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La croix de Jésus-Christ – John Stott

La croix de Jésus-Christ

Le livre de John Stott (1921-2011), la Croix de Jésus-Christ, a été publié en anglais sous le titre The Cross of Christ par l’Inter-Varsity Press, la maison d’édition des Groupes Bibliques Universitaires anglais. Il s’adresse à un lecteur qui réfléchit et désire approfondir sa connaissance d’une vérité fondamentale de la foi chrétienne sans en rester à une approche superficielle ou limitée.
L’auteur, théologien, pasteur et homme d’État chrétien a présenté la doctrine de la croix d’une manière particulièrement claire et complète, dans un style agréable à lire, même en traduction. Il a traité le sujet à partir de l’ensemble de l’Écriture et en relation avec la théologie historique et la théologie systématique, sans oublier des applications claires pour la vie chrétienne, soit au cours des chapitres, soit dans la dernière partie du livre.

La croix de Jésus-Christ, dira-t-on, c’est tout simple, il suffit d’en accepter la réalité, de croire à son efficacité, d’en recevoir pour soi les bienfaits spirituels, d’en tirer les conséquences pratiques dans sa vie chrétienne. Mais restreindre la compréhension de la croix à quelques principes même exacts sans les développer ni les approfondir par un enseignement solide, n’est-ce pas risquer une foi et une pratique superficielles, avec même le risque de déviations, plus ou moins subtiles de sa signification et de ses implications exactes.

L’ouvrage se divise en quatre grandes parties :

Une approche de la croix approfondit la recherche sur les causes de la mort de Jésus

Au cœur même de la croix pose le problème du péché et de la sainteté de Dieu : besoin de pardon pour l’homme, de satisfaction pour Dieu avec la solution de l’auto-substitution par Dieu lui-même.

L’œuvre accomplie à la croix, avec l’explication et le développement des concepts de propitiation, rédemption, justification, réconciliation… gloire justice et amour de Dieu… triomphe sur le mal et victoire du Christ.

La vie sous la croix développe les applications pratiques de la doctrine de la croix, soit dans la vie chrétienne personnelle, soit dans la communauté de l’Église.

Cette recension traitera les deux premières parties

La place centrale de la croix

Celui qui ignore la culture chrétienne et trouve la trace de la croix dans l’art, l’architecture religieuse, les cérémonies avec leurs symboles se demandera pourquoi tout converge …vers la croix.

John Stott explique la signification du choix de quelques symboles du christianisme.

Le symbole du poisson, IXTHUS, Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur,

  • I(I, Iota) : Ἰησοῦς / Iêsoûs (« Jésus »)
  • Χ(KH, Khi) : Χριστὸς / Khristòs (« Christ »
  • Θ(TH, Thêta) : Θεοῦ / Theoû (« de Dieu »)
  • Υ(U, Upsilon) : Υἱὸς / Huiòs (« fils »)
  • Σ(S, Sigma) : Σωτήρ / Sôtếr (« sauveur ») (d’après Wikipedia)

était le signe de ralliement des premiers chrétiens.

Pour les Pères de l’Église, théologiens qui ont élaboré la doctrine chrétienne face aux hérésies des premiers siècles, le signe de la croix, n’était pas une superstition. Il montrait que l’objet ou l’acte sur lequel il était invoqué était vraiment sanctifié comme appartenant à Christ.

La crucifixion était la peine … la plus abjecte dans l’Antiquité. Inventée par des barbares, elle avait été adoptée par les Grecs et les Romains,… qui en exemptaient habituellement leurs citoyens… Pour les Juifs, le criminel crucifié était sous la malédiction de Dieu
Le corps ne devra pas demeurer sur le bois de l’arbre pendant la nuit; il faudra l’enterrer le jour même, car un cadavre ainsi pendu attire la malédiction de Dieu sur le pays. Veillez donc à ne pas rendre impur le pays que le Seigneur votre Dieu vous donne en possession. (Deutéronome 21.23).
Les ennemis du christianisme tournaient en dérision, sous forme de caricature ou de graffiti l’idée d’adorer un homme crucifié.

La croix  au centre du plan de Jésus

Jésus a été investi par Dieu, son Père, d’une mission particulière, celle de réconcilier les pécheurs avec Dieu par sa mort sur la croix et sa résurrection. Il s’est donc engagé volontairement dans l’obéissance et la souffrance.
Après avoir entendu le témoignage que Pierre fait de sa messianité, Jésus va révéler à ses disciples le but de sa vie :
Et vous, leur demanda Jésus, qui dites-vous que je suis?» Pierre lui répondit: «Tu es le Messie.» Alors, Jésus leur ordonna sévèrement de n’en parler à personne. (Marc 8.29-30)
il annonce ouvertement ses souffrances, sa mort, sa résurrection :
Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup; les anciens, les chefs des prêtres et les maîtres de la loi le rejetteront; il sera mis à mort, et après trois jours, il se relèvera de la mort. (Marc 8.31)
Il le fera deux fois encore, en Galilée et à son arrivée à Jérusalem.

Une détermination étonnante

Le plus étonnant, dans cette triple annonce de la Passion n’est pas la trahison par son peuple … la mort puis la résurrection, ni le titre de Fils de l’Homme destiné à souffrir et à mourir. C’est la détermination, le choix volontaire de Jésus à accomplir tout ce qui avait été écrit à son sujet
Ils étaient en chemin pour monter à Jérusalem. Jésus marchait devant ses disciples, qui étaient inquiets, et ceux qui les suivaient avaient peur. Jésus prit de nouveau les douze disciples avec lui et se mit à leur parler de ce qui allait bientôt lui arriver. Il leur dit: «Écoutez, nous montons à Jérusalem, où le Fils de l’homme sera livré aux chefs des prêtres et aux maîtres de la loi. Ils le condamneront à mort et le livreront aux païens. Ceux-ci se moqueront de lui, cracheront sur lui, le frapperont à coups de fouet et le mettront à mort. Et, après trois jours, il se relèvera de la mort.(Marc 10.32-34, cf. Matthieu 20.17-19, Luc 18.31-34).

Une mort correspondant à un dessein précisJésus savait que sa mort violente, prématurée, répondait à un dessein précis. Il allait mourir à cause de l’hostilité des autorités juives de son époque,
Les Pharisiens sortirent de la synagogue et se réunirent aussitôt avec des membres du parti d’Hérode pour décider comment ils pourraient faire mourir Jésus Marc 3.6
mais pas avant le temps fixé par Dieu. Après sa prédication à la synagogue de Nazareth,
Ils se levèrent, entraînèrent Jésus hors de la ville et le menèrent au sommet de la colline sur laquelle Nazareth était bâtie, afin de le précipiter dans le vide. Mais il passa au milieu d’eux et s’en alla.(Luc 4.29-30)
Il allait mourir selon « le sort réservé au Messie d’après les Écritures« .

Certes, le Fils de l’homme va mourir comme les Écritures l’annoncent à son sujet, en associant la mort à la résurrection, les souffrances à la gloire promise.
Alors Jésus leur dit: «Gens sans intelligence, que vous êtes lents à croire tout ce qu’ont annoncé les prophètes! Ne fallait-il pas que le Messie souffre ainsi avant d’entrer dans sa gloire?». Puis il leur expliqua ce qui était dit à son sujet dans l’ensemble des Écritures, en commençant par les livres de Moïse et en continuant par tous les livres des Prophètes (Luc 24.25-27)

Trois paroles de la croix sont reprises des Psaumes :

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? Pourquoi restes-tu si loin, sans me secourir, sans écouter ma plainte? (Psaume 22.2),
Dans ma nourriture ils ont mis du poison, et quand j’ai soif ils m’offrent du vinaigre. (Psaume 69.22)
Je me remets entre tes mains, Seigneur, toi qui m’as pris en charge, Dieu fidèle. Psaume 31.6)
Elles décrivent la souffrance de la victime innocente qui met sa confiance en Dieu.

Les souffrances du Fils de l’homme et Esaïe 53

Les déclarations de Jésus sur les souffrances du Fils de l’homme (Marc 8.31), venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup (Mc 10.45) dirigent vers Ésaïe 53.
Le Serviteur de l’Eternel y est décrit comme méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et habitué à la souffrance (Esaïe 53.3) blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités … (Esaïe 53.5)… qui justifiera beaucoup d’hommes (Esaïe 53.11).

Une mort librement choisie

Il allait mourir surtout parce qu’il avait librement choisi d’entrer dans le plan …de son Père pour le salut des pécheurs.
Car le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de beaucoup. (Mc 10:45)

qui accomplit le dessein de Dieu

D’après les apôtres qui avaient déjà une conscience claire de ce qu’elle impliquait, la mort de Jésus, due à la méchanceté des hommes, accomplit…le dessein de Dieu.
Cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l’avez crucifié, vous l’avez fait mourir par la main des impies. Dieu l ‘a ressuscité, en le délivrant des liens de la mort, parce qu’il n’était pas possible qu’il soit retenu par elle. (Actes 2.23-24)

 La prédication apostolique de la croix

La doctrine de la prédication de la croix par les apôtres repose sur des bases scripturaires solides, le message apostolique porte autant sur la mort que sur la résurrection.

Ainsi Paul prêche un Jésus crucifié

Car je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus -Christ, et Jésus-Christ crucifié. (1 Corinthiens 2.2 )

Pierre désigne le Seigneur comme celui qui a porté nos péchés et pris notre place

Lui qui a porté lui-même nos péchés en son corps sur le bois, afin que morts aux péchés nous vivions pour la justice; lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris. (1 Pierre 2.24)

La lettre aux Hébreux souligne sa suprématie absolue

Après avoir été élevé à la perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l’auteur d’un salut éternel. (Hébreux 5.9 )

L’Apocalypse surtout le décrit comme le Seigneur de l’histoire, adoré par les êtres célestes

Tu es digne de prendre le livre, et d’en ouvrir les sceaux; car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation (Apocalypse 5.9)

Maintenir la croix à sa place centrale en restant fidèlement attaché à Jésus-Christ.

Décentrer la foi de l’œuvre de la croix, c’est la mort de l’Église  (Forsyth, théologien anglais du début du 20e s. ; la croix est l’unique marque de la foi chrétienne (Emil Brunner, théologien allemand du début du 20e s)

La mort de Jésus-Christ, qui est coupable ?

Jésus a été accusé de blasphème par les Juifs et de rébellion politique par les Romains. Lors de son procès, les tribunaux ont respecté une certaine procédure légale, mais avec un prisonnier innocent, des faux témoins, une parodie de jugement par des hommes (Caïphe, Pilate) dirigés par leur passions.

Pilate

Les Evangiles retiennent plutôt la culpabilité de Pilate et moins la responsabilité des soldats romains dans la crucifixion de Jésus-Christ. Ils font du procurateur romain un portrait peu flatteur, confirmé par l’histoire profane.
Administrateur compétent, c’était un homme méprisant et provocateur, avec un caractère emporté, cruel et violent. Convaincu de l’innocence de Jésus, il fit plusieurs tentatives lamentables pour ne pas le condamner et en même temps ne pas l’acquitter à cause des Juifs, en se déchargeant de sa responsabilité sur ceux-ci.

Pilate, voyant qu’il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l’eau, se lava les mains en présence de la foule, et dit: Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde.Matthieu 27.24

Mais n’agissons-nous pas, parfois, nous aussi, comme Pilate qui avait la conscience étouffée par les opinions, les exigences des autres, qui était compromis par sa lâcheté.

Les dirigeants juifs

Les Juifs et leurs prêtres sont les responsables les plus directs de la mort de Jésus-Christ. Sans titre ni autorité reconnue, Jésus bousculait les traditions des pharisiens. Il leur reprochait de se soucier des prescriptions cérémonielles de la loi plutôt que de se préoccuper des personnes, de la pureté morale et de l’amour. Mais surtout il se déclarait l’égal de Dieu, ce qui était, à leurs yeux, une affirmation blasphématoire. Au delà des motifs invoqués pour justifier son arrestation, il y avait surtout la jalousie liée à l’orgueil, sentiments qui font regarder Jésus comme un rival qui dérange.

Judas, responsable de sa trahison

Instrument de la Providence pour accomplir les desseins de Dieu ou jouet complice de Satan, Judas reste responsable de son ignoble trahison. Zélote[1] selon certains, il aurait livré Jésus par désillusion politique ou pour lui forcer la main. Mais c’est plutôt son avarice qui explique le calcul sordide de la « vente » de Jésus au prix d’un esclave. Ce même péché est d’ailleurs à l’origine de bien des abus et des malhonnêtetés à toutes les époques.

Tous coupables

Il ne s’agit pas de décharger le peuple juif de sa responsabilité dans la mort de Jésus, même avec des circonstances atténuantes, mais d’être conscient que toutes les nations la partagent et que, nous aussi, nous sommes coupables. Cependant, Jésus n’est pas mort en martyr, victime involontaire du péché des hommes, mais il a choisi de donner sa vie, conformément à la volonté de son Père.

Au delà des apparences

En mourant pour nos péchés, Jésus-Christ a subi notre mort, non comme conséquence de ses péchés, mais comme sanction pénale pour les nôtres. N’ayant jamais péché, il aurait pu retourner au ciel sans mourir, mais il a choisi délibérément la mort que nous méritions.

John Stott propose une démarche théologique à partir des événements de la chambre haute, de Gethsémané et de Golgotha.

Trois leçons de la cène

Par les gestes et les paroles de la Cène dans la chambre haute, le Seigneur visualise pour ses apôtres le sort qui l’attendait, en leur enseignant trois leçons

  • Le caractère capital de sa mort, au centre de ses pensées et de sa mission
  • L’objectif de sa mort qui rend possibles la nouvelle alliance et sa promesse de pardon
  • La nécessité de s’approprier personnellement sa mort.

Jésus-Christ annonce ainsi le remplacement de la Pâque par la Cène en s’identifiant à l’agneau pascal lui-même, en se livrant à la mort en véritable sacrifice pascal.

L’agonie dans le jardin de Gethsémané

Jésus envisageait son épreuve avec une appréhension extrême, une souffrance morale aiguë[2].
La coupe amère est le symbole non seulement de la colère de Dieu pour son peuple désobéissant mais aussi du jugement universel destiné au pécheur. Elle n’est ni la mort ni les souffrances mais l’agonie spirituelle qui consiste à se charger des péchés du
monde et à subir le châtiment divin pour ces péchés. C’est avec cet objectif qu’i entre dans la mort en gardant envers Dieu une confiance sereine et résolue.

Quatre explications ont été proposées au cri d’abandon poussé à la croix

  • Un cri de colère, d’incrédulité et de désespoir de n’avoir pas été secouru au dernier moment. Selon cette interprétation inexacte, Jésus était dans l’erreur et avait manqué de confiance sur la croix
  • Un cri de solitude, « la nuit noire de l’âme » vécue par de nombreux croyants de l’ancienne et de la nouvelle alliance. Cette interprétation est possible, mais elle ne tient pas compte du Psaume 22 : l’expérience d’un homme vraiment abandonné de Dieu.
  • Un cri de victoire, selon le Psaume 22 qui s’achève sur une note de confiance, un cri de triomphe. Mais pourquoi Jésus aurait-il cité le début du Psaume, s’il voulait faire allusion à sa fin ?
  • Le cri de Jésus exprime un réel état d’abandon, un abandon authentique, volontairement accepté par le Père et le Fils, mais sans que l’unité de la Trinité ne soit brisée.

La croix souligne trois vérités fondamentales sur nous-mêmes, sur Dieu, sur Jésus-Christ

  • Le péché est une réalité horrible. Nous devons prendre conscience de sa gravité pour placer notre confiance en Jésus comme Sauveur.
  • La croix fait entrevoir un amour de Dieu dépassant l’imaginable, offert à ceux qui ne le méritent pas.
  • Le salut offert par Jésus-Christ est un don gratuit. C’est le plus puissant stimulant pour une vie de piété et de sainteté.

N.B. : les citations littérales ou approximatives de John Stott sont en italique

[1] Mouvement de rébellion contre le pouvoir romain en place
[2] B.B. Warfield dans On the Emotional Life of our Lord

C. Streng

Continuez la lecture avec la 2e partie du livre :

« Concilier pardon des péchés, sainteté et amour de Dieu »

Liberté du chrétien et/ou dépendance de Dieu

La liberté du chrétien

En Jean 8.30-37 Jésus nous montre comment il conçoit la liberté du chrétien ainsi que son domaine d’application.

Comme Jésus parlait ainsi, plusieurs crurent en lui. Et il dit aux Juifs qui avaient cru en lui : Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. Ils lui répondirent : Nous sommes la postérité d’Abraham, et nous ne fûmes jamais esclaves de personne ; comment dis-tu : Vous deviendrez libres ?

En vérité, en vérité, je vous le dis, leur répliqua Jésus, quiconque se livre au péché est esclave du péché. Or, l’esclave ne demeure pas toujours dans la maison ; le fils y demeure toujours. Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres.

Je sais que vous êtes la postérité d’Abraham ; mais vous cherchez à me faire mourir, parce que ma parole ne pénètre pas en vous.

Des questions centrales : la relation entre Jésus-Christ et Dieu

Jésus-Christ enseigne dans la cour du Temple, près du tronc des offrandes.
Il aborde des questions centrales : quelle relation unit Dieu et Jésus son Fils, quelle est la mission de Jésus-Christ et comment révèle-t-il Dieu le Père ?

 Ils lui dirent donc : Où est ton Père ? Jésus répondit : Vous ne connaissez ni moi, ni mon Père. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père . (Jean 8.19)

Jésus leur dit donc : Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous connaîtrez ce que je suis, et que je ne fais rien de moi-même, mais que je parle selon ce que le Père m’a enseigné (Jean 8.28)

Beaucoup de ceux qui l’écoutaient crurent en lui. (Jean 8.30

Jésus qui discerne le fond des cœurs est obligé de préciser ses paroles. Il interpelle ses auditeurs sur la nature de leur foi naissante.

Ainsi, suivre Jésus ne consiste pas en une simple adhésion intellectuelle risquant d’aboutir à un foi superficielle. Le suivre c’est persévérer dans ses enseignements et les mettre en pratique.Suivons maintenant la pensée de Jésus et son argumentation face aux Juifs qui le questionnent

1) Comment devenir des femmes et des hommes libres ?

Ainsi vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres (Jean 8.32)

La conversion, qu’elle soit radicale ou plus progressive, est un demi-tour suivi d’un changement de direction. La repentance, l’accueil du pardon des péchés et le choix de suivre Jésus-Christ constituent une toute première étape. Mais force est de constater que toutes les chaînes du péché, des mauvaises habitudes, des traditions ne tombent pas d’un seul coup.

Il serait intéressant d’écouter ce que les uns et des autres peuvent raconter à cet égard.Découvrir et connaître la vérité puis s’appliquer à suivre les enseignements du Maître est un long processus, un apprentissage qui libère peu à peu.

Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne vient au Père que par moi (Jean 14.6 )

La réalité effectivement vécue est rarement une ligne droite toujours ascendante qui symboliserait une marche spirituelle sans faille. Dans la vie on s’engage par moments dans des voies sans issue, et des raccourcis qui n’en sont pas, comme Israël dans le désert.

Alors oui, exercer la foi, c’est dépendre de plus en plus de Dieu, discerner les chaînes du péché qui nous retiennent et la poutre qui est dans nos yeux. C’est accepter d’être l’argile malléable dans les mains du potier. Jésus lui-même est plénitude de grâce et de vérité (Jean 1.14) pour ceux qui veulent vraiment connaître la liberté.

2. De quoi faut-il être libéré ?

Jésus leur répondit : «oui je vous le déclare, c’est la vérité : Tout homme qui pêche est un esclave du péché » (Jean 8.34)

De par sa nature, l’homme est asservi au mal, au péché. Il est esclave de ce qui a triomphé de lui. Le fait de proposer la liberté suppose l’existence d’un état d’esclavage.

Les Juifs qui écoutent Jésus sont choqués et scandalisés par son affirmation. Ils sont descendants d’Abraham donc héritiers des promesses réservées au peuple élu. C’est un titre qu’il revendiquent et dont ils sont fiers.

Nous sommes la postérité d’Abraham, et nous ne fûmes jamais esclaves de personne ; comment dis-tu : Vous deviendrez libres ? (Jean 8.33)

Jésus leur répond : c’est une illusion, vous vous leurrez vous-mêmes.

En vérité, en vérité, je vous le dis, leur répliqua Jésus, quiconque se livre au péché est esclave du péché (Jean 8.34)

et il ajoute plus loin

Je sais que vous êtes la postérité d’Abraham ; mais vous cherchez à me faire mourir, parce que ma parole ne pénètre pas en vous (Jean 8.37)

Jésus est venu dans le monde pour mourir sur une croix et libérer les hommes de leurs péchés. Ce n’est pas une liberté politique ou sociale que Jésus propose mais la possibilité et la seule de rompre avec l’esclavage du péché

Quel est le discours ambiant au XXIe siècle

Selon les critères courants de notre société, il n’existe pas vraiment de normes ou de références en matière éthique, il est donc difficile de distinguer le bien du mal. La notion de péché et de transgression d’une loi divine n’est plus à la mode. L’homme est appelé à s’épanouir comme il l’entend, sans contrainte ni limite. Cela reparait dans l’éducation des enfants.

La réaction de rejet de l’Evangile est souvent motivée par l’illusion d’être libre. On est aveuglé sur la réalité de la condition humaine soumise à l’influence du mal et des forces spirituelles mauvaises.Il est donc difficile de proposer un remède au malade qui s’ignore. Sur la croix Jésus a payé le prix fort pour permettre de rompre avec le péché.

3. Quelle est la menace qui pèse sur la liberté du chrétien ?

Le Christ nous a libéré pour que nous soyons vraiment libres. Tenez bon donc ne vous laissez pas de nouveau réduire en esclavage  (Galates 5.1)

Cette citation de Paul se rapporte au débat qui agitait alors l’Eglise, à propos de la raison d’être de la circoncision, comme signe extérieur visible d’appartenance au peuple d’Israël. Certains Juifs convertis à la foi chrétienne (les judaïsants) voulaient l’imposer aux chrétiens issus du paganisme .

La tentation ou le piège est clair : cela consisterait à se soumettre de nouveau aux règles imposées par la Loi juive de l’Ancien Testament.

Pratiquer la circoncision signifie alors que la Croix n’est pas tout à fait suffisante.
Il faut rajouter quelque chose qui en l’occurrence est spécifique du peuple juif.

La justification par la grâce seule est parfaitement suffisante mais la tentation du salut par les mérites est tenace de nos jours encore. On évalue volontiers la spiritualité d’autrui à son zèle pour évangéliser, à l’expression de belles prières, à son assiduité aux rencontres d’Eglise etc.

Alors qu’est ce que la liberté bien comprise ?

Vous avez été appelés à la liberté ; seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair ; mais rendez-vous, par l’amour, serviteurs les uns des autres. Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. (Galates 5.13-14

L’inverse serait :

Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous ne soyez détruits les uns par les autres. (Galates 5.15)

Ne nous trompons pas de grille de lecture, utilisons plutôt celle de Galates5. 22, d’une vie placée sous la direction effective du Saint-Esprit

Mais le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi (Galates 5.22)

Quant à nous mettons tout notre espoir en Dieu qui nous rendra juste à ses yeux. C’est ce que nous attendons, par la puissance du Saint Esprit qui agit au travers de notre foi (Galates 5.5)

4. La liberté chrétienne ne se vit pas contre mais avec le prochain

Vivre la liberté chrétienne ne signifie pas l’absence de toute contrainte ou limite. Et mon prochain est cette limite car il est différent de moi à bien des égards : éducation, âge, parcours de vie, personnalité.

Paul a dit qu’il n’est l’esclave de personne mais qu’il s’est rendu esclave (serviteur) afin de gagner le plus de gens possible au Christ.

Car, bien que je sois libre à l’égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. (1 Corinthiens 9.19)

L’exercice de notre liberté ne saurait se passer d’amour et d’esprit de service. La liberté s’inscrit donc dans un cadre relationnel. Il existe bien un lien indissociable entre la liberté et l’amour.

Une saine liberté en Christ

Vivre une saine liberté en Christ peut se résumer ainsi : c’est être uni étroitement Jésus-Christ et suivre son enseignement. C’est renoncer à l’esclavage du péché par la puissance de la croix. Veiller plutôt à dépendre de la grâce seule. Et surtout faire bénéficier mon prochain de ma liberté.

W.Kreis

Impact de la résurrection pour le chrétien et pour l’Eglise

Importance de la résurrection

Dans le chapitre 15 de sa première lettre aux Corinthiens l’apôtre Paul démontre l’impact de la résurrection, son importance fondamentale et même fondatrice pour l’Église et pour le chrétien. Et si nous ne fêtons qu’une fois par an l’événement de Pâques, c’est chaque jour jusque dans l’éternité que nous nous réjouissons, que nous vivons de ses conséquences.

Pour nous aider à nous affermir dans la vie nouvelle apportée par le Ressuscité, méditons sur trois des profondes nouveautés introduites par la résurrection pour le chrétien.

Et si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus. Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes.

Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts; Car, puisque la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’est venue la résurrection des morts. 

Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun en son rang. Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent à Christ, lors de son avènement. 

Ensuite viendra la fin, quand il remettra le royaume à celui qui est Dieu et Père, après avoir réduit à l’impuissance toute domination, toute autorité et toute puissance. Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. 1 Corinthiens 1.17-25

1. Notre manière de voir la croix

Une annonce stupéfiante

Le ministère de Jésus se développe et dans les foules l’idée se fait jour qu’il pourrait être le Messie. Et voilà que Jésus annonce aux douze que ce ministère va connaître une fin brutale. Il va être mis à mort par les autorités religieuses du pays. Il ajoute même qu’il faut que les choses se passent ainsi! Difficile d’imaginer des paroles plus stupéfiantes, incompréhensibles, révoltantes !

Une annonce impossible à envisager

Comment envisager que leur Maître qui fait tant de bien, soit torturé à mort par ceux-là même qui avant tout autre, devraient reconnaître en lui le Messie attendu par tout Israël et lui réserver un accueil digne du Fils de Dieu ?

Alors les disciples ou bien n’arrivent pas à entendre ces paroles, même quand il les répète, ou bien par l’intermédiaire de Pierre, ils s’insurgent pour dire qu’il ne peut en être question, qu’ils ne peuvent se résoudre à un tel scandale.

Une réaction compréhensible des disciples

S’ils se révoltent, c’est par affection pour lui, c’est par égard pour son ministère qui, comme celui de Jean-Baptiste, ramène les gens à ce qui est central dans la foi juive. C’est vrai aussi qu’ils ont complètement bousculé leur mode de vie pour se consacrer à plein temps à leur Maître.

Alors que deviendront-ils, devront-ils peut-être même subir la même honte de la crucifixion ? Avant et pendant la Passion ce spectre effrayant de la Croix ne pouvait être qu’une intolérable injustice, la honte totale pour l’homme le plus noble qui ait jamais vécu sur terre. Et dire que le maître va résolument à Jérusalem, vers ce qui ne peut-être qu’un échec infamant, alors qu’à vues humaines c’est encore tout à fait évitable !

Et quand à Gethsémané,  ils voient même leur Maître aller au-devant de ses bourreaux, le désespoir et la panique les saisissent, tout leur semble perdu et ils ne pensent plus qu’à sauver leur propre vie, abandonnant le Maître.

Un échec apparent

L’histoire ultérieure abonde en déclarations soulignant cet énorme échec. Ses assassins se moquent : « Dire qu’il a sauvé les autres et qu’il est incapable de se sauver lui-même ! »

Celse, un adversaire romain du christianisme, raillait cette religion d’esclaves qui prétend que le salut peut venir d’un supplicié sur une croix. Beaucoup, même au 21e s. s’insurgent contre cette religion sanguinaire qui continue à prôner un sacrifice sanglant.

Trois jours après, une majestueuse résurrection

Or cette mort tragique a été suivie, trois jours après, d’une majestueuse et irrésistible résurrection. Elle est attestée en particulier par les efforts désespérés des autorités pour la dissimuler.

Et quelques semaines plus tard le langage des apôtres, leur vie-même est totalement transformée. La Croix n’est plus la chose horrible à laquelle on ne peut se résoudre à penser, elle est au centre d’une proclamation publique que Pierre fait à des milliers de juifs venus du monde entier.

Pierre glorifie son Maître crucifié et ressuscité, il déclare que cette Croix faisait partie du plan éternel de Dieu et que Dieu a approuvé ce Jésus crucifié en le ressuscitant et en l’élevant dans la gloire. Paul s’écrie qu’il n’en a aucune honte, mais qu’il en est fier : 1 Corinthiens. 1.18, 21-24 ; 2.2.

Une nouvelle manière de voir la croix

Les retrouvailles heureuses avec le Seigneur ressuscité les ont fait reconsidérer la Croix à la lumière des déclarations précédentes de Jésus et de l’Ancien Testament à son sujet.

Et voilà que cet affreux instrument de supplice romain devient le symbole-même de l’amour de Dieu pour l’humanité pécheresse. L’outil de la bassesse et de la perversité des hommes devient la démonstration de l’amour de Dieu, de sa volonté de pardon, de sa puissance de vie. Elle nous rappelle notre péché et notre condamnation, mais aussi que Jésus y a pris notre place et nous a ainsi entraînés par son amour dans une vie qui ne cessera plus, avec lui.

2. Suprématie du spirituel sur le matériel

Envisager la dimension spirituelle

Une des difficultés du Seigneur en annonçant la venue du royaume de Dieu, ce fut souvent d’arriver à amener son auditoire à quitter le niveau du tangible, du matériel pour envisager la dimension spirituelle des choses.

Son public juif enfermait sa réflexion dans le domaine matériel, ce qui fait que le levain des pharisiens était le produit pour faire lever la pâte à pain qu’on achetait dans un magasin appartenant à un pharisien. Il ne comprenait que difficilement que c’était aussi bien la mentalité légaliste de propre juste typique des pharisiens qui se considéraient comme les seuls purs dans la peuple juif. Même un intellectuel comme Nicodème ne voit pas comment on pourrait naître de nouveau, puisqu’il faudrait, pour cela, retourner dans le ventre de sa mère.

Comprendre comment fonctionne la foi

C’est bien aussi le problème de notre culture athée française qui se vante de ne croire que ce qu’elle voit et considère comme irréel, illusoire tout ce qui n’est pas de ce niveau.

Or si on comprend correctement Hébreux 11.1, on peut y voir le mode de fonctionnement de la foi, de ce que j’appellerai le sixième sens, propre au chrétien, qui lui permet de percevoir un monde de réalités complémentaire à celui des cinq sens.

La foi lui ouvre là un domaine au moins aussi réel, riche et varié que le premier, mais profondément déterminant pour sa destinée éternelle et donc aussi terrestre. Et dire que ceux qui nient cette réalité se moquent de ce qu’ils appellent nos rêveries, notre irréalisme et se disent les seuls réalistes !

Priorité du spirituel, importance du matériel

Jésus exhorte ses disciples à chercher d’abord le Royaume de Dieu et sa justice = à donner la priorité à la dimension spirituelle de leur vie, à faire passer devant tout le reste ce qui a vocation éternelle.

Mais il ne dit pas que les choses matérielles sont méprisables, sans importance, comme le déclare la pensée platonicienne grecque. Il n’en sous-estime pas l’importance, il veut simplement que ces choses matérielles ne masquent pas, ne fassent pas passer à côté de ce qui est prioritaire et même vital. Bien loin de mépriser le matériel, il dit que celui qui ordonne correctement ses priorités, recevra de Dieu lui-même le matériel en supplément.

Oui, on peut aussi confier à Dieu de petits problèmes pratiques, Dieu en prendra également soin, puisqu’il s’agit toujours de ce qui concerne son enfant. Lorsque Jésus ressuscité reprend contact avec ses disciples, au bord du lac où ils ont pêché, il ne leur a pas préparé un grand exposé sur le ciel, mais un solide petit déjeuner et les invite même à y contribuer avec le produit de leur pêche (Jean 21).

La résurrection de Jésus apporte une confirmation éclatante à son enseignement sur la supériorité du spirituel sur le matériel, quand il disait de ne pas craindre ceux qui peuvent tuer le corps, mais pas plus. Il est ressuscité, ses ennemis n’ont pas pu l’éliminer. Et comme il est ressuscité spirituel, ils n’ont même plus de prise sur lui.

Corps et âme créés par Dieu

Mais il est aussi ressuscité avec un corps. Et ce corps est un vrai corps, capable de manger comme le nôtre, avec en plus d’autres capacités que nous n’avons pas sur terre. Ce corps a autant de prix que l’âme aux yeux de Dieu qui les a créés l’un comme l’autre.

C’est ce que Jésus avait déjà illustré dans son ministère, quand il libérait tantôt une personne de l’emprise spirituelle d’un démon, tantôt une autre handicapée physiquement par la paralysie ou une maladie. Il se préoccupe du corps comme de l’âme. Mais le corps n’a pas d’avenir sans l’âme et l’âme doit d’abord être régénérée pour que le corps puisse l’accompagner, transfiguré, dans la vie éternelle.

Vocation du chrétien : une sanctification progressive

Et parce que le spirituel prime sur le matériel, la vocation du chrétien sur terre, ce n’est pas d’abord d’être indemne de toute maladie, comme certains le prêchent. Ce n’est pas non plus d’être dégagé de tous les problèmes matériels, d’être riche, selon un enseignement à la mode dans certains pays. Certes Dieu peut accorder ces bienfaits, mais cela n’a rien de systématique.

Ce que Dieu attend du chrétien

En revanche ce qu’il attend de chaque chrétien sans exception et qu’il veut aussi accorder à chacun, c’est une vie de pureté, de sanctification progressives, en étroite relation suivie avec lui. « Sans la sanctification, nul ne verra le Seigneur ! » nous avertit-il en nous invitant à prendre sur nous son joug qui n’est pas pénible, car il est un Maître doux et humble de cœur.

En effet il est aussi le Dieu qui ne se lasse pas de pardonner à ceux qui veulent vivre sous sa direction. La preuve en est justement la résurrection qui pose le sceau de l’approbation du Père sur l’œuvre d’expiation accomplie par le Fils.

Supériorité de l’amour sur l’égoïsme

Par son exemple pratique il avait aussi enseigné la supériorité de l’amour sur le souci de soi-même, la priorité du sacrifice pour autrui sur l’égoïsme obtus. Non seulement on ne l’a pas cru, mais on n’a pas supporté cette attitude et on l’a assassiné.

Mais la résurrection confirme magnifiquement cette vision de la vie et la supériorité d’une vie consacrée aux autres, jusqu’au sacrifice. Il a démontré ainsi qu’une vie prend une valeur éternelle si elle n’a pas été fermée sur elle-même, mais consacrée aux autres.

3. Une toute nouvelle manière de voir Jésus-Christ

La résurrection a aussi conduit les disciples à voir Jésus sous une tout nouveau jour.

Un long chemin avant la croix

Jusqu’où étaient-ils parvenus avant la Croix ? C’est vrai qu’ils avaient parcouru un long chemin. Ce rabbin si atypique dont ils avaient fait leur Maître, ils l’avaient découvert comme homme, ils s’étaient attachés de plus en plus à cet enseignant qui vivait ce qu’il prêchait, qui s’inquiétait d’abord des personnes et non des coutumes culturelles ou religieuses.

Ce qu’ils l’entendaient dire, ce qu’ils le voyaient faire, les a peu à peu amenés à l’idée qu’il devait être le Messie, à une conviction au moins intellectuelle, comme Pierre va l’exprimer au nom de tout le groupe.

L’intervention du Saint-Esprit

Mais ce n’était pas encore une certitude spirituelle, qui transforme la vie de celui qui la porte. Pour cela il a fallu ce dont nous avons besoin, nous aussi : Luc 24.45-47.

Cette intervention du Saint-Esprit après la résurrection change totalement leur perspective. Jésus n’est plus seulement le Messie d’Israël, il est désormais, comme le confesse Thomas, mon Seigneur et mon Dieu, dans une relation personnelle d’une qualité toute nouvelle. Chacun désormais parle du Seigneur Jésus-Christ, une désignation nouvelle, et lui-même les appelle maintenant ses frères.

Pas seulement servir  le Christ mais l’accueillir

Il ne s’agit plus seulement de le servir extérieurement comme Maître, mais de l’accueillir dans l’intimité de sa vie comme l’inspirateur de toute chose, comme celui qui dirige de l’intérieur et fait de plus en plus ressembler à lui-même la personnalité qu’il anime ainsi.

Ce cheminement de purification, de sanctification progresse selon le mot d’ordre « Christ en nous, l’espérance de la gloire ». La conversion l’a greffé sur Christ, il va s’enraciner peu à peu en lui par un lien organique qui le fait croître en Christ et porter des fruits pratiques.

Jésus-Christ chef de l’Eglise

La Croix et la résurrection ont aussi fait de Jésus le premier-né d’entre les morts, la tête de file d’une humanité nouvelle, le chef d’un peuple de Dieu d’un nouveau genre, la tête du corps qu’est l’Église. Habités par le Christ, comme on vient de le voir, et animés de son amour qui les a régénérés, les membres de cette Église répandent la bonne odeur du Christ en paroles et en actes, faisant grandir ainsi de plus en plus ce nouveau peuple de Dieu.

Majesté cosmique du Christ

A ces deux dimensions nouvelles sur le plan individuel et communautaire la résurrection ajoute aussi la découverte de la majesté cosmique de Jésus comme Co-créateur : Colossiens 1.15-20 ; Ephésiens 1.10,14c. Ce sont là de courts extraits de deux développements où Paul élève son regard à l’impact universel de l’œuvre de Jésus à la Croix, à l’effet produit par la victoire de la Croix sur la totalité de la Création. On retiendra juste quelques points majeurs :

– toute la Création a été faite en lui, par lui et pour lui : il est sa raison d’être, donc aussi la mienne ;
– il en est le Premier-né = il est au-dessus de tout ce qui existe, avec le rang le plus élevé qui soit ;

Un ré-agencement de l’univers, centré sur le Christ

– dans le plan de Dieu tout l’univers sera dirigé vers lui en un complet ré-agencement, une toute  nouvelle organisation de toute chose centrée sur lui, comme tête de la Création ; tout cela est devenu possible parce que par sa Croix il a éliminé le corps étranger du péché ;
– en lui réside pleinement et corporellement l’infinie richesse de Dieu = il est donc dans la nouvelle Création réorganisée celui qui constitue en lui-même la parfaite présence de Dieu.

Dans l’Ancienne Alliance le croyant trouvait sa raison d’être dans sa fidélité à l’alliance établie par Dieu avec son peuple, il pouvait alors même être appelé l’ami de Dieu. Dans la Nouvelle Alliance Dieu accorde au chrétien une nouvelle nature, celle d’enfant de Dieu en qui il vient faire sa demeure avec son Fils. Celui-ci est le garant d’une alliance meilleure (Hébreux 7.22), parce qu’elle n’est plus à la merci de la fragilité et de l’infidélité des hommes.

Tout désormais est centré sur l’œuvre de Jésus à la Croix et sur sa résurrection. Il est pleinement Dieu, mais aussi parfaitement homme et se trouve donc dans une relation toute nouvelle et plus étroite avec la nouvelle création qu’il préside et où nous sommes, avec tout ce qui existe, ceux qui célèbrent sa gloire.

J.J. Streng