Étiquette : royaume de Dieu

Le royaume de Dieu dans le coeur : le centurion de Capernaüm

Le royaume de Dieu dans le coeur : une formidable mission

Le Seigneur Jésus est venu du Père établir le Royaume de Dieu dans le cœur de ceux qui lui font confiance. Une formidable mission !

Comment Jésus procède-t-il ?

Etrange : il ne constitue pas de parti, ne formule pas de stratégie, il ne se fait conseiller par personne et ne distribue pas de programme…L’essentiel de son action, c’est de former 12 hommes après avoir prié pour les choisir et d’avoir une foule d’entretiens avec des individus ou des groupes parfois importants.

Dans cette masse de contacts les évangélistes en ont sélectionné un bon nombre, sans doute en fonction de leur valeur significative pour sa mission.

Rappelons un exemple bien caractéristique : Matthieu 8.5-13.

Comme Jésus entrait dans Capernaüm, un centenier (ou centurion) l’aborda, le priant et disant : Seigneur, mon serviteur est couché à la maison, atteint de paralysie et souffrant beaucoup. Jésus lui dit : J’irai, et je le guérirai. Le centenier répondit : Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ; mais dis seulement un mot, et mon serviteur sera guéri. Car, moi qui suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres ; et je dis à l’un : Va ! et il va ; à l’autre : Viens ! et il vient ; et à mon serviteur : Fais cela ! et il le fait.  Après l’avoir entendu, Jésus fut dans l’étonnement, et il dit à ceux qui le suivaient : Je vous le dis en vérité, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.  Or, je vous déclare que plusieurs viendront de l’orient et de l’occident, et seront à table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux.  Mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Puis Jésus dit au centenier : Va, qu’il te soit fait selon ta foi. Et à l’heure même le serviteur fut guéri.

1. Le cadre de cet épisode

Jésus a commencé à annoncer le Royaume de Dieu . Ses allocutions, il les accompagne de nombreux actes  de libération et de guérison qui lui attirent les foules.

Eveiller l’attention par des paroles

Le principe, c’est que ses actes doivent éveiller l’attention sur ses paroles. Les deux servent à l’identifier comme envoyé de Dieu, comme le Messie attendu par les croyants juifs.
Aussi, après un premier temps d’itinérance dans le pays, un jour Jésus rassemble la foule sur une hauteur et lui parle longuement de ce Royaume de Dieu, dans un registre très pratique.

Dieu au centre de la vie du croyant

Le croyant est sel et lumière dans son environnement. Tous les aspects de sa vie se déroulent sous l’autorité et l’inspiration de Dieu. Sa vie spirituelle est une affaire de cœur et non simplement de pratiques, de rites, parfois hypocrites ; sa vie sociale est fondée sur le respect et l’amour du prochain ; dans sa vie économique la relation à Dieu et au prochain prime sur le rapport aux biens matériels. En résumé, Dieu est au centre de la vie de chacun et les relations interpersonnelles fonctionnent selon la « règle d’or » : Mt 7.12.

Un engagement réciproque

Un impressionnant programme ! Mais attention, on est à l’opposé d’une campagne électorale. Ce n’est pas un programme qui, comme l’a un jour cyniquement avoué un certain président, qui n’engage que celui qui y croit. Il s’agit ici d’un engagement réciproque dans une relation où c’est Dieu qui fait l’essentiel : 2 Co 5.17-18 ; 1 Th 5.23-24. Une fois la charte du Royaume de Dieu  ainsi exposée, développée, Jésus ne s’isole pas là-haut dans le rêve de la théorie, entouré d’un petit cercle de collaborateurs privilégiés.

Proche des réalités

Il redescend et affronte immédiatement les réalités bien terre-à-terre et douloureuses de la maladie : un lépreux, le serviteur du centurion, la belle-mère de Pierre. Aucun rabbin n’aurait approché un lépreux : c’est interdit par la Loi et c’est une souillure qui coupe de la communauté au Temple. Aucun juif n’aurait envisagé d’entrer chez un païen, occupant militaire de surcroit. Aucun rabbin n’aurait perdu de temps auprès d’une femme ; une femme, ça ne compte pas. Or Jésus ne se laisse jamais arrêter par une convention sociale qu’on voudrait faire passer avant une détresse humaine.

Sans barrières

Pour lui et donc aussi pour nous il n’y a pas de barrière raciale, sociale, religieuse ou politique qui compte ; il n’y a que des êtres humains qui ont besoin de lui. Il prend là en charge une série de personnes « inconvenantes » et non seulement il n’en est pas souillé, mais il leur communique quelque chose de sa pureté. Je retiens ce détail : la mesure où il peut me toucher, où je le laisse m’habiter, c’est la mesure dans laquelle il peut me transmettre sa pureté et m’utiliser ensuite pour aller au contact des autres.

2. Le centurion

Une sollicitation indirecte

Luc, qui raconte le même incident (7.1-10), précise que l’officier n’a même pas osé parler lui-même à Jésus, mais l’a sollicité indirectement par des amis juifs qui l’apprécient vraiment, au-delà de tout ce qui pourrait les séparer.

Un homme humble, soucieux pour son serviteur

Ce qui les sépare infiniment, c’est leur manière d’aborder Jésus. Les responsables juifs pensent que le bien que ce centurion leur a fait, le qualifie largement pour être entendu par Jésus : « Il mérite vraiment que tu lui accordes cette faveur ». Le centurion est tout à l’opposé : « Ne te donne pas tant de peine… Je ne suis pas qualifié pour te recevoir »

Il n’y pas là un fier officier occupant devant un petit occupé juif. C’est au contraire un simple homme qui reconnaît la valeur de la culture juive et l’élévation de son éthique et de son monothéisme. Et aujourd’hui c’est un humble homme paniqué à l’idée de perdre son serviteur qu’il aime vraiment. Comme un dernier espoir, il cherche à toucher ce Jésus dont il a appris les bienfaits étonnants et en qui il a reconnu, au-delà des apparences, quelqu’un de majestueux, investi d’une grande autorité, bien supérieure à la sienne. Il le fait supplier d’intervenir.

Une démarche empreinte d’amour et d’humilité

Ce qui touche Jésus, ce n’est pas un mérite de l’officier, si évident soit-il, c’est l’amour inquiet, l’humilité respectueuse qui motivent sa démarche. Après la délégation de ses amis juifs, le centurion est peut-être venu lui-même au-devant de Jésus. D’emblée il ne parle que de son serviteur qui n’est pourtant qu’un esclave :  il doit s’agir d’une paralysie évolutive avec des spasmes musculaires qui créent de graves problèmes respiratoires (v.5). Et il reçoit une réponse magnifiquement simple et directe : Moi, je vais aller chez toi et je le guérirai !

Une intuition géniale : un seul mot à dire….

Il a dû être soufflé de cette incroyable spontanéité. Il se sentait déjà indigne que Jésus vienne jusque chez lui et voilà qu’avant même d’avoir eu le temps d’exprimer une demande, il en reçoit l’exaucement assuré. Et c’est alors qu’il a une intuition géniale : au fait, est-ce bien nécessaire que Jésus se donne cette peine ? Une personnalité qui a la puissance, l’autorité de Jésus peut exercer cette autorité comme elle veut, sans risque de ne pas être entendue. Même à distance ! Son humilité ressent une évidente majesté chez son interlocuteur : « Il suffit d’un mot. Tu n’as qu’un mot à dire et mon serviteur sera guéri » C’est ce qu’avait déjà perçu un psalmiste : Ps 33.8-9.

La Parole de Jésus prise au mot

Voilà comment ce païen aborde notre Seigneur Jésus ! Avec une pareille conviction il laisse loin derrière lui tous ses semblables païens qui n’ont pas idée d’une telle puissance. Il laisse derrière lui une bonne partie du monde juif et même du peuple chrétien, moi y compris, qui savent bien que Dieu est tout à fait capable de n’importe quoi par une simple parole, mais n’osent souvent pas s’attendre à ce qu’il le fasse effectivement. Cela consiste tout simplement à prendre les paroles de Dieu pour ce qu’elles sont : dynamiques, efficaces, créatrices : Hébreux 4.12.
Et qu’est-ce qui a mis le centurion sur la voie de cette certitude ? Un banal constat de bon sens : je suis un subalterne avec une petite autorité. Et pourtant quand je donne un ordre, cela met en branle mes subordonnés, mon esclave, mon ordre est exécuté.

Une parole qui agit

Alors Jésus, cet homme puissant entre tous, capable de si grandes choses, est certainement capable de commander à la maladie de partir et elle va disparaître.
Une parole de Jésus, ce n’est pas de l’air remué, un moyen de faire patienter ou même de tromper ; ce n’est surtout pas quelque chose qui remplace l’action. Quand elle est prononcée par Jésus, qui veut ce qu’il dit, cette parole produit son effet. C’est ainsi que Dieu agit, c’est ainsi qu’il a tout créé et il continue à tout soutenir par sa parole puissante : Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Psaume 33.8-9.

Et c’est ce qui se produit, aussitôt, à l’heure même. Peu avant déjà un lépreux avait dit à Jésus une parole à peine moins magnifique : « Si tu le veux, tu peux me rendre pur ». Il suffit que tu veuilles une chose, c’est la seule condition et alors plus rien ne s’y opposera, la chose arrivera certainement. Et elle s’est faite aussitôt. Et le centenier, lui aussi, reçoit aussitôt l’exaucement de son attente, la réalisation de sa foi.
A l’heure même !

Avec sobriété, sans enfumage

Mais notez le bien : il n’y a aucune apparition, aucun phénomène surnaturel dans le ciel, aucun tremblement de terre. Cette totale sobriété presque trop discrète est la marque de fabrique de l’action de Dieu, pour qui le but est d’aider, d’exprimer sa grandeur, son amour et non pas d’épater. En revanche les phénomènes sensationnels sont souvent la marque d’enfumage de Satan pour masquer ses tromperies, voire son impuissance.

3. La déclaration des versets 10 à 12

Jésus impressionné par l’amour et la foi du centurion

Jésus fut émerveillé de la réponse du centurion : ce verbe très fort n’est employé qu’ici à propos de la foi et venant d’un païen, alors que Jésus bute très souvent à l’incrédulité des juifs. Il est impressionné de cette magnifique combinaison d’amour véritable, d’humilité, de perspicacité et de confiance.

C’est pourquoi il accorde à l’heure même la guérison souhaitée, mais il y ajoute cette explication également très forte et solennelle : ce païen compte de manière pratique et absolue sur la puissance de Jésus et une telle foi dépasse largement celle que Jésus a l’habitude de trouver parmi les juifs,= les héritiers en titre du royaume de Dieu.

Une fenêtre ouverte sur l’avenir de l’humanité

Cet exemple de foi si ferme l’amène à ouvrir brièvement une fenêtre sur l’avenir de l’humanité auprès de Dieu, en s’inspirant d’Esaïe 25.6-10 .

Rassemblement mondial des Juifs ? pas seulement !

Les juifs en ont retenu qu’un jour Dieu rassemblerait les siens de l’Orient et de l’Occident = pour eux c’est la formule classique annonçant le rassemblement mondial des juifs. Les siens, ce seraient naturellement les juifs, tous et eux seuls. Il seraient réunis avec leurs patriarches pour un formidable banquet organisé par Dieu et réservé à eux, alors que les païens seraient jetés dans les ténèbres du dehors (v.12b).

Pour tous les peuples, donc aussi pour les païens qui lui font confiance

Vous avez noté où est l’erreur, la falsification de l’annonce d’Esaïe ? Cet avenir n’est nullement réservé aux juifs, même si la scène se situe bien sur cette montagne, Sion. Esaïe envisage en fait tous les peuples, tout comme Jésus, qui y inclut donc le centurion et tous ceux qui lui font la même confiance. Pour les auditeurs juifs de cette déclaration, c’est le 1er choc : les païens réunis avec les juifs et même avec les patriarches et souillant donc toute cette assemblée par leur présence !

Un renversement des rôles

Mais il y a un 2ème affront, bien pire : ceux qui seront jetés dehors, où il y aura…, « des pleurs et des grincement de dents »  ce sont des juifs, de ceux qui auraient dû hériter du royaume, s’ils avaient reconnu et accueilli le Messie pour mettre toute leur confiance en lui, comme ce centurion ! Quel renversement complet des rôles et cela pour faire l’éloge d’un païen comme authentique croyant, capable d’impressionner le Messie lui-même par sa foi !

Attention aux interprétations biaisées !

Nous arriverait-il peut-être aussi, comme aux juifs, face à un texte biblique, d’y lier automatiquement et inconsciemment une interprétation, certes courante, mais non vérifiée sérieusement et en fait biaisée par un préjugé confessionnel ou culturel ?

Juste deux exemples. Dans les années 1960-70 un chrétien évangélique ne devait surtout pas faire autre chose que d’annoncer l’Évangile pour donner à autrui envie de s’approcher du Seigneur. Toute action sociale était vue comme une perte de temps inspirée par le monde. Et un autre exemple, plus délicat : est-il biblique et même conforme à la pensée de Paul qu’à l’église le rôle d’une femme se limite à écouter et au maximum prier à haute voix ?

Réuni avec les croyants du monde entier !

Imaginons maintenant l’effet que ces paroles de Jésus ont dû produire sur le centurion.
D’abord ce magnifique éloge de sa conception de la foi : oui, c’est Jésus lui-même qui le confirme : une simple parole de sa part transformera totalement une vie quand elle est accueillie avec confiance. Ensuite Jésus lui ouvre une extraordinaire perspective d’avenir : être réuni par Dieu avec les croyants du monde entier et en particulier avec les patriarches, ces modèles de la foi. Se réjouir ainsi avec tous ceux qui croient comme lui, sans plus aucune discrimination.

Quel accueil de la part de Dieu, comparé aux préjugés et au mépris général de la part de ceux qui se déclarent le peuple de Dieu ! Enfin recevoir à l’instant même la totale guérison de son esclave qui est pour lui plus un ami qu’un serviteur. Et cela simplement en réponse à une déclaration de foi. Celle-ci a dû être galvanisée comme jamais encore.

Aujourd’hui, inflation et dévaluation de la parole

Nous vivons dans un environnement marqué par deux phénomènes parallèles également désolants. Il y a d’un côté la formidable inflation de paroles plus ou moins publiques. Tout le monde communique avec tout le monde, mais pour communiquer quoi et provoquer quel effet ?

De l’autre il y a une tout aussi galopante dévaluation de la parole publique. Quand un personnage public dit trois phrases, on entend à peine le message et déjà on se demande pourquoi il dit ça et pas plutôt autre chose, ce qu’il cache, ce qu’il veut faire oublier.

Faire confiance à Dieu

Or nous, chrétiens, nous pouvons et devons encore témoigner à Dieu une totale confiance en ce qu’il dit, cela a même une autorité absolue qui mérite la confiance totale et naturelle que lui accordait le centurion.

En conclusion, juste quelques  points frappants :

– Comment agissons-nous envers nos propres déclarations et promesses ? Que valent-elles dans l’esprit de notre prochain ?

– La majesté de Dieu ne veut pas épater les yeux, mais toucher le cœur par une parole parfaitement confirmée ensuite par les actes. Et une parole lui suffit pour restaurer une situation même désespérée, quand elle rencontre une sincère confiance.
– C’est une parole du Créateur qui va s’abaisser jusqu’aux humbles et aux exclus de la bonne société. Il se plaît à relever, encourager des personnes qui se croient totalement disqualifiées pour une attention de sa part. Il sait aussi reconnaître la foi la plus timide.
– Ne s’agit-il pas là d’avertissements pour nous éveiller à rejeter tout préjugé classique et nous laisser utiliser par lui d’une manière ou dans un environnement inattendus ?

J.-J. Streng

Impact de la résurrection pour le chrétien et pour l’Eglise

Importance de la résurrection

Dans le chapitre 15 de sa première lettre aux Corinthiens l’apôtre Paul démontre l’impact de la résurrection, son importance fondamentale et même fondatrice pour l’Église et pour le chrétien. Et si nous ne fêtons qu’une fois par an l’événement de Pâques, c’est chaque jour jusque dans l’éternité que nous nous réjouissons, que nous vivons de ses conséquences.

Pour nous aider à nous affermir dans la vie nouvelle apportée par le Ressuscité, méditons sur trois des profondes nouveautés introduites par la résurrection pour le chrétien.

Et si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus. Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes.

Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts; Car, puisque la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’est venue la résurrection des morts. 

Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun en son rang. Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent à Christ, lors de son avènement. 

Ensuite viendra la fin, quand il remettra le royaume à celui qui est Dieu et Père, après avoir réduit à l’impuissance toute domination, toute autorité et toute puissance. Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. 1 Corinthiens 1.17-25

1. Notre manière de voir la croix

Une annonce stupéfiante

Le ministère de Jésus se développe et dans les foules l’idée se fait jour qu’il pourrait être le Messie. Et voilà que Jésus annonce aux douze que ce ministère va connaître une fin brutale. Il va être mis à mort par les autorités religieuses du pays. Il ajoute même qu’il faut que les choses se passent ainsi! Difficile d’imaginer des paroles plus stupéfiantes, incompréhensibles, révoltantes !

Une annonce impossible à envisager

Comment envisager que leur Maître qui fait tant de bien, soit torturé à mort par ceux-là même qui avant tout autre, devraient reconnaître en lui le Messie attendu par tout Israël et lui réserver un accueil digne du Fils de Dieu ?

Alors les disciples ou bien n’arrivent pas à entendre ces paroles, même quand il les répète, ou bien par l’intermédiaire de Pierre, ils s’insurgent pour dire qu’il ne peut en être question, qu’ils ne peuvent se résoudre à un tel scandale.

Une réaction compréhensible des disciples

S’ils se révoltent, c’est par affection pour lui, c’est par égard pour son ministère qui, comme celui de Jean-Baptiste, ramène les gens à ce qui est central dans la foi juive. C’est vrai aussi qu’ils ont complètement bousculé leur mode de vie pour se consacrer à plein temps à leur Maître.

Alors que deviendront-ils, devront-ils peut-être même subir la même honte de la crucifixion ? Avant et pendant la Passion ce spectre effrayant de la Croix ne pouvait être qu’une intolérable injustice, la honte totale pour l’homme le plus noble qui ait jamais vécu sur terre. Et dire que le maître va résolument à Jérusalem, vers ce qui ne peut-être qu’un échec infamant, alors qu’à vues humaines c’est encore tout à fait évitable !

Et quand à Gethsémané,  ils voient même leur Maître aller au-devant de ses bourreaux, le désespoir et la panique les saisissent, tout leur semble perdu et ils ne pensent plus qu’à sauver leur propre vie, abandonnant le Maître.

Un échec apparent

L’histoire ultérieure abonde en déclarations soulignant cet énorme échec. Ses assassins se moquent : « Dire qu’il a sauvé les autres et qu’il est incapable de se sauver lui-même ! »

Celse, un adversaire romain du christianisme, raillait cette religion d’esclaves qui prétend que le salut peut venir d’un supplicié sur une croix. Beaucoup, même au 21e s. s’insurgent contre cette religion sanguinaire qui continue à prôner un sacrifice sanglant.

Trois jours après, une majestueuse résurrection

Or cette mort tragique a été suivie, trois jours après, d’une majestueuse et irrésistible résurrection. Elle est attestée en particulier par les efforts désespérés des autorités pour la dissimuler.

Et quelques semaines plus tard le langage des apôtres, leur vie-même est totalement transformée. La Croix n’est plus la chose horrible à laquelle on ne peut se résoudre à penser, elle est au centre d’une proclamation publique que Pierre fait à des milliers de juifs venus du monde entier.

Pierre glorifie son Maître crucifié et ressuscité, il déclare que cette Croix faisait partie du plan éternel de Dieu et que Dieu a approuvé ce Jésus crucifié en le ressuscitant et en l’élevant dans la gloire. Paul s’écrie qu’il n’en a aucune honte, mais qu’il en est fier : 1 Corinthiens. 1.18, 21-24 ; 2.2.

Une nouvelle manière de voir la croix

Les retrouvailles heureuses avec le Seigneur ressuscité les ont fait reconsidérer la Croix à la lumière des déclarations précédentes de Jésus et de l’Ancien Testament à son sujet.

Et voilà que cet affreux instrument de supplice romain devient le symbole-même de l’amour de Dieu pour l’humanité pécheresse. L’outil de la bassesse et de la perversité des hommes devient la démonstration de l’amour de Dieu, de sa volonté de pardon, de sa puissance de vie. Elle nous rappelle notre péché et notre condamnation, mais aussi que Jésus y a pris notre place et nous a ainsi entraînés par son amour dans une vie qui ne cessera plus, avec lui.

2. Suprématie du spirituel sur le matériel

Envisager la dimension spirituelle

Une des difficultés du Seigneur en annonçant la venue du royaume de Dieu, ce fut souvent d’arriver à amener son auditoire à quitter le niveau du tangible, du matériel pour envisager la dimension spirituelle des choses.

Son public juif enfermait sa réflexion dans le domaine matériel, ce qui fait que le levain des pharisiens était le produit pour faire lever la pâte à pain qu’on achetait dans un magasin appartenant à un pharisien. Il ne comprenait que difficilement que c’était aussi bien la mentalité légaliste de propre juste typique des pharisiens qui se considéraient comme les seuls purs dans la peuple juif. Même un intellectuel comme Nicodème ne voit pas comment on pourrait naître de nouveau, puisqu’il faudrait, pour cela, retourner dans le ventre de sa mère.

Comprendre comment fonctionne la foi

C’est bien aussi le problème de notre culture athée française qui se vante de ne croire que ce qu’elle voit et considère comme irréel, illusoire tout ce qui n’est pas de ce niveau.

Or si on comprend correctement Hébreux 11.1, on peut y voir le mode de fonctionnement de la foi, de ce que j’appellerai le sixième sens, propre au chrétien, qui lui permet de percevoir un monde de réalités complémentaire à celui des cinq sens.

La foi lui ouvre là un domaine au moins aussi réel, riche et varié que le premier, mais profondément déterminant pour sa destinée éternelle et donc aussi terrestre. Et dire que ceux qui nient cette réalité se moquent de ce qu’ils appellent nos rêveries, notre irréalisme et se disent les seuls réalistes !

Priorité du spirituel, importance du matériel

Jésus exhorte ses disciples à chercher d’abord le Royaume de Dieu et sa justice = à donner la priorité à la dimension spirituelle de leur vie, à faire passer devant tout le reste ce qui a vocation éternelle.

Mais il ne dit pas que les choses matérielles sont méprisables, sans importance, comme le déclare la pensée platonicienne grecque. Il n’en sous-estime pas l’importance, il veut simplement que ces choses matérielles ne masquent pas, ne fassent pas passer à côté de ce qui est prioritaire et même vital. Bien loin de mépriser le matériel, il dit que celui qui ordonne correctement ses priorités, recevra de Dieu lui-même le matériel en supplément.

Oui, on peut aussi confier à Dieu de petits problèmes pratiques, Dieu en prendra également soin, puisqu’il s’agit toujours de ce qui concerne son enfant. Lorsque Jésus ressuscité reprend contact avec ses disciples, au bord du lac où ils ont pêché, il ne leur a pas préparé un grand exposé sur le ciel, mais un solide petit déjeuner et les invite même à y contribuer avec le produit de leur pêche (Jean 21).

La résurrection de Jésus apporte une confirmation éclatante à son enseignement sur la supériorité du spirituel sur le matériel, quand il disait de ne pas craindre ceux qui peuvent tuer le corps, mais pas plus. Il est ressuscité, ses ennemis n’ont pas pu l’éliminer. Et comme il est ressuscité spirituel, ils n’ont même plus de prise sur lui.

Corps et âme créés par Dieu

Mais il est aussi ressuscité avec un corps. Et ce corps est un vrai corps, capable de manger comme le nôtre, avec en plus d’autres capacités que nous n’avons pas sur terre. Ce corps a autant de prix que l’âme aux yeux de Dieu qui les a créés l’un comme l’autre.

C’est ce que Jésus avait déjà illustré dans son ministère, quand il libérait tantôt une personne de l’emprise spirituelle d’un démon, tantôt une autre handicapée physiquement par la paralysie ou une maladie. Il se préoccupe du corps comme de l’âme. Mais le corps n’a pas d’avenir sans l’âme et l’âme doit d’abord être régénérée pour que le corps puisse l’accompagner, transfiguré, dans la vie éternelle.

Vocation du chrétien : une sanctification progressive

Et parce que le spirituel prime sur le matériel, la vocation du chrétien sur terre, ce n’est pas d’abord d’être indemne de toute maladie, comme certains le prêchent. Ce n’est pas non plus d’être dégagé de tous les problèmes matériels, d’être riche, selon un enseignement à la mode dans certains pays. Certes Dieu peut accorder ces bienfaits, mais cela n’a rien de systématique.

Ce que Dieu attend du chrétien

En revanche ce qu’il attend de chaque chrétien sans exception et qu’il veut aussi accorder à chacun, c’est une vie de pureté, de sanctification progressives, en étroite relation suivie avec lui. « Sans la sanctification, nul ne verra le Seigneur ! » nous avertit-il en nous invitant à prendre sur nous son joug qui n’est pas pénible, car il est un Maître doux et humble de cœur.

En effet il est aussi le Dieu qui ne se lasse pas de pardonner à ceux qui veulent vivre sous sa direction. La preuve en est justement la résurrection qui pose le sceau de l’approbation du Père sur l’œuvre d’expiation accomplie par le Fils.

Supériorité de l’amour sur l’égoïsme

Par son exemple pratique il avait aussi enseigné la supériorité de l’amour sur le souci de soi-même, la priorité du sacrifice pour autrui sur l’égoïsme obtus. Non seulement on ne l’a pas cru, mais on n’a pas supporté cette attitude et on l’a assassiné.

Mais la résurrection confirme magnifiquement cette vision de la vie et la supériorité d’une vie consacrée aux autres, jusqu’au sacrifice. Il a démontré ainsi qu’une vie prend une valeur éternelle si elle n’a pas été fermée sur elle-même, mais consacrée aux autres.

3. Une toute nouvelle manière de voir Jésus-Christ

La résurrection a aussi conduit les disciples à voir Jésus sous une tout nouveau jour.

Un long chemin avant la croix

Jusqu’où étaient-ils parvenus avant la Croix ? C’est vrai qu’ils avaient parcouru un long chemin. Ce rabbin si atypique dont ils avaient fait leur Maître, ils l’avaient découvert comme homme, ils s’étaient attachés de plus en plus à cet enseignant qui vivait ce qu’il prêchait, qui s’inquiétait d’abord des personnes et non des coutumes culturelles ou religieuses.

Ce qu’ils l’entendaient dire, ce qu’ils le voyaient faire, les a peu à peu amenés à l’idée qu’il devait être le Messie, à une conviction au moins intellectuelle, comme Pierre va l’exprimer au nom de tout le groupe.

L’intervention du Saint-Esprit

Mais ce n’était pas encore une certitude spirituelle, qui transforme la vie de celui qui la porte. Pour cela il a fallu ce dont nous avons besoin, nous aussi : Luc 24.45-47.

Cette intervention du Saint-Esprit après la résurrection change totalement leur perspective. Jésus n’est plus seulement le Messie d’Israël, il est désormais, comme le confesse Thomas, mon Seigneur et mon Dieu, dans une relation personnelle d’une qualité toute nouvelle. Chacun désormais parle du Seigneur Jésus-Christ, une désignation nouvelle, et lui-même les appelle maintenant ses frères.

Pas seulement servir  le Christ mais l’accueillir

Il ne s’agit plus seulement de le servir extérieurement comme Maître, mais de l’accueillir dans l’intimité de sa vie comme l’inspirateur de toute chose, comme celui qui dirige de l’intérieur et fait de plus en plus ressembler à lui-même la personnalité qu’il anime ainsi.

Ce cheminement de purification, de sanctification progresse selon le mot d’ordre « Christ en nous, l’espérance de la gloire ». La conversion l’a greffé sur Christ, il va s’enraciner peu à peu en lui par un lien organique qui le fait croître en Christ et porter des fruits pratiques.

Jésus-Christ chef de l’Eglise

La Croix et la résurrection ont aussi fait de Jésus le premier-né d’entre les morts, la tête de file d’une humanité nouvelle, le chef d’un peuple de Dieu d’un nouveau genre, la tête du corps qu’est l’Église. Habités par le Christ, comme on vient de le voir, et animés de son amour qui les a régénérés, les membres de cette Église répandent la bonne odeur du Christ en paroles et en actes, faisant grandir ainsi de plus en plus ce nouveau peuple de Dieu.

Majesté cosmique du Christ

A ces deux dimensions nouvelles sur le plan individuel et communautaire la résurrection ajoute aussi la découverte de la majesté cosmique de Jésus comme Co-créateur : Colossiens 1.15-20 ; Ephésiens 1.10,14c. Ce sont là de courts extraits de deux développements où Paul élève son regard à l’impact universel de l’œuvre de Jésus à la Croix, à l’effet produit par la victoire de la Croix sur la totalité de la Création. On retiendra juste quelques points majeurs :

– toute la Création a été faite en lui, par lui et pour lui : il est sa raison d’être, donc aussi la mienne ;
– il en est le Premier-né = il est au-dessus de tout ce qui existe, avec le rang le plus élevé qui soit ;

Un ré-agencement de l’univers, centré sur le Christ

– dans le plan de Dieu tout l’univers sera dirigé vers lui en un complet ré-agencement, une toute  nouvelle organisation de toute chose centrée sur lui, comme tête de la Création ; tout cela est devenu possible parce que par sa Croix il a éliminé le corps étranger du péché ;
– en lui réside pleinement et corporellement l’infinie richesse de Dieu = il est donc dans la nouvelle Création réorganisée celui qui constitue en lui-même la parfaite présence de Dieu.

Dans l’Ancienne Alliance le croyant trouvait sa raison d’être dans sa fidélité à l’alliance établie par Dieu avec son peuple, il pouvait alors même être appelé l’ami de Dieu. Dans la Nouvelle Alliance Dieu accorde au chrétien une nouvelle nature, celle d’enfant de Dieu en qui il vient faire sa demeure avec son Fils. Celui-ci est le garant d’une alliance meilleure (Hébreux 7.22), parce qu’elle n’est plus à la merci de la fragilité et de l’infidélité des hommes.

Tout désormais est centré sur l’œuvre de Jésus à la Croix et sur sa résurrection. Il est pleinement Dieu, mais aussi parfaitement homme et se trouve donc dans une relation toute nouvelle et plus étroite avec la nouvelle création qu’il préside et où nous sommes, avec tout ce qui existe, ceux qui célèbrent sa gloire.

J.J. Streng