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Chute, souffrance et souveraineté de Dieu

Si Dieu est maître de tout, pourquoi la chute, le péché originel, la souffrance ?

Dieu, dans sa toute-puissance n’aurait-il pas pu les empêcher ? en garantir le chrétien ?

Quel gâchis !

La création et la chute de l’homme – Mariotto Albertini (1474-1515

En lisant les premiers chapitres de la Genèse, vous vous êtes peut-être aussi déjà dit : « Mais quel dommage ! À peine l’homme est-il installé dans ce magnifique paradis, le voilà qui gâche tout par sa bêtise ! Quelle folie ! N’y avait-il vraiment pas moyen d’éviter cela ?

On ne peut changer le passé

Cette question est futile en ce sens qu’il est absurde de vouloir changer le passé, mais elle touche en fait une caractéristique fondamentale de toute la Création et mérite quand même d’être examinée sérieusement.

1. Ah, si seulement Dieu avait détruit Satan

Genèse 1. 27 ; 2.16 et 3. 1

La création et la chute de l’homme (1514-1515) – Mariotto Albertini (1474-1515)

« Dieu n’aurait pas dû permettre la tentation en Eden et, vu sa toute-puissance, il lui aurait suffi de détruire Satan, avant qu’il ne puisse nuire. » Raisonnement logique, typiquement humain : en face d’un problème on recourt spontanément, parfois sans vraiment réfléchir, à la violence.

Deux cadeaux : l’intelligence et la liberté

À la création l’homme a reçu, parmi beaucoup d’autres, deux cadeaux qui sont le reflet de son Créateur : l’intelligence et la liberté. Or comment sait-on que quelqu’un est est libre ? Quand il a le choix, quand il peut faire un choix guidé par sa réflexion.

Jouissance égoïste ou obéissance confiante ?

Or en face du fameux arbre en Eden Adam avait le choix entre la jouissance égoïste, fermée sur lui-même, et le devoir d’égard envers ses semblables et l’obéissance confiante envers son Créateur. Donc : 1er point : il était libre.

Liberté pour le bien ou pour le mal ?

Ensuite cette liberté a besoin d’être testée, éprouvée, pour démontrer si l’homme va l’utiliser pour le bien ou pour le mal. Supprimer Satan d’emblée, avant ce test de Genèse 3, aurait été la manière faible et inintelligente d’exercer la toute-puissance. Certes cela aurait supprimé toute contestation de l’autorité de Dieu. Mais cette question de Satan serait toujours restée posée, sans réponse : Dieu a-t-il vraiment dit, peut-on faire confiance à une parole de Dieu, Dieu mérite-t-il qu’on fonde sa vie sur ses paroles ? Avouons qu’elle est fondamentale et qu’elle appelle une réponse vraiment nette et définitive.

Concilier justice, sainteté et compassion

Là se joue un test révélateur pour tous les innombrables prétendus dieux de ce monde. Qui parmi eux va se donner la peine, va se montrer capable de concilier la justice, la sainteté envers le péché et la compassion et l’amour pour le pécheur ?

Seul Jésus Christ a réussi à concilier l’inconciliable

Seul Jésus-Christ a eu ce courage et la sagesse qui réconcilie parfaitement ces deux  extrêmes logiquement inconciliables. Lui seul a su atteindre ce résultat, non dans une construction théorique acrobatique, mais dans la pratique ; non dans un déploiement exceptionnel de puissance, comme l’auraient peut-être attendu des hommes, mais dans l’impuissance extrême et l’humiliation honteuse et même injuste d’une mort d’esclave.

Satan privé de sa puissance

Là Satan, le contestataire d’Eden s’est non seulement vu clouer définitivement le bec, mais aussi dépouiller de toute sa puissance. Il n’a plus désormais que les moyens que l’homme, dans son incroyance envers Dieu, lui accorde en croyant à ses mensonges.

Jésus totalement confiant jusqu’à la croix

Mais la question de Gn 3.1 a reçu sa réponse majestueuse dans le dépouillement total du Crucifié. C’est vrai, Dieu avait bien dit de ne pas manger d’un certain arbre en Eden, mais c’était par amour de l’homme et non pour se réserver des privilèges égoïstes. Oui, on peut faire confiance à n’importe quelle parole prononcée par Dieu : Dieu se tient derrière elle et la réalise pour quiconque s’y attend. Oui, Dieu est digne qu’on fonde toute sa vie sur ce qu’il dit : Jésus l’a fait et a ainsi pu accomplir une œuvre d’amour d’une valeur éternelle.

Une confiance qui a surmonté le mal

Un homme a surmonté le mal par confiance en Dieu, par amour pour lui : Jésus. La rançon d’amour qu’il a ainsi versée à la justice, pulvérise l’obstacle du péché entre la créature et son Créateur, elle suffit pour purifier le pécheur dans la confiance en Dieu et pour instaurer entre les deux une relation d’amour éternelle.

Et le nouveau peuple que Jésus a ainsi suscité à son Père apporte à son tour la preuve de cette fiabilité par toute son action à la gloire de son Re-créateur.

La perfection de Dieu : aimer sa créature
La gloire de Dieu : en être aimé en retour

La perfection de Dieu, c’est d’aimer sa créature. Sa gloire, c’est d’en être aimé en retour, pour lui-même.

En nous rappelant ainsi ces réalités, nous mesurons le gâchis qu’entraîne tout manque ou refus de confiance au Créateur pour l’individu et son entourage. Et on est émerveillé de la sagesse, de l’amour que Dieu a mis en oeuvre pour apporter une vraie réponse à la question posée. Et il y a une conséquence logique qui découle de tout cela : « Il faut que Dieu soit reconnu comme disant la vérité et tout homme qui s’oppose à lui comme menteur, car il est écrit : Tu seras toujours reconnu juste dans tes sentences et tu seras vainqueur lorsque tu juges. » (Rm 3.4)

2. l’amour de la créature pour son créateur

… malgré la souffrance, malgré les difficultés…

Job 1. 8 -11

La Bible n’est pas un livre sacré qui contourne prudemment les problèmes délicats ou qui emballe sa réponse dans un nuage de conditions ou d’approximations. Elle prend les difficultés de front, souvent dans le cadre de l’expérience pratique, vécue.

Satan contre Job !

Voici, à cet égard, un 2e cas très analogue à celui de Genèse 3 où le même Satan conteste Dieu de façon encore plus radicale. C’est le problème fondamental posé par le livre de Job, un livre qui inquiète bien des chrétiens et dont certains commentaires sont des simplifications bien superficielles.

Pour le diable : pas d’amour inconditionnel, sans contrepartie

D’une manière gratuite et méchante Satan agresse Dieu au sujet de Job : « Est- ce vraiment pour rien (= de manière désintéressée) que Job révère Dieu ? » La question est sournoise et porte la marque typique de son auteur. Satan qui a créé ou au moins inspiré tout ce qui se fait comme religions dans le monde leur a, à toutes, donné le même esprit, celui du commerce : si tu me donnes, je te donne ; je t’offre ceci, tu m’accordes cela et si tu ne me donnes pas ce que je t’ai demandé, j’irai voir ailleurs. On n’a rien pour rien, le « gratuit » n’existe pas plus dans le monde religieux que dans le monde commercial, même si les publicités en sont pleines. Et pour revenir à Job, selon Satan, si Job révère Dieu, c’est par intérêt, c’est pour garder les nombreuses bénédictions que Dieu lui a accordées.

… Sans avantages, on se détourne de Dieu

Cette nouvelle question de Satan est au moins aussi essentielle que la première. Satan qui ne sait pas ce qu’est l’amour, peut encore bien moins concevoir un amour inconditionnel, sans contrepartie. Selon lui, si Job révère Dieu, c’est parce que Dieu lui a donné la prospérité, la paix, la considération sociale… Et si Dieu lui retirait quelque chose de tout cela, Job se détournerait sûrement de Dieu ou le maudirait, comme le lui suggère sa femme.

Amour inconditionnel ou donnant donnant ?

Dans Genèse la question était de savoir si Dieu et ses paroles méritent une confiance entière, jusqu’à engager sa vie sur elles. Ici elle est de savoir si un amour inconditionnel est possible, concevable entre le Créateur et sa créature ou si cette relation n’est qu’une affaire de donnant donnant.

Job au coeur d’un test opaque et de problèmes révoltants

Dieu connaît Job et accepte le test. Job ignore cet arrière-plan et il faut qu’il l’ignore, pour que le test soit honnête. Mais il va de ce fait se débattre dans un nœud de problèmes absolument inouï et révoltant.

Un cri de désespoir vers Dieu

Pourtant il rejettera avec vigueur la religion simpliste de ses amis, il appelle Dieu à se manifester et à répondre à ses questions. Il lui crie son désespoir face à ce silence, en fait nécessaire, mais n’acceptera jamais de mettre l’honneur de Dieu en question, ce qui était la visée de Satan.

Oui : On peut aimer Dieu sans condition

Ainsi un deuxième point essentiel est acquis : oui, Dieu mérite qu’on l’aime sans condition. Un homme peut aimer son Dieu sans attendre de lui une contrepartie, Dieu mérite d’être aimé même dans les difficultés, quand les circonstances démentent son amour. Il en a le contrôle et sait où il veut en venir, sans abandonner le croyant. Et, à la fin du récit il approuvera magnifiquement l’attitude de Job

Amour vérifié dans l’épreuve

Pour être réelle, la liberté avait besoin d’être mise à l’épreuve. Il n’est pas anormal non plus que l’amour soit appelé à vérifier son authenticité dans une épreuve.

3. Pourquoi Dieu laisse-t-il sur terre le chrétien racheté

Certes le chrétien a été racheté, purifié du péché qui faisait obstacle entre lui et son Père céleste. Mais il lui arrive encore si facilement et si souvent de retomber dans le péché, le manque de confiance, le manque d’amour. Pourquoi Dieu le laisse-t-il sur cette terre, au lieu de le prendre avec lui au ciel ? Pourquoi, au lieu de bloquer ou même de détruire dès maintenant Satan qu’il a déjà vaincu, lui laisse-t-il cette latitude d’action ?

Jusqu’à quand ?

Aussi, à travers le NT, retentit cette question : jusqu’à quand ? Celle-ci n’est pas posée méchamment par le diable, mais souvent avec angoisse ou douleur par les enfants de Dieu, surtout quand ils sont maltraités à cause de leur confiance, de leur amour pour Dieu.

La souveraineté de Dieu dans son plan éternel pour la création

Ce qui est en jeu, cette fois, c’est la maîtrise totale de Dieu dans l’histoire, sa maîtrise des évènements. Ces chrétiens savent que l’histoire est la mise en oeuvre d’un plan éternel de Dieu pour toute sa création, mais ce qui les déroute, au premier degré, c’est la manière si différente de Dieu de concevoir et de gérer le temps. Et plus profondément bien des chrétiens n’ont pas compris quel objectif final Dieu veut atteindre par son plan.

Un plan réalisé par l’amour et la sainteté en Jésus-Christ

C’est sûr, tout va vers un but, vers un point final dans le futur où Dieu lui-même viendra faire le bilan de toute l’histoire et inaugurer un tout autre ordre de choses.
Or, en attendant, Dieu poursuit sans bruit la réalisation de son grand dessein. Dans cette humanité et cette création souillées par le péché, il introduit un homme en qui il incarne en particulier ses deux qualités maîtresses : l’amour et la sainteté.
Jamais l’humanité n’avait vu un de ses représentants, aussi simple, ordinaire, s’élever à un tel degré de noblesse dans l’amour du prochain : Rm 5. 6-8.

Incarné dans l’abaissement et la discrétion

Il l’a fait non pas pour un ami, mais pour l’humanité pécheresse. Il l’a fait non dans une apothéose glorieuse comme dans un roman héroïque, mais dans l’abaissement total de l’exécution d’un esclave, organisée dans le cadre d’un crime d’État. Ses 33 ans de vie, dans la discrétion d’une petite ville rurale, d’une culture largement méprisée à l’époque, ont été pour Dieu le moyen de révéler à la face de l’univers visible et invisible, une réalité que le monde ignore, qu’aucune religion ne pratique : la sainteté, la sienne, ainsi incarnée dans le naturel quotidien d’une vie humaine.

Manifesté dans la mort  par amour de Jésus

Le Christ portant sa croix, Maître de Delft, fin du 15e s

Or c’est la vie sainte de ce Jésus, l’efficacité transformatrice de sa mort choisie par amour, qui sont capables, et elles seules, de délivrer l’humanité et toute la création du péché et de son ferment destructeur. Cela, il s’agit de le faire savoir à tout homme et, dans sa sagesse, Dieu en confie la mission à l’Église, à ceux qui se sont confiés en lui.

Le chrétien témoin de la confiance et de l’amour pour Dieu

Voilà pourquoi le chrétien reste sur terre, même en milieu hostile, pour témoigner que Dieu mérite une vraie confiance et un amour inconditionnel… que cette attitude garde son sens et sa force même quand elle est ridiculisée ou entraîne la persécution. C’est inévitable quand on est encore en route entre le déjà sauvé et le pas encore réuni avec le Sauveur.

Deux forces pour vaincre le mal  : l’amour et la sainteté de Dieu

Il s’agit que les hommes aveuglés par la sensualité et l’égoïsme voient et donc sachent qu’il y a deux forces portées par le Saint-Esprit et capables de vaincre le mal : l’amour et la sainteté de Dieu. N’importe qui peut les recevoir dans sa vie en la confiant à Jésus, c’est à dire en exerçant sa liberté et son intelligence.

Et pour libérer la création

Alors la création, elle aussi et toute entière, pourra être libérée du fardeau du péché : Rm 8. 19-23. Il n’y a donc pas que les chrétiens qui soupirent en disant « Jusqu’à quand ? », la création entière est dans la même attente anxieuse de voir l’accomplissement définitif du plan de Dieu et sa restauration dans une pleine communion avec son Créateur. « Et c’est cet Esprit qui constitue l’acompte de notre héritage, en attendant la délivrance du peuple que Dieu s’est acquis.

Pour célébrer la gloire de Dieu

Ainsi tout aboutit à célébrer sa gloire. » (Ephésiens 1.14) = chanter de tout cœur et dans une formidable chorale universelle notre amour pour notre Père et notre Frère célestes. Voilà la pièce maîtresse de notre avenir. Dès demain peut-être !

J.J.Streng

Mort avec le Christ, une réalité de la vie chrétienne

Mort avec le Christ : que signifie l’expression  ?

Notre lecture de la Bible nous fait rencontrer des expressions qui, à force, deviennent familières. Mais tout en les connaissant bien, nous ne savons peut-être tout de même pas bien ce qu’elles signifient.

Mort avec le Christ en est une. Mais dans quelle mesure le contenu de ces mots fait-il partie de notre vécu ? S’agit-il d’un but à atteindre, d’une lourde tâche à réaliser ? N’est-ce qu’une image de la vie chrétienne ? Arrêtons-nous une bonne fois à ces mots pour voir quelle réalité ils recouvrent et comment ils peuvent décrire notre expérience.

Colossiens 2. 16-23.

Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d’une fête, d’une nouvelle lune, ou des sabbats. C’était l’ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ.

Que personne, sous une apparence d’humilité et par un culte des anges, ne vous ravisse à son gré le prix de la course.

Tandis qu’il s’abandonne à ses visions, il est enflé d’un vain orgueil par ses pensées charnelles, sans s’attacher au chef, dont tout le corps, assisté et solidement assemblé par des jointures et des liens, tire l’accroissement que Dieu donne.

Si vous êtes morts avec Christ aux principes élémentaires du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, vous impose-t-on ces préceptes. Ne prends pas ! ne goûte pas ! ne touche pas !

Préceptes qui tous deviennent pernicieux par l’abus, et qui ne sont fondés que sur les ordonnances et les doctrines des hommes ?

Ils ont, en vérité, une apparence de sagesse, en ce qu’ils indiquent un culte volontaire, de l’humilité, et le mépris du corps. Mais cela est sans valeur réelle et ne sert qu’à satisfaire la chair.

1. Un fait accompli

Ai-je bien compris  ? Il est question là de deux choses de nature opposée.

D’une part d’une foule d’actions obligatoires ou interdites qu’il faut veiller à respecter. Des prescriptions alimentaires, le respect de certains jours (16), une dévotion rigoureuse, des gestes d’humiliation, une sévère discipline (23), ce qu’on appelle couramment les devoirs religieux.

D’autre part le fait de s’attacher au Christ avec qui nous sommes morts.

D’une part une foule de choses à faire, dures et exigeantes. Mais elles ne servent à rien qu’à faire enfler les chevilles de celui qui s’y attelle.

D’autre part un fait présenté comme déjà accompli et dont il s’agit d’accueillir les bienfaisantes conséquences comme un cadeau. Et alors on est libéré des devoirs religieux ! Voyez : une fois de plus ce que la Bible nous demande. Ce n’est pas de choisir la bonne religion, mais de nous attacher au Christ pour être libérés de toute religion comme d’un fardeau sans valeur.

Le Saint-Esprit nous annonce donc que lorsque Christ est mort, il y a 2000 ans, nous, nous sommes morts avec lui. Et c’est une bonne nouvelle. Notre nature pécheresse, notre vieil homme, ce que la Bible Semeur appelle l’homme livré à lui-même est mort. Dieu le traite comme tel, suite à notre repentance, notre retour et notre attachement au Seigneur Jésus et à notre prise de position de foi que c’est par son sacrifice que nos péchés sont payés, pardonnés. Ça peut-être difficile à concevoir, comme pour Nicodème la nécessité de naître de nouveau, mais c’est Dieu qui l’affirme et le répète : Romains 6.5-7.

Autrement dit : mon passé est apuré, ma culpabilité est enlevée et n’a plus de raison d’être, puisque Christ l’a expiée à la Croix. Et la preuve que c’est vrai, c’est que quand je retombe dans un de mes travers, j’en suis frappé, malheureux, alors qu’autrefois le péché me laissait indifférent, me paraissait naturel, inévitable.

2. Mais il reste un problème : le péché encore présent

Le passé est donc en ordre. Mais il reste un gros problème dans le présent : il m’arrive encore de pécher et le diable en profite pour m’enfoncer et prétendre qu’en fait je ne suis pas sauvé.

Effectivement comment se fait-il que je retombe si facilement dans le péché, pourquoi suis-je incapable d’arrêter ? J’aimerais vraiment que ça cesse et pourtant je tombe encore et encore, alors que 1 Jean 5.4 parle de triomphe !

C’est un fait que le péché agit en moi comme une puissance qui me dépasse, cette puissance veut encore s’imposer, malgré l’expérience bien réelle du pardon reçu dans la foi. Je dois honnêtement reconnaître que la chair, ce qui me pousse à pécher, est encore en moi et se fait parfois remarquer impérieusement

En enlevant le vieil homme, Dieu n’aurait-il pas dû aussi éliminer cette pulsion au péché. En pardonnant les péchés n’aurait-il pas dû en même temps anéantir la puissance du péché en moi ? Des questions importantes et douloureuses !

La réponse peut surprendre et pourtant elle est juste : si la puissance du péché était détruite, nous ne pourrions plus pécher, nous serions des automates du bien, attachés à Dieu par impossibilité de faire autrement et non par choix, par préférence, par amour.

Voilà pourquoi Dieu n’a pas envoyé aussi notre chair, nos pulsions au péché dans la mort à la Croix. Il voudrait que nous lui donnions la préférence, par choix et non par obligation.

Et une fois de plus là où un chrétien superficiel voit une faille dans le plan du salut de Dieu, un élément choquant, en y regardant avec les yeux de la confiance il pourrait trouver une démonstration de plus de la délicatesse de Dieu, de son respect de la liberté qu’il a accordée à sa créature.

Il souhaite être aimé. Or aimer quelqu’un, c’est le choisir, le préférer à n’importe quoi d’autre, montrer à d’autres qu’on a reconnu en lui une personnalité à laquelle on veut être attaché pour toujours. Ce n’est pas une relation où l’on s’engage parce qu’on n’a pas d’autre possibilité.

3. Une réponse magnifique : l’Esprit de Dieu remède au péché

Bien sûr que Dieu ne nous a pas abandonnés à la puissance du péché, sans avoir prévu et donné une arme efficace contre elle. Dès le moment de notre conversion notre Père nous a donné son Esprit dans notre cœur.

Cet Esprit de Dieu est celui qui saura efficacement contrer la puissance du péché en nous. Il est la pulsion divine en nous capable de tenir en échec la pulsion au péché. Il est aussi celui qui nous éduque à apprécier et préférer la communion épanouissante avec notre Père au plaisir réel parfois, mais si passager et si rapidement amer du péché : Galates 5.16. Ça aussi, ça s’apprend, progressivement, ça ne nous tombe pas dessus tout prêt : Jean 8.31.

Et la voilà promise, à portée de foi, cette liberté tant désirée par rapport au péché. Laissons le Saint-Esprit s’épanouir en nous, prendre de l’autorité et guider notre pensée, alors il étouffera peu à peu le penchant à pécher.

Mais ce n’est qu’un aspect de la réponse. Un acte inspiré par l’amour a souvent en plus des simples gestes visibles, expérimentables, une motivation élevée, noble, plus secrète, moins évidente. Et quand cela vient de Dieu, on peut s’attendre à des surprises.
Pourquoi Dieu a-t-il conçu ainsi la vie pratique du chrétien et en particulier la manière

de vaincre le péché ? Pourquoi a-t-il confié au Saint-Esprit cette mission de soutien et de défense du chrétien dans sa lutte contre le péché ? Tout le vaste plan de salut conçu avant la fondation du monde culmine dans l’idée inouïe et stupéfiante de la mort de son Fils sur une croix, il complète le volet intitulé « victoire sur le péché » par cette mission confiée au Saint-Esprit.

Et nous les chrétiens, nous l’Église, nous portons le témoignage que ce plan fonctionne effectivement. Par notre vie dépendante de Dieu nous apportons la démonstration que le plan de Dieu atteint son but, est vraiment capable de faire d’un pécheur rebelle et ennemi de Dieu un enfant de Dieu attaché à son Père céleste par choix, par amour. C’est le sens que je crois trouver dans deux textes assez étonnants : Éphésiens 3.10 ; 1 Pierre 1.12.

Les anges découvrent que des créatures de Dieu perverties par le péché sont retirées de la perdition, s’engagent volontairement dans une relation d’amour avec leur Créateur, sont libérées par lui des plaisirs de la chair, protégées de la nécessité de pécher et peuvent ainsi servir leur Seigneur d’un cœur libre. Voyant cela, ils admirent la sagesse infiniment variée de Dieu, capable de produire cela, sans contrainte. La gloire de Dieu, c’est aussi d’arriver par son amour et sa sagesse à être volontairement aimé par ceux qui étaient ses ennemis.

4. Et la religion

Et ainsi on comprend mieux pourquoi le pharisien Paul, si soucieux autrefois à pratiquer scrupuleusement les exigences de la Loi jusqu’au dernier détail, emploie maintenant des mots aussi sévères contre ces pratiques.

Vous êtes morts avec le Christ à tous ces principes élémentaires qui régissent la vie dans ce monde. Non seulement l’œuvre de notre Seigneur à la Croix les a vidés de leur contenu, de leur raison d’être. Mais vouloir les continuer comme une chose indispensable (ou méritoire), c’est enlever autant de valeur à la Croix du Seigneur.

Et il y a surtout l’énorme tentation de respecter toutes ces choses pour elles-mêmes, comme si elles avaient de la valeur en elles-mêmes.

On se dit alors : « Eh bien voilà, j’ai fait tout ce que je devais faire, Dieu ne peut qu’être satisfait ! » Dans ce système on parle aussi de Dieu, mais ce qui est décisif, c’est ce que fait et pense l’homme. La pensée et l’œuvre de Dieu n’y sont qu’un accessoire parmi d’autres ou elles y sont inutiles, ça continue à fonctionner quand même. Le diable est un inventeur astucieux de religions qui dispense à l’homme mille conseils sur la meilleure manière d’être pieux.

Une conséquence de tout cela, c’est qu’une vie chrétienne normale ne peut se vivre à moitié, en annexe de ce qu’on appelle la vie normale. Dieu ne sera glorifié que dans une vie entièrement consacrée. Cela ne veut pas forcément dire un engagement professionnel à plein temps dans le service de Dieu. Mais c’est donner à Dieu sa place prioritaire à n’importe quel poste, dans n’importe quelle situation, salariée ou non, . Dans ma vie il ne peut y avoir un domaine spirituel et, à côté, un autre ou de nombreux autres domaines réputés « profanes » où Dieu ne peut avoir de place.

En réponse à notre foi Christ nous a entraînés dans sa mort ; mais aussi dans sa résurrection, dans une qualité de vie nouvelle avec lui au centre. Mais comme il l’avait bien promis, il ne nous a pas laissés orphelins, il nous a donné son Saint-Esprit dès nos premiers pas avec lui. S’il peut disposer de moi, orienter ma mentalité, réordonner mes priorités, il m’éduquera. Il me fera progressivement découvrir son intervention dans tous les domaines de ma vie et en particulier celui de la répression du péché, = de la sanctification.

J.J. Streng

Souveraineté de Dieu, responsabilité de l’homme

Souveraineté de Dieu, responsabilité de l’homme, deux réalités fondamentales dans la Création 

Souveraineté de Dieu et responsabilité de l’homme sont deux réalités fondamentales dans toute la Création. Cependant, beaucoup de gens considèrent qu’elles  s’excluent l’une l’autre, en tout cas du point de vue rationnel.

  • Qu’en est-il du point de vue spirituel ?
  • Quel contenu la Bible donne-t-elle à ces deux notions?
  • Comment un chrétien peut-il les accueillir et les vivre sans déchirement ?
  • Qu’entend-on par souveraineté ?- L’action de l’homme est-elle libre ou déterminée ?-
  • Une possible conciliation : calvinisme ou arminianisme ?

1. La souveraineté de Dieu

Un terme peu courant

En consultant les catéchismes catholiques et protestants, on a la surprise que ni l’un ni l’autre n’a de rubrique intitulée de ce mot. Cela se comprend car ni ce terme ni  « Tout-puissant » ne sont très courants dans la Bible.

Dans l’Ancien Testament, on trouve plutôt « l’Eternel des armées » (Colombe) ou « le Seigneur de l’univers » (Bible en Français Courant). Dans le NT, c’est « le Seigneur du ciel et de la terre » (Matthieu 11.25). Le catéchisme protestant (réformé) consacre tout un chapitre à « la prédestination » qui est une conséquence pratique de la souveraineté de Dieu.

Pas de définition biblique mais mise en action

Comme pour beaucoup d’autres notions, les textes bibliques ne donnent pas de définition, mais montrent cette souveraineté en action ; ils abondent aussi bien dans l’AT que dans le Nouveau Testament. Juste quelques exemples :

A toi, Eternel, appartiennent la grandeur, la puissance et la magnificence, et la gloire et la majesté. Car tout ce qui est dans le ciel et sur la terre est à toi, Eternel. C’est à toi qu’appartient le règne, tu es le souverain au-dessus de tout être.  (1 Chroniques 29.11)

L’Eternel accomplit tout ce qu’il veut au ciel et sur la terre, dans les mers et dans les abîmes. Psaume 135.6.

Dès le commencement j’annonce l’avenir, et longtemps à l’avance ce qui n’est pas encore. C’est moi qui dis et mon dessein s’accomplira, oui, j’exécuterai tout ce que mon cœur désire. (Esaïe 46.10.

C’est en [Jésus] qu’ont été créées toutes choses [par Dieu], dans les cieux comme sur terre, les visibles, les invisibles, les Trônes, les Seigneuries, les Autorités, les Puissances. Oui, par lui et pour lui tout a été créé. Il est lui-même bien avant toute chose et tout subsiste en lui. Colossiens 1.16-17.

Que faut-il comprendre par « souveraineté de Dieu » ?

Il est libre : personne et rien n’a d’autorité, ni de pouvoir sur lui ; lui a autorité et pouvoir sur tout.
Il est tout-puissant : rien ni personne n’a de consistance, d’existence à côté de lui. Rien ne peut agir en dehors de lui ou s’opposer efficacement à lui.
Il est omniscient : il connaît tout et à fond dès avant la création. Il est présent partout à la fois.
Il est au départ de tout : tout ce qui est, a son origine, sa raison d’être, son droit d’exister en lui.
Il est à la fin de tout : tout ce qui est, existe par rapport à lui, pour célébrer sa gloire.
Il est vrai amour : c’est un Dieu de relation qui fait alliance avec ses créatures. Il est absolument fiable et sans changement dans un amour inconditionnel, sans réserve.
– Il est vraiment saint, absolument pur et juste, étranger et inaccessible au mal.
Il est éternel, sans commencement ni fin, en dehors de l’espace et du temps, il ne change jamais.
Il est la Vie qui n’existe et ne peut subsister en dehors de lui.

Personnalité incomparable, créatrice de vie

Toutes ces qualités associées qualifient non pas une notion abstraite, statique, sans vie, mais une personnalité incomparable, éminemment vivante, active, créatrice de vie. Elle suscite et soutient l’existence d’une infinie multiplicité et diversité d’objets inanimés et d’êtres vivants.

Les philosophes demandent pourquoi il y a quelque chose  et non pas rien, et n’y ont rien à répondre. La Bible montre que c’est parce que Dieu existe, parce qu’il est la Vie.

C’est « en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être » . Ou bien « en lui nous avons la vie, nous pouvons nous mouvoir et nous existons » (Actes 17.28).

Souveraineté dans tous les domaines

Cette suprématie, Dieu l’exerce dans tous les domaines et en particulier dans :

la création et le maintien en existence de tout ce qui est ;
l’histoire de l’humanité : à l’échelle individuelle et à celle des peuples. Il est maître des évènements de ma vie, il suscite les dirigeants, conduit leur carrière, les remplace…
la rédemption : c’est lui qui en a pris l’initiative dès avant la création. Il en a conçu le plan, l’a mise en œuvre jusque dans les détails. Il l’a conduite à sa totale réussite, malgré et même au moyen des obstacles opposés par le diable et les hommes.

Il rend l’homme capable d’y entrer délibérément et d’y progresser dans le service et la sanctification. Il se constitue ainsi un peuple parmi lequel il habite et qui le glorifie.

Doctrine fondamentale pour la foi

Cette doctrine a une importance fondamentale pour notre vie de foi

Elle fonde et approfondit notre respect pour Dieu qu’elle replace sur son trône. Elle nous rend attentifs à l’infinie supériorité de Dieu à l’homme, à la multiplicité des facettes de sa sainteté et au privilège de le savoir, malgré cela, tout proche de nous, au point de vouloir être notre Père.

Elle constitue le fondement de notre vie spirituelle. Celle-ci s’épanouit dans l’adoration, qui est le fait de placer Dieu au centre de contrôle de notre vie, au-dessus de tout ce que nous respectons. Ce n’est pas un homme qui peut concevoir le culte digne de Dieu. Seul Dieu peut nous le révéler et nous y conduire par son Esprit

Elle montre le caractère absurde, indigne, offensant de toute religion conçue par l’homme et du salut par les œuvres. Qu’est-ce qu’un petit être pécheur peut apporter et faire valoir face à l’infinie majesté sainte du Créateur soucieux de bénir sa créature ?

Elle remet l’homme et Dieu, chacun à sa vraie place. Nous sommes de petites créatures souillées et déchues par notre folie d’indépendance et Dieu est si extraordinairement élevé et différent de tout ce qu’il a fait et qu’il aime.

Elle inspire une soumission volontaire et confiante à ce Dieu aimant, l’humilité devant sa majesté, la sécurité sous ce Tout-puissant fidèle à ses engagements, la louange envers ce Père chez qui tout ce qu’on imagine de lui est encore infiniment dépassé par la réalité effective.

Elle est la garantie totale de notre avenir après de Dieu. Ce qu’il a projeté et promis, il a tout pouvoir de le réaliser et rien ne peut l’en empêcher.

2. Action libre ou déterminée ?

Dans la réflexion menée jusqu’ici est souvent réapparu le mot « tout » ou d’autres termes qui excluent une restriction ou une limitation à propos de Dieu.

Pas de hasard !

On jette le sort dans les pans du vêtement du prêtre, mais c’est de l’Eternel que dépend toute décision.  Proverbes 16.33.

Cela veut dire que même ce qu’on appelle le sort, le destin, le hasard ne sont que des chimères sans consistance devant Dieu. D’ailleurs on invoque souvent ces grands machins impersonnels imposants, voire effrayants pour éviter de parler de Dieu. Eux non plus ne peuvent donc limiter l’action souveraine de Dieu.

Libre-arbitre de l’homme / souveraineté de Dieu ?

Et qu’en est-il de l’homme qui revendique la liberté de ses choix, son libre arbitre, « sa faculté de se déterminer sans autre cause que sa volonté elle-même dans des choses où il n’y a aucune raison qui le penche d’un côté plutôt que de l’autre » (Dictionnaire le Robert).

Si Dieu est souverain, si c’est lui qui prend toutes les décisions, au point que « pas un seul moineau ne tombe à terre sans le consentement de notre Père céleste » ( Matthieu 10.29), que reste-t-il comme espace pour une liberté quelconque de l’homme ?

Celle-ci n’est-elle pas une simple illusion et l’homme n’est-il pas seulement une marionnette manipulée par infiniment plus fort que lui.

Dieu est-il souverain même pour accorder ou refuser le salut à l’homme ? Ou bien sa toute-puissance s’arrête-t-elle au seuil de ce domaine de la vie humaine ?

Romains 9.18 déclare bien que Dieu a pitié de qui il veut avoir pitié et il endurcit qui il veut endurcir .
Exode 9.12 indique que Pharaon a été endurci par Dieu pour ne pas lui obéir. Mais c’est seulement après les cinq premières plaies pour lesquelles il est chaque fois précisé que c’est Pharaon qui s’est obstiné contre Dieu de son plein gré.

Définissons trois  notions-clés :

Déterminisme

Le comportement humain ne peut-être sans cause, puisque rien ne se produit sans cause. Donc tout acte humain est causé par un facteur extérieur à l’homme et cette cause ultime c’est Dieu.

« Le libre choix, c’est de faire ce qu’on désire, mais c’est Dieu qui donne le désir » (Jonathan Edwards). Cela fait penser à Philippiens  2.13 : « C’est Dieu lui-même qui agit en vous pour produire à la fois le vouloir et le faire, conformément à son plan d’amour ». L’homme n’aurait donc aucune liberté de choix.

Objections :
[1] On ne fait pas toujours ce qu’on désire et on ne désire pas toujours ce qu’on fait (Romains 7.15-16). Dans ce cas la cause n’est pas Dieu mais le péché. En fait c’est repousser le problème d’un cran : le péché limite-t-il Dieu ? Sûrement pas, puisqu’il l’a vaincu à la Croix.

[2] Dieu peut prédéterminer des actions humaines en accord avec le libre arbitre plutôt qu’en contradiction avec lui. L’homme peut choisir, vouloir la même chose que Dieu veut.

Indéterminisme

Mon comportement n’a aucune cause. Il n’y a rien qui me pousse à tel acte plutôt qu’à tel autre, à le faire de telle façon plutôt que de telle autre. Tout est arbitraire et imprévisible.

Objections :

[1] D’ordinaire l’homme réfléchit avant d’agir et met ensuite le fruit de sa réflexion à exécution. Il y a donc souvent une cause identifiable.

[2] Ce serait faire de l’homme un être imprévisible, irresponsable, immature, invivable.

[3] C’est même priver Dieu de son rôle de Créateur qui a fait toute chose et toute personne en vue d’un but et les soutient, les conduit par sa parole vers la réalisation de ce but.

Auto-déterminisme

Les actes d’une personne sont provoqués par elle-même et non par autrui, sinon la personne ne serait pas responsable. Dans « responsable » il y a « répondre de » ses actes et cela implique le libre choix. Si c’est Dieu qui détermine tout, c’est lui aussi qui est responsable de l’origine du péché, de l’existence de Satan. Or Dieu n’agit pas contre lui-même.

Objections :

[1] L’homme est déchu de sa liberté d’origine qu’il a vendue à Satan. Il est esclave du péché, donc pas libre de répondre à l’Évangile, à moins que Dieu n’agisse en lui par le Saint-Esprit pour le rendre capable de répondre positivement. Sa tendance naturelle, c’est de repousser Dieu et l’Évangile.

[2] La Bible enseigne la souveraineté de Dieu, mais elle donne aussi des ordres. Nul n’a jamais eu une compréhension plus profonde de la souveraineté de Dieu que Jésus. Or tout son ministère consiste à appeler les gens à croire en lui et à entrer dans le royaume de Dieu. La Bible fourmille d’appels au choix personnel, à croire en ce que Dieu dit ou fait :

Je prends aujourd’hui le ciel et la terre à témoins (c’est solennel) : je vous offre le choix entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisissez donc la vie, afin que vous viviez … Deutéronome 30.19)
Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et les tiens ! Actes 16.31.

Il doit donc y avoir possibilité de choisir pour Dieu malgré le péché qui pousse à l’opposé.

Des limites à la souveraineté de Dieu ?

A plusieurs reprises il est apparu ci-dessus que la souveraineté de Dieu se heurte à la liberté, donc à la responsabilité de l’homme. En effet du point de vue rationnel il y a incompatibilité : si la souveraineté de Dieu est entière, la liberté de l’homme est nulle.

Inversement toute proportion de liberté de l’homme réduit d’autant la souveraineté de Dieu. Or, outre ces deux valeurs, il y a encore d’autres réalités qui semblent restreindre la souveraineté de Dieu.

Le mal, le scandale le plus choquant de la Création.

Or la surprise, c’est que la Bible n’explique pas le rapport entre le mal et la souveraineté de Dieu. Elle dit que Dieu ne fait pas le mal ni ne l’approuve (Habakuk 1.13 ; Jacques 1.13).

Tout en le tolérant provisoirement, Dieu le limite (Job 1.12-2.7). Mais il le juge soit immédiatement (Hérode dans Actes 12.19-23), soit à la fin de l’Histoire (Apocalypse 20.11-15). Sa toute puissance, sa sagesse sont telles qu’il peut même utiliser le mal pour le bien de ses enfants (Joseph dans Genèse 50.20) ou pour contribuer à réaliser son plan : Romains 8.28-29.

Donc le mal ne peut agir que provisoirement et dans une mesure limitée. Il n’a aucun avenir autre qu’un jugement radical et complet. Il ne constitue donc pas une restriction vraiment efficace à la souveraineté de Dieu.

L’évangélisation

Si la carrière humaine sur terre est déjà souverainement arrêtée depuis l’éternité passée, que peut y changer le travail d’un évangéliste, à quoi bon évangéliser ? Cela pourrait conduire à l’amertume ou à la passivité et l’irresponsabilité. Or ce qui précède nous a déjà montré que la souveraineté de Dieu et la responsabilité de l’homme ne s’excluent pas en fait.

On peut par exemple faire le constat suivant : dans la même courte séquence de Matthieu 11.25-30 Jésus affirme l’absolue souveraineté de Dieu mais il appelle aussi les pécheurs à venir à lui pour être sauvés.

Paul brosse un tableau saisissant de la souveraineté de Dieu dans Ephésiens 1. Mais  il envisage comme une chose certaine qu’une personne connaîtra un sort diamétralement opposé, selon le choix de vie qu’elle fait.« Si nous persévérons… si nous le renions » (2 Timothée 2.11-13). Pour Paul les deux choses logiquement inconciliables sont tout aussi possibles.

La prière, un comportement étroitement lié à l’évangélisation et à l’idée de changer des situations.

Jean affirme avec une totale certitude qu’une prière bien conçue c’est-à-dire conforme à la volonté de Dieu, entraîne des changements. Dans Romains 8.31-32 Paul s’appuie même sur la souveraineté de Dieu pour faire la même affirmation.

Il y a environ 30 ans, des chrétiens ont lancé une action de prière de 10 ans pour abattre le communisme russe. 8 ans plus tard celui-ci s’est effondré.

Dans sa prière pour ses frères juifs en Romain 9.1-5,  Paul ne pense nullement que tout est irrévocablement figé quant au sort des juifs. Il tire justement argument de la souveraineté absolue de Dieu pour demander avec assurance un retournement de situation pour les juifs.

3. Une possible conciliation

Contradiction insurmontable ou compatibilité ?

D’une part, du point de vue logique, rationnel on a affaire à une contradiction insurmontable : s’il y a souveraineté de Dieu, il ne peut y avoir liberté, responsabilité de l’homme et inversement.

D’autre part la révélation biblique considère tranquillement les deux comme compatibles et même indispensables l’un à l’autre dans une vie chrétienne vécue dans la conviction de l’inspiration divine de la Bible et dans une confiance obéissante à Dieu.

Marque de l’inspiration divine ?

N’est-ce pas là une marque de l’inspiration divine de la Bible : elle dépasse la logique humaine et fait un facteur de paix, d’assurance et de croissance spirituelle de ce que d’autres voient comme une tension insupportable.

Ainsi, bien des religions et même certains courants chrétiens considèrent comme impensable de présenter comme venant de Dieu quelque chose qui ne concorderait pas avec la logique, la raison humaine.

Et cela revient à affirmer que la pensée de Dieu ne saurait dépasser le niveau d’une réflexion humaine, que Dieu est au maximum un être humain très intelligent.

Concilier deux réalités opposées ?

Alors comment concilier ces deux réalités opposées ? Ne nous cachons pas qu’on est là en face d’un mystère majeur de la Création. Suggérons quelques éclaircissements.

  • Conciliation possible dans le vécu

Comme déjà suggéré, dans la Bible ce qui peut heurter un esprit logique, se vit néanmoins très bien en pratique, si c’est dans la confiance et la dépendance de Dieu. La conciliation se fait dans le vécu pratique.

  • Le « oui » de l’homme à Dieu est un don de Dieu

Des déclarations comme Philippiens 2.13 (le vouloir et le faire) font penser que même le oui de l’homme à Dieu est encore un don souverain de Dieu. Il y a des gens qui estiment que l’acceptation du salut pourrait être considérée par l’homme comme un mérite, puisqu’elle dépend de lui.

Or l’homme ne peut prétendre à aucun mérite : accueillir avec confiance le salut gratuit de Dieu ne peut se faire que dans une attitude d’humilité et de reconnaissance, sans idée de mérite. Alors cela n’a rien à voir avec un effort accompli dans l’espoir d’obtenir le salut.

  • Amour de Dieu pour ses enfants

Plus important est un autre aspect déjà effleuré. On a vu qu’une facette de la souveraineté de Dieu, c’est son amour fidèle pour ses enfants. Il ne me voudra jamais que du bien et ce qu’il me demande a aussi passé au crible de sa sagesse et de son amour.

  • Confiance et obéissance

La meilleure réaction que je puisse avoir à ce qu’il me dit ou me demande sera donc la confiance et l’obéissance. Ma volonté sera mise en harmonie avec la sienne, qui fait concorder les deux dans la prière.

Ainsi ma liberté ne s’opposera jamais à la souveraineté de Dieu, mais je choisirai librement de vivre en accord avec sa volonté. Si je laisse le Fils de Dieu me libérer de mes craintes infondées, des liens illégitimes, du souci de moi-même, je serai vraiment libéré et les deux volontés collaboreront dans la même ligne.

4. Qu’est-ce que la foi ?

Une foi centrée sur moi ?

Est-ce surtout le moyen d’obtenir ce que je désire, de restaurer ma vie pour en faire quelque chose qui vaut la peine d’être vécu ? Alors la foi est centrée sur les dons reçus de Dieu et non sur lui, mais aussi dans une large mesure sur moi.

Ou une foi centrée sur Dieu ?

Or je peux aussi me dire que seul mon Créateur aime et respecte assez sa créature pour la conduire dans une relation qui concilie ce qui paraissait inconciliable. Lui seul est capable, comme Créateur, de me conduire de façon qu’un oui de ma part soit à la fois et réellement le mien et le sien.

La décision pour le salut fonctionne alors un peu comme l’inspiration de la Bible. Son texte est à la fois ce que Dieu dit et ce que l’homme écrit sous la conduite de Dieu. Je serai totalement dépendant de mon Créateur, heureux de sa souveraineté, mais aussi dégagé de ce qui freine la vie chrétienne pour découvrir une vraie liberté : Jean 8.31-32.

Cette liberté augmentera à mesure que la soumission volontaire s’étendra à de nouveaux domaines de la vie. Cela jettera une toute nouvelle lumière sur Philippiens 2.13. Dans ce cas la foi est centrée sur Dieu le donateur. Il sait mieux que moi de quoi j’ai vraiment besoin et il ne m’en laissera pas manquer.

4. Deux doctrines chrétiennes : le calvinisme et l’arminianisme

Il nous faut encore nous arrêter à ce que l’Église chrétienne a fait de cette doctrine dans son histoire. Elle a donné naissance à deux courants largement opposés, selon qu’on met l’accent sur la liberté de l’homme ou sur la souveraineté de Dieu.

a) D’abord le courant qui insiste sur la souveraineté de Dieu : Calvinisme

Représentant ancien : Augustin d’Hippone, évêque nord-africain, 354-430, principal Père de l’Église .
Adam avait à l’origine la possibilité de pécher ou de ne pas pécher. Sa désobéissance lui a fait perdre la grâce, donc la possibilité de ne pas pécher. Seule la grâce de Dieu peut le réorienter vers le bien. Dieu choisit désormais parmi les perdus des gens appelés au salut. En eux la grâce éveille le besoin et le désir du salut, elle leur donne de décider de se repentir et de changer de direction, elle donne le cadeau de la justification, la capacité d’acquérir des mérites et de persévérer. Ce qui sauve, c’est la foi seule qui agit par l’amour.
Par la suite l’Église mettra de côté la doctrine de l’élection, mais retiendra celle de la grâce comme don surnaturel qui permet d’acquérir des mérites.

C’est Martin Luther (1483-1546), moine augustin, qui reprendra la question de la justification comme étant l’œuvre de Christ qui produit la foi par le Saint-Esprit.
Au 16e s. Jean Calvin (1509-1564) enseigne la foi biblique à Bâle, Strasbourg et  Genève en se fondant d’abord sur les idées de Luther. Il va élaborer une conception très radicale de la souveraineté de Dieu.

A la chute l’homme a perdu son libre arbitre ( serf-arbitre de Luther), il est devenu esclave du péché. Cela l’a rendu incapable par lui-même de se repentir et de croire en disant oui à Dieu : « L’homme livré à lui-même ne reçoit pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu ; à ses yeux c’est pure folie et il est incapable de le comprendre, car seul l’Esprit de Dieu permet d’en juger. » (1 Corinthiens 2.14).  Il faut que le Saint-Esprit lui donne de dire oui et le régénère. Ce oui sera alors aussi bien le sien que celui du Saint-Esprit.

Dieu exerce sa souveraineté en toute chose : il prédétermine/ prédestine tout. Quelque chosese arrive parce que Dieu l’a décrété et a mis son décret à exécution. Ce qu’il n’a pas prévu dans son plan, ce qu’il n’a pas décrété, n’a aucune chance de se produire. Il n’y a pas de hasard, sinon Dieu ne serait pas entièrement souverain. Il aurait en face de lui une réalité sur laquelle il n’aurait pas prise et avec laquelle il devrait composer, ce qui limite d’autant sa souveraineté. Il est également souverain pour notre salut qui est le produit d’un décret d’élection pris avant la fondation du monde (Ephésiens 1.4).

Tôt ou tard tous les élus seront sauvés. Quand ils entendent l’Évangile, ils l’accueillent et deviennent des sauvés (Romains 8.30) : « Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent. » (Actes 13.48).
Seul Dieu est capable de nous déterminer (pas nous) à dire oui à Dieu et il le fait non de l’extérieur de l’homme, mais de l’intérieur, par le Saint-Esprit.
Pourquoi Dieu choisit-il l’un et pas l’autre ? Il n’y a pas de réponse directe, sinon que ce n’est pas par considération de personne, par favoritisme. C’est un acte de grâce qui a sa cause en Dieu et non en l’homme.

Orientation doctrinale de l’Eglise réformée et de l’Eglise anglicane

Cette orientation doctrinale se retrouve aujourd’hui dans l’Église réformée et dans l’Église anglicane. Un chrétien évangélique la suit aussi très largement, mais pas jusqu’en son aboutissement extrême, tel qu’il apparaît dans la confession de foi de Westminster de 1646.
« Par le décret de Dieu, pour la manifestation de sa gloire, certains hommes et certains anges sont prédestinés à la vie et d’autres pré-ordonnés à la mort éternelle. » (article. 3)

Revenons aux cinq points qui peuvent limiter la souveraineté de Dieu :

Évangélisation :

Elle est nécessaire pour que le tri ait lieu entre ceux qui diront oui à Dieu parce que le Saint-Esprit les y a préparés et poussés, et ceux qui lui diront non, parce qu’ils restent livrés à eux-mêmes et centrés sur eux-mêmes.

Liberté et responsabilité humaine :

Le catéchisme réformé appelle clairement à la conversion vue comme la « réorientation de notre vie, de nos paroles, de nos pensées et de nos actes », « le renouvellement de l’intelligence ». Mais il implique la liberté de choix comme une évidence.

Prière :

C’est largement le même problème que pour les deux précédents. Elle trouve toute sa raison d’être et son assurance dans la promesse de 1 Jean 5.14-15

« Et voici quelle assurance nous avons devant Dieu : si nous demandons quelque chose qui est conforme à sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu’il nous écoute, nous savons aussi que l’objet de nos demandes nous est acquis. »

Il reste le problème important auquel la Bible ne donne pas non plus de réponse directe.
Comment Dieu a-t-il pu permettre l’entrée du mal, du péché dans sa création ?

b) La doctrine inverse : Arminianisme

Représentant ancien : Pélage (350-420) contre qui Augustin s’est battu. L’homme dispose du libre-arbitre, il est capable par lui-même de faire le bien et de respecter les commandements de Dieu ; la grâce est une simple aide de la part de Dieu.

Arminius, (1560-1609) théologien hollandais  critiqua la doctrine de la prédestination, mais fut lui-même accusé d’être un nouveau Pélage. Ses adeptes sont appelés arminiens ou remontrants.

Election conditionnée par l’homme

Nous sommes esclaves du péché. Dieu sait donc de toute éternité ce qui va arriver = celui qui sera sauvé et celui qui sera perdu. Il le sait d’avance (prescience), mais ne l’a pas décrété (prédestination). Dieu accorde une grâce universelle. Par elle, il restaure en l’homme son libre arbitre, sa liberté absolue de choisir sa destinée éternelle. C’est l’homme qui choisit de coopérer avec la grâce ou de lui résister : Dieu n’influence pas ce choix. L’élection est conditionnelle, fondée sur une décision non de Dieu, mais de l’homme qui prend librement position envers l’offre de salut.

Volonté universelle de salut mise en avant

Arminius met en avant les textes présentant la volonté universelle de salut de Dieu.
« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 2.3-4).
A son avis de nombreux textes que les calvinistes lisent dans une optique individuelle, concernent en fait des peuples entiers. Il parle d’élection collective. Ainsi dans Romains 9.10-14, Jacob et Esaü sont deux peuples. Dans Romains 1 17-19, pharaon c’est toute l’Egypte.

Différences d’accent entre les deux doctrines

Arminianisme : On ne peut affirmer la responsabilité de l’homme en niant son libre arbitre.
Calvinisme  : Si Dieu se contente de restaurer le libre arbitre sans intervenir dans la décision de l’homme, celui-ci glissera sur sa pente naturelle d’indifférence ou d’hostilité à Dieu et il reste perdu. Affirmer le libre arbitre de l’homme, c’est limiter la souveraineté de Dieu qui donne le salut de A à Z.

: On ne peut pas prier pour le salut de  quelqu’un, ce serait intervenir contre sa liberté.

: Dieu peut souverainement avoir décidé d’agir en réponse à une prière par un changement de situation de l’homme. Alors la prière obtient un changement de situation dans le cadre de la souveraineté de Dieu et non en la violant ou en la restreignant.

Le catéchisme catholique exprime une position  très proche de l’arminianisme : Dieu est le maître souverain de son dessein. Mais pour sa réalisation il se sert aussi du concours des créatures. Ce n’est pas là un signe de faiblesse (limitation), mais de grandeur et de bonté du Dieu Tout-puissant. Car Dieu ne donne pas seulement à ses créatures d’exister, mais aussi la dignité d’agir elles-mêmes, d’être causes et principes les unes des autres et de coopérer ainsi à l’accomplissement de son dessein (§ 306).

Conclusion

L’impression s’impose d’avoir affaire à un sujet trop complexe pour qu’on lui trouve une explication entièrement satisfaisante.
C’est le sentiment d’Antoine Nouis qui déclare :
« Dire une parole définitive sur la prédestination (ou la souveraineté de Dieu) est une gageure, car cela nous ferait entrer dans le conseil de Dieu [participer sur un pied d’égalité aux décisions éternelles de Dieu]. Cela dit, nous sommes appelés à mettre notre intelligence au service de notre foi » (p 337).
Être intelligent ici, c’est être prudent. L’Écriture affirme avec autant d’insistance la souveraineté de Dieu que la nécessité d’un changement volontaire de position de l’homme.

La crucifixion est autant le couronnement irrésistible du plan souverain de Dieu qu’une abjection ultime librement organisée par des pécheurs responsables (Matthieu 26.24).
La position des chrétiens, c’est bien celle de fils et de filles de Dieu. Ils ont été libérés par notre Père et de ce fait désireux de le servir par reconnaissance et amour. Ce qui revient au point 4 de la partie 3.

Si l’on considère les choses depuis la terre, on voit surtout l’appel lancé à l’homme à faire le choix de la Vie. Les choses vues du ciel mettent en avant la souveraineté absolue de Dieu. C’est un effet de celle-ci de savoir faire concourir harmonieusement deux valeurs logiquement inconciliables.

Cela a fait dire à quelqu’un qu’elles sont les deux faces de la même médaille. Spurgeon a précisé que si sur terre elles coexistent comme des parallèles qui ne se rejoignent jamais, au ciel elles s’entremêlent majestueusement.

Après tout une telle double doctrine prend une toute autre allure, selon qu’on l’aborde d’un point de vue seulement théorique et extérieur ou qu’on la vit dans une relation personnelle soutenue. Alors elle ne choque et ne bloque plus, mais devient une bénédiction libératrice :
« L’amitié, le secret, l’intimité de l’Eternel est pour ceux qui le craignent.
l’Eternel confie ses desseins à ceux qui le révèrent, et il les instruit de son alliance.
 » Psaume 25.14

J.J.Streng