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Jésus devant le tribunal juif après une arrestation rapide
L’arrestation de Jésus, conduite par Judas s’est fait rapidement. La troupe hétéroclite est formée par la police du Temple, des anonymes armés de bâtons et d’épées commandités par les chefs religieux et (peut-être) une centaine de soldats romains (Jean 18.3)
Comme il (Jésus) parlait encore, voici, Judas, l’un des douze, arriva, et avec lui une foule nombreuse armée d’épées et de bâtons, envoyée par les principaux sacrificateurs et par les anciens du peuple.
Matthieu 26.47, cf.Marc 14.43
Elle appréhende Jésus sans qu’il oppose aucune résistance. Il est conduit devant les autorités judiciaires juives.
Infractions à la légalité au cours du procès
Ni l’interrogateur accrédité, ni le lieu officiel, ni le moment légal de la journée
D’abord Hanne, beau père de l’actuel grand prêtre Caïphe, et qui n’est donc plus officiellement grand prêtre outrepasse ses droits. Il interroge Jésus de nuit, en privé hors de toute séance officielle du sanhédrin (le tribunal juif). C’est illégal, car la loi juive offrait des garanties à l’accusé.
Aucun respect des droits de l’accusé
Présomption d’innocence non respectée
Une particularité curieuse de procédure légale au sanhédrin était que l’homme impliqué était considéré comme absolument innocent et même pas en procès, jusqu’à ce que des témoignages évidents aient été présentés et confirmés. (Leon Morris, The Gospel According to John)
Pas de vérification des témoignages
Jésus rappelle à Hanne qu’il n’a aucun droit de lui demander quelque chose jusqu’à ce que l’évidence des témoignages ait été établie et vérifiée
Le souverain sacrificateur interrogea Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine. Jésus lui répondit : J’ai parlé ouvertement au monde ; j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s’assemblent, et je n’ai rien dit en secret. Pourquoi m’interroges-tu ? Interroge sur ce que je leur ai dit ceux qui m’ont entendu ; voici, ceux-là savent ce que j’ai dit. Jean 18.19-21
Témoignages à charge
En justice juive, personne ne peut être contraint à témoigner contre soi-même. Or Hanne, abusant de son autorité, puisqu’il n’était plus officiellement grand-prêtre avait escompté des réponses pouvant servir de témoignage à charge devant Caïphe et le sanhédrin.
Tribunal d’emblée hostile à l’accusé
Ensuite, et toujours de nuit, Jésus est emmené lié devant le sanhédrin présidé par Caïphe. Le président et une bonne partie des membres constituant l’aristocratie des prêtres sont des sadducéens, d’emblée hostiles. Or ces mêmes personnes avaient organisé l’arrestation de Jésus par traîtrise avec l’intention publiquement avouée de le supprimer.
L’un d’eux, Caïphe, qui était souverain sacrificateur (grand-prêtre) cette année-là, leur dit : Vous n’y comprenez rien ; vous ne réfléchissez pas qu’il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas.
Jean 11.49-50
Comparaison entre les procédures légales de la Mishna et les pratiques du Sanhédrin
En comparant les procédures légales fondées sur les écrits de la Mishna (compilation de la tradition orale et du code législatif, commencée vers 70 et rédigée au 2e siècle) et les pratiques du sanhédrin dans ce procès, l’accusation d’illégalité est évidente.
Dans son livre, « Le procès de Jésus crucifié sous Ponce Pilate », l’avocat J.M. Varaut présente une argumentation à rapprocher du déroulement des faits :
Procès criminel interdits la nuit, le sabbat, la veille de la Pâque
Les procès au criminel ne pouvaient avoir lieu au cours de séances nocturnes et ne pouvaient non plus se tenir le jour des préparatifs du sabbat, soit le vendredi, et moins encore la veille de Pâques.
Condamnation à mort le lendemain du procès
Au surplus, une condamnation à mort ne pouvait intervenir au cours de la même séance et ne pouvait être proclamée que le lendemain du procès.
Le procès de Jésus a bien lieu de nuit, avec une condamnation à mort immédiate.
Cependant, Marc précise qu’une séance de délibération avec le sanhédrin complet a lieu le matin (Marc 15.1). Ceci rétablit une certaine légalité
Ni témoin à décharge, ni défense
Aucun témoin à décharge n’a été entendu et aucune défense n’a été mise à la disposition de l’accusé. L’avocat général Dupin, le premier, en 1828, montrera que les formes de la justice avaient été grossièrement violées dans le procès de Jésus.
Faux témoignages
L’action de Jésus contre le Temple ainsi que ses paroles, dénaturées par les faux témoins ont été à l’origine directe de son arrestation.
Les uns produisent des témoignages discordants, non retenus. D’autres déforment les paroles de Jésus, l’accusant d’avoir déclaré : Je détruirai ce temple.… Comme il avait dit, en fait, » détruisez ce Temple« , les dépositions ne concordent pas.
Tout est joué d’avance
L’audition des témoins se déroule dans une atmosphère délétère, des témoins à décharge n’auraient eu aucun poids. Tout est joué d’avance : il faut se débarrasser de Jésus le plus rapidement possible.
Jésus ne répond pas.
Alors le souverain sacrificateur, se levant au milieu de l’assemblée, interrogea Jésus, et dit : Ne réponds-tu rien ? Qu’est-ce que ces gens déposent contre toi ? Jésus garda le silence, et ne répondit rien. Marc 14.60
La question cruciale : es-tu le Christ ?
Cette confrontation ne donne pas les résultats escomptés. Caïphe passe, sans transition, à une autre question :
Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? Marc 14.61 et parallèles
La réponse de Jésus, « C’est toi qui l’as dit’ (Mt 26.64) qui renvoie au grand prêtre sa propre interrogation, et surtout la référence au Fils de l’Homme, vont précipiter la condamnation. Le grand-prêtre crie au blasphème en déchirant ses vêtements.
Un verdict unanime
Le verdict est rendu à l’unanimité : « Il mérite la mort ».
qui bafoue…les garanties d’impartialité
Mais … les plus jeunes membres du sanhédrin devaient opiner (voter) avant les anciens afin de ne pas être influencés par eux. Or, Caïphe exprime le premier son opinion sur la culpabilité avant de provoquer un vote unanime. Il y avait pourtant dans le droit criminel juif une disposition qui prévoyait qu’en cas de dérision unanime de culpabilité, l’accusé était immédiatement libéré.
Un geste illégal pour impressionner
De plus, d’après un commentateur anglo saxon, le grand prêtre déchire illégalement ses vêtements. Un juif ordinaire pouvait le faire en signe de d’affliction mais pas les prêtres parce que leurs vêtements avaient été faits selon les directives de Dieu et étaient figuratifs de leur office.
Enfin, selon une règle de la Mishna, nul ne peut être condamné sur son propre aveu.
Un réquisitoire pour demander la mort ou une véritable condamnation à mort ?
Cependant, selon Varaut, il ne s’agit pas de condamner Jésus sur son aveu, mais de constater que ses déclarations sont blasphématoires. Elles ont été prononcées en public, et le public en a été témoin.
Varaut affirme qu’en fait, le tribunal juif n’a pas prononcé une véritable condamnation à mort, mais un réquisitoire à présenter devant Pilate, le gouverneur romain qui possède le jus gladii, (droit du glaive ou droit de prononcer une condamnation à mort). En effet, depuis l’installation du pouvoir romain en l’an 6, le tribunal juif n’a plus le droit de prononcer des condamnations à mort.
Justice rendue selon le droit juif, ratifiée par l’autorité légale romaine
Les tribunaux juifs, en particulier le Sanhédrin, continuent à rendre la justice selon leur droit propre, sous la réserve que toute condamnation à mort soit ratifiée par le procurateur romain avant de devenir exécutoire.
C’est la procédure d’exequatur permettant d’appliquer un jugement prononcé par une autre juridiction.
Deux options sont envisageables
– Une condamnation à mort à confirmer
ou le sanhédrin a prononcé une condamnation à mort pour blasphème. il est obligatoire de la faire confirmer par Pilate pour qu’elle soit applicable
– Un interrogatoire pour établir les charges
ou le sanhédrin tenant lieu de jury a procédé à un interrogatoire préliminaire visant à établir les charges à lui présenter. C’est ce qui peut ressortir de l’expression Il mérite la mort 1 (Matthieu 26.66).
Cette réponse n’est pas une dérision de condamnation à mort. C’est en quelque sorte un arrêt de mise en accusation suivi d’une dérision de prise de corps.
Une étrange réunion du sanhédrin
Quand le jour fut venu, le collège des anciens du peuple, les principaux sacrificateurs et les scribes, s’assemblèrent, et firent amener Jésus dans leur sanhédrin. Ils dirent : Si tu es le Christ, dis-le nous. Jésus leur répondit : Si je vous le dis, vous ne le croirez pas ; et, si je vous interroge, vous ne répondrez pas. Désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu. Tous dirent : Tu es donc le Fils de Dieu ? Et il leur répondit : Vous le dites, je le suis Alors ils dirent : Qu’avons-nous encore besoin de témoignage ? Nous l’avons entendu nous-mêmes de sa bouche. Luc 22.66-71
La réunion matinale du Sanhédrin, telle que Luc la présente, laisse une impression curieuse.
D’un côté il s’agit bien d’une séance on ne peut plus officielle. L’assemblée suprême siège dans sa composition statutaire avec les anciens grands-prêtres et les docteurs de la Loi. Elle se réunit non pas dans la maison du grand prêtre comme chez Marc, mais au sanhédrin, le lieu qui convient légalement.
Mais d’un autre côté cette séance apparaît inconsistante et expéditive. Il n’y a pas de président, pas d’appel à témoins, aucune sentence n’est prononcée. Bref, ‘on cherche en vain les traits qui évoqueraient une véritable séance de tribunal «
La réponse que Jésus donne à la question sur sa filiation divine est assez évasive (22 70). On s’explique mal alors la décision des juifs de livrer Jésus à Pilate.
Bref ! Un jugement inique !
C.Streng