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Concilier pardon des péchés, sainteté et amour de Dieu

Le problème du pardon des péchés

Pourquoi la mort de Jésus était-elle indispensable pour le pardon des péchés ? Dieu ne pouvait-il pas se montrer miséricordieux en pardonnant simplement les péchés sans qu’elle soit nécessaire?

Selon  Cur deus Homo ?/Pourquoi Dieu s’est-il fait homme ? d’Anselme de Canterbury un théologien anglais du 11e s, on ne peut simplifier la procédure du pardon. On ne peut comparer le pardon entre hommes, pour des offenses personnelles, avec celui de Dieu, créateur des lois que nous transgressons.
Le problème du pardon est celui du choc entre la perfection divine et la rébellion humaine, entre un Dieu d’amour qui pardonne et un Dieu saint et juste qui juge. La solution se trouve à la croix où se concilient la miséricorde et la justice de Dieu.

La gravité du péché

L’Écriture définit le péché comme une offense contre l’autorité et l’amour de Dieu. C’est comme un défi lancé à Dieu, comme une prétention à l’indépendance. C’est aussi le refus d’ affronter la gravité du péché qui conduit à l’éliminer du vocabulaire…en le remplaçant par crime, jugé par l’État ou par maladie. Mais reconnaître le péché comme péché conduirait « au réveil de la responsabilité personnelle »
On élimine ou on atténue la responsabilité morale de l’homme par tout un ensemble de facteurs externes : hérédité, éducation, société. Ou alors, on façonne un homme sans responsabilité, prédéterminé par l’environnement. Ce serait donc la faute de la société.

La responsabilité légale dépend de la responsabilité mentale ou morale et aussi de l’intention et de la volonté. Elles peuvent être atténuées, chez l’enfant ou chez la personne mentalement handicapée. Mais les failles de la nature humaine ou de l’éducation ne peuvent servir d’excuse.

La Bible constate l’existence d’une tension entre ce qui nous conditionne – le péché originel – et notre aptitude à exercer notre responsabilité morale. Celle-ci n’est jamais supprimée. Elle fait partie de la nature humaine. Elle n’est pas atténuée par la chute, c’est à dire l’intervention du péché originel. L’homme garde toujours un minimum de pouvoir de décision.

Vraie et fausse culpabilité

Nous sommes tous inexcusables car sachant ce qu’il faut faire, nous ne l’avons pas fait


Nous savons, en effet, que la loi est spirituelle.
Mais moi, je suis charnel, vendu au péché.
Car je ne sais pas ce que je fais. Je ne fais point ce que je veux, et je fais ce que je hais. Or, si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais par là que la loi est bonne.
Et maintenant ce n’est plus moi qui le fais, mais c’est le péché qui habite en moi. Ce qui est bon, je le sais, n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair. J ‘ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien.
Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal
que je ne veux pas.
Romains 7.14-19

Cependant, notre conscience n’est pas infaillible. Il existe un faux sentiment de culpabilité, mais aussi un faux sentiment d’innocence, une fausse contrition, une fausse assurance du pardon.

La sainteté et le courroux de Dieu

Le péché est incompatible avec la sainteté de Dieu et avec sa colère qui est sa répugnance à l’égard du mal et sa vigoureuse opposition à ce mal.

L’Écriture l’illustre par plusieurs métaphores : la hauteur ou transcendance, la distancela lumière et le feu, le vomissement par dégoût devant les désobéissances du peuple d’Israël ou la tiédeur de l’Église de Laodicée.

Apocalypse 3.15-16
Je connais tes oeuvres. Je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche.

Même si le Dieu de nos contemporains est plutôt laxiste, nous devons éviter toute présomption et ne pas brûler les étapes quand nous expliquons l’œuvre de l’expiation. Il faut garder une juste compréhension de la gravité du péché et de la majesté de Dieu.

La satisfaction pour le péché

Les mots satisfaction et substitution provoquent de nombreuses critiques.

Satisfaire le diable?

Dans l’Église primitive, on pensait que c’était le diable qui avait rendu la croix nécessaire, comme instrument de sa défaite. Pour plusieurs Pères de l’Église, le diable est le maître du péché et de la mort. C’est le principal tyran dont Jésus vint nous affranchir.

Il faut relever trois erreurs

  • accorder au diable plus de pouvoir qu’il n’en a en réalité,
  • lui reconnaître certains «droits» sur l’homme,
  • faire de la croix un troc entre Dieu et le diable.

D’autres définissent la transaction comme une duperie (un hameçon, une souricière).

John Stott reconnaît un certain intérêt à ces théories. Mais il exclut toute transaction et surtout toute duperie entre le diable et Dieu.

Satisfaire la loi ?

La nécessité morale de la satisfaction divine à la croix s’explique par les exigences de la Loi, décrites dans les 5 premiers livres de l’Ancien-Testament en particulier dans le Décalogue (les dix commandements Exode 20.1-17; Deutéronome 5.6-21). Dieu aime les pécheurs et il désire les sauver. La sanction exigée par la loi a été appliquée à la croix et ainsi les exigences de la Loi ont été satisfaites.

Pour les Pères latins du 4e s, la libération par le Christ de la malédiction de la Loi s’explique par l’application de la sentence légale.

Galates 3.13
Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous -car il est écrit: Maudit est quiconque est pendu au bois

Pour les Réformateurs du 16e s, Jésus-Christ devait absolument se soumettre à la loi pour nous arracher à sa condamnation.

Cependant, si la désobéissance aux lois morales de Dieu attire la condamnation, ce n’est pas parce que Dieu est le prisonnier de ses lois, mais parce qu’il est leur auteur.

Satisfaction de l’honneur et de la justice de Dieu?

Dans Cur Deus Homo ? Anselme rejette la thèse patristique de la rançon : c’est la dette de l’homme envers Dieu qui doit être acquittée.
L’unique personne volontaire pour opérer la satisfaction devait nécessairement être à la fois parfaitement Dieu et parfaitement homme, puisque nul, hormis un Dieu véritable, ne pouvait l’accom­plir, et que nul, hormis un homme authentique, n’était dans l’obliga­tion de le faire.

Les Réformateurs ont souligné la notion de justice en Dieu et l’impossibilité de concevoir un moyen de salut qui n’eût pas satisfait sa justice.

Hugo Grotius (1583-1645) insistait sur le caractère objectif de la croix, unique moyen de satisfaire les exigences de la justice divine. Il accordait aussi une grande importance à la morale publique dans ses deux aspects de prévention des délits et de respect de la loi.

Plusieurs théologiens du 20e s. ont aussi appliqué cette conception d’un Dieu «gouverneur moral du monde» à la doctrine de l’expiation. Pour Emil Brunner, le
péché est un assaut contre l’ordre moral du monde, expression de la volonté morale de Dieu. Il existe une analogie entre la loi naturelle et la loi morale dont aucune ne peut être violée impunément

La satisfaction de Dieu lui-même ?

Les Écritures soulignent la parfaite cohé­rence de la personne de Dieu, contraint de juger les pécheurs, tout en restant fidèle à lui-même, en utilisant le langage de la provocation, du feu, de la colère. Son jugement est inéluctable parce qu’il est enraciné dans la sainteté de sa nature, et en parfaite harmonie avec ses exigences et avec sa nature révélée.

Sainteté et amour de Dieu dans le pardon des péchés

Dans Osée 11 et d’autres textes on trouve des expressions d’une dualité en Dieu, compatissant et qui fait grâce… mais qui ne tient pas le coupable pour innocent.
Pour Emil Brunner la «nature duelle» ou double de Dieu est le mystère central de la révélation chrétienne. Cette dualité entre sainteté et amour de Dieu n’est jamais inconciliable, car Dieu n’est pas en désaccord avec lui-même. Pour se satisfaire lui-même, il s’est sacrifié – en substitution à notre place.

Amour de Dieu et pardon du péché

Comment Dieu peut-il aimer l’homme pécheur et pardonner ses péchés ? Il n’y a pas de contradiction en Dieu. Sa justice et sa miséricorde divines, ne sont jamais en conflit et n’ont pas besoin d’être réconciliées. Mais elles sont glorifiées par l’œuvre du Christ pour la rédemption des pécheurs.
Le sacrifice dans l’Ancien Testament préparait et préfigurait le sacrifice rédempteur.

La Pâque et le transfert du péché

Dieu se révèle à la Pâque à la fois comme Juge, comme Rédempteur et comme Dieu de l’alliance avec Israël. J. Stott dénonce toute tendance à vider de son sens le mot « substitution », en voilant la différence entre une substitution de repentance dans laquelle le substitut offre ce que nous ne pouvions pas offrir et une substitution pénale dans laquelle le substitut subit ce que nous ne pouvions pas subir.

Dans l’Ancien Testament, porter les péchés signifiait supporter les conséquences pénales, subir la sanction, même à la place d’un autre. Le rituel des deux boucs pour l’expiation des péchés, le jour du Grand Pardon, le rend évident : il montre que la réconciliation avec Dieu n’était possible que par cette substitution, ce transfert du péché des hommes sur l’animal.

Il (Aaron) prendra les deux boucs, et il les placera devant l’Éternel, à l’entrée de la tente d’assignation.
Aaron jettera le sort sur les deux boucs, un sort pour l’Éternel et un sort pour Azazel.
Aaron fera approcher le bouc sur lequel est tombé le sort pour l’Éternel, et il l’offrira en sacrifice d’expiation.

Et le bouc sur lequel est tombé le sort pour Azazel sera placé vivant devant l’Éternel, afin qu’il serve à faire l’expiation et qu’il soit lâché dans le désert pour Azazel.
Lévitique 16:7-10

Pour l’auteur de la lettre aux Hébreux, Jésus est «un grand prêtre miséricordieux et fidèle» (Hébreux 2.17). Il est aussi le parfait représentant des deux victimes, le bouc sacrifié dont le sang devait être apporté dans le Saint des saints et le bouc qui était chargé des péchés du peuple et chassé dans le désert.

Or, ces choses étant ainsi disposées, les sacrificateurs qui font le service entrent en tout temps dans la première partie du tabernacle.
Et dans la seconde le souverain sacrificateur seul entre une fois par an, non sans y porter du sang qu’il offre pour lui-même et pour les péchés du peuple.
Mais Christ est venu comme souverain sacrificateur des biens à venir. Il a traversé le tabernacle plus grand et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est -à-dire qui n’est pas de cette création.
Et il est entré une fois pour toutes dans le lieu très saint, non avec le sang des boucs et des veaux, mais avec son propre sang, ayant obtenu une rédemption éternelle.

Hébreux 9.6-7, 11-12

Mais c’est Ésaïe 53 qui annonce le plus clairement les souffrances et la mort du Christ.

Les déclarations de Jésus lui-même dans Marc 10.45

Le Fils, de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup

reprennent les prophéties sur le Fils de l’Homme de Daniel 7. 13-14

Je regardai pendant mes visions nocturnes.
Et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme.
Il s’avança vers l’ancien des jours, et on le fit approcher de lui.
On lui donna la domination, la gloire et le règne; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent.
Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit.

et celles du Serviteur d’Ésaïe 53. 10-12

Il a plu à l’Éternel de le briser par la souffrance…
Après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché, Il verra une postérité et prolongera ses jours; et l’œuvre de l’Éternel prospérera entre ses mains.
À cause du travail de son âme, il rassasiera ses regards; Par sa connaissance mon serviteur juste justifiera beaucoup d’hommes, et il se chargera de leurs iniquités.
C’est pourquoi je lui donnerai sa part avec les grands.
Il partagera le butin avec les puissants, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort, et qu’il a été mis au nombre des malfaiteurs, parce qu’il a porté les péchés de beaucoup d’hommes, et qu’il a intercédé pour les coupables.

Dans les paroles de la Cène, Jésus déclare que « son sang serait répandu pour beaucoup » (Marc 14.24).

Il était bien conscient de porter, dans sa mort, le péché des hommes.

Il prend sur lui notre malédiction, et nous donne sa bénédiction; il devient péché en se chargeant de notre péché, et nous devenons justes par sa justice; mais sans qu’il soit devenu réellement pécheur.

Ce sont les conséquences pénales de nos péchés qui ont été transférées sur lui. La croix est donc bien un sacrifice de substitution : le Christ est mort à notre place.

Qui prend la place du pécheur ?

Stott souligne l’erreur qui consiste à voir en Jésus-Christ un être humain séparé à la fois de Dieu et de nous. Jésus-Christ n’est pas une tierce personne indépendante, intervenant pour apaiser un Dieu en colère et lui arracher un salut accordé à contrecœur. Il ne faut pas non plus  accorder à Dieu seul l’initia­tive de punir l’innocent Jésus à la place des pécheurs qui méritaient le châtiment. Ce raisonnement faux les met en opposition en faisant du Christ l’objet de la colère de Dieu. Il fait aussi de Dieu celui que le Christ doit persuader, alors que les deux coopèrent pour le salut des pécheurs.

Stott nuance l’expression d’Actes 20.28 «l’Église que Dieu s’est acquise par son propre sang», le sang de Jésus, Dieu le Fils. Il précise qu’aucun verset de l’Écriture n’affirme que Dieu en personne serait mort sur la croix. En effet, on ne peut pas dire que Dieu est mort. En effet, le Nouveau Testament désigne par «Dieu », le Père et  la personne qui est montée sur la croix n’est pas le Dieu le Père, mais le Dieu le Fils.

Le rôle des personnes de la Trinité dans le drame de la croix

Le traitement du rôle des différentes personnes de la Trinité dans le drame de la croix est pertinent et approfondi. L’auteur met en garde contre l’erreur parfois constatée, par exemple dans certains cantiques. Ils font de Jésus-Christ, notre substitut, l’antagoniste miséricordieux d’un Dieu en colère. Il tenterait de lui arracher le pardon pour que le pécheur échappe à son jugement. Non, il n’y a pas de dissociation entre le Père et le Fils. La construction d’un Christ miséricordieux qui fait pression sur un Dieu réticent pour qu’il prenne des mesures de clémence à notre égard s’effondre devant la réalité de l’amour de Dieu, dans la totalité de sa Trinité.

Un examen utile de certaines hérésies des premiers siècles sur la Trinité

On appréciera aussi l’utilité de l’examen de certaines hérésies des premiers siècles sur la Trinité.
Toutes ces controverses peuvent sembler fort éloignées de nos préoccupations de chrétiens du 21e s. Nous faisons cependant bien de nous tenir sur nos gardes. Ces tendances hérétiques peuvent se retrouver dans certains mouvements sectaires actuels.
Une accentuation excessive sur les souffrances endurées par Dieu le Fils sur la croix aboutit à l’erreur des modalistes et des patripassiens. Ils confondent entre elles les personnes de la Trinité. Ils nient aussi la distinction éternelle qui existe entre le Fils et le Père. Les monophysites et les théopaschites, confondent les deux natures, divine et humaine, du Christ. Ils nient également le fait qu’il était une personne en deux natures.

En effet, la fausse doctrine de William Branham ou de Kenneth Hagin, est en vogue dans certains milieux extrémistes. Elle prend appui sur les thèses modalistes. Le Père, le Fils et l’Esprit ne seraient pas des personnes distinctes au sein de la divinité, mais trois «modes» temporels par lesquels Dieu se serait successivement révélé.

Dieu en Christ

Notre substitut n’est ni le Christ seul, ni Dieu seul, à cause de l’incarnation. C’est Jésus-Christ avec sa double nature humaine et divine. Selon le Nouveau Testament, l’expiation est effectuée à la fois par le Père et le Fils. Dieu a pris l’initiative et a envoyé son Fils pour nous. Il a agi à travers lui et a partagé ses souffrances.
A la croix se manifestent à la fois châtiment et amnistie, justice et miséricorde. Il n’y a donc pas trois acteurs, mais deux. Nous d’un côté, et Dieu-fait-homme-en-Christ de l’autre. La mort de Christ est présentée comme celle du Fils de Dieu.
Les mots «satisfaction» et «substitution» sont donc très utiles pour exposer la doctrine du salut. Dieu en Christ s’est substitué à nous. C’était le seul moyen pour permettre à la fois la satisfaction du saint amour de Dieu et le salut des êtres humains rebelles.

N.B. : les citations littérales ou approximatives de John Stott sont en italique.

C. Streng

Le Christ dans la maison de Marthe et Marie

Le Christ chez Marthe et Marie, Luc 10 vu par Velasquez

Le Christ dans la maison de Marthe et Marie, un épisode de Luc 10, peint par Diego Velasquez, peintre espagnol du 17e s

Luc 10.38-42

Pendant qu’ils étaient en route, il entra dans un village, et une femme nommée Marthe le reçut. 39 Sa soeur, appelée Marie, s’était assise aux pieds du Seigneur et écoutait sa parole.

40 Marthe, qui s’affairait à beaucoup de tâches, survint et dit : Seigneur, tu ne te soucies pas de ce que ma soeur me laisse faire le travail toute seule ? Dis-lui donc de m’aider. 41 Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses. 42 Une seule est nécessaire. Marie a choisi la bonne part : elle ne lui sera pas retirée.

L’Evangile dans une cuisine d’auberge en Espagne au 17e siècle

Le tableau d’environ 1m sur 60 cm, est exposé à la National Gallery à Londres. Il date de 1618. Velasquez avait 19 ans.
ll représente un épisode de l’Evangile, en arrière plan d’une scène de cuisine d’auberge en Espagne au 17e s.

Le petit tableau dans le grand tableau :  Jésus en visite

A la partie supérieure droite de l’image : un petit tableau encadré de noir se reflète dans le grand tableau.
Ce petit cadre représente la scène biblique de la visite de Jésus chez Marthe et Marie.
C’est une image inversée par un miroir. 
On voit la main gauche de Jésus et non la droite dirigée vers Marie et Marthe

Le peintre a voulu inclure la scène biblique dans un tableau représentant la cuisine d’une auberge de l’Espagne du 17e s.

Deux femmes de Séville  préparant un repas.

Le lien entre la scène de l’auberge et la scène biblique se fait par le doigt de la vieille servante

Elle désigne le tableau à l’arrière plan à droite. Un tableau reflété dans un miroir

Au delà des apparences

Au cours de son dernier voyage vers Jérusalem, avant la croix, Jésus s’arrête à Béthanie, dans une maison amie et accueillante.

Marthe, la maîtresse de maison

Il est toujours bien reçu par la maitresse de maison. Elle porte bien son nom : Marthe, la maitresse. C’est le féminin du mot araméen Mar, Maître, comme dans Maranatha /Maran (notre maître, notre Seigneur) atha (vient). Nous connaissons l’équivalent grec, Kyrios, le maitre, le Seigneur

Marie, la passionnée

Et la jeune sœur Marie, dont le nom peut signifier « excellence » écoute les paroles de Jésus avec un intérêt passionné.

Des symboles traditionnels

Selon l’interprétation traditionnelle (exprimée aussi par les peintres) Marthe et Marie pourraient symboliser la vie active ou la vie contemplative, le monde actuel ou le monde à venir… la justification par les œuvres ou la justification par la foi.

On a souvent fait de Marie le type de l’adoratrice, mais une adoratrice passive, au pied de tous les hommes sages et instruits. Quant aux Marthe(s) leur rôle dans la vie serait de servir les hommes. Cette approche est trop abstraite, trop réductrice.

Un texte libérateur

Jésus utilise plutôt cet épisode pour libérer aussi bien les femmes que les hommes.
Le texte (et son application possible) serait-il très différent si les personnages s’appelaient Martin et Jean-Marie ?

illustré avec précision.

Jésus, assis sur une haute chaise se découpe dans l’ombre d’une porte.
Les verticales du chambranle et de la chaise et sa haute taille lui donnent la stature d’un maître

Une écoute dans la réflexion

Le Seigneur parle. Marie écoute, assise à même le sol. la main sous le menton, dans une attitude d’écoute attentive. C’est la pose classique de la réflexion.

Etre assis au pieds de Jésus : s’instruire

Pas de l’adoration contemplative

Être assis aux pieds de Jésus, ce n’est pas en priorité de la contemplation ou de l’adoration.
L’adoration, c’est plutôt la position de la femme pécheresse repentante qui verse des larmes sur les pieds de Jésus (Luc 7. 38) .

Ce n’est pas l’attitude d’adoration contemplative que l’Eglise catholique (et d’autres) ont réservé par la suite aux femmes ou aux religieuses.

S’instruire, apprendre la Parole

Etre assis aux pieds de Jésus, c’est l’expression juive habituelle de l’époque. C’est une attitude active. Elle signifie s’instruire, apprendre la Parole.
Paul s’instruisait aux pieds de Gamaliel.

Le Christ approuve l’instruction des femmes

Jésus ouvre donc aux femmes la possibilité de s’instruire dans la Parole.
Paul par la suite aura des collaboratrices. Certaines seront expertes dans la Parole comme Prisca.

Pas gagné à son époque !

A cette époque, les femmes étaient exclues de l’instruction de la synagogue.

Des rabbins disaient qu’il valait mieux bruler la Tora (la Bible juive) que de l’enseigner à une femme.
Mais tous n’étaient pas de cet avis. Une histoire du Talmud cite une femme qui écoutait le Rabbi Meir à la synagogue. Philon d’Alexandrie, un lettré juif parle d’une communauté où hommes et femmes étudient la Tora ensemble.

Marthe, préoccupée par la réception

Comme la cuisinière du tableau de Velasquez, Marthe est affairée à divers travaux ou services. V 40. 
Peut-être la préparation d’un repas soigné… et peut-être un peu trop compliqué.

Mais le texte ne dit rien de précis à ce sujet

Marthe est l’ainée. Elle est préoccupée (v. 41) Sa responsabilité, c’est de faire fonctionner correctement la maison.

Deux comportements possibles selon la culture

Selon la culture du pays, il y a deux manières de se comporter.

La culture de la culpabilité

Dans la culture de la culpabilité, on se rend compte qu’on a mal fait et on agit en conséquence : on reconnait sa faute et on en supporte les retombées. J’ai fait un excès de vitesse. Je le reconnais, je paie l’amende et je perds des points…Tant pis pour moi.

La culture de la honte

Dans la culture de la honte, ce qui compte, c’est la bonne impression que l’on donne aux autres, il s’agit surtout de ne pas perdre la face. Pas vu, pas pris.

Une bonne impression, c’est essentiel

Alors présenter à l’hôte de marque un repas excellent (et compliqué ?) dans une maison impeccable est essentiel pour l’image de marque.

Une fausse note serait catastrophique.

Et cela risque bien d’arriver ce jour là justement: trop de travail en trop peu de temps et pas assez de mains pour aider, voici le dilemme.

Un bel exemple de triangulation

Au lieu de demander directement à sa sœur de l’aider, Marthe, debout, désigne Marie d’un geste de la main tout en déclarant

v. 40 Maître, cela ne te dérange pas de voir que ma soeur me laisse seule à servir ? Dis-lui donc de m’aider

Marie, la cadette, n’a-t-elle pas le devoir d’aider son aînée ? Surtout que le travail presse.

Mais il est tout à fait possible que Marie ait participé aux préparatifs avant l’arrivée de l’invité. Et quand Jésus est là, pourquoi ne pourrait-elle pas profiter de sa présence  qui n’est pas si fréquente et écouter ses paroles ?

Ce qui dérange dans le comportement de Marthe

Elle veut échapper à ce qui risquerait de provoquer sa honte. Alors elle essaie de mettre le Seigneur de son côté, … contre sa sœur.

Elle ne sert plus le Seigneur, elle se sert, … elle, …de lui.

Elle ne s’en rend même pas compte… C’est son attitude qui risque justement de provoquer une honte beaucoup plus gênante quand elle sera prise en défaut.

Remarquons aussi le contraste entre Marthe qui dicte à Jésus ce qu’il doit dire et Marie qui écoute ce que Jésus est en train de dire.

Marthe, une disciple fidèle qui perd pied

Mais n’oublions pas non plus la détresse de Marthe. Elle se sent lâchée, par sa sœur mais aussi par Jésus. Elle aussi, elle est bien une disciple fidèle qui reçoit Jésus, le mieux qu’elle peut.

Jésus ne dira pas à Marie d’aider sa soeur

Jésus lui répond :
il lève la main pour signifier son refus

V 41 Marthe, Marthe :

par la répétition du prénom, le Seigneur exprime son insatisfaction devant les paroles de Marthe. 
Il ne répond pas à ce qu’elle demande.

Jésus ne dira donc pas à Marie d’aider sa sœur.
La main levée de Jésus est aussi un geste de bénédiction envers l’attitude de Marie

La seule chose nécessaire

Il insiste sur ce qui est essentiel. Et la seule chose nécessaire, c’est d’accueillir le message du royaume de Dieu. C’est aimer Dieu suffisamment pour être ouvert, réceptif à ses paroles. C’est recevoir le Seigneur, bien le recevoir, l’accueillir de la bonne manière.

C’est l’ouverture de cœur que Marie manifeste en s’asseyant aux pieds de Jésus, c’est sa réceptivité à entendre et à méditer les paroles de la vie éternelle.

Avant le dernier voyage de Jésus vers la croix

Jésus est en route vers Jérusalem, le dernier voyage avant la croix. Le temps à passer avec les deux sœurs est limité. Il aimerait donc qu’elles tirent le plus grand profit de moments d’intimité comme celui-ci.

Un détour par l’Ancien Testament avec Luc l’historien

Pour aller plus loin, dans le sens profond du récit, faisons un détour avec Luc l’historien par l’Ancien Testament. Essayons de reconnaître son intention

Luc ne raconte pas les événements de son évangile au fur et à mesure mais il les classe selon une intention délibérée.

Un voyage  sur le modèle de l’Exode

Le voyage de Jésus vers Jérusalem prend modèle sur l’Exode, le trajet de Moïse vers la terre promise.

Pendant la transfiguration , deux hommes s’entretenaient avec lui : Moïse et Élie  qui resplendissaient de gloire. Ils parlaient de la manière dont Jésus allait achever sa mission en mourant à Jérusalem. Luc 9. 30-31

Lorsque le temps approcha où Jésus devait être enlevé de ce monde, il décida de manière résolue de se rendre à Jérusalem Luc 9.51

Entrent dans la terre promise ceux qui obéissent à la loi de Dieu. De même, on entre dans le royaume de Dieu, dans la vie éternelle, en suivant la Parole du Christ.

Les récits de la partie centrale de son Evangile à partir du chapitre 10 sont des applications pratiques des commandements législatifs du Deutéronome.

Ecoute de la Parole et signification du récit de la manne

Luc lie l’épisode avec Marthe et Marie, en particulier Luc 10.39 (l’écoute de la Parole par Marie) à la signification du récit de la manne dans Deutéronome 8.3

et il t’a nourri avec cette manne que tu ne connaissais pas et que tes ancêtres n’avaient pas connue. De cette manière, il voulait t’apprendre que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de toute parole prononcée par l’Éternel

Les vrais disciples sont nourris par la parole de Jésus, parce que c’est la parole de Dieu.
Cette Parole avec la promesse de la vie éternelle est offerte à ceux/celles qui, comme Marie s’assoient aux pieds de Jésus.
Aimer Dieu, c’est donc comme Marie, écouter la parole de son Messie pour mieux la connaître et aussi la mettre en pratique.

Un dépouillement favorable à l’écoute

Des murs nus, un chaise dure.
Une seule tache claire : un simple broc de faïence posé sur une table basse sans ornements.
C’est un pot à eau, le plus humble des liquides.
Marie, écoutant l’instruction de Jésus, n’a pas besoin d’autre chose.

Marie a choisi la bonne part v. 42

Ce bon choix c’est aussi celui du psalmiste du Ps 73

V.26. Dieu reste mon rocher, mon bien précieux pour toujours…

V. 28 Mon bonheur à moi, c’est d’être toujours près de Dieu. Oui, j’ai placé dans le Seigneur, dans l’Eternel mon sûr refuge et je raconterai ses œuvres.

Marie met en pratique la parole de Jésus de Luc 4.4 qui reprend Deutéronome 8.3 : l’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.

Le langage de l’élection

Pour parler de Marie, Jésus utilise le langage de l’élection (elle a choisi). Il attire ainsi l’attention sur la relation entre lui, le Messie, l’élu de Dieu : Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi. Écoutez-le ! (Lc 9.35) et les élus, ses apôtres qu’il a choisis (6.13) et aussi ceux à qui il a choisi de se révéler

Mon Père a remis toutes choses entre mes mains. Personne ne sait qui est le Fils, si ce n’est le Père ; et personne ne sait qui est le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. 10.22.

Le vrai disciple pratique l’enseignement du Christ

Jésus approuve Marie car elle écoute sa parole (v 39). Le vrai disciple doit pratiquer l’enseignement du Christ afin de vivre Pour entrer dans le royaume des cieux, il ne suffit pas de me dire : « Seigneur ! Seigneur ! » Il faut accomplir la volonté de mon Père céleste (Mt 7. 21 s

Peinture du moment qui suit la crise

Velasquez a choisi de peindre le moment qui suit immédiatement la crise.

La vieille femme : la Marthe qui fait des reproches


Elle a le visage rude, des traits sévères accentués par la pénombre. Un air pincé : le front plissé, des rides au coin des lèvres et autour de la bouche.

Elle porte des vêtements austères : robe noire, chemisier blanc et fichu. Le même genre de vêtement et … de fichu que la sœur de Lazare

D’un index accusateur, elle montre à la jeune servante la scène qui se passe dans la maison de Marthe et de Marie.

Elle pourrait représenter Marthe, la maîtresse de maison qui mène sa barque, …la sœur ainée qui dirige son petit monde, …l’hôtesse qui veut que tout soit parfait pour recevoir l’hôte de marque, l’ami, Jésus, le Seigneur. La Marthe qui fait des reproches quand ça ne fonctionne pas comme elle le voudrait : Dis lui donc de m’aider.

La jeune cuisinière, l’autre Marthe, se croyant désavouée

La jeune cuisinière de l’auberge est une paysanne …aux mains gonflées par un travail long et pénible. Elle a des traits grossiers, l’oreille rouge décollée, des lèvres rouges et humides

Elle semble prête à pleurer : … les pommettes rouges, la bouche affaissée… Les yeux brillants au bord des larmes..

Elle peut, elle aussi, représenter Marthe, …une autre Marthe
Pas la Marthe, maîtresse de maison honorant son hôte et recevant en retour l’approbation…
Mais la Marthe en proie à l’émotion…. À un certain ressentiment peut-être. La Marthe sûre de bien faire mais se croyant désavouée par les paroles de Jésus

La vieille Marthe raisonnable fait la leçon à la jeune Marthe, au bord des pleurs

La vieille, Marthe, son côté raisonnable, fait la leçon à la jeune Marthe, au bord des larmes. Elle prend à témoin la scène biblique qu’elle désigne du doigt avec insistance …

Peut-être lui reproche-t-elle (se reproche-t-elle à elle-même ) sa conduite ?
Pourquoi ne pas prendre exemple sur Marie et écouter le Christ? …

Comment réagissons-nous aux reproches ?

Comment la Marthe de l’Evangile, la jeune servante ou nous-mêmes réagissons nous à des reproches que nous pensons exagérés ou injustes ? Le texte biblique n’a pas ajouté de verset 43 pour donner la solution. C’est à chacun de réfléchir…

Elle ferait bien (je ferais bien) de méditer … la leçon donnée à Marthe … Marie, … a choisi la meilleure part … Et moi, que vais-je faire ?

Marthe a compris la leçon

Et Marthe a sans doute réfléchi de la bonne manière. Elle a compris la leçon.
Au moment de la mort de son frère Lazare, elle manifeste, comme Marie toute sa confiance envers Jésus (Jean 11).

Et plus tard, elle exerce ses talents de bonne cuisinière dans un grand repas donné en l’honneur du Seigneur et de Lazare ressuscité. (Jean 12)

Marthe… ou… Marie, Marie et Marthe

Marthe reste Marthe, la pratique. Mais elle essaie aussi d’être un peu Marie, celle qui aime apprendre pour mieux connaître le Seigneur.

Marthe… ou…. Marie, Martin le pratique …ou…. Mario, l’intellectuel ?
Deux types de personnes opposées ? Risquent-elles le conflit ?

Pas nécessairement. Chacun, chacune doit apprendre à reconnaître que l’autre a reçu du Seigneur, ses dons et son appel particulier.

Pas nécessairement si on choisit de considérer l’autre comme supérieur à soi. Il ne s’agit pas de se dénigrer (je suis nul parce que je n’ai pas fait d’études). Il s’agit plutôt de reconnaître la valeur de l’autre, la valeur de sa personne devant Dieu, la valeur de son service…

Plutôt Marthe et Marie, ou alors Martin et Mario.

Les deux types de personnes peuvent se côtoyer dans la famille et dans la société et aussi dans l’Eglise.

Elles peuvent même cohabiter dans la même personne …

A certains moments, on est plutôt Marie : réfléchir, s’instruire et progresser dans la compréhension de la Bible, pour la communiquer plus loin

A d’autres moments , il vaut mieux être Marthe qui s’affaire à la cuisine, au jardin, auprès des enfants etc…

Un vieux prédicateur disait : « Marie et Marthe, je les aime toutes les deux. Marthe avant le repas et Marie après !

Si nous avons l’impression d’être plutôt Marthe, apprenons aussi quelque chose de Marie. Et si nous ressemblons plutôt à Marie, nous avons sans doute des leçons à prendre auprès de Marthe.

C. Streng

L’archéologie témoin de l’histoire du peuple hébreu

L’archéologie témoin de l’histoire….

De l’esclavage en Egypte à la route vers la terre promise, de la constitution du royaume d’Israël à sa division et à l’exil, l’histoire d’une nation, le peuple hébreu à travers les siècles est émaillée de témoignages archéologiques. Ces éléments directs ou parfois indirects donnent corps à ce peuple au milieu de ses voisins du Proche Orient ancien

Pharaons et main d’oeuvre des grandes constructions

Ramsès II au Louvre

Les pharaons de la 18e dynastie des 14e et 13e siècles, qui avaient expulsé les Hyskos d’Egypte, avaient mis en place tout un programme de grandes constructions à l’est du Delta du Nil. Ils portaient un intérêt particulier à Avaris, ancien siège du gouvernement hyskos. La ville était proche de la région de Goshen où vivaient les Hébreux, main d’œuvre toute trouvée pour les constructions.
Dans la liste des pharaons ressortent le nom et le règne de Ramsès II, fondateur de Pi-Ramsès cité dans Exode.1.11. Suit une description détaillée de la nouvelle capitale et de ses monuments.

Présence d’ouvriers israélites absents des archives égyptiennes

Kitchen explique par la destruction des archives l’absence de tout document égyptien à propos des Israélites vivant dans la région. Mais on trouve des détails précis sur la présence de travailleurs fabriquant des briques avec ajout de paille aussi bien dans le texte biblique que dans des documents égyptiens.

Par exemple le papyrus Anastasi de Memphis présente des comptes précis, des témoignage d’enrôlement forcés de populations non Egyptiennes.

Le code d’alliance, en vigueur dans la région et à l’époque

Les étapes de l’Exode, de la sortie d’Egypte,  sont commentées d’un point de vue géographique. On remarque les précisions sur le nombre des chars comparés à ceux des autres peuples. La présence historique des Hébreux en Egypte est bien attestée.

Alliance du Sinaï et traités de l’époque

L’alliance au Sinaï et à Moab donne lieu à une comparaison détaillée et pertinente avec les traités entre suzerains et vassaux, en vigueur à l’époque. Après avoir donné le plan général des stipulations (ou dispositions) du code d’alliance, l’auteur distingue quatre phases d’application : ancienne, intermédiaire, moyenne, tardive. avec A l’intérieur de chacun de ces codes d’alliance des variations détaillées correspondent aux termes du traité entre un suzerain et son vassal.

Critique des théologiens modernistes

Il critique ensuite la position des théologiens modernistes qui s’opposent à la thèse de Mendenhall (1954). Ce dernier, confirmant la position de Kitchen, fit remarquer l’analogie entre les traités de la fin du 2e millénaire et les caractéristiques de l’Exode et de Josué 24.(p. 124). Kitchen souligne leur incohérence dans le traitement des données et leurs difficultés à se débarrasser des faits. (p. 128)
Le culte des anciens hébreux, le Tabernacle et son personnel permanent, les offrandes et les fêtes sont très modestes comparés aux rites environnants. Il en conclut donc ce culte ne peut être tardif.

Conquête et installation

Dans le paragraphe concernant la conquête et l’installation en Palestine, il souligne l’authenticité de plusieurs sites d’abord contestés mais attestés par des documents retrouvés lors de fouilles.
Il distingue aussi à juste titre entre les attaques–éclair de l’armée de Josué  (Josué 10) et une véritable installation qui se fera très lentement. Ceci élimine les contradictions apparentes entre une conquête rapide et totale du pays par Josué et une conquête lente dans les Juges.
Les 12e et 11e siècle, antérieurs à l’établissement de la royauté constituent une période de mutation et de confusion, (p. 138) avec invasions et migrations de plusieurs peuples. La perte de pouvoir des grandes puissances (Egypte, Assyrie, Babylone) explique la chute du niveau culturel.

Rois et poètes : des Juges aux rois

Le chapitre VI, Rois et poètes, retrace le passage du système des Juges à celui de la royauté.
Les avertissements de Samuel sur le prix à payer pour avoir un roi comme les autres nations sont tout à fait courants et attestés par des témoignages antérieurs. Il ne s’agit donc pas d’une vision tardive et pessimiste de la royauté.
Kitchen reconnaît le manque d’informations archéologiques concernant le règne de Saül. Mais il développe en détail le règne de David. Il met l’accent sur les alliés du roi,. Hiram I de Tyr, en particulier, mit à sa disposition les matériaux et les artisans phéniciens pour la construction future du Temple.
Au Proche-Orient la littérature prend une place de plus en plus importante. De 1400 à 1200 la poésie épique d’Ougarit présente des parallélismes de style avec les psaumes et ses particularités comme le chiasme.

Rouleau des Psaumes

Le Temple de Jérusalem

Quant au Temple de Jérusalem, construit par Salomon, les descriptions qui en restent reflètent des caractères architecturaux reconnaissables (p. 156) aux 2e et 1e millénaires.
Le plan du monument et l’utilisation de matériaux précieux dans la décoration sont courants dans la région. Kitchen souligne la modestie de ce temple par rapport aux constructions identiques dans les autres pays.
Il fait ensuite un examen des chiffres pour répondre à la critique d’exagération et d’inauthenticité. Il en conclut que, par exemple, le nombre des surveillants et celui des ouvriers est tout à fait plausible et réaliste.
Il consacre le dernier paragraphe du chapitre aux Proverbes de Salomon qui appartiennent à la littérature sapientiale. On retrouve des enseignements comparables en Egypte, au Levant et en Mésopotamie. Refusant une composition tardive, il pense que Salomon peut s’être inspiré d’œuvres plus anciennes et avoir rassemblé des matériaux pour les utiliser plus tard.

Guerres et rumeurs de guerre : l’évolution des royaumes

Le chapitre VII Guerres et rumeurs de guerre présente l’évolution des royaumes d’Israël et de Juda après le schisme. L’auteur appuie à l’aide de données archéologiques les événements relatés par le texte biblique. Les inscriptions sur la stèle de Sheshonq I à Karnak (165) confirment une campagne militaire de l’Egypte contre les deux royaumes. La présence d’incrustations en ivoire dans les murs des bâtiments, les fortifications à Haçor et à Meguiddo (p. 167) , et les canalisations souterraines constituent une preuve de l’état avancé des techniques et même du luxe qui régnait à Samarie.

Jeu des alliances et intrigues politiques

L’auteur explicite le jeu des alliances, des rivalités et des intrigues politiques entre les deux royaumes et les pays voisins et il trace l’évolution qui conduit à la ruine de l’un puis de l’autre royaume.
La chute de Samarie et la déportation des Israélites du Nord est célébrée par les inscriptions de Sargon V.

Ostraca et poteries de Lakish

La destruction de Jérusalem en 586 est attestée par « une série de lettres sur ostraca (tessons de poterie), provenant des ruines de Lakish (p. 175).

Prophètes et prophétisme

Prophètes bibliques : alliance et promesses

Kitchen rappelle d’abord que les prophètes, selon la Bible, ne cessaient d’insister sur l’alliance de Dieu avec son peuple, avec des promesses de bénédiction et des menaces de malédiction. Ils invitaient à une adoration véritable et pas seulement formelle.

Prophètes du Proche-Orient : divination

Il constate ensuite que les autres peuples du Proche-Orient communiquaient aussi avec leurs dieux surtout par « la divination, les oracles, la magie. On a retrouvé des manuels entiers consacrés aux différents types d’augures et à leurs interprétations (p. 177).
Les prophètes des autres peuples recevaient le message de la divinité dans des transes ou dans des rêves. Ils s’adressaient surtout au roi pour lui rappeler ses devoirs envers les dieux. Mais à la différence des prophètes de la Bible, aucun ne lui reprochait ses péchés personnels ou l’injustice sociale. Cependant, en Egypte, au 2e millénaire avant J.-C. on trouve des plaidoyers en faveur de la justice comme le ‘paysan éloquent cité p. 179.

Variété du prophétisme biblique

L’auteur signale enfin la variété du prophétisme biblique. Le prophète porte-parole de Dieu était aussi compositeur, chanteur. A partir du 8e siècle avant J.-C., il écrit les révélations reçues. Kitchen fait aussi remarquer que la rivalité supposée entre les prêtres rendant un culte au Temple et les prophètes est forcée. Ce n’est pas la condamnation de tous les cultes mais celle des cultes formels, sans engagement personnel.

Archéologie et histoire

Les derniers chapitres de Traces d’un monde, Bible et archéologie, passent en revue les événements vécus par le peuple juif du 6e s avant J.C au 1e s. de notre ère.

Liens avec l’histoire

De nombreux témoignages provenant de divers sources montrent l’existence de liens plus ou moins forts entre archéologie et histoire. Leur traitement, par l’auteur témoigne d’un regard fidèle et impartial sur le monde antique

L’exil et le retour.

Le déplacement de populations, une arme économique et politique

Dans le chapitre VIII, l’exil et le retour, Kitchen signale des déportations de peuples dès le 13e s. par les souverains d’Assyrie et d’Egypte. L’exil, le déplacement de populations vaincues est un procédé relativement courant.

C’est une arme économique et politique (p. 184). L’exil des Israélites à Babylone n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Rejet de la théorie d’une création littéraire a postériori

L’auteur  rejette aussi la théorie prétendant que les avertissements du Lévitique et du Deutéronome ont été écrits seulement après l’exil.
Selon certains théologiens, cette période de 70 ans aurait été, « l’âge d’or de la création littéraire de l’Ancien Testament où presque tout aurait été recueilli, inventé, écrit pour la première fois ». (p. 185).

Retour au passé, un procédé littéraire pour faire revivre les souvenirs

Kitchen l’explique ainsi. Ce retour au passé n’est qu’une manière extérieure de faire revivre des souvenirs.

A Babylone on utilisait une graphie archaïque sur des monuments ou des textes commémoratifs. Mais dans l’administration, on pratiquait l’écriture courante.

Code d’Hamourapi

A cette époque-là, on n’invente pas. On conserve et on recopie. Ainsi, « en Mésopotamie, des œuvres akkadiennes classiques et même le code d’Hammourapi, depuis longtemps périmé« . (p. 186). La mode n’est donc pas à la création mais à la conservation.

Peuple vaincu mais littérature originale

Comment expliquer alors qu’un peuple vaincu et asservi ait pu produire une œuvre littéraire d’une telle originalité ?

Il y a eu des œuvres littéraires hébraïques au 8e s. avant J.-C., d’une qualité certaine, mais en nombre limité.

L’âge d’argent. Le retour d’exil

L’âge d’argent retrace les péripéties du retour des exilés juifs dans leur pays.

L’auteur ajoute des détails intéressants aux récits d’Esdras et Néhémie.

Ces précisions proviennent de documents archéologiques. Ils citent des ennemis de Néhémie, comme Sânballat, Tobiya, et Guèshem « l’Arabe».

Une revendication d’identité

A la fin du chapitre, Kitchen établit des parallèles entre le livre des Rois et le Livre des Chroniques, écrit pendant l’exil.

Il définit ce dernier ouvrage comme un témoignage d’espérance et de foi. Un peuple privé d’indépendance a voulu continuer à affirmer son identité.

De même en Mésopotamie et en Egypte, des compilations permettent de conserver des traditions politiques et religieuses très anciennes.

Lorsque les temps furent accomplis.

Un survol de plusieurs siècles

Le chapitre IX, Lorsque les temps furent accomplis, évoque en moins de deux pages les conquêtes d’Alexandre le Grand, les royaumes hellénistiques, la résistance des Macchabées, enfin la domination romaine sur tout le Proche-Orient.

Les manuscrits de la Mer Morte

Le reste du chapitre est presque totalement consacré aux Manuscrits découverts à Qumram. L’auteur cite rapidement la traduction des LXX, en grec. Il signale aussi l’émergence de plusieurs partis rivaux dans le Judaïsme.

Les Esséniens et Qumran

Grotte de Qumram

Il consacre le développement le plus important aux Esséniens retirés au nord ouest de la Mer Morte. Au moment de la guerre avec les Romains, (66 –67 après J.-C.) les membres de la secte cachèrent dans des grottes à Qumran de nombreux manuscrits. On les a retrouvés seulement en 1947.

Il classe les manuscrits de Qumram en quatre catégories. Les deux premières concernent plus particulièrement l’Ancien Testament, et les deux dernières sont relatives au mouvement essénien lui-même.

Une confirmation de la fidélité du texte hébreu

Les Manuscrits de la Mer Morte ont apporté une contribution importante à l’étude de la Bible. Ils ont confirmé  la fidélité du texte hébreu, due au soin dans la recopie  des manuscrits.

L’auteur reconnaît la supériorité du texte hébreu sur les Manuscrits mais il souligne l’importance de ceux-ci pour l’interprétation.

Le judaïsme avait un contexte culturel et religieux commun. Mais les comparaisons hâtives entre les Manuscrits et le Nouveau Testament ne résistent pas à un examen sérieux.

Une confirmation de la fiabilité du Nouveau Testament

La découverte de manuscrits anciens et de nombreux autres témoignages confirment la fiabilité du contenu et des dates du Nouveau Testament.
Ce sont les écrits les mieux attestés de toutes les œuvres classiques grecques et latines. On compte environ 5000 manuscrits entiers ou partiels, dont l’auteur donne quelques exemples.

Il cite ensuite les découvertes de Sir William Ramsay en Asie Mineure,  les fouilles archéologiques à Jérusalem et à d’autres emplacements aussi bien en Judée qu’en Grèce. Ces documents renforcent la valeur historique des écrits du Nouveau Testament, en particulier ceux de Luc dans son Evangile et dans les Actes des apôtres.

Un voyage à travers les siècles et les civilisations

A la fin de son ouvrage Kitchen évoque l’étendue de son entreprise : faire voyager le lecteur à travers des siècles, des millénaires même, dans une dizaine de civilisations au contact de celle des Hébreux.
Il souligne plusieurs points importants.  En particulier la nécessité d’une confirmation réciproque du document écrit et du document muet.
Il insiste aussi sur la nécessité de tenir compte de toutes les sources anciennes, y compris les Ecritures. Elles ont aussi le titre de « documents »

Le but de l’archéologie, une présentation fidèle et impartiale du monde antique

Sa conclusion rappelle que le but de l’archéologie, n’est pas de prendre parti pour ou contre un document, en particulier la Bible.

Il s’agit plutôt de fournir au chercheur une représentation la plus fidèle possible du monde antique. Enfin, il faudrait traiter de manière impartiale toutes les données archéologiques, bibliques ou autres. Cela demande un esprit critique véritable, qui évite de tirer à tout prix des conclusions définitives.

C. Streng