Mois : octobre 2015

L’Eglise projet de Dieu en construction

Quelques remarques préliminaires concernant l’Eglise, le Corps du Christ

Certains chrétiens prétendent vivre leur foi en solo ! Souvent ils estiment que les Eglises sont trop imparfaites par rapport à leur haute exigence morale.

D’autres chrétiens sont mieux placés qu’eux pour s’engager pratiquement, la Bible et les CDs de louange suffisent pour nourrir leur vie spirituelle, sans Eglise ! Bref de beaux prétextes qui montrent leur immaturité spirituelle et leur méconnaissance du plan de Dieu pour l’humanité.

L’Eglise projet de Dieu depuis toujours

L’Eglise est le projet de Dieu depuis toujours : former un peuple prêt à le servir en esprit et en vérité. Un projet pour annoncer l’Évangile au monde et former des disciples zélés et fondés sur Jésus-Christ.

Dans les Actes des Apôtres, on voit  que l’ impact missionnaire, la vie des croyants, le développement numérique et spirituel forment le peuple de Dieu constitué en Église. Les apôtres eux-mêmes se soumettent aux décisions prises par les assemblées et groupes de responsables.

L’Eglise n’est ni un club ni une association quelconque mais le prolongement du Corps du Christ, avec la délégation d’autorité spirituelle qui s’y rattache. Les croyants nés de nouveau et animés par l’Esprit Saint s’appliquent à vivre des relations réconciliées au service du maitre.

Introduction

Après ces remarques, considérons l’image de la construction dans le Nouveau Testament.Rappelons que Jésus était de métier charpentier et maçon,  à cette époque certainement les deux à la fois. Quand il a dit à Pierre : «je bâtirai mon Église » (Matthieu 16.18), il savait de quoi il parlait

Image de la construction d’une maison à propos de l’Église

Les apôtres ont plusieurs fois repris cette image de la construction pour parler de l’Eglise, un édifice qui se bâtit à travers les siècles sur le seul et unique fondement, Jésus-Christ.

Depuis lors, bien d’autres ouvriers ont continué à bâtir sur ce fondement avec des pierres extraites de la carrière du monde, des pierres vivantes, appelées à s’édifier pour former une maison spirituelle. 1 Pierre 2.4.Paul s’adresse à l’Église de Corinthe :

Vous êtes aussi l’édifice de Dieu. Selon le don que Dieu m’a accordé, j’ai travaillé comme un bon entrepreneur et posé les fondations. Maintenant, un autre bâtit dessus. Mais il faut que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit. 1 Corinthiens 3. 9b-10.

«S’édifier les uns les autres » signifie bâtir une maison spirituelle dont le Christ est le seul fondement.Des Églises peuvent être confrontées concrètement au choix d’un projet de construction avec ce qu’il implique. Certains de leurs membres ont réalisé la construction de leur maison ou y ont participé. Ils connaissent donc bien ce travail et peuvent en tirer des leçons utiles pour illustrer quelques vérités bibliques concernant l’édification de la maison spirituelle qu’est l’Église.

Quelques leçons utiles pour l’Eglise

1. Nous sommes appelés à bâtir pour d’autres

Même en connaissant toutes les finesses des divers corps de métier de la construction, il y a des moments où nous avons besoin de l’aide d’autres personnes. Par exemple, la réalisation d’un plancher en béton, la coulée d’une chape ou la mise en place de pièces de charpente encombrantes. C’est grâce à la compétence et au coup de main des uns et les autres qu’une maison peut être achevée. L’ouvrage réalisé abritera plusieurs générations successives.

Mise en commun des ressources et des dons

L’édification de l’Église, c’est d’abord la mise en commun des ressources, des dons spirituels qui permet de progresser vers une unité harmonieuse, le Corps du Christ.

C’est l’opposé de l’idéal humaniste qui vise le développement personnel et le service du moi et de ses appétits. L’esprit de ce siècle prône trop souvent l’individualisme ; l’Église est appelée à jouer collectif !

2.Toute activité de l’Église doit viser son édification

Pour bâtir une maison, il faut concentrer son temps et ses ressources à mener à bien ce projet. Les différents personnes qui travaillent au même but se coordonnent et se mettent d’accord pour atteindre le même objectif.

Recherchons donc ce qui contribue à la paix et nous permet de progresser ensemble dans la foi. Romains 14.19

Pour les différentes activités dans l’Église, il est bon de se demander ce que chacune apporte à l’édification de l’ensemble du  Corps du Christ et de chacun de ses membres. Est-ce qu’elle fait grandir dans la foi ?

Tout est permis mais tout n’édifie pas.  1 Corinthiens 10.23

Question : Qu’est ce qui est essentiel, prioritaire, et qu’est-ce qui l’est moins ?

3. Diversité des ouvriers

Dans la construction d’un édifice, plusieurs corps de métier sont présents : maçon, charpentier, plâtrier, électricien, carreleur, peintre, installateur sanitaire, chauffagiste, etc. Chaque métier spécifique exige des compétences précises. La polyvalence est possible mais jusqu’à certain degré seulement.

Les dons dans l’édification de l’Église

Dans la construction de l’Église, Dieu a accordé à chaque membre plusieurs dons en vue de l’utilité commune.

Mais que chacun prenne garde à la manière dont il construit . 1 Corinthiens 3.10

L’Église s’édifie correctement lorsque chaque membre accomplit le ministère (ou service) qui correspond à son don et à sa personnalité.

Prenez place vous aussi, comme des pierres vivantes, dans la construction du temple spirituel. Vous y formerez un groupe de prêtres consacrés à Dieu.1 Pierre 2.5

4. Utilité de tous les métiers

Tous les métiers intervenant dans la construction ont leur utilité. Certains ouvriers travaillent pendant des semaines, d’autres quelques jours, ou quelques heures, pour le certificat de conformité électrique par exemple. Mais le travail de chacun est indispensable pour réaliser une construction solide, confortable, durable.

Dons au service de l’Église

Pour qu’une Église soit accueillante, chaleureuse et bien unie, bien des dons et ministères sont exercés. On peut être étonné du nombre de personnes impliquées dans chaque Église pour un service ou pour un autre. Chacun a son utilité mais personne ne peut prétendre faire fonctionner l’Église à lui tout seul

Cette conscience de notre utilité dans le Corps du Christ et de nos limites donne du sens à notre vie et nous garde dans l’humilité.

Au fond, qui est Apollos ? et qui est Paul ? Nous sommes simplement des serviteurs de Dieu, par lesquels vous avez été amenés à croire. Chacun de nous accomplit le devoir que le Seigneur lui a confié : j’ai mis la plante en terre, Apollos l’a arrosée, mais c’est Dieu qui l’a fait croître.  Ainsi, celui qui plante et celui qui arrose sont sans importance : seul Dieu compte, lui qui fait croître la plante. Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux ; Dieu accordera à chacun sa récompense selon son propre travail.  Car nous sommes des collaborateurs de Dieu et vous êtes le champ de Dieu. 1 Corinthiens 3.5-9

5. Compétences des ouvriers

Pour qu’un ouvrier soit compétent dans le métier qu’il exerce, il est obligé de se former en permanence, de maîtriser les nouvelles techniques, et de découvrir les nouveaux matériaux de construction etc.

Formation indispensable

Pour faire du bon ouvrage dans l’édifice de Dieu, nous avons besoin de formation permanente. Cela demande un effort mais quel bénéfice pour notre vie spirituelle et pour l’Église que nous servons. L’offre est considérable dans le milieu évangélique mais il faut choisir d’y consacrer du temps.

6. Se conformer au plan et aux directives de l’architecte

Avant de réaliser une construction, des études préliminaires ainsi que des plans précis sont nécessaires. Les phases d’avancement d’une construction sont planifiées et supervisées par l’architecte. Parfois les choses sont un peu désordonnées dans l’Église. Chacun a sa petite idée sur la manière de bâtir, il fonce en avant en essayant d’y rallier les autres.

Dons pour l’utilité et l’harmonie communes

Dans sa générosité, le Seigneur a donné des dons, (des charismes) pour l’utilité commune, pour que l’ensemble forme un tout harmonieux.Des responsables élus dans les Églises sont chargés de coordonner et de superviser les différentes tâches. Tout cela fonctionne dans l’amour et par la soumission réciproque.

C’est grâce à lui (le Christ qui est la tête) que le corps forme un tout solide, bien uni par toutes les articulations dont il est pourvu. Ainsi, lorsque chaque partie fonctionne comme elle doit, le corps entier grandit et se développe par l’amour.  Ephésiens 4.16

7. Collaboration de tous les ouvriers

Pour que la construction fonctionne de manière harmonieuse, il est nécessaire de bien communiquer et d’organiser ce qu’on appelle des « réunions de chantier » : éclaircir les points litigieux, faire des mises au point etc.. La bonne entente fait gagner du temps et de l’énergie.

De bonnes relations pour l’édification et la croissance

De même les bonnes relations entre les membres sont un important facteur d’édification et de croissance. Une bonne communication et information entre les uns et les autres met de l’huile dans les rouages.

Conclusion

En prenant un peu de recul et en considérant l’histoire d’une communauté, on constate que bien des générations se sont succédé pour bâtir l’Église jusqu’à ce jour.Nous pouvons être reconnaissants pour l’engagement et la consécration des chrétiens qui nous ont précédés. Nous poursuivons la tâche dans une société qui évolue, avec parfois des problématiques nouvelles.

Être sel et lumière aujourd’hui

Le défi reste pourtant identique : comment être sel et lumière aujourd’hui dans le monde qui est le nôtre ? Comment vivre encore mieux des relations de paix et d’amour entre chrétiens ? Comment discerner les dons que le seigneur accorde généreusement aux uns et aux autres afin que chacun trouve toute sa place dans l’Église ?

C’est avec humilité et une claire conscience de sa fragilité, mais aussi une grande espérance, que chacun est appelé continuer l’ouvrage dont le Christ est la tête et le fondement.

W. Kreis

Dietrich Bonhoeffer : réflexions sur son temps

Réflexions sur son temps, philosophiques et théologiques

Dans les réflexions sur son temps intitulées « 20 ans plus tard », Bonhoeffer essaie de s’expliquer la situation absurde de l’Allemagne des années 40.

Sans citer de noms, il fait des allusions assez claires pour être compris. On les retrouve parfois mot pour mot dans son Ethique.

Les valeurs sont bouleversées. Le plus fort – le parti nazi au pouvoir – dicte sa loi et l’homme discipliné – l’Allemand connu pour son sens de la discipline – est prêt à obéir au diable en personne, c’est à dire Hitler et ses comparses (1).

Celui qui résiste est prêt à sacrifier toutes ses valeurs au nom d’un appel de Dieu seul à une action obéissante et responsable(2), même si cette obéissance s’oppose à l’ordre imposé et doit trouver l’équilibre entre absence de scrupule et scrupulite ou excès de scrupule paralysant(3).

Dieu demande une action responsable dans le libre risque de la foi et il accorde son pardon à celui qui devient pécheur par cette même action (4)

Le groupe de conjurés, certains aux plus hauts postes de l’Etat, avec plusieurs des membres de la famille de Bonhoeffer et des amis(5) préparèrent contre Hitler les attentats, qui tous malheureusement échouèrent. Au-delà des hommes, le Seigneur dirige l’histoire, crée le bien à partir du mal (6). Mais que faire quand le mal l’emporte ?

Dangers de la sottise et du conformisme

Bonhoeffer souligne ensuite les dangers de la sottise, une forme spéciale des circonstances historiques sur l’homme. Cette sottise l’entraîne par conformisme à n’importe quelle mauvaise action: le vote populaire qui a entraîné la prise de pouvoir du parti nazi, l’antisémitisme par imitation ou lâcheté.

La puissance des uns a besoin de la sottise des autres…Mais des hommes pourront être abîmés pour toujours (7). Un acte extérieur de libération s’impose et pour cela, pas besoin de l’avis des autres. La question ne se pose pas pour l’homme responsable.

Selon la justice immanente, le mal très rapidement s’avère stupide et inefficace (8)…Le respect des lois qui dirigent la vie humaine est incontournable, sauf nécessité absolue (9).

Peut-être est-ce une allusion aux lois sur l’euthanasie ou la stérilisation des handicapés promulguée par le régime nazi (10).

Pour lui, prière et action ensemble permettent de voir accéder aux responsabilités de l’Etat les hommes indispensables dans les situations difficiles.

Garder des distances

Pour éviter une anarchie des valeurs, Bonhoeffer demande aux chrétiens de garder des distances en un temps où des représentants de toutes les classes sociales deviennent plébéiens (vulgaires) et où une noblesse formée d’hommes de toute la société (11) subsiste par le courage, le respect de soi et des autres, des humbles et des grands (12), par la recherche de la qualité, antidote au nivellement.

Le chrétien, un instrument entre les mains du Seigneur de l’histoire

Devant la souffrance, une attitude passive n’est pas chrétienne, même si on n’est pas responsable de toute la misère du monde. Nous sommes des instruments dans les mains du Seigneur de l’histoire (13).

Depuis la guerre, l’idée de la mort nous est familière, notre vie est brisée et pourtant la mort ne peut plus nous surprendre.

Aujourd’hui, pour beaucoup, l’impossibilité de faire un plan pour leur vie aboutit à une déchéance irresponsable ou à l’échappatoire de la rêverie.

Penser et agir pour la nouvelle génération, … voilà l’attitude… à conserver (14), avec l’optimisme, une force de l’espoir pour ne pas abandonner l’avenir à l’adversaire mais le revendiquer pour soi (15)

Appel à la maturité

Bonhoeffer va développer cette perspective dans deux lettres de 1944 où il demande pour la nouvelle génération la maturité qui consiste à avoir son centre de gravité là où on se trouve et de ne pas faire des désirs inexaucés des obstacles pour soi-même et les autres. Il peut y avoir une vie accomplie malgré beaucoup de désirs inexaucés.

Le monde entre les mains de Dieu

Même si la guerre, qui détruit la nuit, au sens propre et figuré, ce qui a été construit le jour, rend la vie informe et fragmentaire, même si on ne peut plus construire son avenir sur les certitudes du passé, en vue d’un but (17), même si on n’est plus assuré d’avance, du résultat de n’importe quelle action, cette génération-là devra découvrir à travers privations, douleurs, et mise à l’épreuve de la patience (18), que le monde est entre les mains de Dieu et qu’il lui faut se contenter de garder son âme vivantede la sauver du chaos comme d’une maison en feu – au milieu de l’effondrement des biens de la vie (19) .

Ces paroles prophétiques ont été réalisées par l’invasion des troupes alliées, et l’effondrement du régime hitlérien qui a entraîné dans une apocalypse volontaire la terrible destruction des centres vitaux du pays  et la mort d’une grande partie de ses habitants.

Sens des responsabilités et engagement

Mais elles ont été réalisées aussi avec les générations suivantes dont certaines élites ont sans doute découvert la nouvelle relation demandée entre sens de la responsabilité et engagement (20).

Par la reconnaissance de leur responsabilité ou de leur lâcheté collectives ainsi que celle de la culpabilité de leurs dirigeants de la période nazie (21), elles ont pu reconstruire sur des bases saines ce qui semblait perdu dans une décadence irrémédiable.

Jusqu’à aujourd’hui, l’Allemagne s’est bien reconstruite, économiquement et socialement, peut-être encore mieux que les autres.

Mais aussi comportements infantiles et égocentriques

Bonhoeffer remarque aussi dans son entourage, des gens qui se cramponnent à leurs désirs … sont fermés à l’amour du prochain (22) et ont des comportements tout à fait infantiles et égocentriques :

J’observe ici, toujours à nouveau, qu’il y a peu d’hommes capables d’héberger en eux simultanément beaucoup de sentiments quand les avions approchent, ils ne sont que peur ; quand ils ont quelque chose de bon à manger, leur avidité triomphe; lorsqu’un désir reste inassouvi, ils ne sont que désespérés et lorsque quelque chose réussit, ils ne voient plus rien d’autre. Ils passent à côté de la plénitude de la vie (23).

Qu’en est-il de ces gens – et il faut penser ici à l’ensemble du monde occidental – qui règlent toute leur existence au niveau de leurs désirs et qui sont passés, sans réflexion de la misère au matérialisme des années 60 ?

Quelle annonce de la Parole ?

Comment annoncer la Parole dans un monde – ici l’Allemagne – où beaucoup  n’ont plus vu Dieu mais une religion officielle complice d’une idéologie destructrice aux mains d’un pouvoir oppresseur ?

La religion s’était discréditée en Allemagne, et, dans la Résistance, Bonhoeffer avait aussi rencontré des gens engagés dans une cause juste, sans être chrétiens.

Le christianisme et le Christ aujourd’hui

Il pose donc la question de savoir ce qu’est le christianisme, et qui est le Christ, pour nous aujourd’hui (24)…. Il distingue le Christ et la religion.

Υ a-t-il des chrétiens sans religion? Qu’est-ce qu’un christianisme irréligieux? Comment former une ecclesia (Eglise), sans nous considérer comme des appelés, des privilégiés sur le plan spirituel, mais bien plutôt comme appartenant pleinement au monde? (25)

Il répond qu’alors, le Christ ne sera plus l’objet de la religion, mais réellement le Seigneur du monde (26)

Il reste profondément attaché au Christ, sa foi est christologique :

Tout découle des mots « en lui ». Tout ce que nous sommes en droit d’attendre de Dieu et de demander dans nos prières se trouve en Jésus-Christ. Le Dieu de Jésus Christ n’a rien à faire avec …un dieu tel que nous l’imaginons (27).

Rejet du dieu bouche-trou et de la religion magique

Ce Dieu imaginaire, c’est celui de la connaissance encore imparfaite, du désir non comblé des hommes, un dieu bouche-trou repoussé aux limites des connaissances humaines.

Nous avons à trouver Dieu dans ce que nous connaissons et non pas dans ce que nous ignorons (28).

Dieu veut être reconnu non dans nos frustrations, nos échecs et nos péchés, mais quand tout va bien pour nous et que nous n’avons même pas l’idée de nous confier en lui, parce que nous pensons nous suffire à nous-mêmes.

Nous n’avons pas le droit de le rejeter à la limite de nos questions irrésolues. Dieu ne se laisse pas mettre en une équation que l’on pourrait faire disparaître en la résolvant, comme des problèmes humains résolus par le progrès. Il restera toujours au moins une inconnue.

C’est ce que Bonhoeffer explique par son refus qu’on introduise Dieu en fraude et sa demande qu’on reconnaisse le caractère adulte du monde (29). Il refuse une religion magique, qu’on ne propose qu’aux moments de crise, pour résoudre des problèmes.

Le chrétien, entre les mains de Dieu

Il demande au chrétien, non d’être un homo religiosus (homme religieux) mais un homme, comme Jésus l’était…

conscient de la présence de la mort et de la résurrection.., qui a renoncé complètement à devenir quelqu’un pour vivre dans la multiplicité des tâches … et des perplexités du monde. Alors on se met pleinement entre les mains de Dieu, on prend au sérieux non ses propres souffrances mais celles de Dieu dans le monde… C’est ainsi qu’on devient un homme, un chrétien (30).

Notes
1. Résistance et Soumission, p. 2 ; Ethique, p. 45.
2. Résistance et Soumission, p. 4
3. Résistance et Soumission, p. 4
4. Résistance et Soumission, p. 4
5. L’amiral Canaris, le général Von Hase, son frère Klaus et ses deux beaux-frères
6. Résistance et Soumission, p. 6
7. Résistance et Soumission, p. 7
8. Résistance et Soumission, p. 8
9. Résistance et Soumission, p. 9
10. Ethique, p. 128,130

11. Résistance et Soumission, p. 11
12. Résistance et Soumission, p. 12
13. Résistance et Soumission, p. 14
14. Résistance et Soumission, p. 16
15. Résistance et Soumission, p. 15
16. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 109
17. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 135
18. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 136
19. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 135
20. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 136

21. En particulier l’extermination des Juifs
22. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 109
23. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 140
24. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 119
25. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 120,121
26. Résistance et Soumission, 19 mars 1944, p. 121
27. Résistance et Soumission, 21 août 1944, p. 183
28. Résistance et Soumission, 25 mai 1944, p. 141
29. Résistance et Soumission, 8 juillet 1944, p. 158
30. Résistance et Soumission, 21 juillet 1944, p. 168,169

C. Streng

Bonhoeffer en prison à Tegel – entre résistance et soumission

Bonhoeffer en prison à Tegel

Vie en commun limitée mais efficace

Quelques privilèges mais peu d’illusions

Quand on se rendit compte, après quelques jours, des relations de famille de Bonhoeffer, sa situation en prison à Tegel s’améliora : une cellule plus spacieuse, des rations plus abondantes qu’il refuse par solidarité avec les autres détenus, une promenade quotidienne avec le capitaine de la prison.
Il fait remarquer l’obséquiosité de ceux qui l’insultaient peu avant : Je n’en fus pas moins honteux pour les autres, ce fut pénible (p. 56).
Avec un certain humour d’ailleurs, il évoque la visite de son oncle Paul (1).

Il peut recevoir des visites, des colis, des livres, écrire du courrier, parfois non censuré (4e dimanche de l’Avent, p. 85). Il passe du temps à l’infirmerie non seulement pour des soins qu’on lui accorde (le 31 octobre 1943, p. 46 et le 20 novembre 1943, p. 68). Mais, après le bombardement de la fin novembre 1943 sur Borsig le 27 novembre 1943, (p. 71), il y apporte son aide.

Situation désastreuse des prisonniers

Il est autorisé à faire un rapport sur la situation désastreuse où ont été laissés les prisonniers:

Une fusée a éclaté à vingt-cinq mètres d’ici; les vitres ont sauté ; l’infirmerie a été privée de lumière; à part nous, qui y étions, personne ne s’occupait des détenus qui appelaient au secours ; mais nous étions peu efficaces dans l’obscurité.
Dans ce récit, je montre la nécessité de prendre des mesures sanitaires lors des alertes. J’espère obtenir quelque chose, car je serais heureux d’être utile d’une manière quelconque en m’adressant au service compétent( Résistance et Soumission, 28 novembre 1943 p. 73).

Discussions sympathiques

Il est amené à avoir des entretiens, des discussions sympathiques (Résistance et Soumission, 28 novembre 1943, p. 72 et 73)

Les détenus qui travaillent à la cuisine ou dehors l’après-midi se transmettent la nouvelle que je suis à l’infirmerie et ils cherchent alors quelque prétexte pour monter, parce qu’ils trouvent agréable de s’entretenir avec moi. Cela n’est naturellement pas autorisé, mais j’ai eu du plaisir à l’apprendre

Il est même traité parfois avec considération :
Le sous-officier, qui m’a ramené dans ma cellule; m’a dit en me faisant ses adieux, avec un sourire gêné…: Priez donc, monsieur le pasteur, pour que nous n’ayons pas d’alerte aujourd’hui(Résistance et Soumission, 2° dimanche de l’Avent, p. 75).

Et il sait se faire respecter, même par ceux qui n’en auraient pas eu envie(Résistance et Soumission 22 novembre 1943, p. 70).

Bonheur d’une conversation avec son ami et futur biographe Eberhardt Bethge

Quelques moments forts – un entretien seul à seul avec Eberhardt Bethge, au-delà du temps réglementaire – lui procurent  un grand bonheur.

Ta visite continue de me soutenir sans cesse. Que n’avons-nous pas évoqué et appris l’un de l’autre, pendant ces quatre-vingt-dix minutes. Je te remercie encore d’avoir réussi à obtenir cette autorisation (Résistance et Soumission, Jour de Noël 1943, p. 83).

Combat pour sa vie et la vie des autres

Il mène un combat toujours renouvelé pour préserver sa vie et ne pas compromettre celle des autres, en particulier celle de son beau frère Hans Dohnanyi, arrêté aussi le 5 avril 1943 et gravement malade (Résistance et Soumission 27 juillet 1944, p. 173)

Roeder(12) aurait bien voulu ma tête, au début, maintenant, il doit se contenter d’une accusation parfaitement ridicule, qui lui vaudra peu de gloire (Résistance et Soumission, 29 novembre 1943, p. 74).
Ces jours derniers, j’ai été de nouveau en ville (pour les interrogatoires) une ou deux fois résultat très satisfaisant! Mais comme la question du délai reste sans réponse, je cesse au fond de m’intéresser à mon affaire (Résistance et Soumission, 6 mai 1944, p.126).

Entre résistance et soumission

D’où la prise de position suivante…dont l’issue ne laisse pas de doute : Bonhoeffer ne penchera jamais du côté des lâches.

Je me préoccupe souvent de savoir où est la limite entre la résistance nécessaire contre « le destin » et la soumission. Don Quichotte est le symbole de l’obstination dans la résistance jusqu’à l’absurde, même jusqu’à la folie. Sancho Pança est le représentant de ceux qui s’accommodent adroitement et béatement d’une situation donnée. La foi exige cette attitude souple et vivante. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons supporter et rendre féconde chaque situation qui se présente à nous (Résistance et Soumission, 21 février 1944, p. 101 et 102)

Dans le camp des ennemis

Son cadre de vie illustre ainsi celui qu’il décrit dans De la vie communautaire: Pas la solitude d’un cloître, mais le camp même des ennemis (De la Vie communautaire, p. 122)·
On ne lui accorde ni aumônier (Résistance et Soumission,18 novembre 1943, p. 61), ni culte dans une communauté chrétienne visible; mais il vit ainsi cette situation :

la fraternité chrétienne n’est pas un idéal humain mais une réalité donnée par Dieu ; elle est d’ordre spirituel et non pas psychique … C’est une réalité créée par Dieu à laquelle il nous est permis d’avoir part (De la vie communautaire, p. 21 et 26).

Résistance allemande au nazisme

A suivre

Notes 
(1) Résistance et Soumission, p. 155 : le général von Hase, commandant de la place de Berlin dont dépendait la prison de Tegel. Condamné à mort et exécuté pour sa participation à la conjuration contre Hitler
(12) Conseiller du tribunal militaire, chef de l’instruction du procès

C.Streng