Articles

Du Dieu unique à la Trinité des personnes

Le Dieu unique et les accidents de parcours du monothéisme dans l’Ancien Testament

Dans le premiers temps de l’Eglise chrétienne, toute personne qui se convertissait  à Jésus-Christ devait se conformer au principe de base du monothéisme, c’est à dire la foi en un Dieu unique. Le polythéisme, lui, croit en une multiplicité de dieux.

Pour le Juif, le monothéisme est le principe fondateur de la révélation de l’Ancien Testament. Mais en réalité, la pratique n’avait pas toujours suivi. On se conformait à à la Loi de Moïse qui garantissait le monothéisme,  mais en cachette on pratiquait l’idolâtrie . Certains rois et une grande partie de la population rendaient un culte à diverses divinités, malgré les sévères avertissements des prophètes.

Dans les dernières décennies des deux royaumes, d’abord Israël au Nord, ensuite Juda au Sud, des rois s’étaient  livrés à l’idolâtrie, par calcul politique. Il s’agissait de plaire ou surtout de ne pas déplaire aux puissants rois assyriens ou babyloniens qui les dominaient politiquement et les influençaient religieusement.  Cette idolâtrie avait été dénoncée à de nombreuses reprises par les prophètes, en particulier par Jérémie.

Les prophètes espéraient le retour à une adoration sincère et authentique du Dieu véritable. Mais le point de non retour dans la désobéissance idolâtre avait été atteint. Elle avait provoqué la destruction du Temple de Jérusalem et l’exil de la population vers Babylone en 586. Après les 70 ans d’exil, le monothéisme avait fini par s’ancrer dans la pratique.

A l’époque de Jésus-Christ, le monothéisme de l’Ancien-Testament était bien établi et revendiqué face à toute autre manière de percevoir le divin

Les divinités multiples des traditions païennes

Pour le païen, attiré par le christianisme, il s’agissait d’accepter et d’intérioriser une notion opposée à sa conception traditionnelle du divin. Pour les couches populaires, le monde était peuplé d’une multitude de divinités, comme Zeus, Apollon, Minerve etc.  Celles-ci reflétaient simplement les habitudes et les défauts des humains. Elles les multipliaient et  les exacerbaient au gré de leur puissance et souvent de leur malfaisance.

Les intellectuels, eux,  étaient partagés entre deux visions du monde.  Le dualisme platonicien présentait un monde spirituel réel et bon opposé à un monde matériel irréel et mauvais, qui aurait été créé par une divinité inférieure.   Pour le panthéisme stoïcien, il y avait un Dieu qui englobait tout l’univers. Donc plus de distance entre Dieu et l’homme qui possède une étincelle du divin.

Une équation difficile à résoudre :

  • Pour le Juif qui pratique un monothéisme exclusif,
  • Pour le païen qui prend des apôtres du Christ pour des divinités païennes, comme cela s’est passé à Lystre.

À Lystre se trouvait un homme paralysé des pieds : infirme de naissance, il n’avait jamais pu marcher.
Il écoutait les paroles de Paul. L’apôtre fixa les yeux sur lui et, voyant qu’il avait la foi pour être  sauvé, il lui commanda d’une voix forte :– Lève-toi et tiens-toi droit sur tes pieds ! D’un bond, il fut debout et se mit à marcher. Quand ils virent ce que Paul avait fait, les nombreux assistants crièrent dans leur langue, le lycaonien : – Les dieux ont pris forme humaine et ils sont descendus parmi nous.
Ils appelaient Barnabas Zeus, et Paul Hermès parce qu’il était le porte-parole.

(Actes 14.8-11)

Alors se pose une équation insoluble au premier abord :

Jésus-Christ = à la fois homme et Dieu ?

« Jésus est le Messie, le Seigneur ». Jésus, un Juif de Nazareth, un homme semblable aux autres, vivant dans une famille connue d’une petite ville, serait l’envoyé choisi par Dieu de toute éternité. Il serait « le Fils de l’Homme assis à la droite de la puissance de Dieu et venant sur les nuées du ciel » (Matthieu 26.64). Jésus serait Seigneur au même titre que Dieu. Jésus serait Dieu !

Le Saint-Esprit = Dieu ?

En même temps, le salut promis par Dieu, réalisé par Jésus Christ, s’inscrirait dans la vie du chrétien grâce à un troisième acteur, le Saint-Esprit, de même nature divine que les deux autres. Mais alors, qu’est ce qui permet de dire que Jésus-Christ, cet homme, appelé Dieu ou Seigneur, soit d’une nature totalement différente des divinités païennes ?

Monothéisme trinitaire et pluralité des personnes

Un double défi pour le juif et le païen

  • Faire comprendre au Juif que le monothéisme trinitaire est compatible avec une certaine notion de pluralité sans tomber dans le polythéisme
  • Montrer au païen, enclin à accepter une multiplicité de divinités, quelle est la spécificité de la Trinité biblique aussi bien dans son principe que dans ses personnes.

Une oeuvre de salut commune à trois personnes, mais conçue par un seul Dieu

Si l’oeuvre de salut opérée conjointement par les trois personnes peut être un indice fort de leur divinité commune, comment reconnaître que cette unité a son origine en un seul Dieu ?

Comment concilier alors cette pluralité de personnes et par conséquent d’actions avec un monothéisme de principe ?

Spécificité du monothéisme

– dans  l’Ancien-Testament

Il est nécessaire pour cela de retourner d’abord au monothéisme fondateur dans l’Ancien Testament.

« Ecoute Israël, l’Eternel, notre Dieu est l’unique Eternel » (Deutéronome 6.4), est repris par « c’est l’Eternel qui est Dieu. Il n’y en a pas d’autre» (Deutéronome 4.35 et 39) et par Ésaïe 46.9 « Car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre. Je suis Dieu, et nul n’est semblable à moi ».

Ces textes insistent sur le caractère unique et spécifique de Dieu face à la tentation du multiple.

Spécificité parce qu’il n’existe qu’un seul vrai Dieu, l’Eternel. Il a révélé son nom à Moïse. « Je suis celui qui suis ».

Il est le seul qui possède tous les attributs de la divinité. Ce n’est pas un dieu parmi les autres, le plus important peut-être, mais c’est « JE SUIS ». Et il revendique d’être le seul qui existe, à l’exclusion des autres.

– dans le Nouveau Testament

Ce principe est confirmé dans le Nouveau Testament.

Au scribe juif qui l’interroge à propos du plus grand des commandements, Jésus reprend la proclamation monothéiste de Deutéronome 6.4

« Ecoute Israël, l’Eternel, notre Dieu est l’unique Eternel ».

A trois reprises, en contexte païen, Paul affirme lui aussi « qu’il n’y a qu’un seul Dieu ».

  • face à la multiplicité des idoles de Corinthe :

Nous savons qu’il n’y a point d’idole dans le monde, et qu’il n’y a qu’un seul Dieu. (1 Corinthiens 8.4)

  • quand il exhorte les croyants d’Ephèse à l’unité :

Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous qui règne sur tous, qui agit par tous et qui est en tous. (Ephésiens 4.5-6)

  • quand il recommande à Timothée de prier pour tous les hommes :

Car il (Dieu) veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. En effet, il y a un seul Dieu, et de même aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, un homme : Jésus-Christ
(1 Timothée 2.4-5)

Monothéisme et pluralité interne à la divinité

Jésus Christ « seul Seigneur » associé à égalité avec Dieu le Père :

Pour nous il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes.1 Corinthiens 8.6.

Médiateur entre Dieu et les hommes :

En effet, il y a un seul Dieu, et de même aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, un homme : Jésus-Christ.1 Timothée 2.5.

A la fois Dieu et homme

Jésus Christ est à la fois Dieu et homme. Cette affirmation fondamentale a dû prendre racine dans la foi du converti d’origine païenne. Ill lui faut désormais exclure toute allusion à des demi-dieux, mélanges hétéroclites entre hommes et dieux, c’est-à-dire entre êtres de nature différente.

La Trinité des personnes : unité possible entre personnes de même essence divine

Si l’unité dans la Trinité n’est possible qu’entre des personnes de même essence, et si l’une de ces personnes est Dieu, il s’ensuit nécessairement que les autres personnes possèdent à égalité cette même essence divine.

Le défi posé au Grec concerne aussi le Juif

Comment concilier le monothéisme avec une pluralité interne à la divinité ? Peut-on en trouver des indices dans les textes de l’Ancien Testament ?

Les pluriels de Genèse vont dans ce sens

Et Dieu dit :– Faisons l’homme (l’être humain) à notre image, selon notre ressemblance. Genèse 1.26

Puis il dit :– Voici que l’homme est devenu comme l’un de nous pour le choix entre le bien et le mal. Genèse 3.22

Eh bien, descendons et brouillons leur langage pour qu’ils ne se comprennent plus entre eux ! Genèse11.7

Ces pluriels indiquent une certaine délibération en Dieu.

Mais comme Dieu est parfaitement un, cet échange dans la réflexion divine n’est possible que si son unité inclut aussi une pluralité. Et dans un être absolu, la seule pluralité possible est une pluralité de personnes.

Cette pluralité se retrouve dans les expressions doubles :

celle du Psaume 110.1 :

Parole de l’Eternel YHVH à mon Seigneur ADONAÏ: Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied.YHVH, Eternel, le nom propre de Dieu répond à ADONAÏ, Seigneur, la manière courante de désigner Dieu;

celle plus précise encore du Psaume 45.7

Tu aimes la justice, et tu hais la méchanceté : C’est pourquoi, ô Dieu ELOHIM, ton Dieu ELOHEIKHA t’a oint D’une huile de joie, par privilège sur tes collègues.

Dieu ELOHIM répond exactement à Dieu, ton Dieu,  ELOHEIKHA.

De même au  Psaume 33.6

Les cieux ont été faits par la parole de l’Eternel, DEVAR ADONAÏ  Et toute leur armée par le souffle de sa bouche BERUKH PIO

La  parole de Dieu  (DEVAR ADONAÏ) est associée à  souffle, esprit de sa bouche (BERUKH PIO.

L’esprit (ou le souffle) de Dieu est actif dans la création et dans la Rédemption

Ainsi en est-il de ma parole, qui sort de ma bouche: Elle ne retourne point à moi sans effet, sans avoir exécuté ma volonté et accompli mes desseins. Esaïe 55.11.

Enfin, la Sagesse de Proverbes 8, préexistante à la création du monde, est collaboratrice de Dieu. Elle participe à l’œuvre de la création engendrée par Dieu.

Les indices, vont par deux, Parole avec Esprit, Sagesse avec Dieu.

De la pluralité à la Trinité dès l’Ancien Testament ?

Pourrait-on préciser plus encore et passer de la pluralité à la Trinité dès l’Ancien Testament ? Plusieurs érudits ont tenté de le faire au cours des siècles, en particulier Philon d’Alexandrie dans ses spéculations mathématiques sur le chiffre 3.

Les Pères de l’Eglise  voyaient la Trinité dans les trois visiteurs d’Abraham de Genèse 18 

L’Éternel lui apparut parmi les chênes de Mamré, comme il était assis à l’entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. Il leva les yeux, et regarda: et voici, trois hommes étaient debout près de lui. Quand il les vit, il courut au-devant d’eux, depuis l’entrée de sa tente, et se prosterna à terre. Et il dit: Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe point, je te prie, loin de ton serviteur. (Genèse 18:1-3 ),

Le triple « Saint, Saint, Saint » d’EsaÏe 6.3

Un autre texte de l’Ancien-Testament peut aussi suggérer  la Trinité : le triple Saint, Saint, Saint, de la vision d’Ésaïe 6.3

Ils (les séraphins) criaient l’un à l’autre, et disaient: Saint, saint, saint est l’Éternel des armées !
Toute la terre est pleine de sa gloire

Cette louange appelée le Trisagion (du grec tris=3 fois , hagios=saint ) exprime cette triple réalité.

Les auteurs du Nouveau Testament ont lié le Trisagion aux trois personnes de la Trinité

  • au Père par l’expression « l’Eternel des armées »,
  • à Jésus Christ par « il vit sa gloire et parla de lui »

Esaïe dit ces choses, lorsqu’il vit sa gloire, et qu’il parla de lui. Jean 12.41)

  • au Saint-Esprit par l’allusion de Paul avertissant les Juifs de Rome qui contestaient son enseignement à propos de Jésus-Christ :

C’est avec raison que le Saint -Esprit, parlant à vos pères par le prophète Esaïe, a dit. Va vers ce peuple, et dis: Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point. Vous regarderez de vos yeux, et vous ne verrez point.
Actes 28:25-26.

Selon Didyme l’Aveugle, un théologien du 3e s en Egypte, on peut voir en celui qui parle le Père, le Fils et le Saint-Esprit, d’après les textes bibliques eux-mêmes.

Indices d’un monothéisme trinitaire dans le Nouveau Testament

Sur quelles bases s’appuyer pour chercher des indices d’un monothéisme trinitaire dans les témoignages du Nouveau Testament ?  Dans l’Eglise primitive, l’expression « Trinité » n’apparaît pas jusqu’à Tertullien en 215. La notion elle-même est étrangère à la  vision du monde  juive et païenne de l’époque.

Difficulté d’une réflexion sortant d’une vision fermée du monde

Avant toute spéculation, il faut au moins une idée, même vague, même ténue qui serve de point de départ et d’appui à la réflexion. Et c’est encore plus difficile si la vision du monde est tellement fermée sur une notion déterminée qu’elle en exclut à priori toute autre.

Bref, comment faire entrer dans la tête d’un juif attaché au monothéisme strict, absolu, l’idée qu’il pourrait exister non trois divinités mais un seul être divin capable de penser et agir sans confusion en trois personnes distinctes. Les autres modes de pensée, le paganisme, la religion naturelle ou la philosophie, dépasseront sans doute, du moins pour certaines, le polythéisme élémentaire, les triades de divinités. Elles n’atteindront jamais une conception plus élevée que celle d’un Dieu unique.

Les miracles de Jésus à l’origine d’évaluations opposées

L’étonnement devant les miracles de Jésus, devant ses pouvoirs surnaturels a sans doute été le point de départ de ces évaluations. Mais elles aboutissent souvent à des appréciations diamétralement opposées selon la position adoptée.  Ainsi le même fait est rapporté dans les évangiles synoptiques, Jésus chasse un démon :

Comme ils s’en allaient, voici, on amena à Jésus un démoniaque muet. Le démon ayant été chassé, le muet parla. Et la foule étonnée disait: Jamais pareille chose ne s’est vue en Israël. Mais les pharisiens dirent: C’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. Matthieu 9:32-34

Cela suscite deux réactions franchement opposées. La foule est étonnée, intriguée,
Jamais pareille chose ne s’est vue en Israël  Matthieu 9.33.

Elle est aussi pleine d’admiration devant son enseignement pendant la fête des Tabernacles,
Le Christ, quand il viendra, fera-t-il plus de miracles que n’en a fait celui -ci? Jean 7.31.

En revanche les autorités sont méprisantes et accusatrices. Elles veulent se débarrasser de l’évidence du miracle en prétendant que c’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. Matthieu 9.34.

Au-delà de l’apparence, des suppositions construites par l’esprit humain, il faut que Dieu se révèle lui-même dans sa dimension trinitaire. C’est ce que Jésus, explique à Pierre qui l’avait déclaré Messie, Fils du Dieu vivant. Cette révélation que tu exprimes là n’est pas du domaine naturel (la chair et le sang) mais elle est d’origine divine, elle t’est donnée par mon Père qui est dans les cieux. Matthieu 16.16-17.

Jésus-Christ « Fils de Dieu, Messie »

« Fils de Dieu ». Les rois d’Israël avaient le droit de revendiquer ce titre de fils de Dieu« Messie » ou Oint. Les prêtres et les rois qui recevaient l’onction d’huile étaient de véritables oints. Il y en avait aussi pas mal de faux.Ces deux titres accordés à des personnes différentes, le roi et le prêtre, sont réunis en Jésus-Christ. Il  est à la fois roi, prêtre et aussi prophète.

Une revendication de l’égalité avec Dieu

Revendiquer l’égalité avec Dieu, comme le fait Jésus, c’est inconcevable pour un Juif. Non seulement Jésus l’a fait mais il en avait le droit, car il l’a démontré. Il a proclamé le pardon des péchés, prérogative appartenant à Dieu seul

Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés: Lève -toi, dit -il au paralytique, prends ton lit, et va dans ta maison. Matthieu 9:6.

Il a affirmé sa préexistence, « avant Abraham ». Jésus leur dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, je suis. Jean 8:58. Il s’est déclaré source de l’eau vive, origine de toute vie véritable

Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus, se tenant debout, s’écria: Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. Jean 7.37-38.

Il est descendu du ciel, porteur des attributs de Dieu, en particulier de son autorité.

 Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel. Jean 3.13.

Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous; celui qui est de la terre est de la terre, et il parle comme étant de la terre. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous, il rend témoignage de ce qu’il a vu et entendu, et personne ne reçoit son témoignage. Celui qui a reçu son témoignage a certifié que Dieu est vrai.

Car celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que Dieu ne lui donne pas l’Esprit avec mesure. Le Père aime le Fils, et il a remis toutes choses entre ses mains. Celui qui croit au Fils a la vie éternelle. Celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. Jean 3:31-36

Il s’est dit Fils de Dieu, dans une relation intime et profonde avec Celui qu’il appelle son Père. Il est seul à le connaître intimement et seul capable de le faire connaître

Toutes choses m’ont été données par mon Père, et personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père. Personne non plus ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. Matthieu 11.27.

Pendant son procès, lorsqu’il comparait devant le grand prêtre d’Israël, Jésus revendique son égalité avec Dieu, son origine divine,

Vous verrez désormais le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. Matthieu 26.64.

Le grand prêtre d’Israël se trompe donc lourdement lorsqu’il crie au blasphème.

La révélation de l’Esprit Saint dans le Nouveau Testament

La révélation de l’ Esprit Saint dans le Nouveau Testament dépasse le  niveau de la simple déduction. Elle est plus difficile à comprendre que celle des deux autres personnes de la Trinité.  En effet,  le Saint-Esprit manifeste souvent un seul de ses attributs en même temps que les deux autres personnes de la Trinité agissent.

Une révélation indirecte et imagée pendant la vie de Jésus-Christ

Ce que les gens voient, dans un miracle par exemple, c’est la puissance de Dieu s’exerçant à travers les paroles ou les actions de Jésus-Christ. Mais le Saint-Esprit n’apparaît pas directement.
Au baptême du Christ, où les trois personnes apparaissent simultanément, l’Esprit n’est pas cité directement, en tant que personne. Il est cité  de manière imagée, « comme une colombe ».

Dès que Jésus eut été baptisé, il sortit de l’eau. Et voici, les cieux s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici, une voix fit entendre des cieux ces paroles: Celui -ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection. Matthieu 3.16 et parallèles.

A la transfiguration l’Esprit Saint apparaît sous la forme d’une nuée

Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit. Et voici, une voix fit entendre de la nuée ces paroles: Celui -ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection: écoutez -le ! Matthieu 17.5.

Une révélation directe après l’Ascension

Jésus explique à ses disciples que l’Esprit-Saint ne viendra de manière directe et manifeste qu’après son Ascension. Il va envoyer  l’Esprit venu du Père comme son remplaçant, pour les guider, les soutenir

Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous. Jean 14.16.Mais le consolateur, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Jean 14,26.

Cet Esprit de Dieu le glorifiera, lui, Jésus le Fils, comme le Fils glorifie le Père

Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera. Jean 16.14

La déclaration du baptême chrétien, monothéiste et trinitaire

De là vient la formule donnée par Jésus lui-même pour le baptême chrétien, une déclaration à la fois monothéiste, « au nom de » au singulier, et trinitaire « du Père, du Fils et du Saint-Esprit »

Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Matthieu 28.19.

L’Esprit Saint compris comme une personne divine

C’est seulement après la Pentecôte, dans les Actes et les lettres des Apôtres que le Saint-Esprit sera peu à peu compris plus précisément comme une personne divine, connaissant les pensées de Dieu.

Nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait prédestinée pour notre gloire, sagesse qu’aucun des chefs de ce siècle n’a connue, car, s ‘ils l’avaient connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. Mais, comme il est écrit, ce sont des choses que l’oeil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont point montées au coeur de l’homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l ‘aiment. Dieu nous les a révélées par l’Esprit. Car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. Qui donc, parmi des hommes, connaît les choses de l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même, personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu.1 Corinthiens 2.7-11.

L’Esprit Saint  communique la vérité aux disciples :

Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Jean 16.13.

Il possède, de par son nom même « Saint-Esprit de Dieu »,  les attributs de la sainteté divine :

N’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu, par lequel vous avez été scellés pour le jour de la rédemption. Ephésiens 4.30.

Il intervient, à l’égal de Jésus-Christ, dans la purification, la justification et la sanctification :

Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus -Christ, et par l’Esprit de notre Dieu. 1 Corinthiens 6.11.

Enfin, il est l’auteur de la résurrection du Christ et au dernier jour de celle de ses rachetés :

Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Christ d’entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. Romains 8.11.

Ainsi apparaissent les formulations qui réunissent à égalité les trois personnes divines :

Que la grâce du Seigneur Jésus -Christ, l’amour de Dieu, et la communion du Saint -Esprit, soient avec vous tous ! 2 Corinthiens 13.14.Pierre, apôtre de Jésus -Christ, à ceux qui sont étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie, et qui sont élus selon la prescience de Dieu le Père, par la sanctification de l’Esprit, afin qu’ils deviennent obéissants, et qu’ils participent à l’aspersion du sang de Jésus -Christ: que la grâce et la paix vous soient multipliées ! 1 Pierre 1.1-2.

Concilier l’unité de la divinité et la distinction des personnes

Il n’a pas été évident pour l’Eglise primitive de comprendre que dans l’être de Dieu résident à la fois l’unité de la divinité et la distinction des personnes.

D’où les tâtonnements successifs et les hérésies jusqu’à ce qu’en 325 le concile de Nicée fixe la doctrine de la Trinité. Celle-ci sera précisé en 381au Concile de Chalcédoine, en ce qui concerne la personne du Saint-Esprit.

Deux hérésies antitrinitaires

Le modalisme

Croyant concilier la foi en un seul Dieu avec la divinité du Christ et de l’Esprit, le modalisme prétend que Dieu agit dans l’histoire  selon trois manifestations successives: Père comme créateur et législateur dans l’Ancien Testament, Fils comme rédempteur pendant sa vie terrestre, Esprit pour la sanctification de l’Eglise jusqu’à la fin des temps.

L’ arianisme

L’arianisme, lui, a des racines dans le platonisme, et aussi chez deux Pères de l’Eglise, Tertullien et Origène qui subordonnent le Fils au Père du point de vue de son essence. L’arianisme exclut à la fois la préexistence de Jésus et sa divinité à l’égal du Père.

Définition de la doctrine de la Trinité

Avant d’être établie comme vérité dogmatique par les Conciles de Nicée et Constantinople, la doctrine de la Trinité est définie ainsi :« C’est l’union de trois personnes ou hypostases, Père, Fils et Saint-Esprit en une seule essence divine (Ousia), trois personnes aux individualités, co-éternelles, égales, inséparables interdépendantes, éternellement unies et cependant distinctes ».

Origine de la doctrine de la Trinité

La doctrine de la Trinité prend d’abord racine dans les affirmations des Apôtres

la préexistence du Christ avec, sous l’angle divin, la prééminence de son œuvre dans la création

Le Fils est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. Colossiens 1.15-16

la plénitude de sa divinité sous forme corporelle

Car en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Colossiens 2.9

l’égalité d’essence avec Dieu et, du point de vue humain, son œuvre particulière en faveur des pécheurs

Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus -Christ.
Existant en forme de Dieu, il n’a point regardé son égalité avec Dieu comme une proie à arracher. Mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes
Et il a paru comme un vrai homme. Il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix. 
C’est pourquoi aussi Dieu l ‘a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus -Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. Philippiens 2:5-11.

Identification de l’Esprit

L’identification du Saint-Esprit parmi les trois personnes a été plus lente à établir.

Mais le Saint-Esprit était déjà reconnu comme une personnalité distincte du Père

De même aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables. Et celui qui sonde les coeurs connaît la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints. Romains 8.26-27.

et distincte du Fils

Cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l’avez crucifié. Vous l’avez fait mourir par la main des impies. Dieu l ‘a ressuscité, en le délivrant des liens de la mort, parce qu’il n’était pas possible qu’il soit retenu par elle. Actes 2:23-24

Consubstantialité des personnes

Il a cependant fallu attendre S. Augustin et son De Trinitate pour que soit confirmée la consubstantialité des personnes, c’est à dire leur égalité et leur unité du substance, de nature.
Ainsi la théorie des relations a établi à la fois l’unité d’essence et la diversité des actions particulières à chacune des personnes.

C.Streng

Estime de soi chrétienne et responsable

Estime de soi chrétienne et responsable

L’Évangile invite le chrétien à une approche responsable et chrétienne de l’estime de soi. Il accepte les thérapies justes comme « un effet de la grâce commune » [1]. Il tient compte des exigences de l’Evangile dans les domaines du renoncement à soi-même, des absolus moraux, de la réalité du péché et du salut par grâce.

Relation avec Dieu faussée par le péché

Le péché, c’est le désir d’être comme Dieu, « refus d’admettre les limitations humaines ». Cela fausse notre relation avec Dieu et notre perception de nous-mêmes. Une affirmation des valeurs humaines non fondée en Dieu, est incompatible avec la foi chrétienne. Le péché n’est pas « un manque d’accomplissement de soi ». C’est une rupture avec Dieu que seule la croix du Christ peut rétablir.

Le monde est affecté par le péché. Il est rempli de pécheurs, « qui ne s’intéressent qu’à eux-mêmes et à leurs intérêts proches ou lointains ». Parfois, cet égoïsme peut susciter en eux des sentiments de culpabilité.

Limites du raisonnement rationnel

Certaines thérapies séculières rejettent les sentiments de culpabilité et la repentance pour promouvoir une santé mentale fondée sur la raison. Mais « le raisonnement rationnel » n’empêche ni l’immoralité…ni l’inacceptable, comme les camps nazis ou autres exactions plus actuelles…

Mieux vaut le réalisme biblique à propos de la nature humaine séparée de Dieu par le péché mais invitée, par la foi en l’œuvre du Christ, à retrouver la communion avec lui et de bonnes relations avec les autres, que le rejet de la repentance par les thérapies séculières qui empêche « de faire face au passé », de le savoir résolu et de recevoir le pardon.

Réalisme chrétien

Contrairement à un optimisme sans fondement, le « réalisme chrétien » reste lucide devant la réalité et la gravité du péché. Il insiste sur le renoncement à soi, central « dans toute pensée chrétienne relative à la sainteté ».

Il s’oppose à la recherche de l’autosuffisance, « caractéristique de la nature déchue ». Cette autosuffisance est renforcée par la société occidentale moderne, avide de réussite individuelle à tout prix. Elle est vue comme une « composante vitale de l’estime de soi » par la place qu’elle peut procurer dans la société.

Pour S. Augustin, « notre liberté naturelle est un autonomie contrefaite ». C’est en servant Dieu que nous sommes vraiment libres.
Pour le chrétien en effet, l’échec peut contribuer à une meilleure connaissance de soi-même, de sa faiblesse. On place alors sa confiance en Dieu plutôt qu’en ses capacités . Pour la doctrine chrétienne de la grâce, « notre acceptation, par nous-mêmes ou par Dieu ne dépend, en aucun cas de ce que … nous faisons ». Par la croix, « Dieu supprime » la culpabilité qui nous aliénait. Et « il affirme notre valeur » en dehors de tout mérite. …

La croix, fondement objectif de l’estime de soi

Comment Dieu peut-il pardonner le péché ? C’est une transgression si grave et si profonde de l’ordre moral et légal qu’elle a perverti la création et conduit à la crucifixion ? Seule l’intervention divine peut sortir l’homme et la nature de cette accumulation aliénante de péché et de culpabilité.

La croix permet cette libération. Elle change notre relation avec Dieu, elle enlève la barrière de séparation pour nous réconcilier avec lui. Dieu seul a pu ôter « la culpabilité et la puissance du péché de l’homme ». Par la foi, nous recevons « tout ce que le Christ a acquis par la croix, le pardon total et gratuit des péchés », et sa justice parce que nous faisons partie de l’alliance qu’il représente entre Dieu et l’humanité.

L’Évangile reconnaît la réalité et la gravité du péché. Il y répond par la croix, « support objectif de l’estime de soi chrétienne » et fondement de la justification par la foi qui consiste à « accepter d’être accepté tout en étant inacceptable »

Lien entre l’oeuvre de Dieu à la croix et l’estime de soi

Quelques images du Nouveau Testament explicitent le lien entre l’œuvre de Dieu à la croix et l’estime de soi. L’image de la rançon payée par le Christ pour nous libérer du péché et de la mort montre notre valeur devant Dieu ; de même la réconciliation « avec un Dieu connu et aimé permet « d’affronter l’avenir ».

Comprendre la portée du salut, délivrance du péché et restauration de l’intégrité de la personne, « peut nous valoriser selon une optique chrétienne correcte ».

Le péché n’a pas « définitivement tué l’idée d’estime de soi

Pécheurs pardonnés, en voie de renouvellement, nous pouvons avoir « une certaine estime de nous-mêmes en nous projetant dans notre avenir de racheté complet, au-delà de notre condition présente de pécheur ».

La justification par la foi dépend de deux causes extérieures : l’œuvre du Christ et la foi, « produite … par Dieu », qui excluent l’idée de se justifier par des performances. Elle permet « une relation adéquate avec Dieu » et nous accorde de la valeur devant lui.
« L’existence du péché – reconnu et confessé – n’annule pas notre statut de chrétien ». Mais il faut abandonner l’idée irréaliste de se croire parfait et de considérer l’imperfection comme une tare inadmissible.

Nous pouvons reconnaître notre imperfection tout en nous réjouissant de notre transformation future à l’image de Jésus Christ. Avoir conscience du péché exprime l’équilibre entre la lutte incessante contre le péché et la justification par la foi.

Paternité de Dieu

Même imparfaite à cause de la chute, la paternité humaine est une image de la paternité de Dieu, manifestée dans la relation accordée par Dieu à la création. Cette appartenance à Dieu comme Père est essentielle pour l’estime de soi.

Comme un Père, Dieu pourvoit à nos besoins [Matthieu 6.25-31], et il nous accepte sans conditions. Il nous guide et nous instruit avec les règles claires de sa Parole et ce sentiment de sécurité, fondé sur l’amour qu’il manifeste pour nous, contribue à notre développement. Dieu souffre aussi de notre manque d’intérêt et se réjouit de notre réconciliation avec lui comme dans la parabole du Fils prodigue de Luc 15.

Analogie de l’être : principe théologique de la paternité de Dieu

Le principe théologique de la paternité de Dieu ou analogie de l’être est expliqué par Thomas d’Aquin : Dieu se révèle en tenant compte de notre expérience et de nos limitations. On peut se représenter Dieu comme un père, source de notre existence ou comme un berger qui prend soin de nous.

Même si l’arbitraire de certains chefs risque de ternir l’image que certains se font de Dieu comme roi, l’image de Dieu reste surtout liée à sa compassion de père et à sa sollicitude de berger. Un chef dévoué et intègre, une père exerçant l’autorité dans la justice et l’amour, un pasteur pratiquant le don de soi reflètent le composantes de la réalité divine et aident à reconstruire les images déformées de Dieu données par certains pères.

Content en toutes circonstances : la vie du racheté

La lettre aux Philippiens indique les bases d’une estime de soi chrétienne juste, en particulier pour les chrétiens qui se déprécient eux-mêmes. Devenir serviteurs de Dieu [Philippiens. 1.1] donne la véritable liberté, de l’esclavage de maîtres inférieurs (le péché, la mort et le monde) au service du Christ.

Tout en reconnaissant sa culpabilité devant Sieu, le chrétien met sa confiance dans ses promesses. Il rendra parfaite la maturation de sa vie chrétienne commencée à la conversion.

La prison vécue par l’apôtre Paul est en soi dévalorisante. Mais les chaînes pour le Christ [Philippiens 1.13] lui donnent dignité et valeur. Notre estime personnelle ne dépend pas de notre situation mais de la manière dont nous laissons Dieu en tirer parti. Aux chrétiens qui se croient inutiles et sans intérêt pour le service, l’apôtre rappelle que Dieu choisit ce qui est faible et insensé [1 Corinthiens 1.26-29] selon ses critères et non selon ceux du monde.

Se dévaluer n’est pas seulement de la fausse modestie. C’est un déni de  la générosité de Dieu, qui risque de nous rendre inaptes au service. Un chrétien ne manque pas de dons ou de talents[1 Corinthiens 4.7 et Matthieu 25.14-30 ] mais il lui faut les découvrir et les exercer dans une perspective responsable, pour l’édification de l’Eglise et pour le témoignage dans le monde.

Dons, humilité et vraie valeur

Les dons posent aussi la question de l’humilité chrétienne.[Philippiens 2.1-11]. Elle n’est pas une dépréciation de soi mais une juste valorisation des autres, aimés comme soi-même[Matthieu 22.35-40] et reconnaissant que tout nous vient de Dieu.

Le Christ donne une nouvelle dignité à la nature humaine qu’il a estimée digne d’être sauvée. Il s’est humilié volontairement, se dépouillant de sa gloire céleste pour venir en serviteur à notre niveau et nous élever ensuite au sien.

La croix, critère de l’estime de soi

A la lumière de la croix du Christ, tout ce que le monde peut offrir sombre dans l’insignifiance [Thomas A Kempis, auteur au 15e s  de l’Imitation de Jésus Christ]. Elle est donc le seul critère incontournable permettant d’évaluer l’estime de soi ou des autres.

Paul oppose ensuite une estime de soi issue des privilèges familiaux ou nationaux – la justice de la loi accomplie – ou des réalisations personnelles et la véritable estime de soi fondée sur la foi en Christ, comme Jésus lui-même l’a enseigné dans la parabole du pharisien et du péager [Luc 18. 10-14].

Cela ne signifie pas dévaloriser nos œuvres mais être libérés de l’illusion de pouvoir acheter, par notre perfection, notre ticket d’entrée dans la présence de Dieu. Le regard qu’il porte sur nous, et non l’évaluation d’autrui construit une estime personnelle équilibrée, indépendante des œuvres et des performances.

Pour l’apôtre, les notions mondaines d’estime de soi et de valeur personnelle et la recherche de performances sont dérisoires, face à la dignité accordée par le Christ ; elles risquent même de nuire à la construction d’une estime de soi juste et robuste.

Car la valeur du chrétien vient de ce qu’il a été appelé et revendiqué par le Christ. Son estime de soi, est liée à l’action de Dieu. Car il l’a racheté par la croix et la résurrection du Christ. Ainsi la promesse de transformation future à l’image du Christ est indépendante des critères d’évaluation du monde. La confiance dans l’amour de Dieu et dans le jugement de valeur qu’il porte sur nous est une garantie contre le désespoir et le sentiment d’impuissance. C’est aussi une composante essentielle de la joie chrétienne.

L’encouragement en Christ : la vie de l’Eglise

Il s’agit de comprendre psychologiquement le problème de la personne, même difficile à supporter. Alors une écoute empathique, attentive et respectueuse, une acceptation inconditionnelle sont indispensables pour comprendre.

La prière de remerciement pour les dons d’un autre, la prédication d’encouragement plutôt que le reproche, valorisent et encouragent les faibles et les fragiles. Leur valeur devant Dieu ne dépend pas leurs compétences particulières mais de leur attachement au Christ. Il est la tête d’un corps spirituel dont les membres s’estiment mutuellement à travers leurs fonctions différentes.

L’enseignement peut aider à la valorisation de ceux qui attribuent tous leurs succès à Dieu et leur échecs à eux-mêmes. Nous sommes incontestablement des pécheurs. Mais Dieu nous accorde de la valeur. La doctrine de la grâce ne cherche pas à nous humilier. Elle nous incite à valoriser nos œuvres, et celles d’autrui, sans nous appuyer sur elles. Voyons les comme fruit de la foi, don de Dieu qu’il accomplit par nous, et par eux pour le bien de l’Eglise.

Dieu enseigne et accomplit aussi son plan à travers l’échec. Il ne faut donc pas l’attribuer à des fausses raisons, à une estime de soi négative. « Je n’ai pas réussi parce que je suis un bon à rien ». Mieux vaut  prendre en compte les causes réelles et vraiment utiles, une différentiation que le responsable peut aider à établir.

Estimer ou valoriser une personne ne signifie pas fermer les yeux sur ses faiblesses et son péché. C’est plutôt l’encourager à avancer, en se fixant sur le présent et pas seulement sur le passé. Celui-ci peut parfois donner certaines explications à des troubles actuels. La critique des autres, difficile à accepter mais indispensable à la vie chrétienne favorise l’examen de soi et la croissance.

Elément essentiel du ministère pastoral, une critique utile et constructive se fonde sur la connaissance de l’autre. Nous sommes critiqués par Dieu qui nous connaît. Elle implique un engagement vis à vis de l’autre. Dieu se tient à nos côtés pour nous aider à accomplir son projet pour nous. Elle s’inscrit dans le contexte de l’estime et de la valorisation d’autrui.

Témoigner de l’estime rend plus réceptif aux critiques justifiées. La critique n’est pas une fin en soi. Elle fait comprendre la réalité du péché  pour rendre réceptif à la grâce, pour aider à découvrir ses dons.

L’Eglise est un lieu de valorisation des uns par les autres, d’estime pour chacun. Elle est libre des critères de valeur du monde car elle est le corps du Christ. C’est une communauté qui protège ses membres. Elle prend soin des plus faibles avec le souci du bien-être de tous. Chacun reçoit dignité et valeur.
Disponibilité, acceptation, estime mutuelle ne sont pas toujours faciles. Il vaut mieux nous voir à la fois comme pécheurs et comme sauvés en Christ. Cela aide à la sincérité et à l’empathie les uns pour les autres.

[1]Attitude favorable de Dieu envers l’humanité en général et pas seulement envers les chrétiens (Matthieu 5.45).

C.Streng

Plan de Dieu et projets des hommes

Plan de Dieu et projets des hommes

Pendant tout le vie terrestre de Jésus et en particulier dans la semaine précédant sa passion, il peut être intéressant de remarquer comment interagissent le plan de Dieu et les projets organisés par les hommes.

Projet d’arrêter Jésus

En effet, les autorités religieuses voudraient bien arrêter Jésus, soit au début de la semaine, quand tous les pèlerins ne sont pas encore arrivés, ou alors plus tard, quand ils seront repartis. Il ne faudrait surtout pas que cela arrive en fin de semaine, au point culminant de la fête. En effet la foule est plus nombreuse et de ce fait plus incontrôlable. Certains auraient peut-être profité de l’occasion pour provoquer une échauffourée et par conséquent l’intervention de la troupe d’occupation romaine (Matthieu 26.3-5, cf. Marc 14.2).

Son heure n’est pas arrivée

Mais Jésus les évite soigneusement la nuit et se mêle à la foule pendant la journée. Il ne leur donne aucune occasion de l’arrêter (Matthieu 21.45-46; Luc 20.19; 21.37; 22.2), comme s’il voulait retarder les événements jusqu’au moment prévu par Dieu. Jusqu’au moment déterminé où il sait que son heure est arrivée, il recherche l’incognito. Après la résurrection de Lazare, il s’était retiré à Éphraïm, à une vingtaine de kilomètres de Jérusalem (Jean 11.53-57) et plus tard, à Béthanie.

Hugues Cousin souligne l’importance du verbe choisi : il se cacha comme un proscrit/ se retira/ prit le maquis dans une région. Il argumente à propos de la réaction possible de certains lecteurs :

Affirmer que Jésus s’est caché, c’est heurter la foi chrétienne qui présente toujours Jésus comme ayant accepté librement son sacrifice. Le croyant ne peut accepter un Jésus qui chercherait par tous les moyens à échapper à sa passion… Il existe un moyen terme entre le refus de la mort à tout prix et sa recherche, sa quête ; c’est à l’intérieur de cet espace…que s’inscrit le comportement de Jésus.

Un homme libre

Dans cet espace de liberté Jésus montre précisément qu’il est aussi un homme véritable. Il agit en homme, avec maturité, intelligence et perspicacité. Sa relation de filiation et d’obéissance à son Père ne font pas de lui le jouet d’un fatalisme aveugle et absolu.

Maître des circonstances

Il choisit lui-même les circonstances exactes qui vont déclencher le processus de son arrestation. Il oblige ses adversaire à agir d’une manière contraire au plan initialement prévu et à l’accélérer. En effet, il organise discrètement, avec Pierre et Jean, son dernier repas avec ses disciples (Luc 22.8). Et quand tous les convives sont réunis, il prend Judas par surprise. Il lui révèle qu’il est au courant de ses projets de trahison et il lui donne même l’occasion de faire machine arrière.

En phase avec le plan de Dieu

Mais le traître découvert, pris de panique, se précipite chez les chefs : la fête de la Pâque va commencer et il ne reste que quelques heures de la nuit pour agir. Il leur apporte la clé de leur problème : le lieu (et aussi le moment) exact où Jésus se retire la nuit : ils pourront ainsi l’appréhender sans crainte des réactions. Ce temps et ce lieu coïncident avec ceux que Dieu a choisis. Le sacrifice de Jésus aura lieu au temps déterminé précisément, en même temps que celui des agneaux pascals le vendredi, veille du sabbat.

Pour choisir l’heure de sa passion

Et quand il a répondu dans sa prière au jardin de Gethsémané, « Mon Père, s’il n’est pas possible que cette coupe s’éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite! » (Matthieu 26.42) il se lève et s’avance librement à la rencontre de ceux qui sont venus l’arrêter (Jean 18.4).

Le temps de Dieu a rencontré celui des hommes.

C.Streng