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Comprendre, vivre et approfondir la foi chrétienne

Le portement de croix – le récit de la passion du Christ

Introduction

Le Portement de croix est un grand tableau de Pieter Bruegel. 
C’est un peintre flamand du 16e s. Nous avons pu admirer le tableau et prendre des photos pendant notre visite du musée d’Histoire de l’art à Vienne en Autriche en octobre 2022.

J’ai choisi ce tableau pour la prédication du vendredi Saint. Il présente de manière originale la passion du Christ. Il situe la passion dans le contexte de la persécution de l’empereur d’Autriche contre les protestants des Flandres au 16e s.

Mon texte de référence est l’évangile de Marc 15. 16-41
Lecture du texte

Le texte de Marc et le tableau de Bruegel : deux approches complémentaires de la Passion du Christ.

Le texte et le tableau ont des points communs
·      Un supplice collectif : plusieurs crucifixions à la fois
·      Une exécution en public
·      La foule témoin de l’événement

Dans son texte Marc suit l’ordre des événements : crucifixion, partage des vêtements, mort Sa théologie de la croix est centrée sur le sacrifice et la révélation divine.

Bruegel fait une synthèse des événements. Il présente une vision panoramique, une vision d’ensemble dans le contexte des persécutions religieuses en Flandre au 16e s.
Dans son tableau il y a une multitude de personnages et de scènes.
Et le Christ est presque invisible dans la foule.

Bruegel propose une méditation sur la condition humaine et sur l’indifférence face à la souffrance.

Dans le Portement de croix tous les mouvements s’organisent en espaces dans un vaste paysage.

– Au 1e plan, Jean et les saintes femmes.
– Au 2e plan la foule va de la ville au lieu du supplice en traversant la plaine.
A l’arrière, au 3e plan, le ciel est relativement clair au-dessus de la ville. Il s’assombrit au-dessus du Golgotha. Il annonce les ténèbres qui entoureront la mort du Christ.

On peut aussi lire le tableau comme un livre depuis le haut et à gauche.
– A gauche c’est le passé : la vie « calme et tranquille » avec le chêne vivant qui berce sa branche aux feuilles bien vertes sous un ciel clair au-dessus de la ville
– Au milieu, là où tombe le Christ, c’est l’instant présent.
Tout le monde accourt vers le spectacle
– A droite, le futur et la mort, sous un ciel noir, menaçant avec l’arbre des suppliciés et sa roue des morts, et une corneille accrochée à la roue.

 

Bruegel

Bruegel est un peintre protestant, né à Anvers, mort assez jeune en 1569

Dans le Portement de croix apparaissent les répressions politiques et religieuses qui ont eu lieu à Anvers en Flandre
La population d’Anvers adopte la Réforme.

L’empereur d’Autriche, Charles Quint règne aussi sur l’Espagne et sur les Flandres (les Pays-Bas actuels). Pour persécuter les protestants (pour lui les hérétiques) il envoie des soldats, des mercenaires, les tuniques rouges.

Philippe II d’Espagne

Dès 1555 Charles Quint confie à Philippe II, son fils, les Flandres ou Provinces Unies, aujourd’hui les Pays Bas. Les Flandres étaient le plus grand centre européen du commerce et de la finance.

Philippe y séjourna cinq ans avant de retourner en Espagne, après la mort de son père en août 1559.
Sa politique allait détruire pour longtemps la puissance et le rayonnement de la région

Une prédication clandestine de la réforme à Anvers vers 1552.

La Réforme était partout traquée mais elle tenait bon
Dès 1520, des imprimeries clandestines propagent les ouvrages de Luther traduits en flamand.
La Bible est traduite en diverses langues — dont le flamand.

En 1520 paraissent les premiers édits de Charles Quint contre l’hérésie, les plakkaten ou « placards ».

« Les hérétiques, étant « séditieuses personnes, perturbatrices de notre État et de la paix commune », devaient être mis à mort, « les hommes par l’épée, les femmes par la fosse (enterrées vivantes), les relaps (revenus au protestantisme après l’avoir abjuré) par le feu. »

Philippe II fait appliquer avec rigueur les édits de Charles Quint
Sera désormais punie de mort toute personne convaincue de vendre, acheter ou lire un ouvrage hérétique, de même que quiconque demanderait la grâce d’un hérétique condamné, même son propre père ou fils

 L’évangile dans un cadre quotidien

Bruegel a peint de nombreux épisodes tirés de l’Évangile, dans le cadre quotidien de son époque.

Dans les tableaux des peintres catholiques, les personnages sacrés occupent tout l’espace.
Le Christ portant la croix est placé habituellement en gros plan à l’avant de la scène

Dans les tableaux de Bruegel, les scènes sont souvent vues de loin
Le Christ et les personnages sacrés se distinguent peu du peuple.
Le quotidien de l’Évangile est ainsi souligné.

Le quotidien de l’Évangile avec les enfants

Quelques ados enjambent les flaques dans la terre boueuse
L’un d’eux soulève une fillette et la cale contre sa hanche avant de les franchir.

Dans le texte de Marc, aucun enfant n’est mentionné. Le récit se concentre sur la violence de la crucifixion et la douleur des disciples adultes.

Dans le tableau, les enfants sont dispersés à différentes endroits, mêlés aux groupes d’adultes. Certains sont isolés dans leurs jeux, d’autres jouent ou courent dans la foule
Les enfants illustrent l’innocence face à la cruauté du monde et face à l’indifférence de certains à la souffrance du Christ.

 Le rocher

Screenshot

Un rocher monstrueux jaillit des profondeurs humides d’une crevasse.

Dans l’œuvre de Bruegel, le rocher a de multiples significations.

-La pierre qu’il faut repousser du tombeau
-La puissance dominante de la Loi et aussi de l’Église ou de l’État qui utilise la Loi à son profit.
-La permanence divine face à l’agitation humaine

Le moulin tout en haut du rocher peut être vu comme le regard de Dieu sur l’humanité

le meunier

Appuyé au moulin un petit personnage, le meunier observe la scène en dessous

Dans la peinture flamande, Dieu sur son trône de nuages était dans la même position et au même endroit. Il commandait le moulin du ciel et observait la terre avec deux doigts levés.

Le colporteur

Screenshot

Sous le moulin, au premier plan, un colporteur avec son chapeau orné de plumes de faisan dessine, le dos tourné au public.

A l’époque, le colporteur désignait parfois le protestantisme. La nouvelle doctrine avançait de porte à porte et de bouche à oreille. Tout comme le colporteur allait de maison en maison, témoin itinérant, diffuseur du récit de la Passion

L’homme en noir et le peintre

A droite du tableau, à l’écart un homme pleure, contre le grand arbre de la roue.
Avec son vêtement noir, il pourrait être un sympathisant des calvinistes

Il assiste à l’impitoyable répression des Flandres avec une compassion sincère en contraste avec l’indifférence générale.

Un peu en retrait, un autre spectateur. Peut-être le peintre lui-même, observateur discret de la scène. Une certaine ressemblance avec le seul portrait de Bruegel

 

Ces trois personnages, le colporteur, l’homme en noir et le peintre proposent différentes manières de s’engager avec l’événement sacré, et l’observation à distance à l’empathie profonde.

Le Christ caché

Au milieu du tableau, se cache le Christ, tombé sous le poids de sa croix.
Devant lui un homme en blanc, sur un cheval blanc fait écran

Un exécution publique banale

La crucifixion était une exécution publique banale sous l’Empire romain.

Les exécutions de protestants étaient aussi devenues monnaie courante dans les Flandres sous la domination espagnole.

La foule regarde, discute, s’affaire à ses occupations. Cela montre l’indifférence des spectateurs face à l’horreur de la violence de l’État

Bruegel dénonce ainsi l’aveuglement des masses devant l’injustice et la brutalité du pouvoir en place.

Simon et sa femme

Un hallebardier pointe son arme sur une vieille femme en colère. Elle se cramponne au bras de son mari.

Deux autres soldats casqués et un troisième au crâne rasé, vêtu de jaune, s’efforcent de l’entraîner.

Aux pieds de la veille femme, la jarre s’est renversée : le lait coule.
Près de la jarre, la brebis bêlante aux pattes liées que l’homme portait entre ses bras.

Pour porter sa croix, ils réquisitionnent un passant qui vient de la campagne, Simon de Cyrène, père d’Alexandre et de Rufus. Marc 15.21

L’homme, c’est Simon, originaire de Cyrène en Libye. Il revient des champs.
On veut le forcer à aider Jésus à porter sa croix trop lourde.
Sa femme a mis son tablier blanc des jours de marché. De la poche du tablier pend un chapelet.

Les anachronismes

Dans une scène de l’Évangile, le chapelet est bien sûr un détail insolite, c’est un anachronisme, un détail qui ne correspond pas du tout à l’époque.

Dans le tableau, les anachronismes sont volontaires
Le chapelet de la femme de Simon, les vêtements des religieux, les costumes du 16e s.

Les anachronismes volontaires créent une tension. Ils installent un pont entre l’histoire sacrée de l’Évangile et la réalité quotidienne du spectateur. Ils l’invitent à réfléchir sur sa propre position face au drame de la Passion.

La paysanne et les veaux

Une paysanne au bonnet blanc pousse un traîneau d’osier avec deux veaux nouveau-nés. Elle les conduit au marché.

Tout comme la brebis ligotée et jetée à terre, c’est une allusion discrète à la victime sacrificielle annoncée par Esaïe

Maltraité, affligé, il n’a pas ouvert la bouche ; semblable au mouton qu’on mène à l’abattoir, à une brebis muette devant ceux qui la tondent, il n’a pas ouvert la bouche. Ésaïe 53.7

Les tuniques rouges

Les tuniques rouges séparent le tableau au milieu par une ligne pointillée en rouge.

Comme les soldats romains au temps de Jésus, ce sont des mercenaires au service des Espagnols. Ils interviennent pour les arrestations.

 

Bruegel les montre en uniformes de son époque pour évoquer la répression espagnole contre les Flamands.

La charrette des condamnés avec la bannière des Habsbourg

Devant la charrette des condamnés flotte un drapeau rose avec l’aigle à deux têtes des Habsbourg, empereurs d’Autriche, rois d’Espagne et des Provinces Unies (Pays Bas).

Avec lui ils crucifient deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Marc 15.27

 

Autour de la charrette des condamnés, une petite foule qui ne se soucie guère de leur sort.

Les deux brigands

Ils sont livides, tenaillés par l’angoisse.

Celui à l’avant est sans doute le mauvais brigand.
Hors de lui, bouche ouverte, désespéré il lève une tête hagarde vers le ciel qu’il croit vide

 

L’autre, hébété, s’agrippe à son crucifix serré entre ses mains grises. Il s’efforce de suivre les paroles d’exhortation d’un moine gris. Tout à l’heure, pendu à la croix, il prendra la défense de Jésus insulté par son camarade

L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait en disant : N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et sauve-nous ! Mais l’autre le rabroua en disant : N’as-tu donc aucune crainte de Dieu, toi qui subis la même peine ? Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos actes ; mais celui-ci n’a rien fait de mal. Et il disait : Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume. Il lui répondit : Amen, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. Luc 23.39-43

Au sommet du Golgotha

Bruegel représente d’autres croix avec des condamnés suspendus. Des mâts surmontés de roues montent vers le ciel, avec encore les cadavres des suppliciés de la veille

Cette multiplication des suppliciés évoque les exécutions massives d’hérétiques par l’Inquisition espagnole.

En associant la crucifixion du Christ à ces scènes contemporaines, l’artiste souligne la répétition des persécutions religieuses à travers les âges.

La crucifixion comme spectacle pour la foule

Dans Marc 15 la crucifixion est un événement public. 
Des passants se moquent de Jésus. Les chefs religieux et les soldats le ridiculisent. 
Ils montrent un manque d’humanité, une attitude hostile et insensible.

Les passants l’injuriaient en hochant la tête. Ils disaient : Hé ! toi qui détruis le sanctuaire et le reconstruis en trois jours, sauve-toi toi-même et descends de la croix ! Les grands prêtres aussi, avec les scribes, se moquaient entre eux et disaient : Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Que le Christ, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix, afin que nous voyions et que nous croyions ! Ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient aussi. Marc 15.29-32

Le Portement de croix est une immense fresque.

La foule ne semble pas réellement concernée par Jésus. Les gens sont absorbées par des discussions, des affaires ou d’autres distractions.

Les exécutions sont mises en spectacle.

La mort publique était un divertissement dans les sociétés d’antan.
Au Golgotha, l’exécution se passait hors des murs de la ville.

En Flandre, à l’époque de Bruegel (16e s), tout supplice était un spectacle et se déroulait sur la Grand-Place.

Lorsqu’une ville manquait d’animation, on achetait parfois un condamné auprès d’une municipalité voisine. On profitait d’un bon divertissement, et le condamné était exécuté dans les règles.

Cette banalisation de la souffrance est une critique de la société du temps de Bruegel, où les supplices et les exécutions étaient monnaie courante

Marc insiste sur le drame spirituel et la signification théologique de la Passion du Christ. Bruegel adopte une vision plus sociale et plus critique de l’humanité face à la souffrance divine.
Marc met en avant le sacrifice rédempteur de Jésus. Bruegel nous confronte à notre propre indifférence et à la répétition des injustices à travers l’histoire

Les croix plantées

Au milieu du cercle formé par le public, deux hommes ont déjà planté deux croix. Le trou de la troisième est prêt.

Dans le tableau de Bruegel, la croix est ambiguë.

Elle n’est pas seulement anachronique, comme le chapelet de la femme de Simon. Elle est douloureusement ironique.

C’est comme si on donnait pour le réconforter à un futur guillotiné, ou à un futur exécuté par la chaise électrique, un modèle réduit de l’instrument de son supplice.

L’ironie est sans doute voulue : c’est au nom du Christ et de sa croix que des hommes et des femmes sont mis à mort en Flandre

Instrument de supplice déjà dressé sur la colline du Calvaire, la croix est pourtant un signe de consolation pour le pécheur
De manière imprévisible, Dieu a fait de cet objet de honte et de douleur un signe de salut.

Jésus sous le poids de la croix

Le condamné a quitté la ville. Il est entouré d’hommes armés et d’aides
Et de soldats romains bien décidés à s’amuser à ses dépens

Figure centrale, le Christ paraît minuscule.

On le reconnaît à sa grande tunique bleue. Il n’a pas la force de porter ce lourd assemblage de poutres. Il vient de s’effondrer.
Certains semblent l’aider à relever sa croix.
Mais en fait un homme y pose même le pied. Le condamné s’y agrippe pour ne pas tomber.

Dia 22 La crucifixion

C’était la troisième heure quand ils le crucifièrent. L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs. » 15.25-26

A la sixième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure.
A la neuvième heure, Jésus cria : Eloï, Eloï, lema sabachthani ? ce qui se traduit : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Quelques-uns de ceux qui étaient là l’entendirent ; ils disaient : Tiens, il appelle Elie. Quelqu’un courut remplir de vinaigre une éponge et la fixa à un roseau pour lui donner à boire, en disant : Laissez, voyons si Elie va venir le descendre de là.

Mais Jésus laissa échapper un grand cri et expira.
Le voile du sanctuaire se déchira en deux, d’en haut jusqu’en bas.

Voyant qu’il avait expiré de la sorte, le centurion qui était là, en face de lui, dit : Cet homme était vraiment Fils de Dieu. 15. 33-39

L’incognito de la lumière

Les tableaux de l’époque mettent habituellement en valeur le personnage principal.

Pour obtenir l’effet d’isolement, Bruegel élargit autour du Christ, l’espace du monde. Et il peuple la scène d’une foule immense.
Le Christ est habilement caché près du centre géométrique du tableau.

L’évènement significatif qui change le monde passe inaperçu au moment où il se produit.
C’était la troisième heure quand ils le crucifièrent.

C’est « l’incognito de la lumière » d’après une expression de l’historien Marc Bloch qui a donné son nom à l’université de Strasbourg

Un thème chrétien par excellence : la naissance du Christ dans une étable, sa mort qui semble sceller son échec définitif.
Bruegel l’a bien signifié dans ce tableau et dans d’autres œuvres

Les personnages sacrés

Il y avait aussi des femmes qui regardaient de loin. Parmi elles, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques le Mineur et de José, et Salomé, qui le suivaient et le servaient lorsqu’il était en Galilée, et beaucoup d’autres qui étaient montées avec lui à Jérusalem. Marc 15.40-41

A l’avant plan, un peu en hauteur sur un rocher plat, des personnages aux costumes somptueux. Ils ne ressemblent pas aux autres, comme s’ils venaient d’une autre époque.

Vêtements raffinés au tissu luxueux et abondant, ceintures richement brodées, visages sensibles et expressifs, corps longilignes, mains aux longs doigts, larges volutes des drapés pour exprimer leurs émotions

Jean et Marie

Marie est assise sur un plateau rocheux, les yeux fermés dans un visage blême.

Jean, le visage pensif et juvénile, la main expressive, se penche un peu pour soutenir Marie qui défaille.

La femme à droite, vêtue d’une longue robe blanche et d’une tunique ocre joint les mains. Probablement une des femmes qui accompagnent Marie au pied de la croix

Marie-Madeleine

Agenouillée à gauche, Marie-Madeleine est richement vêtue. Robe jaune élégante aux manches bouffantes, ceinture brodée.

Coiffée d’un turban et d’un voile qui lui retombe dans le dos, elle penche le cou pour verser des larmes dans une grand morceau d’étoffe rouge

Des témoins directs de la souffrance du Christ. Ils représentent la compassion dans un monde d’indifférence.

Leur position excentrée – sur un plateau rocheux, à l’avant- souligne qu’ils sont marginalisés dans cette foule bruyante et indifférente.

Bruegel met en évidence la difficulté de suivre le Christ dans un monde hostile, en accord avec la spiritualité chrétienne de son époque.

Contrairement à la foule anonyme, et indifférente qui vaque à ses occupations quotidiennes, Jean et les Saintes Femmes au premier plan incarnent la vraie foi et la compassion. Ils représentent la communauté des croyants
Ils soulignent la tension entre compassion et indifférence, entre conscience spirituelle et inconscience Il met en évidence l’aveuglement moral de la société

D’un côté, le rocher inflexible de la Loi et de l’Institution
De l’autre, le Sauveur en croix qui libère son peuple et inaugure le règne de Dieu

La puissance du démon et de la mort est brisée.

Une liaison nouvelle est établie entre le ciel et la terre : la croix, nouvel arbre de vie.
La force impersonnelle et inflexible de la Loi qui exige l’obéissance, cède la place à un rapport nouveau au Dieu personnel.

Ce nouveau rapport avec Dieu n’est plus fondé sur la soumission, mais sur la relation.

Un chemin à travers le tableau

Un triangle dans le tableau relie trois masses à peu près équivalentes
–  le rocher et le moulin à l’arrière : la Loi (pour le Juif) ou le destin (pour le païen)
– le groupe entourant Marie : La vie intérieure et spirituelle, la compassion
–  les grands blocs rocheux avec des ronces au premier plan à gauche évoquent la parabole du « semeur »
Pierres et épines : des personnes chez qui le grain ne profite pas. La dureté du cœur humain

Un second axe part des roches à l’avant passe par le Christ et conduit au Golgotha
Ne serait-ce pas la solution ?

Conclusion

Comment l’Évangile de Marc et le Portement de croix de Bruegel peuvent-ils encore parler au 21 e siècle

Spectacle et indifférence publique

Dans nos sociétés actuelles, la violence et les injustices sont souvent présentées sous forme de spectacles médiatiques. Mais le plus grand nombre reste fréquemment passif, même indifférent, face aux enjeux de solidarité et de justice.

La mise en scène du portement de croix par Bruegel – où le Christ se fond dans la foule et se retrouve presque invisible – symbolise cette perte de repères. Elle exprime aussi l’aliénation de l’individu dans une masse anonyme.

Les tragédies actuelles, contemporaines, qu’elles soient politiques ou sociales, se déroulent sous le regard d’une société souvent trop distraite pour y réagir.

L’Évangile de Marc met en lumière le drame de la crucifixion du Christ, un sacrifice ultime qui interroge le sens de la souffrance et le prix de la rédemption. 
Le texte insiste sur l’humilité et la vulnérabilité du Sauveur, tout en révélant l’incompréhension et la cruauté des témoins.

Le public du 21e siècle est souvent confronté à des crises sociales et politiques (inégalités, violences, désastres humanitaires).

Alors ce récit invite à réfléchir sur la valeur de l’altruisme, le souci pour le bien des autres, et le courage de se dresser contre l’injustice.

Le Portement de Croix de Bruegel transpose le drame de la croix dans un contexte contemporain à l’artiste, avec une multitude de personnages issus de la vie quotidienne de son époque.

En montrant un Christ presque noyé dans une foule hétérogène et indifférente, Bruegel critique non seulement l’institution religieuse de son temps mais aussi la manière dont la société se détourne de la souffrance et de l’injustice.

Ce décalage entre la solennité du sacrifice et l’indifférence ambiante trouve un écho particulier aujourd’hui, dans un monde où la médiatisation de la violence et l’indifférence collective semblent souvent l’emporter sur la recherche de sens ou l’engagement spirituel.

Parallèles avec la persécution et les luttes modernes

Le récit évangélique et l’œuvre de Bruegel évoquent également la thématique de la persécution. 
Autrefois, le Christ et les protestants persécutés  comme ceux du tableau. 
Et il y avait aussi des anabaptistes. Ils incarnaient une résistance face à un pouvoir oppresseur

Aujourd’hui, les conflits politiques, les persécutions religieuses et les inégalités sociales continuent ou reprennent de plus belle. Alors ces images restent puissantes. Elles interrogent sur le rôle de l’État, la manipulation médiatique et la passivité du public face aux abus de pouvoir.

Indifférence spirituelle et quête de sens

Le 21 e siècle se caractérise par une « indifférence spirituelle » généralisée. Beaucoup se déclarent éloignés des institutions religieuses.

Le contraste entre la profondeur du sacrifice du Christ dans Marc et l’aspect presque banalisé du portement de croix dans le tableau de Bruegel invite ainsi chacun à réfléchir sur la manière dont on valorise (ou dévalorise) le sacré et l’humain dans sa vie quotidienne.

Une invitation à la réflexion et à l’engagement

Pour le public du 21e siècle, ces œuvres offrent donc une double lecture.
Elles rappellent la nécessité de se soucier des autres et de prendre position face aux injustices. Sans oublier de nous demander comment nous nous situons par rapport aux questions spirituelles dans un monde de plus en plus matérialiste et individualiste

Ainsi, que ce soit par le texte biblique ou par l’interprétation artistique de Bruegel, le message demeure actuel. 
La véritable grandeur réside dans la capacité à reconnaître la souffrance d’autrui et à essayer d’agir, à sortir de l’indifférence pour instaurer un changement social et spirituel profond.

Ces œuvres nous invitent à repenser nos priorités. Elles nous poussent à trouver, au cœur même des crises modernes, une source d’inspiration pour engager un dialogue entre valeurs humaines, spiritualité et action citoyenne.

Une foi incarnée dans un monde en crise ?

Membres et participants d’une Église mennonite bien ancrée dans la foi, nous vivons dans une société qui fait face à des crises bien actuelles : guerres, tensions sociales et écologiques, économie instable.

Bruegel a peint une foule absorbée par ses préoccupations quotidiennes, une foule indifférente à la souffrance du Christ. 
Marc 15 nous rappelle que le chemin de la croix est aussi celui de l’espérance.

Allons-nous simplement observer ? Ou allons-nous agir ?

C. Streng

Abraham, confiant malgré tout

Genèse 15 : confiant malgré tout

Un chapitre essentiel pour comprendre le plan de Dieu qui se manifeste dans l’alliance avec Abraham, le plan de Dieu qui prend son envol avec la foi d’Abraham.
Paul l’a utilisé dans son enseignement sur la justification par la foi

Plan de Genèse 15 en 3 parties :

  • inquiétude face à l’avenir,
  • la foi une aventure,
  • l’alliance, une garantie des promesses mais pas sans risque

1.   Inquiétude face à l’avenir

Abraham a vaincu les rois ennemis (ch 14) Mais il est inquiet, perturbé. Ces rois pourraient revenir avec des renforts pour l’attaquer.

Alors Dieu le rassure « Ne crains pas, je suis moi-même ton bouclier » Ton bouclier, ta protection, ton protecteur, une expression qui correspond bien à la situation : le combat est à peine terminé, il pourrait reprendre. Mais il ne reprendra pas.

Et Dieu ajoute : Ta récompense sera très grande.

Cette promesse reprend celle que Dieu lui a donnée .quand il lui a demandé de quitter Ur pour commencer l’aventure de la foi sous sa conduite :  Genèse 12.2 et 3

Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te maudira. Tous les clans de la terre se béniront par toi (v. 2-3)

Et v. 7 je donnerai ce pays à ta descendance

Une grande nation, un pays pour ta descendance. Mais il n’y a pas de descendance

Plusieurs années se sont écoulées, 8 ou 9 ans probablement. Il a 80 ans et Sara 70 et toujours pas d’enfants. La promesse d’un héritier, d’une descendance nombreuse, oui, mais la stérilité est là. Et l’âge aussi

Inquiet pour sa sécurité, découragé devant l’avenir, Abraham se plaint
Je m’en vais sans enfant . Tu ne m’as pas donné de descendanceC’est Eliezer qui sera mon héritier

Abraham est un homme de foi. Il l’a montré en quittant Ur quand Dieu l’a appelé. Mais il a aussi des sentiments, des émotions. Et Dieu ne les lui reproche pas. Il lui rappelle simplement qui il est, son bouclier, son protecteur. Et Dieu va lui donner les certitudes dont il a besoin

Nous sommes faits à l’image de Dieu Et nos sentiments, nos émotions font partie de cette image.

Alors nous pouvons parler au Seigneur de nos soucis, de nos préoccupations, même si cela ressemble à de l’impatience ou à de l’incrédulité. « Seigneur, je ne comprends pas ça, je trouve que c’est injuste »
Dieu n’est pas sourd à nos questions ni indifférent à nos sentiments.
Mais il ne faut pas les laisser échapper à tout contrôle, ni au contraire les étouffer pour que rien ne sorte.

Jésus a exprimé ouvertement ses émotions de joie, de tristesse, d’amour et même de colère. Dans une situation difficile ou perturbée, nos sentiments, nos émotions ne doivent pas être rejetés mais il ne faut pas en rester là. Si nous continuons à tourner en rond autour de nous, nous serons découragés. Tournons-nous plutôt vers Dieu et soyons attentifs à ses paroles d’encouragement.

Déchargez-vous sur lui de toutes vos inquiétudes, car il prend soin de vous. (1 Pierre 5.7).

Pour la 1e fois dans la Bible « la parole du Seigneur est venue » et  » Ne crains pas « 

Pour la première fois, dans la Bible, on trouve l’expression « la parole du Seigneur est venue » utilisée plus de cent fois dans l’AT.

Et aussi pour la première fois « ne crains pas », qui sera répété à Isaac (Gen 26.24), à Jacob (46.3) et au peuple d’Israël, dans Esaïe 41.10, N’aie pas peur, car je suis avec toi ; ne jette pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu ; je te rends fort, je viens à ton secours, 
je te soutiens de ma main droite victorieuse.

La foi qui dépasse, la foi qui vainc la peur, c’est la foi dans la parole de Dieu, pas la foi dans mes sentiments.

Reste tranquille et sache que je suis Dieu (Ps 46.10).
Alors Dieu confirme à nouveau à Abraham ce qu’il lui a promis.
Non, ton serviteur Eliézer ne sera pas ton héritier. Tu auras un fils à toi et tes descendants seront aussi nombreux que les étoiles (4-5)

2.   La foi, une aventure

Abraham mit sa foi dans le Seigneur, qui le lui compta comme justice
Au point de départ, l’inquiétude et le doute devant une situation apparemment sans solution.

Une femme stérile et âgée peut-elle avoir de enfants ? ..Jamais vu oui, jamais vu jusqu’ici.

Dieu parle : ton héritier, c’est celui qui sortira de toi (v4) Et il ajoute un signe, la multitude des étoiles dans le ciel. (v. 5)  Alors tout change. De l’incrédulité, Abraham passe à la foi.

Pourtant il n’y a encore rien, aucun indice qui pourrait faire penser que Rien que la parole

Aucun argument mais la révélation. La certitude qui dépasse infiniment la pensée humaine .et son raisonnement raisonnable.
Oui Dieu est Dieu Et s’il promet quelque chose, .on peut faire confiance à sa promesse. Elle sera réalisée. Ce Dieu qui a fait les étoiles en nombre innombrable peut aussi donner un fils à un couple âgé et stérile.

Une foi remarquable, .un basculement vers l’espoir à partir d’une situation de crise un modèle à suivre

La foi qui compte devant Dieu, .c’est la confiance qui croit aux promesses de sa Parole. La foi d’Abraham, c’est un miracle de Dieu, pas une construction de la pensée humaine ou une décision morale.
Abraham n’est pas passé de son inquiétude et de son doute à la certitude de la foi parce qu’il savait quelque chose qui le mettrait sur la piste. C’est la puissance de Dieu qui se révèle et rend aussi sa révélation accessible.

Alors la récompense promise ?

Ce n’est pas du donnant donnant qui récompenserait la confiance. Pas le marchandage des charlatans religieux qui promettent toutes sortes d’avantages matériels en contrepartie d’un geste de générosité « Mettez 10 € dans l’enveloppe, et soyez sûrs d’en recevoir plus ; mettez plutôt 100 ou 1000, vous en recevrez beaucoup plus »

La récompense, c’est l’expérience de la grâce de Dieu. Il donne gratuitement sa justice à ceux qui lui font confiance, à ceux qui prennent même des risques pour rester avec confiance dans cette justice, malgré tout ce qui pourrait faire obstacle.

Abraham mit sa foi dans le Seigneur, qui le lui compta comme justice

La justice de Dieu lui a été attribuée. Elle a été mise sur son compte. Sur la croix, nos péchés ont été mis sur le compte de Jésus (Es. 53.12) lorsqu’il a subi le châtiment des péchés qui étaient sur notre compte (Es 53.6).
Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (Rom 3.23).

Mais si nous nous confions en lui, sa justice est créditée à notre compte.
Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait pour nous péché, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu. (2 Co 5.21)

Alors nous sommes déclarés justes et pardonnés devant Dieu.

Rester dans la confiance, attendre que la volonté de Dieu s’accomplisse, à sa manière et au moment qu’il a choisi.

Abraham et Sarah n’avaient pas besoin de trouver une solution pour avoir un enfant. Tout ce que Dieu demandait, c’est qu’ils soient disponibles pour qu’il puisse accomplir sa promesse en eux.

Le verset 6 est cité par le prophète Habaquq (le juste vivra par la foi) et trois fois dans le Nouveau Testament : Galates 3:6 ; Romains 4:3 ; et Jacques 2:23. Il est à la base de la doctrine de la justification par la foi.

Abraham a cru en Dieu. Il lui a fait confiance. Il s’est appuyé de toutes ses forces sur les promesses de Dieu mais surtout sur le Dieu qui promet.

Dieu répond à la crainte d’Abraham par sa présence et à son inquiétude concernant l’héritier par sa promesse.

Mais il reste une 3e préoccupation, le pays promis.  Comment Dieu y répondra-t-il ?

La déclaration de Dieu sur la foi d’Abraham est placée juste avant la conclusion solennelle de l’alliance.  C’est avec Abraham le croyant, .celui à qui Dieu a attribué sa justice que Dieu conclut son alliance par la promesse d’une terre.

3.   L’alliance, une garantie des promesses, mais pas sans risques

Dieu rappelle d’abord à Abraham qu’il l’a fait sortir d’Ur .pour lui donner la propriété de ce pays.

A quoi saurai-je que je prendrai possession de ce pays ? «

Abraham avait confiance que Dieu lui donnerait le fils promis. Mais la terre était toujours occupée par dix nations païennes. Comment ses descendants pourraient-ils en avoir la possession ?

Alors, au cours d’une cérémonie solennelle, Dieu conclut avec Abraham une alliance.

Il lui garantit ainsi que les promesses concernent la terre (15.7) seront réalisées, elles aussi.
La terre, le pays est un élément important de l’alliance. C’est en effet sur cette terre, dans le pays d’Israël que s’est accomplie l’histoire du salut.

Conclure une alliance était une pratique légale courante à l’époque, dans tous les pays du Proche-Orient ancien.

On établissait ainsi un contrat, un accord solennel entre deux partenaires (individus ou groupes) avec des garanties et des obligations réciproques.

Conclure une alliance ne se faisait pas en signant des documents devant un notaire. L’expression utilisée était « couper une alliance ».
En effet, les personnes qui s’engageaient dans une alliance sacrifiaient plusieurs animaux. Ils partageaient les corps en deux et plaçaient les moitiés opposées sur le sol.

Ensuite, les partenaires marchaient entre les morceaux séparés des animaux. Ils déclaraient que s’ils ne tenaient pas leur parole, .s’ils ne respectaient pas l’alliance conclue, ils méritaient d’être traités comme ces animaux.

Abraham obéit à Dieu et prépare les animaux.

Puis il passe la journée à chasser les oiseaux de proie qui attaquent les morceaux partagés.

Ici, il y a plus que la seule conclusion habituelle d’une alliance. S’y ajoute une interprétation symbolique, une annonce prophétique.

Les animaux sacrifiés représentent les descendants d’Abraham, le peuple d’Israël, le peuple de Dieu.
En effet, génisse, chèvre, bélier, tourterelle, colombe sont les animaux purs prescrits pour les sacrifices dans le livre du Lévitique. Les Israélites, le peuple de Dieu les offraient à Dieu, comme leurs représentants, leurs substituts pour rétablir la relation avec lui s’ils avaient rompu l’alliance par le péché.
Les oiseaux de proie, impurs représentent les nations païennes, ..entre autres l’Égypte, ennemies d’Israël.
Et les gestes d’Abraham qui chasse les rapaces annoncent les actes de défense de ses descendants contre les agresseurs étrangers.

Selon le rite habituel pour conclure l’alliance, les deux partenaires auraient dû marcher entre les deux moitiés des animaux partagés.
Mais quand le soleil se couche, Abraham tombe dans un profond sommeil.

Dieu seul passe entre les morceaux du sacrifice.

17 Quand le soleil fut couché, l’obscurité devint profonde ; alors une fournaise fumante et une torche de feu passèrent entre les animaux partagés.

C’est Dieu qui a fait les promesses à Abraham.

Et pas Abraham qui a fait les promesses à Dieu. ..C’est une alliance de grâce dans laquelle Dieu seul s’engage, sans condition.

V. 18  Je donne ce pays à ta descendance
Pendant son sommeil, Abraham est informé du plan de Dieu pour le peuple, pour lui-même et pour la terre.
Pour le peuple (v 13-14 et 16), est annoncée une période d’esclavage de 400 ans par un pays qui n’est pas nommé.

A l’époque d’Abraham et pendant les 3 générations qui suivent, les relations avec l’Égypte sont normales, bonnes même.

Les dirigeants, les pharaons de cette époque-là sont aussi des sémites, comme Abraham et ses descendants.
Abraham est allé en Égypte à cause de la famine et il a été bien reçu. .. Malgré sa tromperie à propos de Sara sa femme qu’il fait passer pour sa sœur, il en est sorti plus riche qu’il n’était entré. (Gn 12). D’ailleurs le trajet pour l’Égypte est court et bien fréquenté pour des relations commerciales entre voisins. C’est un peu comme quand on va faire ses courses de l’autre côté de la frontière.

Joseph, fils de Jacob, deviendra par la suite premier ministre du pharaon

Il dirige une vente de blé à ses frères qui l’avaient vendu et ne le reconnaissent pas pas tout de suite. Toute la famille s’installe en Égypte comme invitée d’honneur et devient un peuple puissant.

Mais un nouveau pharaon réduit les Hébreux en esclavage

Mais la dynastie au pouvoir change. Le nouveau pharaon, pas sémite, est inquiet de leur croissance numérique. Il réduit les Hébreux en esclavage et pratique le génocide des garçons (Exode 1). ;;;Et cela dure 400 ans, depuis l’arrivée de Jacob en Égypte jusqu’à l’Exode. 400 ans jusqu’à ce que l’alliance s’accomplisse, jusqu’à ce que le peuple libéré aille à la conquête du pays promis

Abraham peut en être sûr. Rien ne pourra se mettre en travers du plan prévu par Dieu,

Pas même sa mort, pas même une longue période d’esclavage.
Comme les oiseaux de proie, l’Égypte va s’opposer à l’alliance de Dieu avec Israël et essayer d’en empêcher la réalisation. Mais en fin de compte, l’alliance sera accomplie.

« Une fournaise fumante, une torche de feu » (17), encore deux symboles pour symboliser l’avenir.

La fournaise fumante représentait l’affliction de l’esclavage en Égypte, désignée dans Dt 4. 20 comme un creuset pour fondre le fer.

Et la torche de feu, c’est la lumière de Dieu qui s’élève dans les ténèbres, comme la colonne de feu du désert   pour conduire son peuple.

16 A la quatrième génération, ils reviendront ici ; car la faute des Amorites n’est pas encore à son comble.

Pourquoi 400 ans, pourquoi une attente aussi longue ? Pourquoi Dieu tarde-t-il tellement pour délivrer son peuple.

Dieu a été patient envers les populations païennes de Canaan, représentées par les Amorites. Il a retardé son jugement pour qu’elles aient le plus de temps possible pour se repentir.

Il est cependant un point que vous ne devez pas oublier, bien-aimés : c’est que pour le Seigneur un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Le Seigneur ne retarde pas l’accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le pensent. Il est patient envers vous : il ne souhaite pas que quelqu’un se perde, mais que tous accèdent à un changement radical (2 Pierre 3.8-9).

Le pays promis : v 18-21

Ce jour-là, l’Éternel fait alliance avec Abram

Il remet à sa postérité, par un acte solennel, tout le pays. Il précise ses frontières et cite une à une les populations qui seront punies et devraient être dépossédées lors de la conquête.

En fait, Israël n’a jamais possédé le pays promis dans sa totalité. Même au temps de sa plus grande extension, sous les règnes de David et de Salomon, l’Égypte contrôlait encore les régions côtières et les Philistins étaient toujours présents. Cette promesse d’une terre dans ses pleines dimensions est reprise dans les Psaumes qui annoncent le Messie. Elle sera réalisée quand le Christ glorieux régnera sur le trône de David.

Ce passage est un encouragement pour nous, les croyants de la nouvelle alliance.

Cette alliance est inconditionnelle. Son accomplissement ne dépend que de Dieu, pas de l’homme. De même la nouvelle alliance établie par Jésus Christ est fiable, qu’on l’accepte ou non.

Toute personne qui met sa foi, ..sa confiance dans le Christ, mort à cause de nos péchés et ressuscité pour notre justification (Jn 3.16) entre dans cette alliance. Elle reçoit le salut éternel
Et c’est parce qu’il a été ainsi amené à la perfection qu’il est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, l’auteur d’un salut éternel (Hb 5.9)
et la gloire éternelle  Quand vous aurez souffert un peu de temps, le Dieu de toute grâce, qui, en Jésus-Christ, vous a appelés à sa gloire éternelle, vous formera lui-même, vous affermira, vous rendra forts et inébranlables. (1 Pi 5.10)

En conclusion, Dieu accomplira tout ce qu’il a promis.

Il accordera à ceux qui se confient en lui toutes ses bénédictions pour cette vie et la vie à venir malgré la souffrance, la persécution et même la mort
Sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire et sa propre force. Par celles-ci, les promesses les plus précieuses et les plus grandes nous ont été données, afin que par elles vous échappiez à la pourriture que le désir entretient dans le monde et que vous ayez part à la nature divine. (2 Pi 1. 3-4).

Le croyons-nous ?

C.Streng

Job – l’enjeu

Le livre de Job : surprenant et assez difficile à comprendre

De l’avis de beaucoup de chrétiens le livre de Job est assez difficile à comprendre. Effectivement et ce n’est pas simplement à cause des thèmes qu’il traite : la souffrance humaine, la souveraineté et la gloire de Dieu, la religiosité courante.
C’est surtout dû à la manière surprenante dont est mis en scène le sujet de la souffrance parmi les hommes. En effet l’auteur n’adopte pas l’angle ordinaire du malheur comme conséquence du péché, mais tout à l’opposé comme l’expérience déroutante d’une série de catastrophes qui tombent sur un homme que Dieu lui-même déclare intègre, et cela à deux reprises. Il faut donc laisser de côté les idées simplistes et regarder les choses de près.

1. Les deux premiers chapitres

Présentation des personnages et du problème spécifique

Comme dans une pièce de théâtre, c’est là que nous sont présentés les personnages de toute l’action et qu’est posé le problème qui fera l’objet de toute la suite. Si le lecteur passe trop vite sur les 2 scènes développées là, il va rater l’essentiel du message du livre. Il pourra tirer certains enseignements justes, confirmés ailleurs dans la Bible. Mais il passera à côté de la pointe particulière, de l’objectif spécifique du livre de Job.

Voyons donc le contenu des chapitre. 1-2 :

D’abord le personnage central : Job : 1.1 et sa richesse —> 3d.

Chronologiquement on le situe très loin dans le passé, peut-être même avant Abraham. On peut admirer la connaissance que ces hommes – et tout particulièrement Job – ont de Dieu, sans aucune révélation écrite.

Suit alors une impressionnante scène au ciel :

présentée comme souvent dans la Bible : sobre, directe, sans détail annexe : 1.6-12.

Puis la 1e chaîne de catastrophes

Elles  enlèvent brutalement à Job tous ses troupeaux, beaucoup de serviteurs et même ses enfants—> 1. 20-22 !!

Nouvelle scène au ciel : —> 2.1-6.

Il perd sa santé et le soutien de sa femme : 2. 7-10.

Et le chapitre 2 se termine en annonçant l’arrivée de 3 amis venus le consoler.

2. La lecture classique

Une AG au ciel : Satan met en doute la motivation de Job

Une assemblée générale est convoquée par Dieu au ciel. Tous les anges y participent, même l’ange déchu. Celui-ci, malgré son évidente arrogance, doit rendre des comptes à Dieu et le dialogue se centre sur un homme en particulier, Job.

Dieu le connaît bien et en fait un éloge impressionnant : il n’y a personne comme lui sur terre. Satan est obligé de l’admettre, mais ce semeur de doute et de mensonges met en question la motivation de Job : 1. 9-11 ; 2. 4-6.

Et par 2 fois une série de calamités tombe sur le pauvre Job qui perd successivement :

tous ses biens dans une véritable rafale de nouvelles catastrophiques, puis ses enfants, sa santé, le soutien et le respect de sa femme, le soutien de ses amis.

Que lui reste-t-il alors ? Imaginons-nous à sa place :

un peu de vie, mais avec des douleurs constantes, son attachement à Dieu, mais il a l’impression profondément déroutante que Dieu ne lui rend pas justice et est même devenu son ennemi.

Il y a aussi ses 3 amis venus le consoler, mais avec leur esprit obtus ils l’énervent rapidement et iront jusqu’à prononcer des accusations scandaleuses sur son intégrité et son image de Dieu.

Une fois cette situation de départ bien notée, comment comprendre le message de tout le livre ?

La grande majorité des commentaires reconnaît le caractère extrême des épreuves de Job et explique qu’elles ont été nécessaires pour lui faire abandonner sa confiance en soi, « son orgueil », disent-ils, lui faire avouer sa condition limitée de pécheur.

D’autres expliquent que ces épreuves sont nécessaires pour approfondir sa vie spirituelle et l’introduire à des bénédictions bien plus grandes. Ce n’est pas faux, mais un peu passe-partout. Et surtout là n’est pas le vrai enjeu de ce livre.

D’autre part si le but du livre est de montrer si ces épreuves vont effectivement confirmer, affermir la foi de Job, ce livre prend une allure effrayante, car il me faudrait envisager comme normal d’affronter, moi aussi, des situations aussi extrêmes pour progresser dans ma foi. Même en face de problèmes moins lourds, suis-je capable, moi, de dire : L’Eternel a donné… ?

De plus, dans cette approche, l’attention se focalise sur l’homme, sur Job. Celui-ci devient un homme exceptionnel qui arrive à tenir face à un tel déluge de coups durs. Il devient un « héros de la foi » (ce qui est totalement étranger à sa mentalité), un magnifique exemple, mais difficile à égaler et, de plus, dans un passé bien lointain et une culture et des circonstances bien différentes.

3. Le vrai enjeu

Le vrai enjeu se situe ailleurs : non dans la personnalité de Job, mais dans les 2 dialogues entre Dieu et Satan.

À l’éloge que Dieu fait de Job Satan répond :

Est-ce de façon désintéressée que Job craint Dieu ?.. Porte la main contre lui…et je suis sûr qu’il te maudira en face.

Par deux fois le diable lance ce défi, bien dans la ligne de son arrogance de semeur de zizanie.

Et la grosse surprise : Dieu accepte, tout en fixant des limites. Il est et reste le Maître des circonstances.

Dieu accepte, parce qu’il connaît Job. Il a dit qu’il n’y a pas autre homme comme lui sur terre. Il croit donc que d’un tel homme il peut attendre la fermeté dans des évènements très durs, c’est-à-dire une démonstration de foi désintéressée, inconditionnelle. Même dans des circonstances aussi extrêmes.

Cette démonstration proclamera la gloire de Dieu

Et quand à la fin la preuve sera donnée que Dieu avait raison, qu’il pouvait effectivement attendre de l’homme un tel amour, qu’il en est digne comme Créateur et Maître de l’univers, cette démonstration proclamera non, par des paroles, mais par un fait incontestable, la gloire de Dieu devant toute la création et aussi à la face du monde de Satan, de ce semeur de doute et de zizanie.

Dieu connaît Job

Dieu connaît Job et croit en sa foi, à la sincérité de son attachement, au niveau de ce que Job devrait être capable d’endurer.

Il nous connaît aussi

Il nous connaît nous aussi et croit que notre amour est sincère. Et quand il permet une épreuve, elle est mesurée, dosée en fonction de notre foi et de notre maturité spirituelle. Elle reste contrôlée par le Maître des circonstances. Mais elle nous donne l’occasion de proclamer le gloire de Dieu à la face de notre entourage et aussi du monde invisible que nous sommes sérieux dans notre attachement à Dieu, qu’il le mérite bien comme Dieu et Sauveur.

Cette fois l’attention n’est pas centrée sur l’homme, mais sur Dieu,

L’enjeu n’est pas seulement la fermeté de notre foi et sa progression, mais une démonstration en actes de la gloire de Dieu.

Voilà une dimension à me remettre clairement devant les yeux, quand un coup dur arrive. Ce coup dur n’aura pas la gravité de ceux qui ont frappé Job, il sera à ma mesure, mais moi aussi je pourrai témoigner, à l’honneur de Dieu, qu’il est digne d’un amour inconditionnel, pour rien. Ce témoignage est possible à tous les niveaux de foi, même dans un quotidien banal.

On est là aux antipodes des conceptions des trois amis de Job.

Leur religiosité simpliste est certes exigeante et très élevée au-dessus du polythéisme de leur époque. Il y a des choses qu’il faut faire et d’autres qu’il faut vraiment éviter et tt cela sous le regard du divin Juge. Si tu fais le bien, tu seras béni ; si tu fais le mal, tu seras puni.

Et si Job a subi ces terribles calamités, c’est qu’il a gravement péché. Tous leurs efforts s’unissent pour le lui faire avouer et quand Job s’obstine à leur parler de sa justice, ces prétendus amis, venus pour le consoler, en viennent à l’accuser de mensonge, en termes cruels et impitoyables. Pour sauver leur piètre image de Dieu et le système qui en découle.

Ils s’entendraient bien avec un certain christianisme actuel qui a à peu près tout oublié de la Bible, à part les 10 commandements.

Ils s’entendraient aussi avec le commun des Juifs qui lisent ce livre dans leur Bible. Et là justement se situe une autre signification importante de ce livre.

Et avec une compréhension légaliste – donnant-donnant de l’Ancien Testament

Dans le cadre de l’AT, trop facilement compris de manière légaliste, voilà un livre, peut-être le plus ancien de tous, qui rejette avec vigueur toute scorie religieuse légaliste, commerciale du donnant – donnant cher aux trois amis.

Job craint Dieu parce que Dieu est Dieu

Non, Job ne craint pas Dieu, parce que cela apporte quelque chose à Dieu, ni parce que cela lui sert à lui-même, mais parce que Dieu est Dieu. Dieu en est digne à cause de ce qu’il est et non pas simplement à cause de tout ce qu’il nous donne.

Le Dieu unique et véritable, majestueux dans sa souveraineté et plein de grâce dans son amour et sa providence pour l’homme, mérite un amour véritable, désintéressé. C’est là une des grandes spécificités de notre foi en Christ.

Une épreuve, même incompréhensible, ne suffit pas pour justifier que je retire à Dieu ma confiance, que je le renie.

Dans une relation d’amour, les deux partenaires se connaissent, se font mutuellement confiance, comme une chose allant de soi. Nous savons qu’il est nécessaire et légitime de croire en Dieu, mais pensons-nous que Dieu croit aussi en nous, c’est-à-dire qu’il estime que puisque son amour est véritable, le nôtre le sera aussi et ne s’évaporera pas face à un coup dur. Celui-ci est connu d’avance, donc contrôlé par le Maître des évènements, qui lui donne une raison d’être constructive.

Job ressent le besoin d’un médiateur

Job ne comprend pas ce qui lui arrive, cette immense averse tombée d’un coup d’un ciel bleu. Contre toutes les accusations injustes de ses piètres consolateurs, il ressent fortement le besoin d’un médiateur, d’un garant de sa bonne foi auprès de Dieu. Et il a même l’intuition que ce médiateur, ce serait Dieu lui-même auprès de Dieu, c’est-à-dire Christ.

4. Bilan provisoire

La confiance de Job en Dieu

Il est vraiment étonnant de découvrir la confiance de cet homme en Dieu, lui qui a vécu au moins 4000 ans avant nous. Alors que nous, nous connaissons toute l’histoire d’Israël et pouvons lire à loisir une révélation détaillée de Dieu.

Cela ne veut-il pas dire que Dieu se révèle effectivement à qui le cherche sincèrement :

Vous me chercherez et vous me trouverez, pq vous me chercherez de tout votre cœur (Jérémie 29. 13).

L’actualité nous le confirme par les témoignages que nous entendons de gens qui n’ont aucun accès personnel à la Bible et à qui Dieu se révèle de nos jours.

Job désarçonné mais toujours attaché à Dieu

Job est totalement désarçonné : il ne comprend plus rien à ce qui lui arrive. Mais il ne se laisse pas entamer par les insinuations de sa femme et de ses amis. Non, dit-il en quelque sorte, je sais que Dieu m’aime et il sait que je l’aime, je veux rester attaché à lui, je ne le renierai pas. Et lui se lèvera le dernier sur la terre, il aura le dernier mot dans cette affaire : C’est lui que je contemplerai et il me sera favorable. Mes yeux le verront… Au plus profond de moi, je n’en peux plus d’attendre (19.27)

Alphonse Maillot, un commentateur perspicace, dit que Dieu remet sa cause à Job.

Il croit que son amour pour Job est assez fort pour que Job triomphe dans ce test. Sinon cela signifierait que son amour ne peut pas grand chose. C’est le sort de Dieu qui va se jouer sur terre, tandis que le sort de Job se joue au ciel.

Dieu est digne d’un amour inconditionnel

Finalement le défi lancé par l’adversaire à Dieu, qui le relève, devient le défi lancé par Dieu à l’adversaire qui sera vaincu dans les faits. Oui, Dieu est digne d’un amour inconditionnel, parce qu’ il n’y a pas d’autre Dieu dans la création, il est majestueusement saint et réellement amour.

C’est une revanche sur l’événement du jardin d’Eden où l’homme avait accepté l’idée de Satan que l’amour de Dieu était intéressé, que Dieu voulait se préserver des privilèges.

A suivre …

J-J Streng