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tableau de Jacques Tissot Domaine public
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Sommaire

Le livre de Job : surprenant et assez difficile à comprendre

De l’avis de beaucoup de chrétiens le livre de Job est assez difficile à comprendre. Effectivement et ce n’est pas simplement à cause des thèmes qu’il traite : la souffrance humaine, la souveraineté et la gloire de Dieu, la religiosité courante.
C’est surtout dû à la manière surprenante dont est mis en scène le sujet de la souffrance parmi les hommes. En effet l’auteur n’adopte pas l’angle ordinaire du malheur comme conséquence du péché, mais tout à l’opposé comme l’expérience déroutante d’une série de catastrophes qui tombent sur un homme que Dieu lui-même déclare intègre, et cela à deux reprises. Il faut donc laisser de côté les idées simplistes et regarder les choses de près.

1. Les deux premiers chapitres

Présentation des personnages et du problème spécifique

Comme dans une pièce de théâtre, c’est là que nous sont présentés les personnages de toute l’action et qu’est posé le problème qui fera l’objet de toute la suite. Si le lecteur passe trop vite sur les 2 scènes développées là, il va rater l’essentiel du message du livre. Il pourra tirer certains enseignements justes, confirmés ailleurs dans la Bible. Mais il passera à côté de la pointe particulière, de l’objectif spécifique du livre de Job.

Voyons donc le contenu des chapitre. 1-2 :

D’abord le personnage central : Job : 1.1 et sa richesse —> 3d.

Chronologiquement on le situe très loin dans le passé, peut-être même avant Abraham. On peut admirer la connaissance que ces hommes – et tout particulièrement Job – ont de Dieu, sans aucune révélation écrite.

Suit alors une impressionnante scène au ciel :

présentée comme souvent dans la Bible : sobre, directe, sans détail annexe : 1.6-12.

Puis la 1e chaîne de catastrophes

Elles  enlèvent brutalement à Job tous ses troupeaux, beaucoup de serviteurs et même ses enfants—> 1. 20-22 !!

Nouvelle scène au ciel : —> 2.1-6.

Il perd sa santé et le soutien de sa femme : 2. 7-10.

Et le chapitre 2 se termine en annonçant l’arrivée de 3 amis venus le consoler.

2. La lecture classique

Une AG au ciel : Satan met en doute la motivation de Job

Une assemblée générale est convoquée par Dieu au ciel. Tous les anges y participent, même l’ange déchu. Celui-ci, malgré son évidente arrogance, doit rendre des comptes à Dieu et le dialogue se centre sur un homme en particulier, Job.

Dieu le connaît bien et en fait un éloge impressionnant : il n’y a personne comme lui sur terre. Satan est obligé de l’admettre, mais ce semeur de doute et de mensonges met en question la motivation de Job : 1. 9-11 ; 2. 4-6.

Et par 2 fois une série de calamités tombe sur le pauvre Job qui perd successivement :

tous ses biens dans une véritable rafale de nouvelles catastrophiques, puis ses enfants, sa santé, le soutien et le respect de sa femme, le soutien de ses amis.

Que lui reste-t-il alors ? Imaginons-nous à sa place :

un peu de vie, mais avec des douleurs constantes, son attachement à Dieu, mais il a l’impression profondément déroutante que Dieu ne lui rend pas justice et est même devenu son ennemi.

Il y a aussi ses 3 amis venus le consoler, mais avec leur esprit obtus ils l’énervent rapidement et iront jusqu’à prononcer des accusations scandaleuses sur son intégrité et son image de Dieu.

Une fois cette situation de départ bien notée, comment comprendre le message de tout le livre ?

La grande majorité des commentaires reconnaît le caractère extrême des épreuves de Job et explique qu’elles ont été nécessaires pour lui faire abandonner sa confiance en soi, « son orgueil », disent-ils, lui faire avouer sa condition limitée de pécheur.

D’autres expliquent que ces épreuves sont nécessaires pour approfondir sa vie spirituelle et l’introduire à des bénédictions bien plus grandes. Ce n’est pas faux, mais un peu passe-partout. Et surtout là n’est pas le vrai enjeu de ce livre.

D’autre part si le but du livre est de montrer si ces épreuves vont effectivement confirmer, affermir la foi de Job, ce livre prend une allure effrayante, car il me faudrait envisager comme normal d’affronter, moi aussi, des situations aussi extrêmes pour progresser dans ma foi. Même en face de problèmes moins lourds, suis-je capable, moi, de dire : L’Eternel a donné… ?

De plus, dans cette approche, l’attention se focalise sur l’homme, sur Job. Celui-ci devient un homme exceptionnel qui arrive à tenir face à un tel déluge de coups durs. Il devient un « héros de la foi » (ce qui est totalement étranger à sa mentalité), un magnifique exemple, mais difficile à égaler et, de plus, dans un passé bien lointain et une culture et des circonstances bien différentes.

3. Le vrai enjeu

Le vrai enjeu se situe ailleurs : non dans la personnalité de Job, mais dans les 2 dialogues entre Dieu et Satan.

À l’éloge que Dieu fait de Job Satan répond :

Est-ce de façon désintéressée que Job craint Dieu ?.. Porte la main contre lui…et je suis sûr qu’il te maudira en face.

Par deux fois le diable lance ce défi, bien dans la ligne de son arrogance de semeur de zizanie.

Et la grosse surprise : Dieu accepte, tout en fixant des limites. Il est et reste le Maître des circonstances.

Dieu accepte, parce qu’il connaît Job. Il a dit qu’il n’y a pas autre homme comme lui sur terre. Il croit donc que d’un tel homme il peut attendre la fermeté dans des évènements très durs, c’est-à-dire une démonstration de foi désintéressée, inconditionnelle. Même dans des circonstances aussi extrêmes.

Cette démonstration proclamera la gloire de Dieu

Et quand à la fin la preuve sera donnée que Dieu avait raison, qu’il pouvait effectivement attendre de l’homme un tel amour, qu’il en est digne comme Créateur et Maître de l’univers, cette démonstration proclamera non, par des paroles, mais par un fait incontestable, la gloire de Dieu devant toute la création et aussi à la face du monde de Satan, de ce semeur de doute et de zizanie.

Dieu connaît Job

Dieu connaît Job et croit en sa foi, à la sincérité de son attachement, au niveau de ce que Job devrait être capable d’endurer.

Il nous connaît aussi

Il nous connaît nous aussi et croit que notre amour est sincère. Et quand il permet une épreuve, elle est mesurée, dosée en fonction de notre foi et de notre maturité spirituelle. Elle reste contrôlée par le Maître des circonstances. Mais elle nous donne l’occasion de proclamer le gloire de Dieu à la face de notre entourage et aussi du monde invisible que nous sommes sérieux dans notre attachement à Dieu, qu’il le mérite bien comme Dieu et Sauveur.

Cette fois l’attention n’est pas centrée sur l’homme, mais sur Dieu,

L’enjeu n’est pas seulement la fermeté de notre foi et sa progression, mais une démonstration en actes de la gloire de Dieu.

Voilà une dimension à me remettre clairement devant les yeux, quand un coup dur arrive. Ce coup dur n’aura pas la gravité de ceux qui ont frappé Job, il sera à ma mesure, mais moi aussi je pourrai témoigner, à l’honneur de Dieu, qu’il est digne d’un amour inconditionnel, pour rien. Ce témoignage est possible à tous les niveaux de foi, même dans un quotidien banal.

On est là aux antipodes des conceptions des trois amis de Job.

Leur religiosité simpliste est certes exigeante et très élevée au-dessus du polythéisme de leur époque. Il y a des choses qu’il faut faire et d’autres qu’il faut vraiment éviter et tt cela sous le regard du divin Juge. Si tu fais le bien, tu seras béni ; si tu fais le mal, tu seras puni.

Et si Job a subi ces terribles calamités, c’est qu’il a gravement péché. Tous leurs efforts s’unissent pour le lui faire avouer et quand Job s’obstine à leur parler de sa justice, ces prétendus amis, venus pour le consoler, en viennent à l’accuser de mensonge, en termes cruels et impitoyables. Pour sauver leur piètre image de Dieu et le système qui en découle.

Ils s’entendraient bien avec un certain christianisme actuel qui a à peu près tout oublié de la Bible, à part les 10 commandements.

Ils s’entendraient aussi avec le commun des Juifs qui lisent ce livre dans leur Bible. Et là justement se situe une autre signification importante de ce livre.

Et avec une compréhension légaliste – donnant-donnant de l’Ancien Testament

Dans le cadre de l’AT, trop facilement compris de manière légaliste, voilà un livre, peut-être le plus ancien de tous, qui rejette avec vigueur toute scorie religieuse légaliste, commerciale du donnant – donnant cher aux trois amis.

Job craint Dieu parce que Dieu est Dieu

Non, Job ne craint pas Dieu, parce que cela apporte quelque chose à Dieu, ni parce que cela lui sert à lui-même, mais parce que Dieu est Dieu. Dieu en est digne à cause de ce qu’il est et non pas simplement à cause de tout ce qu’il nous donne.

Le Dieu unique et véritable, majestueux dans sa souveraineté et plein de grâce dans son amour et sa providence pour l’homme, mérite un amour véritable, désintéressé. C’est là une des grandes spécificités de notre foi en Christ.

Une épreuve, même incompréhensible, ne suffit pas pour justifier que je retire à Dieu ma confiance, que je le renie.

Dans une relation d’amour, les deux partenaires se connaissent, se font mutuellement confiance, comme une chose allant de soi. Nous savons qu’il est nécessaire et légitime de croire en Dieu, mais pensons-nous que Dieu croit aussi en nous, c’est-à-dire qu’il estime que puisque son amour est véritable, le nôtre le sera aussi et ne s’évaporera pas face à un coup dur. Celui-ci est connu d’avance, donc contrôlé par le Maître des évènements, qui lui donne une raison d’être constructive.

Job ressent le besoin d’un médiateur

Job ne comprend pas ce qui lui arrive, cette immense averse tombée d’un coup d’un ciel bleu. Contre toutes les accusations injustes de ses piètres consolateurs, il ressent fortement le besoin d’un médiateur, d’un garant de sa bonne foi auprès de Dieu. Et il a même l’intuition que ce médiateur, ce serait Dieu lui-même auprès de Dieu, c’est-à-dire Christ.

4. Bilan provisoire

La confiance de Job en Dieu

Il est vraiment étonnant de découvrir la confiance de cet homme en Dieu, lui qui a vécu au moins 4000 ans avant nous. Alors que nous, nous connaissons toute l’histoire d’Israël et pouvons lire à loisir une révélation détaillée de Dieu.

Cela ne veut-il pas dire que Dieu se révèle effectivement à qui le cherche sincèrement :

Vous me chercherez et vous me trouverez, pq vous me chercherez de tout votre cœur (Jérémie 29. 13).

L’actualité nous le confirme par les témoignages que nous entendons de gens qui n’ont aucun accès personnel à la Bible et à qui Dieu se révèle de nos jours.

Job désarçonné mais toujours attaché à Dieu

Job est totalement désarçonné : il ne comprend plus rien à ce qui lui arrive. Mais il ne se laisse pas entamer par les insinuations de sa femme et de ses amis. Non, dit-il en quelque sorte, je sais que Dieu m’aime et il sait que je l’aime, je veux rester attaché à lui, je ne le renierai pas. Et lui se lèvera le dernier sur la terre, il aura le dernier mot dans cette affaire : C’est lui que je contemplerai et il me sera favorable. Mes yeux le verront… Au plus profond de moi, je n’en peux plus d’attendre (19.27)

Alphonse Maillot, un commentateur perspicace, dit que Dieu remet sa cause à Job.

Il croit que son amour pour Job est assez fort pour que Job triomphe dans ce test. Sinon cela signifierait que son amour ne peut pas grand chose. C’est le sort de Dieu qui va se jouer sur terre, tandis que le sort de Job se joue au ciel.

Dieu est digne d’un amour inconditionnel

Finalement le défi lancé par l’adversaire à Dieu, qui le relève, devient le défi lancé par Dieu à l’adversaire qui sera vaincu dans les faits. Oui, Dieu est digne d’un amour inconditionnel, parce qu’ il n’y a pas d’autre Dieu dans la création, il est majestueusement saint et réellement amour.

C’est une revanche sur l’événement du jardin d’Eden où l’homme avait accepté l’idée de Satan que l’amour de Dieu était intéressé, que Dieu voulait se préserver des privilèges.

A suivre …

J-J Streng