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Une énigme de Proverbes 30 résolue en Jean 3

Lire toute la Bible, même les passages difficiles

Il est recommandé de lire la Bible en entier, de préférence en alternant Ancien et Nouveau Testament. Cette lecture permet de trouver des relations, des correspondances.

Des paroles de l’Ancien Testament se réalisent dans le Nouveau, des actions de l’Ancien Testament trouvent leur explication dans le Nouveau. C’est normal puisque le plan de salut de Dieu s’étend sur toute la Bible.

Parfois, il nous arrive de tomber sur un passage qui nous paraît étrange. Nous avons le droit de dire « je ne comprends pas, je ne vois pas ce que ça veut dire ».

Mais il est important de ne pas en rester là. La difficulté doit nous pousser à chercher, à approfondir. Voici un de ces passages

Proverbes 30 : 1 à 4

Paroles solennelles d’Agour, fils de Yaqé. Voici ce que cet homme déclara à Itiel, Itiel et Oukal : 

Oui, je suis trop stupide pour un homme, je n’ai même pas l’intelligence d’un être humain. Je n’ai jamais acquis la sagesse, et je n’ai pas accès à la connaissance de celui qui est saint.

Qui est monté au ciel et en est revenu ? Qui a recueilli le vent dans le creux de ses mains ?  Qui a enveloppé les eaux dans le pli de son vêtement ?  Qui a établi les limites de la terre ? 

Quel est son nom ? Quel est le nom de son fils ? Dis-le-moi si tu le sais.

Bible en français courant

Le problème se pose surtout pour le premier verset.

Une succession de noms inconnus, Agour, Yaqé, Itiel, Oukal. A part Itiel, noté aussi dans Néhémie 11.7, on ne les trouve pas ailleurs dans l’Ancien Testament

Dans toutes les versions consultées, protestantes et catholiques, françaises, anglaises et allemandes, c’est la même chose. On retrouve les mêmes noms énigmatiques Agour, Yaqé etc.

D’abord un bref rappel historique pour éclairer la suite

L’Ancien Testament a été écrit en hébreu. Après l’exil, les Israélites vivant en Babylonie et en Égypte se sont adaptés aux langues de ces pays. L’hébreu d’origine n’est plus utilisé couramment.

On l’entend seulement dans les lectures publiques de la Torah. Alors les gens ne sont plus habitués. Ils comprennent de moins en moins.

Il faut donc traduire l’hébreu en araméen et en grec. En Égypte, vers 270 avant J.C, pour pouvoir juger les Juifs selon leurs propres lois, le souverain de l’époque, grec d’origine, demande qu’on traduise en grec l’AT hébreu. Cette traduction s’appelle la LXX

Comme en fait, ce premier verset de Proverbes 30 ne veut pas dire grand-chose, faisons un petit tour dans les traductions anciennes du texte original hébreu, d’abord la bible grecque des LXX

Surprise : La Bible grecque s’arrête au ch 29.

On retrouve le ch. 30 au ch 24 après le verset 22

Mon fils, crains mes paroles et repens toi quand tu les reçois. C’est ce que dit l’homme à ceux qui croient en Dieu. Maintenant, j’arrête.

Et regardons aussi dans la Vulgate

une version latine ancienne traduite de l’hébreu vers 391 par S Jérôme

Parole de celui qui rassemble, du fils de celui qui répand les vérités. Vision prophétique d’un homme qui a Dieu avec lui et qui, étant fortifié par la présence du Dieu qui habite en lui a dit 

Ces traductions donnent un sens au verset. Les noms étranges (Agour, Yaqé, Oukal) ont disparu. Le traducteur ne les a pas simplement plaqués tels quels. En fait ces mots hébreux ont un sens. Leur traduction précise rend le texte compréhensible.

Probablement un problème de traduction. Mais comment l’expliquer ?

Aujourd’hui nous pouvons lire un texte en français et le comprendre. Et aussi l’écouter et le comprendre.

A l’époque de l’Ancien Testament aussi, on pouvait lire un texte en hébreu et le comprendre. On pouvait aussi entendre le texte lu et tout aussi bien le comprendre.

Alors où est le problème ?

L’hébreu ancien écrit n’a que des consonnes, les voyelles ne sont pas notées. « b » peut représenter « ba », « bè », « bi », « bu », etc.). Tout le monde en ce temps-là a l’habitude de reconnaître les syllabes exactes (consonnes + voyelles) qui forment une phrase.

Mais laissons passer quelques centaines d’années. Quelles voyelles mettre entre les consonnes de l’hébreu. On ne le parle plus ! Il faut deviner, lettre après lettre, chaque syllabe écrite.

Entre le 7e et le 10e s de notre ère, les massorètes des savants juifs ont inventé les points et les traits qui représentent les voyelles. Ils les ont ajoutés aux consonnes. Cela facilite, cela rend possible la lecture de la Bible en hébreu.

Mais si le point ou le trait est mal choisi ou mal recopié, le son obtenu est différent. Et bien sûr aussi le mot et sa traduction.

De plus, dans les rouleaux de la Torah, il n’y a ni versets ni chapitres. Les consonnes sont collées en petits groupes, sans voyelles, ni ponctuation, ni indication de fin de phrase. C’est la lecture qui leur donne un sens.

Parfois, on n’arrive pas à bien séparer les différents groupes de consonnes pour en faire des mots qui forment une phrase.

La Bible est un texte inspiré. L’inspiration biblique concerne le texte original, hébreu pour l’AT, grec pour le NT. Les traductions (françaises ou autres) doivent produire un texte suffisamment fidèle et assez compréhensible pour faire profiter le lecteur de cette inspiration.

Alors, si un écueil apparaît, comme ici dans Proverbes 30, il ne faut pas pousser la poussière sous le tapis mais chercher une solution.

Quelques recherches dans divers documents … à partager avec vous

Le premier verset

En déplaçant des consonnes et en modifiant des voyelles de l’hébreu, on obtient

Diberei aegor beni qa hamassa
Retiens (rassemble) mes paroles, mon fils, reçois mon oracle


Agour, le nom propre inconnu ailleurs, devient aegor, un verbe signifiant rassembler, – Dt 28.39, Pr 6.8, 10.5

 

 

 

Fils de Yaqé devient : « mon fils, reçois l’oracle »

Le père demande solennellement à son fils de « recueillir » ou de « rassembler » ses paroles, comme un « oracle », comme une parole divine.

 

Alors celui qui parle doit être soit Dieu lui-même, soit un prophète qui délivre un message au nom de Dieu.

Dans les traductions habituelles, la suite du verset 1 se présente ainsi

dit l’Homme à Ithiel, à Ithiel et à Ucal.

Comme nous l’avons vu un peu plus tôt, il n’y a pas de noms propres dans les versions grecque et latine anciennes ;

Alors faisons aussi la traduction

Itiel : it veut dire « avec », i veut dire « moi ». El est une forme courante du nom de Dieu. Donc « Dieu est avec moi »

Itiel est répété pour expliquer sa signification (Dieu est avec moi)
Oukal veut dire « je suis capable »
« Dieu est avec moi et je suis capable »

Retiens mes paroles, mon fils, reçois l’oracle, dit l’Homme à Itiel, à « Dieu est avec moi et je suis capable »,

Lisons le verset 2

Car je suis trop brutal pour être un homme, et je n’ai pas l’intelligence humaine ;
je n’ai pas appris la sagesse, et je n’ai pas la connaissance des saints.

Selon l’interprétation la plus répandue, ces versets disent que la raison humaine est incapable de comprendre Dieu.

Celui qui parle se moque de ceux qui prétendent connaître Dieu. Il est tellement ignorant qu’il est apparemment au niveau des bêtes brutes. En l’avouant, il fait preuve d’humilité ou de désespoir.

 

Mais si on change des points voyelles, brutal ba’ar; devient brûlant ou brillant bo’ér. Donc

je brûle trop brillamment pour être un homme

 

 

On peut le prendre au sens littéral si celui qui parle est Dieu. Dans l’Ancien Testament Dieu est souvent représenté comme un feu.

Et aussi au sens figuré, de l’illumination prophétique : « je suis plus brillant qu’un homme » ou « je suis trop brillant pour être un homme »

Le fils doit conserver précieusement les paroles de son père, parce que son père brûle d’une perspicacité plus qu’humaine.

Retiens mes paroles, mon fils, reçois l’oracle, dit l’Homme à Itiel (« Dieu est avec moi »), à « Dieu est avec moi et je suis capable », car je suis plus brillant qu’un homme, et mon intelligence n’est pas humaine.

Je n’ai pas appris la sagesse, mais j’ai la connaissance des saints.

Pourquoi les paroles du père sont-elles dignes d’être conservées ?

Sa perspicacité est plus brillante et sa compréhension est plus grande que celles des hommes. Sa connaissance n’a pas été enseignée par la sagesse humaine. Elle provient d’une compréhension directe du surnaturel.

Le fils est Itiel « Dieu est avec moi » amplifié en : « Dieu est avec moi pour que je sois capable ».

Le père est « l’Homme » (Hgbr). La racine guéber « être fort, puissant » désigne un homme adulte. Puisque le père est l’Homme, son fils Itiel est « le fils de l’Homme ».

Mais qui est cet homme et qui est son fils ?

Les mots « oracle » et « parole prophétique » sont des mots du vocabulaire prophétique.

Ne’oum « Parole prophétique » introduit toujours celui qui exprime la prophétie, le prophète, ici  » l’Homme « . Elle indique aussi que Dieu est la source de la parole prophétique. Par conséquent, « l’Homme » doit être un prophète inspiré, ou Dieu lui-même.

Si l’Homme est un prophète inspiré, alors les vv. 2-3 revendiquent l’inspiration divine. Le prophète brûle d’une illumination surnaturelle. L’inspiration lui donne plus qu’une compréhension humaine. Il a une connaissance divine venue non par l’éducation, mais par une révélation directe de Dieu.

L’autre possibilité est que le mot « homme » se réfère à Dieu. Il semble étrange que Dieu soit appelé « l’Homme », mais sur les 375 occurrences du mot « parole prophétique » 364 sont suivies d’un nom divin. Occurrence, c’est le nombre de fois où un mot est utilisé dans un livre.

Les versets 2 et 3 parlent de l’intelligence divine de Dieu

Je brûle plus vivement qu’un homme s’applique mieux à Dieu qu’à un prophète. Dans la Torah, Dieu est fréquemment représenté comme un feu.

Et je n’ai pas l’intelligence humaine s’applique aussi à Dieu. Dieu n’a pas une compréhension purement humaine. Ses pensées dépassent de loin celles des hommes. Cf. Ésaïe 55.8-9.

Je n’ai pas appris la sagesse. Contrairement aux êtres humains, Dieu n’a pas besoin d’apprentissage ou d’une éducation à la sagesse. Cf. Ésaïe 40.13-14.

Pourtant j’ai la connaissance des saints. Dieu n’a pas besoin d’une éducation pour avoir une connaissance divine.

Mais pourquoi Dieu est-il appelé  » l’Homme « 

On suppose que les massorètes ont mis correctement les points voyelles « ha guéber » ‘l’Homme’.

 

Cependant, on pourrait aussi mettre « ha guibor” , ‘le Puissant’.

Ce mot désigne Dieu en tant que guerrier ou ‘Dieu puissant (Dt. 10.17 ; Prov. 21.22).

 

 

Une fois que (hgbr) est compris comme  » le Puissant « , le sens des versets devient clair.
L’homme est « le Puissant », Dieu. Sa présence avec Itiel rend celui-ci capable

Retiens mes paroles, mon fils, reçois l’oracle, dit le Puissant à Itiel,
« Dieu est avec moi et je suis capable »,car je brille plus qu’un homme, et mon intelligence n’est pas celle d’un homme ;Je n’ai pas appris la sagesse, mais j’ai la connaissance des saints.

Itiel, le fils de  » l’Homme  » ou le fils du  » Puissant  » ? Si l’Homme ou le Puissant est Dieu, alors Itiel est le fils de Dieu

Le Verset 4 pose 5 questions adressées par l’Homme ou le Puissant à son fils

Qui est monté au ciel et en est descendu ? Qui a rassemblé le vent dans ses vêtements ? Qui a enveloppé l’eau dans un manteau ? Qui a établi toutes les extrémités de la terre ? Quel est son nom et quel est le nom de son fils. Car tu le sais

Je retiens la première et la dernière question pour les mettre en relation avec Jean 3
Qui est monté au ciel et qui en est descendu ? Quel est son nom et quel est le nom de son fils

Qui est monté au ciel et qui en est descendu ?

Dans Proverbes 30.4, l’Homme » demande au fils de l’Homme : « Qui est monté au ciel et qui est descendu ? » Cette question reste sans réponse. Mais on attend : « personne, sauf Dieu ».

A de nombreuses occasions dans l’Ancien Testament, L’Eternel Dieu est monté au ciel et est descendu sur terre.

A cette question, adressée au fils de l’Homme, Jésus répond en Jean 3.13

Et personne n’est monté au ciel, sauf celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme ». 

Dans Proverbes 30.4 la montée/descente est celle de Dieu (l’Homme, le Puissant, le Père).

Dans Jean 3.13, c’est la montée/ descente du Fils de l’homme.

On peut l’expliquer en se référant à Itiel, le nom du fils (Dieu est avec moi).

Ce nom exprime que le père, Dieu, est présent avec le fils dans la descente sur terre et dans la montée au ciel.

Jésus dit que personne n’est monté au royaume des cieux, sauf lui-même :
Personne n’est monté sauf celui qui est descendu du ciel. Personne d’autre que le Fils de l’homme.

Ces paroles de Jésus dans Jean 3.13 ressemblent à celles de Proverbes 30.4.
Qui est monté au ciel et qui en est descendu ?

Les mots et la pensée des deux textes sont très proches.
Dans Proverbes 30.4, montée et descente entre la terre et le ciel sont dans le même ordre que Jean 3.13. La question de Proverbes 30.4  qui est monté ?  trouve sa réponse en Jean 3.13 : c’est le Fils de l’homme

La question de Proverbes 30 attend une seule réponse : personne sauf Dieu. Aucun homme n’est monté et descendu du ciel. Mais Dieu l’a fait en de nombreuses occasions racontées dans l’Ancien Testament.

Personne sauf Dieu.

Jésus le remplace par : personne sauf le Fils de l’homme. La montée et descente de Dieu en Proverbes 30.4, Jésus l’interprète comme la sienne. Il revendique donc l’unité entre le Fils de l’homme et Dieu.

Comment confirmer cette unité ?

Celui qui m’a envoyé est avec moi de Jean 8.29 signifie que l’envoyeur, Dieu, accompagne celui qu’il envoie, Jésus.

Quand le Fils de l’homme descend sur terre, alors Dieu descend avec lui. Quand le nom Itiel est compris de cette manière, la montée/descente de Proverbes 30.4 devient à la fois celle du fils et celle du père qui est avec lui.

On peut comparer Dieu est avec moi et le Père et moi nous sommes un (Jean 10.30). C’est la même chose. Cela indique une unité d’action, ici, une unité de montée et descente

Une telle unité entre Jésus et Dieu n’est pas unique dans l’évangile de Jean. A plusieurs reprises, ce que l’Ancien Testament dit à propos de Dieu, Jean l’interprète comme une référence au fils préexistant.

Par exemple, le texte d’Esaïe 6.1 dit que Esaïe a vu Dieu dans sa gloire. Pour Jean 12.37-4, le prophète a vu la gloire de Jésus.

Donc quand Jésus dit qu’il est monté au ciel, il rappelle les récits bien connus de l’Ancien Testament. Dieu (sous la forme de l’Ange de l’Éternel) remontait au ciel après une visite sur terre.

Selon Jean 3.13, c’est le Fils, la 2e personne de la Trinité, qui fait ces voyages entre ciel et terre. En tant que manifestation de Dieu dans le monde, le Fils de l’homme est descendu sur terre. Et il monté aux cieux à de nombreuses occasions avant son incarnation.

Et dans l’incarnation, il est venu sur terre en tant qu’homme, parfaitement homme, tout en restant parfaitement Dieu

Quel est son nom et quel est le nom de son fils ?

Le nom du Fils de l’homme dans Proverbes 30.1-4 est Itiel ‘Dieu est avec moi’ développé en ‘Dieu est avec moi si bien que je suis capable’.

Dans Jean 3.2 Nicodème affirme ce qu’il croit à propos de Jésus

Maître, nous savons que tu es un maître/ un enseignant envoyé par Dieu, car personne ne peut faire ces signes miraculeux que tu fais si Dieu n’est pas avec lui.

Nicodème affirme que Dieu est avec Jésus, le Fils de l’homme. Cela rappelle le nom du Fils de l’homme de Proverbes 30.1, Itiel, Dieu est avec moi de sorte que je suis capable.

Personne n’est capable de faire les miracles que tu fais si Dieu n’est pas avec lui.

Le fait que Jésus est ‘capable’ de faire des miracles montre que ‘Dieu est avec lui.’.

Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel. Jean 3.13

Jésus se désigne lui-même comme le fils de l’homme, en référence à Proverbes 30.4.

Proverbes pose la question : quel est son nom et quel est le nom de son fils ? En Jean 3, Jésus répond en se désignant comme fils de l’homme. Il se met lui-même à la place d’Itiel, le Fils de l’homme de Proverbes 30.

Fils de l’Homme comme Fils de Dieu

Dans Proverbes 30.1-4 ‘l’homme’ peut être compris comme une référence à Dieu, ‘le Tout-Puissant’

Si « l’Homme » de Proverbes 30 est en fait le « Puissant », c’est-à-dire Dieu, alors  » le fils de l’Homme « de Jean 3 est  » le fils du Puissant  » ou  » le fils de Dieu « .

Jésus se désigne lui-même comme « Fils de l’Homme ». Ce pourrait donc être un synonyme voilé de « Fils de Dieu ». Les deux titres exprimeraient la relation entre Dieu et son Fils.

Fils de Dieu l’exprime de manière claire, Fils de l’homme de manière voilée. Ces deux titres et « fils » sont utilisés de manière interchangeable dans Jn 3.13-18.

13 Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel.

14 Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, 15 afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.

16 Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

17 Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.

18 Celui qui croit en lui n’est point jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

Le Fils de l’homme de Jean 3.13-14 devient « le Fils » ou  « le Fils unique » en 3.16-17 puis « le Fils de Dieu » en 3.18. Cela suggère que ces titres sont synonymes.

 Ils expriment la filialité de Jésus et la paternité de Dieu. Fils de Dieu exprime la relation de Jésus au Père clairement, tandis que le Fils de l’Homme le fait de manière énigmatique.

Une énigme à résoudre ?

Pourquoi ce 1e verset de Proverbes 30 est-il laissé tel quel par les traductions habituelles ?

Au moins, les traductions anciennes se sont donné la peine de traduire ces noms étranges et d’en faire quelque chose de compréhensible. 

La Bible est la Parole de Dieu. Elle est logique, écrite pour être comprise. Alors pourquoi ce verset ?

Le début de la solution est dans le titre.

Proverbes fait partie des écrits de Sagesse (ketubim). En hébreu, Proverbes c’est Mashal, énigme mais aussi parabole. Son principal auteur, Salomon, démontrait sa sagesse en répondant aux énigmes posées par la reine de Saba (1 Rois 10.1).

Et aussi, dans Nombres 12.8, Dieu dit que, contrairement aux autres prophètes, il ne parle pas à Moïse « par énigmes ». Donc Dieu parle aussi par énigmes.

Et quand Jésus parlait en paraboles, ce n’était pas, contrairement à ce qu’on croit couramment, pour faciliter les choses mais pour faire un tri. (Mt 13.13, Mc 4.11, Lc 8.10)

Les difficultés du verset se situent surtout dans les caractères hébreux du texte. Beaucoup disparaitraient si les mots étaient prononcés avec les voyelles. C’est ce qu’on a vu plus haut.

L’interprétation traditionnelle, celle qu’on lit dans toutes nos versions actuelles s’appuie sur une seule lecture. Mais en refaisant la traduction, on peut prendre en compte deux lectures diamétralement opposées.

Paroles d’Agour ou / Rassemble mes paroles ?
L’ Homme ou / le Puissant ?
Deux personnes, Ithiel et Oucal / ou une seule, Ithiel « Dieu est avec moi et je suis capable ? »
Brutal, sous-humain, / ou brillant, surhumain ?

Les ambiguïtés, (le double sens du texte) semblent intentionnelles. Par exemple, l’expression à Ithiel (leithiel) (se lit en hébreu dans les deux sens.

Alors, le double sens des mots du texte pourrait bien être volontaire.

Proverbes 30.1-4 pourrait être une prophétie intentionnellement dissimulée en énigme. Une énigme résolue par Jésus dans Jean 3.

En conclusion

Si le travail sur le texte était une bataille, le résultat était un véritable plaisir. Un plaisir à glorifier Dieu.

Voir un verset qui ne veut pas dire grand-chose se transformer en une belle annonce prophétique de Jésus, le Fils de l’Homme, le fils de Dieu, cela valait la peine de fouiller, de naviguer dans les dictionnaires de langue et les commentaires.

Prenons exemple sur les gens de Bérée qui examinaient chaque jour les Écritures, pour voir si ce qu’on leur disait était exact. (Actes 17)

Et surtout, gardons toujours présente à l’esprit et prête à être mise en application cette fonction essentielle de la Parole de Dieu

 Toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne. 2 Tm 2. 16-17

C.Streng

Job – l’enjeu

Le livre de Job : surprenant et assez difficile à comprendre

De l’avis de beaucoup de chrétiens le livre de Job est assez difficile à comprendre. Effectivement et ce n’est pas simplement à cause des thèmes qu’il traite : la souffrance humaine, la souveraineté et la gloire de Dieu, la religiosité courante.
C’est surtout dû à la manière surprenante dont est mis en scène le sujet de la souffrance parmi les hommes. En effet l’auteur n’adopte pas l’angle ordinaire du malheur comme conséquence du péché, mais tout à l’opposé comme l’expérience déroutante d’une série de catastrophes qui tombent sur un homme que Dieu lui-même déclare intègre, et cela à deux reprises. Il faut donc laisser de côté les idées simplistes et regarder les choses de près.

1. Les deux premiers chapitres

Présentation des personnages et du problème spécifique

Comme dans une pièce de théâtre, c’est là que nous sont présentés les personnages de toute l’action et qu’est posé le problème qui fera l’objet de toute la suite. Si le lecteur passe trop vite sur les 2 scènes développées là, il va rater l’essentiel du message du livre. Il pourra tirer certains enseignements justes, confirmés ailleurs dans la Bible. Mais il passera à côté de la pointe particulière, de l’objectif spécifique du livre de Job.

Voyons donc le contenu des chapitre. 1-2 :

D’abord le personnage central : Job : 1.1 et sa richesse —> 3d.

Chronologiquement on le situe très loin dans le passé, peut-être même avant Abraham. On peut admirer la connaissance que ces hommes – et tout particulièrement Job – ont de Dieu, sans aucune révélation écrite.

Suit alors une impressionnante scène au ciel :

présentée comme souvent dans la Bible : sobre, directe, sans détail annexe : 1.6-12.

Puis la 1e chaîne de catastrophes

Elles  enlèvent brutalement à Job tous ses troupeaux, beaucoup de serviteurs et même ses enfants—> 1. 20-22 !!

Nouvelle scène au ciel : —> 2.1-6.

Il perd sa santé et le soutien de sa femme : 2. 7-10.

Et le chapitre 2 se termine en annonçant l’arrivée de 3 amis venus le consoler.

2. La lecture classique

Une AG au ciel : Satan met en doute la motivation de Job

Une assemblée générale est convoquée par Dieu au ciel. Tous les anges y participent, même l’ange déchu. Celui-ci, malgré son évidente arrogance, doit rendre des comptes à Dieu et le dialogue se centre sur un homme en particulier, Job.

Dieu le connaît bien et en fait un éloge impressionnant : il n’y a personne comme lui sur terre. Satan est obligé de l’admettre, mais ce semeur de doute et de mensonges met en question la motivation de Job : 1. 9-11 ; 2. 4-6.

Et par 2 fois une série de calamités tombe sur le pauvre Job qui perd successivement :

tous ses biens dans une véritable rafale de nouvelles catastrophiques, puis ses enfants, sa santé, le soutien et le respect de sa femme, le soutien de ses amis.

Que lui reste-t-il alors ? Imaginons-nous à sa place :

un peu de vie, mais avec des douleurs constantes, son attachement à Dieu, mais il a l’impression profondément déroutante que Dieu ne lui rend pas justice et est même devenu son ennemi.

Il y a aussi ses 3 amis venus le consoler, mais avec leur esprit obtus ils l’énervent rapidement et iront jusqu’à prononcer des accusations scandaleuses sur son intégrité et son image de Dieu.

Une fois cette situation de départ bien notée, comment comprendre le message de tout le livre ?

La grande majorité des commentaires reconnaît le caractère extrême des épreuves de Job et explique qu’elles ont été nécessaires pour lui faire abandonner sa confiance en soi, « son orgueil », disent-ils, lui faire avouer sa condition limitée de pécheur.

D’autres expliquent que ces épreuves sont nécessaires pour approfondir sa vie spirituelle et l’introduire à des bénédictions bien plus grandes. Ce n’est pas faux, mais un peu passe-partout. Et surtout là n’est pas le vrai enjeu de ce livre.

D’autre part si le but du livre est de montrer si ces épreuves vont effectivement confirmer, affermir la foi de Job, ce livre prend une allure effrayante, car il me faudrait envisager comme normal d’affronter, moi aussi, des situations aussi extrêmes pour progresser dans ma foi. Même en face de problèmes moins lourds, suis-je capable, moi, de dire : L’Eternel a donné… ?

De plus, dans cette approche, l’attention se focalise sur l’homme, sur Job. Celui-ci devient un homme exceptionnel qui arrive à tenir face à un tel déluge de coups durs. Il devient un « héros de la foi » (ce qui est totalement étranger à sa mentalité), un magnifique exemple, mais difficile à égaler et, de plus, dans un passé bien lointain et une culture et des circonstances bien différentes.

3. Le vrai enjeu

Le vrai enjeu se situe ailleurs : non dans la personnalité de Job, mais dans les 2 dialogues entre Dieu et Satan.

À l’éloge que Dieu fait de Job Satan répond :

Est-ce de façon désintéressée que Job craint Dieu ?.. Porte la main contre lui…et je suis sûr qu’il te maudira en face.

Par deux fois le diable lance ce défi, bien dans la ligne de son arrogance de semeur de zizanie.

Et la grosse surprise : Dieu accepte, tout en fixant des limites. Il est et reste le Maître des circonstances.

Dieu accepte, parce qu’il connaît Job. Il a dit qu’il n’y a pas autre homme comme lui sur terre. Il croit donc que d’un tel homme il peut attendre la fermeté dans des évènements très durs, c’est-à-dire une démonstration de foi désintéressée, inconditionnelle. Même dans des circonstances aussi extrêmes.

Cette démonstration proclamera la gloire de Dieu

Et quand à la fin la preuve sera donnée que Dieu avait raison, qu’il pouvait effectivement attendre de l’homme un tel amour, qu’il en est digne comme Créateur et Maître de l’univers, cette démonstration proclamera non, par des paroles, mais par un fait incontestable, la gloire de Dieu devant toute la création et aussi à la face du monde de Satan, de ce semeur de doute et de zizanie.

Dieu connaît Job

Dieu connaît Job et croit en sa foi, à la sincérité de son attachement, au niveau de ce que Job devrait être capable d’endurer.

Il nous connaît aussi

Il nous connaît nous aussi et croit que notre amour est sincère. Et quand il permet une épreuve, elle est mesurée, dosée en fonction de notre foi et de notre maturité spirituelle. Elle reste contrôlée par le Maître des circonstances. Mais elle nous donne l’occasion de proclamer le gloire de Dieu à la face de notre entourage et aussi du monde invisible que nous sommes sérieux dans notre attachement à Dieu, qu’il le mérite bien comme Dieu et Sauveur.

Cette fois l’attention n’est pas centrée sur l’homme, mais sur Dieu,

L’enjeu n’est pas seulement la fermeté de notre foi et sa progression, mais une démonstration en actes de la gloire de Dieu.

Voilà une dimension à me remettre clairement devant les yeux, quand un coup dur arrive. Ce coup dur n’aura pas la gravité de ceux qui ont frappé Job, il sera à ma mesure, mais moi aussi je pourrai témoigner, à l’honneur de Dieu, qu’il est digne d’un amour inconditionnel, pour rien. Ce témoignage est possible à tous les niveaux de foi, même dans un quotidien banal.

On est là aux antipodes des conceptions des trois amis de Job.

Leur religiosité simpliste est certes exigeante et très élevée au-dessus du polythéisme de leur époque. Il y a des choses qu’il faut faire et d’autres qu’il faut vraiment éviter et tt cela sous le regard du divin Juge. Si tu fais le bien, tu seras béni ; si tu fais le mal, tu seras puni.

Et si Job a subi ces terribles calamités, c’est qu’il a gravement péché. Tous leurs efforts s’unissent pour le lui faire avouer et quand Job s’obstine à leur parler de sa justice, ces prétendus amis, venus pour le consoler, en viennent à l’accuser de mensonge, en termes cruels et impitoyables. Pour sauver leur piètre image de Dieu et le système qui en découle.

Ils s’entendraient bien avec un certain christianisme actuel qui a à peu près tout oublié de la Bible, à part les 10 commandements.

Ils s’entendraient aussi avec le commun des Juifs qui lisent ce livre dans leur Bible. Et là justement se situe une autre signification importante de ce livre.

Et avec une compréhension légaliste – donnant-donnant de l’Ancien Testament

Dans le cadre de l’AT, trop facilement compris de manière légaliste, voilà un livre, peut-être le plus ancien de tous, qui rejette avec vigueur toute scorie religieuse légaliste, commerciale du donnant – donnant cher aux trois amis.

Job craint Dieu parce que Dieu est Dieu

Non, Job ne craint pas Dieu, parce que cela apporte quelque chose à Dieu, ni parce que cela lui sert à lui-même, mais parce que Dieu est Dieu. Dieu en est digne à cause de ce qu’il est et non pas simplement à cause de tout ce qu’il nous donne.

Le Dieu unique et véritable, majestueux dans sa souveraineté et plein de grâce dans son amour et sa providence pour l’homme, mérite un amour véritable, désintéressé. C’est là une des grandes spécificités de notre foi en Christ.

Une épreuve, même incompréhensible, ne suffit pas pour justifier que je retire à Dieu ma confiance, que je le renie.

Dans une relation d’amour, les deux partenaires se connaissent, se font mutuellement confiance, comme une chose allant de soi. Nous savons qu’il est nécessaire et légitime de croire en Dieu, mais pensons-nous que Dieu croit aussi en nous, c’est-à-dire qu’il estime que puisque son amour est véritable, le nôtre le sera aussi et ne s’évaporera pas face à un coup dur. Celui-ci est connu d’avance, donc contrôlé par le Maître des évènements, qui lui donne une raison d’être constructive.

Job ressent le besoin d’un médiateur

Job ne comprend pas ce qui lui arrive, cette immense averse tombée d’un coup d’un ciel bleu. Contre toutes les accusations injustes de ses piètres consolateurs, il ressent fortement le besoin d’un médiateur, d’un garant de sa bonne foi auprès de Dieu. Et il a même l’intuition que ce médiateur, ce serait Dieu lui-même auprès de Dieu, c’est-à-dire Christ.

4. Bilan provisoire

La confiance de Job en Dieu

Il est vraiment étonnant de découvrir la confiance de cet homme en Dieu, lui qui a vécu au moins 4000 ans avant nous. Alors que nous, nous connaissons toute l’histoire d’Israël et pouvons lire à loisir une révélation détaillée de Dieu.

Cela ne veut-il pas dire que Dieu se révèle effectivement à qui le cherche sincèrement :

Vous me chercherez et vous me trouverez, pq vous me chercherez de tout votre cœur (Jérémie 29. 13).

L’actualité nous le confirme par les témoignages que nous entendons de gens qui n’ont aucun accès personnel à la Bible et à qui Dieu se révèle de nos jours.

Job désarçonné mais toujours attaché à Dieu

Job est totalement désarçonné : il ne comprend plus rien à ce qui lui arrive. Mais il ne se laisse pas entamer par les insinuations de sa femme et de ses amis. Non, dit-il en quelque sorte, je sais que Dieu m’aime et il sait que je l’aime, je veux rester attaché à lui, je ne le renierai pas. Et lui se lèvera le dernier sur la terre, il aura le dernier mot dans cette affaire : C’est lui que je contemplerai et il me sera favorable. Mes yeux le verront… Au plus profond de moi, je n’en peux plus d’attendre (19.27)

Alphonse Maillot, un commentateur perspicace, dit que Dieu remet sa cause à Job.

Il croit que son amour pour Job est assez fort pour que Job triomphe dans ce test. Sinon cela signifierait que son amour ne peut pas grand chose. C’est le sort de Dieu qui va se jouer sur terre, tandis que le sort de Job se joue au ciel.

Dieu est digne d’un amour inconditionnel

Finalement le défi lancé par l’adversaire à Dieu, qui le relève, devient le défi lancé par Dieu à l’adversaire qui sera vaincu dans les faits. Oui, Dieu est digne d’un amour inconditionnel, parce qu’ il n’y a pas d’autre Dieu dans la création, il est majestueusement saint et réellement amour.

C’est une revanche sur l’événement du jardin d’Eden où l’homme avait accepté l’idée de Satan que l’amour de Dieu était intéressé, que Dieu voulait se préserver des privilèges.

A suivre …

J-J Streng

 

Le pharisien et le percepteur : Luc 18.9-14

Le pharisien de Luc 18 sous l’éclairage de l’Ancien Testament

Le texte de Luc sur le pharisien et le publicain, – aujourd’hui on dirait le percepteur puisqu’il récolte les impôts – est une parabole. C’est une courte histoire qui utilise des événements quotidiens pour illustrer un enseignement moral ou religieux.

9 Pour certains, qui étaient persuadés d’être des justes et qui méprisaient les autres, il dit encore cette parabole :

10 Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l’un était pharisien, et l’autre collecteur des taxes. 11 Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même :

« O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou encore comme ce collecteur des taxes : 12 je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. »

13 Le collecteur des taxes, lui, se tenait à distance ; il n’osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine et disait :

« O Dieu, prends en pitié le pécheur que je suis ! »

14 Eh bien, je vous le dis, c’est celui-ci qui redescendit chez lui justifié, plutôt que celui-là. Car quiconque s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé.

Dans son introduction, Luc annonce la couleur.

Jésus a dit cette parabole à ceux qui se croient justes et regardent les autres avec mépris (18.9). Ceci pour préparer le lecteur à interpréter correctement la parabole.

Celle-ci pourrait d’ailleurs concerner aussi bien le pharisien du temps de Jésus que toute personne, chrétienne ou non, qui se comporterait de manière analogue.

L’opinion que ce pharisien a de lui-même est en porte à faux avec l’évaluation que Dieu fait de lui. Lui s’imagine être juste. Mais c’est chez le collecteur d’impôts repentant que Dieu trouve l’attitude juste.

C’est un thème familier, souvent surprenant dans l’enseignement de Jésus.

Ceux qui sont au dernier rang sont appelés à l’avant (Matt. 19:30) ; les humbles reçoivent la reconnaissance que les orgueilleux cherchent en vain. « quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé. (Luc 14:11)

Le pharisien : « Je, Je, Je »

Il est sûr de lui. Si sûr qu’il trouve tout à fait normal de dénigrer à haute voix les autres et surtout le percepteur, cette personne méprisable qui se tient à proximité.
Alors que moi, « Je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de tout ce que je reçois.

Les paroles du collecteur d’impôts sont celles de quelqu’un qui ressent profondément le mal qu’il a fait. Les sommes trop perçues, malhonnêtement extorquées, l’étouffent en quelque sorte. Il se jette sur la grâce de Dieu et prie : « Que Dieu soit miséricordieux envers moi, un pécheur » (18.13).

Jésus conclut la parabole en déclarant que le publicain est justifié devant Dieu, plutôt que le pharisien. Et il répète la parole de sagesse bien connue : « Car tous ceux qui s’élèvent seront humiliés, et ceux qui s’abaissent seront élevés ». Aussi dans Luc 14:11

Les deux personnages n’ont pas forcément existé dans tous les aspects de leur description, même si la situation racontée dans la parabole a pu se produire un jour ou l’autre.

En effet leurs traits de caractère sont forcés, et leurs attitudes exagérées. Ni ce pharisien, ni ce percepteur ne sont des personnages normaux de la vie quotidienne.
Ce sont les caricatures des deux manières opposées dont les gens peuvent s’adresser à Dieu.

Pour l’un, la fierté dans l’accomplissement de ses obligations religieuses, combiné au mépris des autres.
Pour l’autre, l’humilité mais aussi une lamentation sur ses péchés qui risque de rester stérile si elle ne débouche pas sur du concret.

Qu’on pense à Zachée : aussitôt descendu de son arbre pour accueillir jésus, il réfléchit immédiatement à ce qu’il va faire pour corriger les effets de sa malhonnêteté.
« Je rendrai 4 fois »

Dans la vie réelle, on se situe entre ces deux extrêmes

Le pharisien et son enracinement dans l’histoire et dans la Loi

Le portrait du pharisien dans la parabole est forcé. Sa prière « Je » est une caricature de prière. Cette caricature a pourtant des aspects réels.
L’auditoire du temps de Jésus ne pouvait manquer de reconnaître qu’il s’agissait d’un instantané sur certains traits de la piété pharisienne.

En fait, qui étaient les pharisiens ?

A l’origine, c’était un groupe de Juifs fidèles à Loi. Au 2e s avant J.-C. ils s’étaient opposés à la tendance d’un bon nombre de Juifs à suivre les coutumes grecques païennes.

En effet, après le retour d’exil, Israël avait toujours été soumise à des puissances étrangères, à ce moment-là la Grèce avec Alexandre le Grand puis ses successeurs. L’un d’eux, Antiochus Épiphane (175-163) persécutait à mort les Juifs qui ne voulaient pas abandonner leur foi pour la religion grecque.

Les pharisiens de ce temps là, sous la persécution, se distinguaient par leur droiture et leur courage. Ils attachaient beaucoup d’importance à l’étude et à la pratique des commandements de Dieu– avec en plus des traditions orales – pour mener une vie conforme à la loi divine.

Au temps de Jésus, leur niveau spirituel avait baissé. Leur piété était devenue formaliste. On attachait plus d’importance aux gestes extérieurs qu’à la disposition du cœur.

Une base biblique légitime puis fossilisée et même dévoyée

En elle-même la démarche du pharisien n’est pas illégitime.
En allant au Temple, il montre simplement son respect pour un cérémonial de reconnaissance que le peuple de Dieu devait pratiquer depuis son entrée dans la terre promise.

Deutéronome 26.1-15 précise le rituel à accomplir pour ce cérémonial de reconnaissance, lors de la fête des moissons en Israël

L’agriculteur prend une partie de la première récolte de blé. Il l’apporte au sanctuaire et la présente au prêtre, qui la dépose devant l’autel.
L’agriculteur témoigne d’abord de ce que Dieu a fait en faveur de son peuple

Un Araméen errant était mon père, et il descendit en Égypte. Et les Égyptiens nous ont traités durement. et l’Éternel nous a fait sortir d’Égypte d’une main puissante Il nous a fait entrer dans ce lieu et nous a donné ce pays (26.5-9).

Puis il exprime sa gratitude pour ce que Dieu lui a donné.
Et voici, j’apporte les prémices du fruit de la terre que tu m’as donné, ô Éternel (26.10)

L’agriculteur doit ensuite dire en public ce qu’il a fait ou n’a pas fait en tant que membre responsable de la communauté de l’alliance :

J’ai enlevé de ma maison ce qui est consacré, et je l’ai donnée au Lévite, à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve, selon tous les commandements que tu m’as donnés ; je n’ai transgressé aucun de tes commandements, je ne les ai pas oubliés. J’ai obéi à la voix de l’Éternel, mon Dieu, j’ai fait selon tout ce que tu as commandé (26.12-15 )

C’est là qu’on retrouve le « j’ai, je n’ai pas » qui nous dérange tellement dans la bouche du pharisien de la parabole.
Pourtant ces affirmations arrogantes, ces paroles qui glorifient le pharisien ont à l’origine leur place, leur raison d’être dans la parole même de Dieu.

Quand l’agriculteur parle devant le prêtre et devant ses voisins, ce ne sont pas les paroles d’une personne satisfaite d’elle-même. C’est le témoignage public de sa reconnaissance, devant le prêtre et devant ses voisins dans le cadre de la fête de la moisson.

Il parle de lui-même en tant que membre responsable de la communauté. Il confesse qu’il fait ce que Dieu attend de lui. Il a respecté les commandements, il a pris soin des moins favorisés. Il a été sincère et responsable.

Le texte biblique met l’accent sur ce que le donateur a fait ou n’a pas fait. Il souligne ainsi que le donateur doit être identifié devant tous comme membre du peuple, responsable de ses actes devant Dieu et devant les autres.
Son témoignage en paroles l’engage à traduire ces paroles dans des actions qui doivent tout normalement suivre.

Par la suite, il y a certainement eu des gens qui récitaient cette confession par cœur. Un acte mécanique, la chose à faire, comme tout le monde. Mais sans s’arrêter à son sens, sans la mettre en pratique

Quoi donc ? Tu énumères mes prescriptions, et tu as mon alliance à la bouche, toi qui détestes l’instruction, et qui rejettes mes paroles derrière toi ! Psaume 50.16-17

Alors où se trouvent les différences entre l’agriculteur reconnaissant et le pharisien orgueilleux ?

L’autopromotion

Quand le pharisien dit « je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de tous mes revenus », c’est exact. Les pharisiens mettaient cela vraiment en pratique. Mais ça sonne faux et artificiel. Ce n’est plus un témoignage de reconnaissance. C’est un moyen d’auto promotion.

D’autant plus que le pharisien « oublie » totalement une partie essentielle de la confession de foi demandée par le Deutéronome. Celle qui rappelle l’origine nomade et étrangère du peuple, (un araméen nomade, à cause de Laban le beau-père du patriarche Jacob, Israël qui a donné son nom au peuple) son esclavage en Égypte, la délivrance par Dieu, l’errance dans le désert et l’entrée dans la terre promise. Bref, ce pharisien s’est fait tout seul, a tout réussi tout seul, sans personne d’autre.

La cérémonie publique de reconnaissance du Deutéronome est détournée pour devenir un moyen de se glorifier soi-même. Il est possible que, suite à cet abus, Jésus ait recommandé la discrétion dans la prière et la pratique de la charité

Quand donc tu fais un acte de compassion, ne sonne pas de la trompette devant toi Matthieu 6.2
Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment prier debout dans les synagogues et aux coins des grandes rues, pour se montrer aux gens Matthieu 6.5

Il est tout à fait acceptable d’être heureux de ses succès, si on est reconnaissant à Dieu et surtout si on en fait profiter les autres.
Pas « moi, je ». Mais merci

La comparaison négative pour les autres

Je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou encore comme ce collecteur des taxes 

L’agriculteur juif se contentait d’amener les produits de sa récolte. Il manifestait sa reconnaissance à Dieu, mais sans se comparer aux autres. C’est là toute la différence

Quand on voit le mépris du pharisien pour les autres et pour le percepteur, on a de forts soupçons à propos des sentiments qu’il pourrait avoir pour l’immigré, l’orphelin et la veuve.

La confession de foi de Deutéronome 26, devient pour lui un moyen de s’exalter soi-même et de rabaisser les autres. Il ne se contente pas de témoigner en public de ce qu’il a fait ou pas fait pour respecter la Loi de Dieu. Il se compare aux autres et cherche à se grandir en les rabaissant : je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou encore comme ce collecteur des taxes

Encore une fois cette attitude de rejet, ces paroles méprisantes sont le dévoiement des principes de conduite indiqués par la Parole de Dieu pour diriger son peuple

Le pharisien appartient à la communauté d’Israël. Comme ses ancêtres, il est membre du peuple que Dieu a créé et organisé au Sinaï pendant l’Exode. Le Seigneur a appelé les membres de ce peuple à vivre ensemble, sous la direction de sa Loi, la Torah.

En pratiquant des actes justes et des gestes de compassion en faveur des autres, (rappelé par Deutéronome 26) Israël formait une communauté dans laquelle chaque personne pouvait vivre. La Torah, la Loi était un don de Dieu à préserver pour ne pas perdre la bénédiction de Dieu.

Pour cette raison Israël était prudent dans ses relations avec les autres peuples voisins. Et il se séparait de tous ceux qui ne suivaient pas la Loi. Ceci après l’exil, car avant, il avait une fâcheuse tendance à imiter l’idolâtrie des autres peuples. Voir à ce sujet tous les avertissements de la Loi et des prophètes.

Le Psaume 1 le montre bien :

Heureux l’homme qui ne suit pas les projets des méchants, qui ne s’arrête pas sur le chemin des pécheurs, et qui ne s’assied pas parmi les insolents, mais qui trouve son plaisir dans la loi du SEIGNEUR, et qui redit sa loi jour et nuit !

Ceux qui aiment la Torah, ceux qui respectent la Loi de Dieu doivent montrer la différence avec ceux qui ne se soucient pas du bien des autres, qui sont indifférents à l’impact de leur comportement sur l’avenir de la communauté.
Il faut être prudent dans ses relations avec ceux dont le comportement nuit à la vie dans la communauté de peur qu’elle ne soit menacée, mise en danger.

D’où le changement complet d’optique après l’exil.
Tout étranger suscitait la méfiance et le rejet, pas à cause de sa religion idolâtre mais tout simplement parce qu’il n’était pas juif.

On avait oublié les ancêtres non juifs du roi David comme Rahab la cananéenne et Ruth la moabite. Et aussi que la Loi de Moïse donnait des directives en faveur des étrangers, en particulier ceux qui voulaient s’intégrer dans le peuple juif.

Cette mise à distance de l’étranger allait si loin qu’elle s’appliquait même aux gens simples du peuple juif , sans instruction.

Cette foule qui ne connaît pas la loi, ce sont des maudits. Jean 7.46

Tout simplement les gens qui ne pouvaient respecter tous les détails de loi orale, les 613 commandements supplémentaires ajoutés par les pharisiens. Des travailleurs juifs que leur profession même rendait rituellement impurs.

Par exemple les bergers, les tanneurs pourtant indispensables pour tanner les nombreuses peaux des animaux sacrifiés au Temple. On mettait donc au même niveau l’impureté rituelle et le péché.

Quant au percepteur, il se situait au croisement : impur parce qu’en contact avec l’occupant romain étranger et païen auquel il remettait les impôts, pécheur parce que pas souvent honnête dans sa manière de percevoir cet impôt en remplissant d’abord largement ses propres poches.

C’est là qu’intervient le confit entre Jésus et les pharisiens sur la manière de se comporter avec les pécheurs.

Les pharisiens supportaient très mal la liberté que Jésus prenait dans ses relations envers eux.
Pourquoi votre maître mange-t-il avec les collecteurs des taxes et les pécheurs ? Matthieu 9.11

Pour eux, la liberté de Jésus, ses actions en faveur des pécheurs, en dehors de la tradition, étaient une approche risquée qui pouvait mettre la communauté au danger.

La tradition juive accordait de l’importance à la repentance. Mais habituellement, on tenait les pécheurs à distance, comme présentant un danger pour la communauté (Psaume 1).
Seul Jésus ne tenait pas compte de cette crainte. Il fréquentait directement et naturellement des pécheurs et il les appelait à venir à lui.

Le pharisien de la Parabole subit la désapprobation de Dieu à cause de son utilisation abusive de la tradition religieuse. Le maintien de la tradition devient le moyen par lequel il s’élève au-dessus des autres.

Une réflexion à base de discernement et d’équilibre

Soyons attentifs à faire la distinction entre les destructeurs, les moqueurs du Psaume 1 et les visiteurs de nos Églises qui ne partagent pas (pas encore) nos valeurs chrétiennes

Ces destructeurs, ces moqueurs existent bien. Certains ont détruit des Églises en introduisant des fausses doctrines, des divisions, des querelles. Des exemples actuels existent et pas seulement dans des revues chrétiennes.

Et pour nos visiteurs non chrétiens, si nous voulons qu’ils partagent un jour nos valeurs chrétiennes, alors rendons les accueillantes sans transiger sur le fond du message biblique : la repentance, la foi, la conversion, l’engagement dans la vie de disciple.

Mais en veillant, par l’enseignement de la Parole et par l’exemple, à les accompagner d’un monde sans Dieu, qui court à sa perte, à la communion des chrétiens, qui met au centre la relation vivante avec le Christ.

C.Streng