance aux capacités illimitées de Dieu.

Mais ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leur force

« Ils prennent leur essor, leur envol comme les aigles ;
ils courent et ne se fatiguent pas,

ils marchent et ne s’épuisent pas »

Se confier en l’Éternel, c’est un espoir qui attend ou une attente qui espère. La confiance se manifeste dans la durée.

Esaïe encourage ses compatriotes à persévérer dans la foi car il sait prophétiquement qu’ils seront plus tard exilés à Babylone.

Et ils auront besoin de cette foi qui espère

L’aigle prend son essor, non par la puissance de ses ailes, mais parce que  les courants du vent soulèvent ses ailerons.

Ni par la puissance, ni par la force mais par mon Esprit. (Zacharie 4.6)

Ceux qui font confiance à Dieu seront portés par l’Esprit de Dieu. Ils recevront la force et la patience nécessaires pour surmonter les moments difficiles, pour ne pas se fatiguer, ne pas faiblir, mais continuer.

A l’aube de la nouvelle année, nous faisons des projets …. Et nous voudrions les voir se réaliser.
Mais si des obstacles surviennent, …s’il nous semble que nos désirs en se réalisent pas …

Ne campons pas sur nos droits … et ne tombons pas dans la dépression. Mais … gardons le silence devant l’Éternel et espérons en lui (Psaume 37), … nous soumettant à Dieu à l’exemple du Christ (1 Pierre 2. 21).

 

C. Streng

Dietrich Bonhoeffer : réflexions sur son temps

Réflexions sur son temps, philosophiques et théologiques

Dans les réflexions sur son temps intitulées « 20 ans plus tard », Bonhoeffer essaie de s’expliquer la situation absurde de l’Allemagne des années 40.

Sans citer de noms, il fait des allusions assez claires pour être compris. On les retrouve parfois mot pour mot dans son Ethique.

Les valeurs sont bouleversées. Le plus fort – le parti nazi au pouvoir – dicte sa loi et l’homme discipliné – l’Allemand connu pour son sens de la discipline – est prêt à obéir au diable en personne, c’est à dire Hitler et ses comparses (1).

Celui qui résiste est prêt à sacrifier toutes ses valeurs au nom d’un appel de Dieu seul à une action obéissante et responsable(2), même si cette obéissance s’oppose à l’ordre imposé et doit trouver l’équilibre entre absence de scrupule et scrupulite ou excès de scrupule paralysant(3).

Dieu demande une action responsable dans le libre risque de la foi et il accorde son pardon à celui qui devient pécheur par cette même action (4)

Le groupe de conjurés, certains aux plus hauts postes de l’Etat, avec plusieurs des membres de la famille de Bonhoeffer et des amis(5) préparèrent contre Hitler les attentats, qui tous malheureusement échouèrent. Au-delà des hommes, le Seigneur dirige l’histoire, crée le bien à partir du mal (6). Mais que faire quand le mal l’emporte ?

Dangers de la sottise et du conformisme

Bonhoeffer souligne ensuite les dangers de la sottise, une forme spéciale des circonstances historiques sur l’homme. Cette sottise l’entraîne par conformisme à n’importe quelle mauvaise action: le vote populaire qui a entraîné la prise de pouvoir du parti nazi, l’antisémitisme par imitation ou lâcheté.

La puissance des uns a besoin de la sottise des autres…Mais des hommes pourront être abîmés pour toujours (7). Un acte extérieur de libération s’impose et pour cela, pas besoin de l’avis des autres. La question ne se pose pas pour l’homme responsable.

Selon la justice immanente, le mal très rapidement s’avère stupide et inefficace (8)…Le respect des lois qui dirigent la vie humaine est incontournable, sauf nécessité absolue (9).

Peut-être est-ce une allusion aux lois sur l’euthanasie ou la stérilisation des handicapés promulguée par le régime nazi (10).

Pour lui, prière et action ensemble permettent de voir accéder aux responsabilités de l’Etat les hommes indispensables dans les situations difficiles.

Garder des distances

Pour éviter une anarchie des valeurs, Bonhoeffer demande aux chrétiens de garder des distances en un temps où des représentants de toutes les classes sociales deviennent plébéiens (vulgaires) et où une noblesse formée d’hommes de toute la société (11) subsiste par le courage, le respect de soi et des autres, des humbles et des grands (12), par la recherche de la qualité, antidote au nivellement.

Le chrétien, un instrument entre les mains du Seigneur de l’histoire

Devant la souffrance, une attitude passive n’est pas chrétienne, même si on n’est pas responsable de toute la misère du monde. Nous sommes des instruments dans les mains du Seigneur de l’histoire (13).

Depuis la guerre, l’idée de la mort nous est familière, notre vie est brisée et pourtant la mort ne peut plus nous surprendre.

Aujourd’hui, pour beaucoup, l’impossibilité de faire un plan pour leur vie aboutit à une déchéance irresponsable ou à l’échappatoire de la rêverie.

Penser et agir pour la nouvelle génération, … voilà l’attitude… à conserver (14), avec l’optimisme, une force de l’espoir pour ne pas abandonner l’avenir à l’adversaire mais le revendiquer pour soi (15)

Appel à la maturité

Bonhoeffer va développer cette perspective dans deux lettres de 1944 où il demande pour la nouvelle génération la maturité qui consiste à avoir son centre de gravité là où on se trouve et de ne pas faire des désirs inexaucés des obstacles pour soi-même et les autres. Il peut y avoir une vie accomplie malgré beaucoup de désirs inexaucés.

Le monde entre les mains de Dieu

Même si la guerre, qui détruit la nuit, au sens propre et figuré, ce qui a été construit le jour, rend la vie informe et fragmentaire, même si on ne peut plus construire son avenir sur les certitudes du passé, en vue d’un but (17), même si on n’est plus assuré d’avance, du résultat de n’importe quelle action, cette génération-là devra découvrir à travers privations, douleurs, et mise à l’épreuve de la patience (18), que le monde est entre les mains de Dieu et qu’il lui faut se contenter de garder son âme vivantede la sauver du chaos comme d’une maison en feu – au milieu de l’effondrement des biens de la vie (19) .

Ces paroles prophétiques ont été réalisées par l’invasion des troupes alliées, et l’effondrement du régime hitlérien qui a entraîné dans une apocalypse volontaire la terrible destruction des centres vitaux du pays  et la mort d’une grande partie de ses habitants.

Sens des responsabilités et engagement

Mais elles ont été réalisées aussi avec les générations suivantes dont certaines élites ont sans doute découvert la nouvelle relation demandée entre sens de la responsabilité et engagement (20).

Par la reconnaissance de leur responsabilité ou de leur lâcheté collectives ainsi que celle de la culpabilité de leurs dirigeants de la période nazie (21), elles ont pu reconstruire sur des bases saines ce qui semblait perdu dans une décadence irrémédiable.

Jusqu’à aujourd’hui, l’Allemagne s’est bien reconstruite, économiquement et socialement, peut-être encore mieux que les autres.

Mais aussi comportements infantiles et égocentriques

Bonhoeffer remarque aussi dans son entourage, des gens qui se cramponnent à leurs désirs … sont fermés à l’amour du prochain (22) et ont des comportements tout à fait infantiles et égocentriques :

J’observe ici, toujours à nouveau, qu’il y a peu d’hommes capables d’héberger en eux simultanément beaucoup de sentiments quand les avions approchent, ils ne sont que peur ; quand ils ont quelque chose de bon à manger, leur avidité triomphe; lorsqu’un désir reste inassouvi, ils ne sont que désespérés et lorsque quelque chose réussit, ils ne voient plus rien d’autre. Ils passent à côté de la plénitude de la vie (23).

Qu’en est-il de ces gens – et il faut penser ici à l’ensemble du monde occidental – qui règlent toute leur existence au niveau de leurs désirs et qui sont passés, sans réflexion de la misère au matérialisme des années 60 ?

Quelle annonce de la Parole ?

Comment annoncer la Parole dans un monde – ici l’Allemagne – où beaucoup  n’ont plus vu Dieu mais une religion officielle complice d’une idéologie destructrice aux mains d’un pouvoir oppresseur ?

La religion s’était discréditée en Allemagne, et, dans la Résistance, Bonhoeffer avait aussi rencontré des gens engagés dans une cause juste, sans être chrétiens.

Le christianisme et le Christ aujourd’hui

Il pose donc la question de savoir ce qu’est le christianisme, et qui est le Christ, pour nous aujourd’hui (24)…. Il distingue le Christ et la religion.

Υ a-t-il des chrétiens sans religion? Qu’est-ce qu’un christianisme irréligieux? Comment former une ecclesia (Eglise), sans nous considérer comme des appelés, des privilégiés sur le plan spirituel, mais bien plutôt comme appartenant pleinement au monde? (25)

Il répond qu’alors, le Christ ne sera plus l’objet de la religion, mais réellement le Seigneur du monde (26)

Il reste profondément attaché au Christ, sa foi est christologique :

Tout découle des mots « en lui ». Tout ce que nous sommes en droit d’attendre de Dieu et de demander dans nos prières se trouve en Jésus-Christ. Le Dieu de Jésus Christ n’a rien à faire avec …un dieu tel que nous l’imaginons (27).

Rejet du dieu bouche-trou et de la religion magique

Ce Dieu imaginaire, c’est celui de la connaissance encore imparfaite, du désir non comblé des hommes, un dieu bouche-trou repoussé aux limites des connaissances humaines.

Nous avons à trouver Dieu dans ce que nous connaissons et non pas dans ce que nous ignorons (28).

Dieu veut être reconnu non dans nos frustrations, nos échecs et nos péchés, mais quand tout va bien pour nous et que nous n’avons même pas l’idée de nous confier en lui, parce que nous pensons nous suffire à nous-mêmes.

Nous n’avons pas le droit de le rejeter à la limite de nos questions irrésolues. Dieu ne se laisse pas mettre en une équation que l’on pourrait faire disparaître en la résolvant, comme des problèmes humains résolus par le progrès. Il restera toujours au moins une inconnue.

C’est ce que Bonhoeffer explique par son refus qu’on introduise Dieu en fraude et sa demande qu’on reconnaisse le caractère adulte du monde (29). Il refuse une religion magique, qu’on ne propose qu’aux moments de crise, pour résoudre des problèmes.

Le chrétien, entre les mains de Dieu

Il demande au chrétien, non d’être un homo religiosus (homme religieux) mais un homme, comme Jésus l’était…

conscient de la présence de la mort et de la résurrection.., qui a renoncé complètement à devenir quelqu’un pour vivre dans la multiplicité des tâches … et des perplexités du monde. Alors on se met pleinement entre les mains de Dieu, on prend au sérieux non ses propres souffrances mais celles de Dieu dans le monde… C’est ainsi qu’on devient un homme, un chrétien (30).

Notes
1. Résistance et Soumission, p. 2 ; Ethique, p. 45.
2. Résistance et Soumission, p. 4
3. Résistance et Soumission, p. 4
4. Résistance et Soumission, p. 4
5. L’amiral Canaris, le général Von Hase, son frère Klaus et ses deux beaux-frères
6. Résistance et Soumission, p. 6
7. Résistance et Soumission, p. 7
8. Résistance et Soumission, p. 8
9. Résistance et Soumission, p. 9
10. Ethique, p. 128,130

11. Résistance et Soumission, p. 11
12. Résistance et Soumission, p. 12
13. Résistance et Soumission, p. 14
14. Résistance et Soumission, p. 16
15. Résistance et Soumission, p. 15
16. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 109
17. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 135
18. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 136
19. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 135
20. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 136

21. En particulier l’extermination des Juifs
22. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 109
23. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 140
24. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 119
25. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 120,121
26. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 121
27. Résistance et Soumission, 21 août 1944, p. 183
28. Résistance et Soumission, 25 mai 1944, p. 141
29. Résistance et Soumission, 8 juillet 1944, p. 158
30. Résistance et Soumission, 21 juillet 1944, p. 168,169

C. Streng

L’esprit d’adoption – Jésus Christ révèle Dieu

La promesse de Dieu le Père dans Jean 14. 26-27

L’esprit d’adoption est une promesse qui place le croyant dans une relation filiale avec Dieu  Elle est la source de nombreuses bénédictions pour le croyant et l’Eglise. Voici en quoi elle consiste et comment elle détermine notre relation avec Dieu notre Père.
Précédemment, Jésus, parlant avec ses disciples avait dit :
Je ne vous laisserai pas seuls comme des orphelins, je me tiendrai auprès de vous (Jean 14.18)

Mais le consolateur, l’Esprit -Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble point, et ne s’alarme point.

 

Quelles sont les caractéristiques d’un orphelin?

C’est un enfant qui  a perdu ses parents, ou l’un d’entre eux, très tôt dans sa vie.
Les spécialistes de la petite enfance décrivent la réalité de ce handicap et la souffrance qu’il génère dans la vie : sentiment d’abandon, de rejet, de frustration et de colère, de solitude aussi.

Un comportement d’orphelin en contradiction avec l’Esprit d’adoption donné par Dieu

Dans notre vie de chrétien, il nous arrive, par moments, d’adopter un tel comportement d’orphelin et d’éprouver les mêmes sentiments. Ce ressenti est en contradiction avec l’ esprit  d’adoption reçu du Père.
Car l’Esprit que vous avez reçu n’est pas un Esprit qui vous rendrait esclave et vous remplirait de peur,

Romains 8.15
Et vous n’avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte; mais vous avez reçu un esprit d’adoption, par lequel nous crions: Abba ! Père !

Les chemins qui mènent au comportement d’orphelin sont ceux que par nature, nous aimons particulièrement :
• le désir d’autonomie puis de rébellion, enfin de désobéissance face aux directives de la Parole de Dieu
• la pratique de vains efforts en vue du salut qui se substitue progressivement dans notre vie à l’oeuvre de grâce de Jésus-Christ à la croix
• une connaissance de  Dieu cantonnée à  notre intelligence et qui n’irrigue pas la totalité de notre être ( le coeur, le grand absent)

Ces comportements nous conduisent à la mentalité d’esclave et au statut d’orphelin.
Si nous sommes conscients de nous être égaré sur un tel chemin, il est indispensable de nous en repentir, de le confesser puis d’accueillir le pardon de Dieu, peut-être en demandant l’accompagnement d’un(e) autre chrétien(ne)

Quel est le rôle du Saint Esprit dans une vie de chrétien?

Voici quelques termes qui décrivent son action : défenseur, soutien, consolateur, avocat. Il s’agit de  différentes facettes de la même personne.
Le Saint-Esprit nous permet de travailler ensemble et de vivre en Eglise. Il rend témoignage à notre esprit que nous sommes fils et filles du roi des rois. Quel sentiment de sécurité et de paix de la part du Christ qui nous soutient contre les accusations de Satan !
Il nous apprend également à connaître la personne de Jésus Christ, l’unique chemin qui mène à Dieu le Père
Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Jean 14.6

Jésus-Christ mis au centre

L’Esprit ne cesse pas de mettre Jésus au centre, de rappeler son enseignement et l’importance du salut qu’il a accompli à la croix.
Le Saint-Esprit nous équipe, certes et il nous assiste comme défenseur, mais surtout, il braque le projecteur sur la personne de Jésus-Christ.
Jean 1.14-18

Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.
Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié: C ‘est celui dont j’ai dit: Celui qui vient après moi m ‘a précédé, car il était avant moi.
Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce;
car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus -Christ. Personne n’a jamais vu Dieu; Dieu le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.

Ce texte, en relation avec la naissance de Jésus,  a des accents tout particuliers

• Jésus-Christ, bien avant la création du monde existait déjà de toute éternité.
• Rien de ce qui a été créé n’ a été fait sans lui.
• Il a choisi, en accord avec son Père, de quitter les lieux célestes et l’intimité de leur relation pour habiter parmi les êtres humains que nous sommes.
• Il est dit de lui qu’il a vécu parmi nous « plein de grâce et de vérité »

Exode 34.6, une déclaration d’amour de Dieu envers l’humanité

Cela rappelle la déclaration d’Exode 34.6 dans lequel Dieu se présente à Moïse lors du renouvellement de l’alliance :

Et l’Éternel passa devant lui, et s’écria: L’Éternel, l’Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité.

Dans cette identification de Dieu par lui-même, nous percevons déjà tout l’amour inlassable de Dieu pour l’humanité.

Une alliance plus excellente scellée par le sang de Jésus-Christ à la croix

Jésus a inauguré une alliance encore bien plus excellente, scellée de son propre sang à la croix.
C’est Dieu lui-même qui s’est offert à travers son Fils bien aimé en qui il a mis toute son affection (Matthieu 3.17). A travers Moïse et la première alliance, Dieu a communiqué sa Loi. A travers Jésus-Christ, son bien-aimé, c’est l’oeuvre de la grâce, toute suffisante et parfaite qui s’est révélée.
Nous ne sommes plus des orphelins car

…je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu ‘il demeure éternellement avec vous, (Jean 14:16)

Voilà la paix qu’il nous donne pour l’année qui s’ouvre.

Ne soyons donc ni inquiets, ni effrayés mais accueillons cette paix que Dieu nous donne pour vivre la nouvelle année.
Jésus-Christ n’est plus physiquement présent parmi les siens, mais il est encore bien plus présent par son Esprit-Saint. Ainsi, nous ne sommes pas orphelins mais adoptés, aimés, chéris par notre bon Père céleste.
Jésus a vécu parmi les siens, plein de grâce et de vérité. Que nos paroles et nos actes aient la même saveur de « grâce et de vérité »
Mettons Jésus au centre de notre enseignement, de notre vie d’Eglise et de nos relations, par l’assistance du Saint-Esprit.

W. Kreis