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Bonhoeffer en prison à Tegel – entre résistance et soumission

Bonhoeffer en prison à Tegel

Vie en commun limitée mais efficace

Quelques privilèges mais peu d’illusions

Quand on se rendit compte, après quelques jours, des relations de famille de Bonhoeffer, sa situation en prison à Tegel s’améliora : une cellule plus spacieuse, des rations plus abondantes qu’il refuse par solidarité avec les autres détenus, une promenade quotidienne avec le capitaine de la prison.
Il fait remarquer l’obséquiosité de ceux qui l’insultaient peu avant : Je n’en fus pas moins honteux pour les autres, ce fut pénible (p. 56).
Avec un certain humour d’ailleurs, il évoque la visite de son oncle Paul (1).

Il peut recevoir des visites, des colis, des livres, écrire du courrier, parfois non censuré (4e dimanche de l’Avent, p. 85). Il passe du temps à l’infirmerie non seulement pour des soins qu’on lui accorde (le 31 octobre 1943, p. 46 et le 20 novembre 1943, p. 68). Mais, après le bombardement de la fin novembre 1943 sur Borsig le 27 novembre 1943, (p. 71), il y apporte son aide.

Situation désastreuse des prisonniers

Il est autorisé à faire un rapport sur la situation désastreuse où ont été laissés les prisonniers:

Une fusée a éclaté à vingt-cinq mètres d’ici; les vitres ont sauté ; l’infirmerie a été privée de lumière; à part nous, qui y étions, personne ne s’occupait des détenus qui appelaient au secours ; mais nous étions peu efficaces dans l’obscurité.
Dans ce récit, je montre la nécessité de prendre des mesures sanitaires lors des alertes. J’espère obtenir quelque chose, car je serais heureux d’être utile d’une manière quelconque en m’adressant au service compétent( Résistance et Soumission, 28 novembre 1943 p. 73).

Discussions sympathiques

Il est amené à avoir des entretiens, des discussions sympathiques (Résistance et Soumission, 28 novembre 1943, p. 72 et 73)

Les détenus qui travaillent à la cuisine ou dehors l’après-midi se transmettent la nouvelle que je suis à l’infirmerie et ils cherchent alors quelque prétexte pour monter, parce qu’ils trouvent agréable de s’entretenir avec moi. Cela n’est naturellement pas autorisé, mais j’ai eu du plaisir à l’apprendre

Il est même traité parfois avec considération :
Le sous-officier, qui m’a ramené dans ma cellule; m’a dit en me faisant ses adieux, avec un sourire gêné…: Priez donc, monsieur le pasteur, pour que nous n’ayons pas d’alerte aujourd’hui(Résistance et Soumission, 2° dimanche de l’Avent, p. 75).

Et il sait se faire respecter, même par ceux qui n’en auraient pas eu envie(Résistance et Soumission 22 novembre 1943, p. 70).

Bonheur d’une conversation avec son ami et futur biographe Eberhardt Bethge

Quelques moments forts – un entretien seul à seul avec Eberhardt Bethge, au-delà du temps réglementaire – lui procurent  un grand bonheur.

Ta visite continue de me soutenir sans cesse. Que n’avons-nous pas évoqué et appris l’un de l’autre, pendant ces quatre-vingt-dix minutes. Je te remercie encore d’avoir réussi à obtenir cette autorisation (Résistance et Soumission, Jour de Noël 1943, p. 83).

Combat pour sa vie et la vie des autres

Il mène un combat toujours renouvelé pour préserver sa vie et ne pas compromettre celle des autres, en particulier celle de son beau frère Hans Dohnanyi, arrêté aussi le 5 avril 1943 et gravement malade (Résistance et Soumission 27 juillet 1944, p. 173)

Roeder(12) aurait bien voulu ma tête, au début, maintenant, il doit se contenter d’une accusation parfaitement ridicule, qui lui vaudra peu de gloire (Résistance et Soumission, 29 novembre 1943, p. 74).
Ces jours derniers, j’ai été de nouveau en ville (pour les interrogatoires) une ou deux fois résultat très satisfaisant! Mais comme la question du délai reste sans réponse, je cesse au fond de m’intéresser à mon affaire (Résistance et Soumission, 6 mai 1944, p.126).

Entre résistance et soumission

D’où la prise de position suivante…dont l’issue ne laisse pas de doute : Bonhoeffer ne penchera jamais du côté des lâches.

Je me préoccupe souvent de savoir où est la limite entre la résistance nécessaire contre « le destin » et la soumission. Don Quichotte est le symbole de l’obstination dans la résistance jusqu’à l’absurde, même jusqu’à la folie. Sancho Pança est le représentant de ceux qui s’accommodent adroitement et béatement d’une situation donnée. La foi exige cette attitude souple et vivante. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons supporter et rendre féconde chaque situation qui se présente à nous (Résistance et Soumission, 21 février 1944, p. 101 et 102)

Dans le camp des ennemis

Son cadre de vie illustre ainsi celui qu’il décrit dans De la vie communautaire: Pas la solitude d’un cloître, mais le camp même des ennemis (De la Vie communautaire, p. 122)·
On ne lui accorde ni aumônier (Résistance et Soumission,18 novembre 1943, p. 61), ni culte dans une communauté chrétienne visible; mais il vit ainsi cette situation :

la fraternité chrétienne n’est pas un idéal humain mais une réalité donnée par Dieu ; elle est d’ordre spirituel et non pas psychique … C’est une réalité créée par Dieu à laquelle il nous est permis d’avoir part (De la vie communautaire, p. 21 et 26).

Résistance allemande au nazisme

A suivre

Notes 
(1) Résistance et Soumission, p. 155 : le général von Hase, commandant de la place de Berlin dont dépendait la prison de Tegel. Condamné à mort et exécuté pour sa participation à la conjuration contre Hitler
(12) Conseiller du tribunal militaire, chef de l’instruction du procès

C.Streng

Résistance et soumission – Dietrich Bonhoeffer pasteur sous le régime nazi

Résistance et soumission, lettres et notes de captivité de Bonhoeffer

Résistance et soumission a été publié aux  éditions Labor et Fides en 1963 et rééditée en 2006. L’édition originale allemande Widerstand und Ergebung, date de 1951. Le livre  a été composé par  Eberhardt Bethge,  son ami et biographe, à partir des lettres écrites par Bonhoeffer, à la prison de Tegel à Berlin.

Bonhoeffer, un pasteur allemand, résistant au nazisme

Dietrich Bonhoeffer (4 février 1906-9 avril 1945) est un théologien luthérien allemand et un pasteur de l’Eglise confessante. Cette Eglise refuse tout lien entre christianisme et nazisme.

Dès la prise du pouvoir par Hitler, il prend position contre ce régime politique, à cause des mesures d’exclusion qui interdisent aux Juifs tout emploi dans l’administration.

En 1938, il se joint secrètement au réseau de résistance de l’amiral Wilhelm Canaris, alors chef de service du contre-espionnage de l’armée allemande.  Officiellement agent du contre-espionnage, Bonhoeffer voyage en Suisse et en Suède pour faire connaître aux Alliés l’opposition existante contre Hitler, mais sans succès.

Arrêté en avril 1943, sous prétexte d’avoir voulu échapper au service armé grâce à ses déplacements, Bonhoeffer est emprisonné à Berlin Tegel jusqu’en octobre 1944. Il aurait pu être libéré si son procès avait eu lieu assez tôt.

Après l’échec de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, on découvre dans les archives du contre-espionnage de Canaris des documents secrets s’opposant au régime, avec les noms des participants, dont Canaris et Bonhoeffer.

Il est transféré dans une prison de la Gestapo puis déporté dans divers camps de concentration. Il est exécuté le 9 avril 1945 au camp de Flossenbürg, en Bavière, avec les membres du réseau Canaris

Résistance et soumission sera vu dans une approche thématique à trois axes :

1 souffrances et dignité d’un prisonnier

2. vie en commun limitée mais efficace,

3. réflexions philosophiques et théologiques d’un chrétien lucide sur son temps et les relations de l’homme avec Dieu.

Il fera quelques allusions comparatives à l‘Ethique et à De la Vie communautaire.

Souffrances et dignité d’un prisonnier politique

Emprisonné le 5 avril 1943 à Tegel, Bonhoeffer organise sa vie en cellule. Il essaie de maintenir son équilibre psychique avec un emploi du temps quotidien détaillé dans la lettre du 13 octobre 1943[1]. Il y applique sans doute le modèle et les principes de  la journée du Fidèle de sa  Vie communautaire [2]

Si des chrétiens peuvent vivre dans une communauté déjà visible sur la terre, ce n’est que par anticipation au Royaume à venir.  Les prisonniers, les malades, les isolés de la dispersion, les prédicateurs missionnaires sont seuls. Cependant, ils saisissent par la foi ce qui leur est refusé en tant qu’expérience. .. La vie entre chrétiens est un don du royaume de Dieu qui peut nous être repris chaque jour, et nous pouvons d’un instant à l’autre être précipités dans la solitude la plus totale[3].

Adaptation à la solitude par la méditation et la prière

II s’adapte à sa solitude forcée : En refusant d’être seul, tu rejettes l’appel que le Christ t’a adressé personnellement[4] . Il accepte son sort[5] : Nous n’avons pas d’autre possibilité que d’attendre patiemment et sans nous aigrir, dans l’espoir que tous font ce qu’ils peuvent pour clarifier la situation au plus vite ».[6]

Ainsi, par la méditation quotidienne[7].. .et la prière personnelle[8], le recueillement. . .il  a réussi à faire pénétrer si profondément la parole de Dieu dans le cœur du fidèle, qu’elle peut le soutenir et le fortifier tout le long du jour »[9] : il lit et médite sa Bible, se récite les Cantiques de Paul Gerhardt, un compositeur allemand de cantiques du 17e s[10].

Reconnaissance pour les petits bonheurs

Dès qu’il a le droit d’écrire, il rassure ses parents : Il dispose de sa Bible, rendue au bout de trois jours, de journaux… de livres de la bibliothèque, de papier à lettres[11]. II parle de ses lectures : Stifter dont les personnages sympathiques ont une influence bienfaisante[12] . Il se rappelle avec émotion le passé heureux : soirées d’été, fêtes de famille … [13] ; il exprime sa reconnaissance pour une journée qui… apporte des lettres[14].

C’est une sensation étrange de dépendre absolument . .. du secours des autres. Mais une telle situation vous apprend à être reconnaissant . . . Seule la gratitude enrichit une vie[15]

Difficultés de l’incertitude

Mais son isolement de prisonnier et surtout l’incertitude sur son avenir sont plus pénibles qu’il ne veut l’avouer. Son impatience devant les retards et ajournements de son procès, il l’attribue au désir d’organiser sa vie :

Je préférerais qu’on nous dise d’emblée la durée probable de la détention, J’aurais pu développer mon travail tout autrement et le rendre ainsi plus fécond[16]

mais il le regrette presque aussitôt :

En relisant cette lettre, je constate que le ton en est mécontent. Ce n’était pas mon intention et cela ne correspond pas à la réalité. Autant je désire sortir d’ici, autant je sais qu’aucune de ces journées n ‘est perdue[17] .

Entre la « douche écossaise de l’espoir ; Il semble que ma situation va évoluer, et j’en suis très heureux[18] et,  de la déception due aux atermoiements :

Le fait qu’on veuille me laisser passer Noël ici dépasse mon entendement [19], :

Lorsqu’on vous assure avec précision que votre affaire sera close en juillet 1943, puis en septembre 1943 dernier délai, et que les mois passent sans que rien n ‘arrive, …on tombe finalement, malgré tous les efforts de patience et de compréhension, dans un état où il vaut mieux ne pas écrire des lettres [20].

Il exprime sa gratitude pour l’éducation familiale qui l’a préparé à de telles circonstances. Ce n’est qu’en de tels moments qu’on découvre le prix d’un passé et d’un héritage intérieur qui sont indépendants du changement des temps et des circonstances[21]

Il refuse l’apitoiement, des autres et de lui-même :

Je sens en moi une vive résistance en lisant dans certaines lettres des allusions à ma souffrance. ». On n’a pas le droit de dramatiser les choses. Maints aspects de la vie d’ici sont abominables, bien entendu; mais où n’est-ce pas le cas [22]?.

Nostalgie

Pourtant, le 15 mai 1943[23], la nostalgie contenue s’échappe ;

Tout à coup, la paix et le calme sont ébranlés, – « comme par une irruption de puissances mauvaises » « et le cœur devient cette chose obstinée et abattue qu’on ne peut sonder[24].

Combien lui manque, « dans l’atmosphère glaciale de la captivité, la chaleur qui provient de l’affection d’une femme et d’une famille[25].

Fiancé à Maria von Wedemeyer, juste avant son arrestation, il mentionne ses visites par un M. discret[26].

Mais après s’être excusé auprès de son ami, avec beaucoup de retenue, d’écrire un peu de poésie… le tout …en quelques heures et pas remanié… Je refoulerai éventuellement de tels élans à l’avenir, et je passerai mon temps de façon plus utile »[27], il laisse exploser dans son poème « Le passé »[28], composé après de brèves visites suivies d’une longue séparation[29] les sentiments passionnés qui n’ont jamais pu s’exprimer librement.

Tu t’en allas, bonheur bien aimé et douleur chèrement aimée.
Comment t’appellerai-je ? Détresse, vie, félicité,
Part de moi-même, mon cœur,- mon passé?
La porte se referma.
J’entends tes pas s’éloigner et se perdre lentement.
Que me reste-t-il? De la joie, du tourment, du désir?
Je sais seulement: tu t’en allas – et tout est passé….

Détresse profonde

C’est aussi à l’ami qu’il confie la détresse profonde de sa véritable situation

Malgré tout ce que j’ai pu écrire, c’est horrible ici; …des impressions atroces me poursuivent …  je ne me remets qu’en me récitant d’innombrables strophes de cantiques…et la journée commence par un soupir plutôt que par une louange de Dieu….. J’ai l’impression d’avoir vieilli de plusieurs années sous l’effet de ce que je vois et entends; le monde devient un fardeau que je prends souvent en dégoût[30]

Il la décrit plus précisément dans le rapport des premiers jours de sa détention : une cellule aux couvertures puantes…un morceau de pain jeté à terre… des insultes et des moqueries, ni correspondance, ni visites, ni promenades .. .[31]

A-t-il été tenté par l’idée du suicide ? Il l’évoque peut-être dans la première lettre à Eberhardt Bethge :

J’ai été gardé, pendant ces journées, de toute tentation grave. Acedia – tristitia, (la tristesse amère)  avec ses conséquences menaçantes, m’a souvent tendu un piège.

C’est avec la résolution de la repousser.

Mais dès le début, je me suis dit que je ne ferai ce plaisir ni aux hommes ni au diable; qu’ils s’en chargent eux-mêmes s’ils le désirent; j’espère tenir bon, de ne pas se poser de questions sans réponses, si c’était vraiment pour la cause du Christ. Il est certain que sa mission consiste justement à accepter une situation … ambiguë [32].

Choix assumés

Il n’y fera plus allusion par la suite. Au contraire, il assume totalement ses choix :
La cause pour laquelle je serais condamné est si indiscutable que je ne pourrais  qu’en être fier[33]. Sache que je n’ai jamais regretté un seul instant mon retour en 1939[34] ou quoi que ce soit de tout ce qui est arrivé ensuite. J’ai agi dans une sérénité absolue et en toute bonne foi…. Que je sois arrêté maintenant,.: s’inscrit dans la participation au destin de l’Allemagne[34].

A suivre

[1] Résistance et Soumission, 4 juin 1943, p. 30
[2] De la Vie communautaire, p. 75 s
[3] De la Vie communautaire, p. 13,14
[4] De la Vie communautaire, p. 75
[5] Résistance et Soumission, 5 mai 1943, p. 19
[6] Résistance et Soumission, 14 juin 1943, p. 31
[7] De la Vie communautaire, p. 80 s
[8] De la Vie communautaire, p. 84 s
[9] De la Vie communautaire, p. 88
[10] Résistance et Soumission, 14 avril 1943, p. 17
[11] Résistance et Soumission, p. 17
[12]Résistance et Soumission. 4 juin 1943, p. 30
[13] Résistance et Soumission, 3 juillet 1943, p. 34
[14] Résistance et Soumission, 13 septembre 1943, p. 40
[15] Résistance et Soumission, 13 septembre 1943, p. 40
[16] Resistance et Soumission, 25 septembre 1943, p. 41
[17] Résistance et Soumission, 25 septembre 1943, p. 42
[18] Résistance et Soumission, 22 octobre 1843, p. 44
[19] Résistance et Soumission, 7 décembre 1943, p. 49
[20] Resistance et Soumission, 20 février 1944, p. 51
[21]Résistance et Soumission, 7 décembre 1943, p. 49
[22] Resistance et Soumission, 3 mars 1944, p. 109
[23] Jour du mariage de son ami et futur biographe Eberhard Bethge avec sa nièce Renate Schleicher
[24]Résistance et Soumission, 15 mai 1943, p. 21
[25]Résistance et Soumission, 14 juin 1943, p. 32.
[26] Résistance et Soumission, 5 mai 1943, p. 19, 25 décembre 1943, p.30,4 février 1944, p. 96
[27] Ibid.
[28 ] Résistance et Soumission, p, 190 s
[29] Résistance et Soumission, 5 juin 1944, p. 143
[30] Résistance et Soumission, 15 décembre 1943, p. 78
[31] Résistance et Soumission, Récits de captivité, p. 54
[32] Résistance et Soumission 18 novembre 1943, p. 61
[33] Ibid., p. 63
[34] De New York où il n’est resté que quinze jours en juin 1939, préférant partager le sort de ses compatriotes
[35] Résistance et Soumission, 22 décembre 1943, p. 86

C. Streng

Parabole de la mauvaise herbe (ou ivraie) et de la bonne semence

Le sens des paraboles

Avant d’évoquer la parabole de la mauvaise herbe, écoutons ce que dit Jesus du sens des paraboles
Matthieu 13. 10 17;

Les disciples s’approchèrent, et lui dirent : pourquoi leur parles-tu en paraboles ? Jésus leur répondit : parce qu’il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des cieux, et que cela ne leur a pas été donné.

C’est pourquoi je leur parle en paraboles, parce qu’en voyant ils ne voient point, et qu’en entendant ils n’entendent ni ne comprennent. Et pour eux s’accomplit cette prophétie d’Esaïe :
« Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point ; vous regarderez de vos yeux, et vous ne verrez point. Car le coeur de ce peuple est devenu insensible ; ils ont endurci leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux, de peur qu’ils ne voient de leurs yeux, qu’ils n’entendent de leurs oreilles, qu’ils ne comprennent de leur coeur, qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse. »

Mais heureux sont vos yeux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent! Je vous le dis en vérité, beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

La souveraineté de Dieu

La première chose à souligner c’est la souveraineté de Dieu dans la révélation de sa personne. Le moment et le moyen utilisés par Dieu pour parler au cœur d’un homme lui appartiennent ; ils ne sont donc pas de notre ressort, mais de celui de Dieu

Parabole à double effet

Selon Jesus la parabole a un double effet :

Pour ceux dans le cœur reste incrédule, elle reste voilée. Elle devient même une parole de jugement et un témoignage à charge contre eux. Mais pour celui ou celle qui est honnête et sincère dans sa recherche de vérité et de guérison, la parabole prend tout son sens. Elle permet d’avancer sur un chemin de restauration.

Endurcissement ou progrès dans la connaissance de Jésus-Christ

Les pharisiens remplis de préjugés défavorables à l’égard de Jésus ont endurci leur cœur et se sont détournés de la vérité. En revanche les disciples, désireux de mieux saisir l’enseignement du maître ont dans la connaissance et l’intimité de la personne de Jésus. Oui, bien sûr, il y a eu des maladresses, des ratés et des retours en arrière mais ils sont restés dans une dynamique de progression et d’obéissance.

De nos jours, il ne faut pas s’étonner des réactions des personnes à qui nous rendons témoignage. Parfois le courant passe bien mais pas toujours. C’est aussi le rejet ou l’écoute polie mais sans plus, ou l’incompréhension tout simplement et nous nous imaginons à tort que nous nous y prenons mal. Peut-être parfois, mais pas toujours. Nous sous-estimons la part de Dieu et sa décision souveraine de se révéler à qui il veut

Matthieu 13.24-30
Il leur proposa une autre parabole, et il dit : Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l’ivraie parmi le blé, et s’en alla.

Lorsque l’herbe eut poussé et donné du fruit, l’ivraie parut aussi. Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire : Seigneur, n’as-tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?

Il leur répondit : C’est un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui dirent : Veux-tu que nous allions l’arracher ? Non, dit-il, de peur qu’en arrachant l’ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé.Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et, à l’époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d’abord l’ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier.

Explication de la parabole

Quelques versets plus loin, à la demande de ses disciples, Jésus donne l’explication de cette parabole :

Matthieu 13.36 -43
Alors il renvoya la foule, et entra dans la maison. Ses disciples s’approchèrent de lui, et dirent : Explique-nous la parabole de l’ivraie du champ.

Il répondit : Celui qui sème la bonne semence, c’est le Fils de l’homme ;le champ, c’est le monde ; la bonne semence, ce sont les fils du royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du malin ;l’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges.

Or, comme on arrache l’ivraie et qu’on la jette au feu, il en sera de même à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l’iniquité : et ils les jetteront dans la fournaise ardente, où il y aura des pleurs et des grincements de dents.

Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

Reprenons les différents éléments de ce tableau agricole

L’agriculteur : Jésus-Christ

Voici un agriculteur qui décide de semer du blé dans sa parcelle. Cette personne, c’est le Fils de l’homme c’est-à-dire Jésus-Christ lui-même. C’est lui qui prend l’initiative de semer en fonction de l’époque de l’année, de la météo. Il est souverain dans sa décision.

La bonne semence : la parole de Dieu et le fruit qu’elle produit

La bonne semence, c’est d’abord la parole de Dieu qui transforme et communique la vie. Elle représente «ceux qui appartiennent au royaume». Ce sont tous ceux qui aiment et suivent le Christ, qui cherchent à vivre selon les règles du royaume.

Ce sont aussi ceux auxquels s’adresse Jésus en leur disant vous êtes « sel et lumière ». Chaque chrétien est donc une bonne semence plantée ici ou là dans la société, dans des conditions très diverses. C’est une semence de vie qui meurt puis donne du fruit «les uns 100, d’autres 60, d’autres 30 »(Matthieu 13.23)

Ainsi la semence a une double identité ; c’est la parole de Dieu et le fruit qu’elle produit dans l’humanité. Nous ne parlons pas de notre propre autorité mais nous nous appuyons autant qu’il se peut sur la parole de vie.

Faut-il rappeler que l’action du semeur, le Fils de l’homme, donc Jésus est déterminante dans le développement de la plante et dans le succès de la moisson : semis régulier, au bon moment, sur un terrain bien préparé. La part de Dieu est incontournable, indispensable. La part de l’homme est de porter du fruit après un bon enracinement et une croissance régulière.

Le semeur de la nuit : le diable

Malheureusement, alors que le semis vient être effectué, survient de nuit un autre semeur, qui sème de la semence de mauvaise herbe . Cet autre semeur qui intervient, agit dans l’obscurité, c’est le diable.

La semence du diable est mortifère ; elle produit de la division et de la mésentente parmi les couples, dans les familles, dans l’Eglise. Elle se manifeste par la corruption, le vice et la violence.

Deux plantes très similaires, représentatives de la confusion entre le vrai et le faux

 

La parole de Jésus dans Matthieu 7. 15 à 17 reste d’actualité.

Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtement de brebis, mais au-dedans ce sont des loups ravisseurs. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits.

Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits

Impossible d’arracher l’une sans abîmer l’autre

Il y a lutte, concurrence entre ces deux plantes de nature très différente que sont le blé et l’ivraie.Les serviteurs du maître proposent à ce stade une solution radicale mais logique : arracher la mauvaise herbe.
Mais voilà, les racines de l’une et de l’autre sont enchevêtrées. C’est une opération risquée, dangereuse qui va causer du tort au blé.

Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et, à l’époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d’abord l’ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier.

Ce conseil est plein de sens et admirable à plus d’un titre

La patience de Dieu

Dieu attend patiemment jusqu’au tout dernier stade, c’est à dire la moisson. Le Seigneur ne désire pas la mort du pécheur mais son salut. Aujourd’hui c’est encore un jour favorable pour recevoir le pardon des péchés et accueillir une nouvelle vie en Christ.

En se laissant clouer à la croix, Jésus a satisfait la justice de Dieu et a manifesté son amour sans limite pour l’humanité. C’était la seule solution à la gangrène du péché, à cette semence de mort. Et la patience de Dieu dure depuis ce jour-là.

Trier, mais comment ?

Les serviteurs du maître de la moisson proposent une solution radicale au mal : Arracher la mauvaise herbe. Trier, d’accord mais d’après quel critère ? Est-ce que la distinction est toujours aussi facile et évidente ? Et qui peut lancer la première pierre de la condamnation ? Voilà une action délicate à mener , en tout cas pour les hommes et les apprentis du maître que nous sommes.

Seul, le Fils de l’homme, Jésus lui-même, indemne de tout péché, peut effectuer le tri au moment de la moisson. Et pourtant, parfois avec arrogance et sûrs de la légitimité de nos critères, nous entreprenons facilement ce tri.

Alors rappelons-nous que le maître de la moisson, lui, patiente jusqu’à la dernière heure, supportant le péché des hommes. À quel titre serions-nous supérieurs ou mieux inspirés. Faisons confiance à Dieu et au temps qu’il a fixé pour moissonner la terre et mettre fin à l’injustice et à l’oppression du péché.

Le tri de Dieu, avec sagesse et amour

La parabole de la mauvaise herbe nous rappelle quelle est notre place dans la société : une bonne semence qui meurt puis germe, se développe et fructifie. Le maître de la moisson choisit le moment et le lieu où est plantée cette semence. Au moment de la moisson, c’est toujours lui qui fera le tri selon sa sagesse parfaite et son amour sans faille pour le pécheur que je suis.

Romains 9.19-23

Tu me diras : Pourquoi blâme-t-il encore ? Car qui est-ce qui résiste à sa volonté ? O homme, toi plutôt, qui es-tu pour contester avec Dieu ? Le vase d’argile dira-t-il à celui qui l’a formé : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Le potier n’est-il pas maître de l’argile, pour faire avec la même masse un vase d’honneur et un vase d’un usage vil ? 

Et que dire, si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère formés pour la perdition, et s’il a voulu faire connaître la richesse de sa gloire envers des vases de miséricorde qu’il a d’avance préparés pour la gloire ?

W. Kreis