Articles

Estime de soi, estime de l’autre, relations avec autrui McGrath A. & J.

L’estime de soi est-elle légitime pour le chrétien ?

L’estime de l’autre est vivement recommandée au chrétien : « Tu aimeras ton prochain comme toi même » (Mt 22.39, Mc 12.31, Lc 10.27). Mais s’estimer soi même est-il légitime ?
C’est tout le dilemme posé par le livre Estime de soi, estime de l’autre (Editions Excelsis, 2002) écrit par Alistair  McGrath théologien et sa femme Joanna, psychothérapeute clinicienne.

Qu’est ce que l’estime de soi ?

C’est s’évaluer soi-même selon une échelle des valeurs. Cela semble la réaction humaine inévitable à l’image que chacun perçoit de soi-même et que les autres lui renvoient ou qu’il croit recevoir d’eux. Elle est plus nuancée que l’amour propre qui ressort plutôt du domaine de la réalisation et de l’ambition personnelles.

Image positive de soi et humilité chrétienne

La relation d’aide désire « libérer les individus de l’habitude paralysante de se dévaloriser à tort » mais la construction d’une image positive de soi ne risque-t-elle pas de nier la réalité du péché et la nécessité de l’humilité ?

Tendances opposées

Telle est la position de certains théologiens (1) opposés à juste titre à des mouvements de réalisation de soi anti ou pseudo chrétiens, tels que « la pensée positive » (2) . Ils jugent l’estime de soi » comme un prétexte pour s’adorer soi-même » alors qu’il faudrait se « considérer comme des criminels et se mettre à mort chaque jour ».

Degré minimal d’estime de sa personne

La question se pose alors du degré minimal d’estime de soi ressentie par des enfants victimes de graves malformations faciales, toujours défigurés malgré la chirurgie esthétique. Ils ont une image de soi dévalorisée, relayée par les regards et parfois les moqueries des autres.

On ne peut qu’approuver la réponse des psychothérapeutes. Ils font grandir l’estime de soi de ces enfants en leur faisant développer des aptitudes particulières, sportives ou autres pour compenser les effets dévastateurs de la malformation, et les aider à s’intégrer dans un groupe.

Limites du dénigrement

Ainsi, ce dénigrement absolu de la personne (se considérer comme des criminels), cette exigence d’humiliation volontaire (se mettre à mort chaque jour) demandés à quiconque sur le plan spirituel, ont-ils lieu d’être érigés en exigences absolues pour ceux dont l’appréciation personnelle, loin d’être une adoration de soi-même, avoisine déjà le degré zéro.
L’infirmité, la malformation, le chômage prolongé, provoquent déjà trop souvent une sorte de « mort sociale » ; faut-il y ajouter une mise à mort personnelle calculée donc légaliste qui se surajouterait, pour le chrétien converti, à l’œuvre du Christ

Equilibre à maintenir

S’estimer soi-même ne signifie pas obligatoirement s’adorer, et « se considérer comme des criminels » peut avoir des effets pervers chez des chrétiens incités par un enseignement abusif à se dévaloriser totalement et rendus de ce fait incapables d’exercer des dons utiles pour l’Eglise ou la société.

De plus les tenants de ce rejet de l’estime de sa personne se l’appliquent-ils d’abord sans réserve à eux-mêmes alors que leur position d’écrivains chrétiens réputés leur confère une notoriété très valorisante en soi.

Résolution des tensions par la croix du Christ

La croix du Christ rend possible la résolution de ces tensions entre une image négative et une image positive de soi car elle fait passer le croyant de la séparation d’avec Dieu à l’attachement à Dieu.
Et le thème de la « valeur humaine personnelle » est présent dans de nombreux passages de la Bible.

Concept de soi et relation avec les autres

C’est par la conscience de soi, liée au développement du langage, que chacun possède un concept de soi(3) qui se développe dans la relation avec les autres.

L’estime de soi résulte de l’évaluation globale de la personne qui se sent plus ou moins acceptable. Elle éprouve des sentiments agréables ou désagréables dans sa manière de réagir au jugement des personnes qui comptent dans sa vie.

Composants de l’estime de soi

Rôle social, amour d’autrui, et désir d’éternité sont les composants de l’estime de soi. Le rôle joué dans le contexte social se manifeste par la capacité d’effectuer des réalisations, en relation avec les autres.

Il contribue à l’intégration sociale et participe au sentiment d’appartenance. Les camps de concentration ont condamné de nombreuses personnes à la mort sociale en les privant de ce rôle.

Amour d’autrui et désir d’éternité

Autant et plus que la réussite sociale, l’amour d’autrui préserve l’estime de soi et peut atténuer les effets de l’échec.
Le désir d’éternité s’exprime par le désir de laisser derrière soi quelque chose de plus durable que la fragile satisfaction due à l’œuvre accomplie ou à l’approbation de quelques personnes.

On recherche alors « un critère immuable et absolu d’acceptabilité », peut-être celui « d’être digne de l’amour d’un Être Eternel ».
L’importance accordée à l’estime de soi varie selon l’interprétation que chacun en fait.

Echecs et image de soi négative

On peut expliquer un échec par une cause externe ou par une défaillance personnelle. Mais attribuer tout échec exclusivement à des carences internes à la personne favorise une estime de soi négative cyclique.

« Je ne réussis jamais parce que je suis stupide … ». « Je dois être stupide, puisque je ne réussis jamais ». On refuse donc un effort jugé d’avance inutile.

Mauvaise santé, soumission excessive, crédulité envers les jugements négatifs, instruction médiocre et « tendance à dénigrer les autres » pour se protéger par compensation caractérisent une estime de soi négative qui peut aller jusqu’à des troubles psychiques.

Troubles de la personnalité

  • La personnalité fuyante « souffre d’une faiblesse chronique de l’estime de soi » et voit dans les autres « des adversaires potentiels ».
  • La personnalité narcissique se sent supérieure. Elle utilise les autres pour arriver à ses fins, tout en ayant besoin de recourir aux psychiatres
  • La personnalité anxieuse construit des scénarios pour anticiper une situation jugée dangereuse. « Se préserver …et éviter tout danger » ou remise en question gêne la maturité et de saines relations, sans égocentrisme
  • La personnalité atteinte du syndrome de persécution a des idées délirantes, rebelles à « toute argumentation. Elle construit un système de défense très élaboré pour préserver son estime de soi menacée de désintégration »

Dépressions

Une dépression plus ou moins durable peut être déclenchée par des événements, maladie ou mort d’un être cher, perte d’emploi.

La dépression chronique est liée à une faible estime de soi. Par exemple sentiment de rejet, de dévalorisation chez des femmes orphelines de mère dans l’enfance, manquant d’intimité conjugale ou sans profession(4).

La dépression perturbe mémoire, concentration, réflexion et relations sociales et peut aboutir à la haine de soi.

L’absence de la mère pendant la petite enfance semble déterminante dans le risque de dépression. On peut le constater dans les trois stades de réaction de bébés hospitalisés : protestation avec pleurs et recherche de la mère, désespoir, détachement avec repli sur soi.
Attachement ou séparation interviennent donc entre estime de soi et fonctionnement de

la personnalité. Cependant, une relation parfaite avec les parents n’est pas indispensable et son absence n’explique pas tous les troubles psychologiques éventuels.

 

Notes

(1) Jay Adams et Paul C. Vitz
(2) Norman Vincent Peale et Robert H. Schuller
(3) Une image de soi
(4) Selon une enquête réalisée auprès d’ouvrières d’usine anglaises

En savoir un peu plus sur les  Troubles de la personnalité (borderline, évitante …)

C. Streng

Collaborateur avec Dieu. Travailler pour Dieu avec les autres

Paul collaborateur avec Dieu à Corinthe

On retrouve le terme collaborateur dans la lecture de la Bible et dans son enseignement. Il est illustré par le travail de Paul, collaborateur avec Dieu et avec les autres, dans l’implantation de l’Eglise à Corinthe

1 Corinthiens 3.1 à 17 : Pour lire ce texte, cliquez sur « Lisez la Bible sur Internet  » dans la colonne de droite

Lors de son 3e voyage missionnaire, Paul passa 18 mois dans la ville de Corinthe. Il y  fonda l’Eglise.

Une ville prospère mais immorale

La ville connaissait une grande prospérité grâce à ses deux ports. Commerce florissant, vie culturelle intense, mouvements philosophiques actifs, le tout accompagné d’une grande immoralité.

Une Eglise en tension

l’Eglise était donc soumise à toutes sortes d’influences. Elle avait des difficultés à se conformer à l’enseignement du Christ.
Pour corriger certaines dérives et répondre à des questions que se posaient les Corinthiens, Paul écrit cette lettre et la suivante à l’Eglise de Corinthe.

Face à une situation de crise, un débat loyal et clair

Face à cette situation de crise, de fracture, l’argumentaire de Paul est éloquent.Parcourons le pas à pas

Frères, je vous en supplie au nom de notre Seigneur Jésus-Christ : mettez-vous d’accord, qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous ; soyez parfaitement unis, en ayant la même façon de penser, les mêmes convictions. 1 Corinthiens 1.10

1. Se mettre d’accord

Cela signifie un débat loyal et clair : les personnes se parlent et échangent sur leurs points de vue respectifs

 Être unis : l’objectif à atteindre

« Cherchez ce qui vous rapproche, essayez de voir les choses du même point de vue et adoptez une attitude commune » , selon une paraphrase du verset (Kuen)

Mettre les choses sur la table, présenter clairement toutes les données de la situation, pour parvenir à l’unité.

2. Examiner les mobiles

Paul invite les Corinthiens à examiner les mobiles, les véritables motifs à l’origine de leurs désaccords

Pour l’apôtre, le constat est clair. Il n’y a rien de spirituellement fondé dans leurs  partis pris

Les vraies raisons du désaccord

Jalousie, rivalités, voilà les vraies raisons de leur désaccord.

C’est une manière humaine, charnelle, de réagir, tout simplement.

Un examen de soi est absolument nécessaire

3.  L’oeuvre de Dieu parmi les hommes

Paul évoque alors une question de fond pour expliquer la manière dont Dieu s’y prend pour oeuvrer parmi les hommes

par ceux (celles) qui servent

Apollos, Pierre et Paul, des serviteurs utilisés par Dieu pour accomplir son oeuvre

par le service accompli

Il y a des tâches particulières et des missions différentes selon les capacités et les dons confiés à l’un ou à l’autre

Synergie et convergence et non concurrence et opposition dans un même travail

Il n’existe pas de hiérarchie de valeur selon des secteurs d’activité. L’un n’est pas plus considéré que l’autre en fonction de la tâche accomplie.

Le dénominateur commun

Chacun rendra compte devant Dieu pour lui-même

Collaborateur dans le service de Dieu

Ce mot utilisé par Paul décrit notre position dans le service pour Dieu

Définition du dictionnaire Larousse : « travailler ensemble à une oeuvre commune »

Pourquoi Dieu souhaite-t-il nous associer à son travail ?

Lui, le créateur des cieux et de la terre pourrait se passer des être humains que nous sommes.
Mais Dieu aime la relation.Il a créé l’être humain à sa ressemblance,  comme un vis à vis avec qui il peut dialoguer et agir.

Un Dieu de relation

Dieu est  amour.Il a soif d’être en relation avec tout être humain. Être collaborateur de Dieu signifie connaître sa pensée et vivre dans son intimité afin de discerner sa voix.

Quand sommes-nous collaborateurs avec Dieu ?

En effet, c’est Dieu qui nous a formés ; il nous a créés, dans notre union avec Jésus-Christ, pour que nous menions une vie riche en actions bonnes, celles qu’il a préparées d’avance afin que nous les pratiquionsEphésiens 2.10

Chaque fois que nous agissons dans ce cadre, nous sommes des collaborateurs de Dieu.
Il a l’initiative et c’est lui qui est le premier en toutes choses.

Chaque fois que nous assumons une autorité déléguée de sa part, nous sommes collaborateurs avec Dieu. Par exemple en étant un bon père de famille, ou une bonne épouse, « sel et lumière », en préservant la création.

3 illustrations décrivant la collaboration avec Dieu 

Paul nous invite ensuite à considérer 3 illustrations qui décrivent le lieu et la manière dont s’exerce cette collaboration.

1 L’Eglise, le champ ou le jardin que Dieu cultive

Pour certains, l’image du potager des fruits de la terre est familière, donc parlante.
Tous les bons soins dispensés aux légumes sont nécessaires. Mais l’excès ou le manque de pluie ou de soleil peuvent anéantir nos efforts.

Nous sommes ouvriers avec le Christ. Donc nous recevons notre part à faire. Elle est bien réelle et engage notre responsabilité.

La Parole de Dieu

Paul le précise utilement : « Ainsi, celui qui plante et celui qui arrose sont sans importance : seul Dieu compte, lui qui fait croître la plante. Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux ; Dieu accordera à chacun sa récompense selon son propre travail.Car nous sommes des collaborateurs de Dieu et vous êtes le champ de Dieu.  (v.7)

Soyons attentifs à ne pas déborder du cadre délimité par Dieu.
Un peu d’humilité et de sagesse nous préserveront du découragement, de la lassitude, ou de l’orgueil.

2 L’Eglise, la maison de Dieu

Voici une autre comparaison suggérée par Paul.

Toute construction sérieuse commence par de bonnes fondations. Si cette condition n’est pas remplie, il est fort à parier que le reste de l’ouvrage sera tôt ou tard mis en péril. La fondation est en général invisible et pourtant elle remplit sa fonction tout au long de la durée de vie d’un édifice

Jésus-Christ, seule fondation efficace de la foi/vie chrétienne,

Paul le précise :

Car j’avais décidé de ne rien savoir d’autre, durant mon séjour parmi vous, que Jésus-Christ et, plus précisément, Jésus-Christ crucifié. 1 Corinthiens 2.2

et il ajoute au v. 5 : Ainsi, votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais bien sur la puissance de Dieu.

La croix, fondation pour des relations réconciliées

L’oeuvre de la croix est le seul fondement pour vivre des relations réconciliées. c’est différent des affinités et des traditions
Il reste actif et incontournable, quelques soient nos projets d’Eglise.

Le choix des matériaux

Après les fondations, il y a les matériaux employés pour la superstructure :
soit des matériaux nobles, rares et coûteux, soit des matériaux bon marché et peu résistants.

Sans le premier cas, il faut plus de temps, d’efforts et d’applications pour les mettre en oeuvre et les utiliser.
Pour le Seigneur, le temps ou le durée n’et pas un problème, pour nous par contre, si !

Si nous désirons être collaborateur avec Dieu, ne cherchons pas les raccourcis, les gains de temps et l’instantané. L’important c’et de finir la course et de remporter le prix
Plutôt engagé dans un marathon que dans un 100 m.

3 L’Eglise, temple de Dieu

Dans le nouvelle alliance, l’Eglise est le temple de Dieu, parce qu’elle est la demeure du Saint-Esprit

Rappelons-nous les versets familiers :

L’Eternel siège au milieu des louanges de son peuple

Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux, dit Jésus.

Travailler pour Dieu mais aussi les uns avec les autres

la critique négative, l’esprit de jugement peuvent nous dresser les uns contre les autres. Nous cessons alors d’être des collaborateurs  selon le coeur de Dieu.

Paul  nous exhorte à veiller sur notre conduite, car chacun rendra compte sur lui-même , au jour du jugement.

Reposons-nous sur la puissance de Dieu et laissons le Saint-esprit agir parmi nous.

L’action du Saint-Esprit nous aide à marcher dans l’unité.

En conclusion

Quel privilège d’être ouvrier, collaborateur avec Dieu. c’est toujours un choix, dans le respect de notre liberté mais où notre responsabilité est engagée

Travailler pour Dieu, travailler les uns avec les autres, cherchant à discerner les oeuvres préparées d’avance pour que nous les pratiquions

La croix de Jésus constitue le fondement de notre foi. Elle est puissance de Dieu pour nos vie et pour l’Eglise. Bâtir sur ce fondement répond à certaines conditions si nous désirons que cet ouvrage résiste au feu.

W.Kreis

Fonctionnement du soi et écoute de Dieu

Fonctionnement du soi et dysfonctionnement

Soi et solidité des décisions

Jeanne Farmer,  auteur du livre « Je comme unique » développe la distinction entre le fonctionnement du  soi «solide » et celui du  « pseudo soi ». Ainsi une personne qui s’est convertie à une religion différente de celle de sa famille et qui a résisté à leurs tentatives de récupération exprime son « moi solide ».

En revanche la personne qui change de religion dans un groupe qui « offre une appartenance forte comme dans les sectes » (p. 87)  exprime plutôt son pseudo-soi. Un choix reflétant l’identique ou l’inverse des valeurs familiales « manifeste une réaction émotionnelle, donc le pseudo-choix », alors qu’un choix modéré et réfléchi « reflète le choix solide » (p. 81).

Différenciation et fusion émotionnelle dans le couple

Les deux pseudo-soi d’un couple « fusionnent pour former le système émotionnel nucléaire décrit dans le livre de Bowen La Différenciation du Soi .

« Plus le niveau de différenciation est bas, plus la fusion émotionnelle sera intense…. L’un des époux… prend les décisions pour le soi commun. L’autre s’adapte, (donnant) un exemple « d’emprunt et de vente du soi » (p. 88)…

Avec deux personnes dominantes il y a conflit, avec deux personnes « adaptés » il y a paralysie des décisions. Position dominante ou adaptative <emdépendent plus de « la position de chacun dans sa famille d’origine » (p. 88) que du sexe. La fusion entraîne l’angoisse de l’un ou l’autre avec « mise à distance émotionnelle » (p. 88)  ou émergence de symptômes dans le couple ou chez les enfants.

Manque de différenciation et symptômes dans la famille

Une famille bien différenciée peut ne pas montrer de symptôme même en cas de stress. En revanche, un manque de différenciation provoquera des symptômes, même sans stress. Les tensions du couple ne sont pas forcément préjudiciables si elles laissent les enfants « en dehors du processus ».

Mais « un modèle bancal » de rôle parental risque de se reproduite dans la génération suivante. « La focalisation sur un enfant … produit …un niveau de différenciation » inférieur à celui des parents. C’est « le processus de projection familiale » (p. 89)

« Les péchés des pères » dans le fonctionnement d’une famille sur plusieurs générations

Ce processus illustré par « l’évolution d’une famille sur plusieurs générations » montre des courbes ascendantes et descendantes.

« Si nos rôles … résultent…de plusieurs générations de fonctionnement familial, … les péchés des pères … seraient… punis sur les enfants jusqu’à la… quatrième génération ».(Genèse 43.7)

« Le péché …étant ce qui manque la cible », un conjoint qui s’adapte à l’autre au point d’avoir des symptômes, un autre « qui sur fonctionne » en handicapant ses enfants est aussi coupable que celui qui commet des péchés grossiers.

« Connaître le Christ » : différentiation de soi et maturité spirituelle

Cependant, « connaître le Christ …donne un grand avantage » car Dieu donne à sa vie du sens et « une ligne de conduite… objective et raisonnée ». Selon « des recherches historiques, … cela produirait une plus grande différentiation de soi » (p. 92).

« La maturité spirituelle, …c’est… la maturité émotionnelle avec l’amour pour Dieu et les autres » (p. 93).

Cette différenciation de soi se travaille, qu’on soit chrétien ou non. Pour Dieu, le plus important c’est l’amour. Même si nous ne réussissions parfaitement, tout en faisant de notre mieux, il nous rendra parfaits à sa venue.

La mise à distance émotive et la position dans la fratrie

Mise à distance émotive pour gérer la dépendance émotionnelle

Nous craignons de déplaire et avons du mal à « accepter des différences ». Nous essayons de les « minimiser … ou de réduire le contact », d’autant plus que « le niveau d’indifférenciation est important » (p. 95).

La mise à distance émotive est un moyen de gérer la dépendance émotionnelle, ou attachement non résolu avec les parents. C’est équivalent au niveau d’indifférenciation, par le repli sur soi, jusqu’à la schizophrénie ou par la distance, physique et (ou) intérieure.

Risque pour le couple

Agir ainsi dans un couple, c’est risquer « des relations de plus en plus courtes » et se retrouver seul. Fuir ou ne pouvoir quitter sa famille procède du même type de « dépendance/allergie » (p. 96) ou fusion/indifférenciation. Ce rejet provoque un dysfonctionnement avec coupure grandissante dans les générations suivantes.

Gérer un mise à distance émotionnelle nécessaire

La mise à distance émotionnelle  se manifeste différemment aux Etats-Unis – relation distante et formelle avec quelques visites – et en France où « définir des limites est plus difficile que maintenir le contact » (p. 96).

Mieux vaut un « projet de différentiation » dans la famille qu’ « une mise à distance » (p. 98).

Avec quelqu’un de dysfonctionnel, ou dangereux, le contact direct n’est pas toujours possible mais la communication indirecte (courrier) fait progresser dans une relation « plus calme et réaliste» (p. 98).

Personnalité et fonctionnement parmi les frères et soeurs d’une famille

Selon Constellations fraternelles et structures familiales de Walter Toman, (p. 99) repris par Bowen, notre personnalité et notre mode de fonctionnement dépendent de notre position dans la fratrie.

Profils types de frères et soeurs

L’aîné d’un frère est un meneur, son cadet l’admire et apprend de lui. L’aîné d’une sœur la protège et la rend dépendante des hommes. Une grande sœur dirige ses cadettes, celles-ci, plus libres qu’elle, sont dépendantes d’elle. L’aînée d’un frère le materne donc il est déresponsabilisé et plutôt égoïste.

Ces profils-types permettent d’étudier « comment la personne remplit sa fonction » (p. 99).

Fonctionnement dans la famille

Un aîné bien différencié fonctionne normalement, sur fonctionne parfois sans excès. Fortement triangulé, il abandonne le rôle d’aîné au cadet qui devient « l’aîné fonctionnel ». Dans une famille peu différenciée, le cadet plus irresponsable que l’aîné « peut devenir le « raté » de la famille (p. 99).

« L’ « échelle » d’harmonie ou de conflit » (p. 99) de Walter Toman aide à comprendre les relations dans le couple ou avec des amis. Une position complémentaire dans la fratrie, par exemple grand- frère d’une sœur et petite sœur d’un frère …favorise une relation harmonieuse.

Entre aîné d’une sœur et aînée d’un frère, il y a conflit de rang, entre grand frère de frères et petite sœur de sœurs, conflit de sexe (p. 102).

Le risque de divorce est alors plus grand si un couple conjugue deux types de conflit. Les couples avec conflit de rang devront négocier leur fonctionnement, souvent « en se spécialisant dans leurs domaines de responsabilité » (p. 102).

Ces caractéristiques se retrouvent chez des personnages bibliques. Ruben l’aîné tente de sauver Joseph, Marthe sur fonctionne…

Le processus du changement

Changement en profondeur ou déplacement superficiel

A cause de son anxiété, la personne qui souffre « fonctionne sur la base de sa programmation émotionnelle… et ne prend pas assez de recul pour comprendre le fonctionnement …global …du système et sa propre participation » (p. 105).

L’activité du néocortex (siège dans le cerveau de la pensée analytique et de la créativité) diminue au profit de celle du cerveau reptilien (siège de la programmation primitive). Il y a  un sur fonctionnement réactif et rigide vis à vis de nos actions et de celles des autres.

Réflexion, prière, aide  nécessaires

Se calmer, à l’aide de la prière, de l’aide d’un ami, par la réflexion, est la condition pour aller mieux. Un véritable changement inclut la connaissance – du système de relations – et aussi l’ action pour changer le fonctionnement de l’individu… L’essentiel n’est pas le contenu du problème mais son traitement dans le processus de relations.

Les quatre phases du changement

1. Identifier le processus, les thèmes (sur ou sous fonctionnement, triangles, rôle lié à la position dans la fratrie, mise à distance relationnelle). Interroger sur fonctionnement des relations familiales en cherchant les répétitions dans le passé.

2. Identifier le rôle de la personne elle-même. Est-il identique ou différent de celui de la famille. Choisir entre assumer son mode de vie ou accuser les autres ou les circonstances.
Un fonctionnement ou son contraire (p. 108) peut se répéter alternativement : grand-père autoritaire, fils laxiste, petit fils autoritaire. Accepter « la responsabilité de son fonctionnement » est indispensable.

3. Etablir un plan pour changer notre contribution au comportement qui provoque le problème et « résister aux pressions » (p. 109).

4. Evaluer le résultat obtenu et « corriger le tir » (p. 110) , avec l’aide d’ « un vis à vis objectif » (p. 111)

Après les trois premières phases, temporaires, « le but à long terme est un niveau de différentiation …plus élevé » (p. 113) qui réduira l’anxiété et le retour du symptôme.

Vraie amélioration et pas seulement changement des circonstances

Une amélioration, due à une modification des circonstances, n’est pas un vrai changement, avec progrès de la « solidité émotionnelle ». C’est un « déplacement…avec des fluctuations dans le niveau de fonctionnement ». « Un déplacement est en rapport avec une relation, un changement … avec des principes personnels » (p. 113)… avec le soi solide.

Ecoute de Dieu et  différentiation de soi 

Se conduire par des principes et pas par des réactions

Augmenter le niveau de différentiation de soi (p. 116) , être capable d’exprimer ses pensées, son individualité demande de séparer réaction et émotion. Cela exige aussi de nous conduire plus par principes de vie que par réactions émotionnelles.

Défaire les triangles

La maturité émotionnelle, la différentiation de soi, consiste à repérer les triangles dans notre famille et à dé trianguler en ayant une relation personnelle avec chaque personne, sans digression sur les autres.

Relation personnelle avec Dieu et recentrage de la vie

De plus, par sa relation personnelle avec Dieu … le chrétien reçoit un point de vue objectif sur lui-même et ses relations. C’est un recentrage radical de sa vie (p. 117).

Il peut ainsi passer du centrage sur soi avec ses réactions de défense caractéristiques du péché originel à la confiance en Dieu qui connaît ses besoins et ceux des autres. « L’écoute de Dieu doit être au centre de notre vie » (p. 119)

Quelques points importants pour la  progression spirituelle et relationnelle

Jeanne Farmer résume quelques points de The Spirit of the Disciplines de Dallas Willard (1988), (en anglais) importants pour la  progression spirituelle et relationnelle.

– Pour des performances de haut niveau, il faut un entraînement.

De même la vie de disciple, exige « une association profonde avec des personnes qualifiées, une structuration rigoureuse du temps et de la nourriture, des activités appropriées pour le corps et l’Esprit … qui donnent la maîtrise du corps …et des performances impressionnantes dans la vie publique » (p. 121)

Ainsi sont cités les exemples de vie disciplinée de Jésus, Paul, des saints catholiques et des Réformateurs « dont la vie a été transformée par des pratiques régulières » (p. 121).

– Avec la pratique, l’entraînement devient plus aisé

– Le salut est plus « une marche dans le temps » qu’un événement

Cette vie n’est vécue que quand nous sommes en contact avec Jésus (p. 122)
Les disciplines spirituelles aident le corps à retrouver sa place de serviteur, sans le mépris du corps du Moyen Âge.

« Les disciplines spirituelles nous rendent plus aptes à une vie d’amour pour Dieu et pour les autres … Un corps … discipliné devient un moyen de transmission du pouvoir spirituel » (p. 123) car il se rapproche de ses capacités d’avant la chute.

Rappel des objectifs du livre 

Jeanne Farmer  rappelle les objectifs de son livre, à propos de la responsabilité personnelle, de la vérité dite dans l’amour, et de la relation personnelle avec Dieu qui ne remplace pas mais renforce le travail de différenciation sur soi, et de responsabilisation, en interaction avec notre famille

Evaluation d’ensemble

« Je comme unique » est un livre facile à lire. Il apporte des notions nouvelles et bien documentées dans la connaissance de soi et des autres.

Le jeu de mots sur le titre est tout un programme : le « je » est unique, d’autant plus qu’il est bien différencié. Et le « je communique », de façon saine et sainte, sans « trianguler », sans utiliser les autres à son profit.

Personnalité et relation avec les autres

Le fonctionnement de la personnalité en soi et dans ses relations avec les autres est décrit dans des termes simples. Le vocabulaire psychologique est toujours explicité, par des mises en situations réelles, réalistes ou possibles et par des références à des exemples bibliques. L’appel à l’expérience personnelle donne de la chaleur et de la vivacité au propos.

Maturité et différentiation

L’explication de la maturité/différentiation de soi ou de sa carence est claire, fondée sur la connaissance du fonctionnement physiologique du cerveau. L’observation d’exemples précis  le corroborent. Elle est surtout réaliste et réalisable, car les processus décrits éveillent des échos et incitent à une réflexion à posteriori sur des situations observées ou plus personnelles.

Limites de la responsabilité

A qui se culpabilise de ne pas en avoir fait plus pour satisfaire le bonheur de l’autre, elle rassure en traçant les limites de notre responsabilité : « ce que nous faisons pour lui ».
A qui se demande quelle position prendre entre deux personnes en désaccord, elle explique que ces relations-là n’appartiennent pas à notre royaume, à notre champ de responsabilité. Nous n’avons pas à nous en mêler.

C’est un soulagement et aussi une prise de conscience. Epoux(se), père ou mère de famille, citoyen(ne), chrétien(ne), nous n’avons pas tout assumer. Nous n’avons pas besoin non plus de  nous faire des reproches parce que nous n’avons pas réussi à tout régler autour de nous. Evidemment, il na faut pas que ce soit le prétexte pour fuir nos responsabilités. Réalisme donc dans un monde de performances à tout prix.

Une « non différenciation »

La différenciation de soi est bien détaillée. On se souvient alors de faits connus ou vécus. On saisit peut-être enfin l’explication d’une situation qui n’avait pas été comprise.

Pourquoi un mari a-t-il quitté le domicile conjugal ? Inexplicable jusqu’à ce que soient reliés plusieurs éléments glanés au cours de la lecture et le souvenir du fonctionnement familial.

Il s’agit d’une famille cohésive. Personne n’ose rien dire à cause de la santé de la femme. Chacun des conjoints  manque de différentiation par rapport à sa  propre famille.

L’épouse sous-fonctionne, presque totalement relayée par le mari et les enfants. Elle se situe au bas de l’échelle de différentiation, recherchant toujours le soulagement immédiat.

L’expression « trouver du bien-être dans les relations » évoque alors des souvenirs, même après des années…

Des « triangulations »

Un autre concept utile à comprendre est celui de la triangulation. C’est tellement courant, tellement pavé de bonnes intentions et parfois tellement hypocrite, On le traduit en langage familier par « cancans, racontars » : deux contre le ou la troisième. On se cache derrière l’excuse fallacieuse d’en parler pour prier à son sujet.

Cela ne laisse pas le lecteur indemne. Il se rappellera les triangulations subies dans l’enfance, suite logique des triangulations familiales. Il regrettera aussi de s’être laissé soi-même entraîner à ce genre de « géométrie » ou de l’avoir consciemment pratiqué avec de bonnes excuses.

On se rend compte que les dégâts dépassent l’immédiat. Il faudra du courage pour dé trianguler, remettre en place, au moins ce qui est encore possible.
Notons, avec une admiration particulière la réaction saine et courageuse d’un pasteur qui a osé transmettre, sans diffuser le racontar, le « colis » remis par erreur.

Certaines triangulations peuvent durer très longtemps sans être percées à jour. C’est seulement après de très nombreuses années parfois que le premier concerné a  enfin la preuve, par des voies détournées, que le soi disant « mauvais témoignage »  reproché était en fin de compte du vent, pour ne pas dire de la calomnie.

Un diagnostic indispensable

Donc le diagnostic permis par la lecture du livre est utile. Il  aide à réfléchir, à faire le point à posteriori, quand les choses sont passées. Il aide à remercier Dieu et ceux qui ont aidé à panser les blessures et à guérir l’âme blessée.

Cependant, la lecture au moment même des faits aurait peut-être éveillé des réactions trop douloureuses. Dieu, dans sa grâce donne les bons remèdes et celui-ci convenait au bon moment.

Se situer entre « diseur de vérité » et « faiseur de paix ».

Il permet  de rétablir l’équilibre entre

  • l’éternel (le) « rouspéteur (se) ». Il (elle) devra essayer de prendre en compte aussi le point de vue des autres, de ne pas attiser les situations déjà brûlantes en assénant brutalement certaines vérités
  •  « l’arbitre » au dessus de la mêlée, tenté parfois de ne pas « se mouiller », de ne pas chercher la vérité des faits pour maintenir la paix.

Les deux rôles sont parfois joués par la même personne à des moments différents, même si ses tendances la portent à choisir plutôt celui qui correspond à sa personnalité.

Dans certains cas risqués, le diseur de vérité glisse lâchement vers le mauvais côté, ou côté factice du faiseur de paix. A contrario, un sursaut de courage transforme celui qui ne dit rien pour conserver la paix dans la famille ou dans l’Eglise en courageux diseur de vérité.

Un soi solide dans ses décisions

La définition du soi solide aide à renforcer des convictions. Elle montre que la conversion, le choix de vie différent de celui des parents,  était solide. Ce n’était pas la réaction d’un pseudo choix fluctuant.

La distinction faite entre les deux notions (pseudo-soi et soi solide) peut aussi être un critère pour juger de la validité d’une décision.

Un premier contact avec les notions de différenciation et de dysfonctionnements causés par l’indifférenciation, et leur explication psychologique.

Alors on se rappelle le passé. On remercie le Seigneur qui a donné à notre vie du sens, « un objectif raisonné… et une plus grande différentiation de soi ». C’est lui qui a fait passer de l’infantile, fusionnel, fugitif ou réactif à l’adulte en voie de maturité.

Relations et fonctionnement dans des domaines de responsabilité

La relation dans le couple selon la position dans la fratrie se vérifie bien, en particulier dans le cas de « spécialisation dans des domaines de responsabilité » et aussi de compétences.

Ainsi l’épouse informaticienne est incapable de participer à la conversation dans la langue étrangère que son mari parle couramment.  Mais le mari, aux prises avec un problème sur son ordinateur l’appelle au secours !

Ceci se vérifie aussi dans le cas de la mère dominatrice. Si elle excelle dans un domaine, la fille en est incapable. Elle subit  la pression comparative et a une impression d’incapacité, consciemment ou inconsciemment inculquée. Mais elle « brille » dans des domaines étrangers à ceux de la mère.

Changer de comportement

Les processus expliqués pour arriver à un bon fonctionnement sont assez clairs à comprendre, au moins intellectuellement. Mais il faut déjà beaucoup de maturité et aussi de l’aide pour les entreprendre, … pour changer notre comportement qui provoque le problème.

C.Streng

 Note Les ouvrages cités en complément peuvent aider à progresser et il serait intéressant de les lire en entier.