Étiquette : relation avec Dieu

Estime de soi chrétienne et responsable

Estime de soi chrétienne et responsable

L’Évangile invite le chrétien à une approche responsable et chrétienne de l’estime de soi. Il accepte les thérapies justes comme « un effet de la grâce commune » [1]. Il tient compte des exigences de l’Evangile dans les domaines du renoncement à soi-même, des absolus moraux, de la réalité du péché et du salut par grâce.

Relation avec Dieu faussée par le péché

Le péché, c’est le désir d’être comme Dieu, « refus d’admettre les limitations humaines ». Cela fausse notre relation avec Dieu et notre perception de nous-mêmes. Une affirmation des valeurs humaines non fondée en Dieu, est incompatible avec la foi chrétienne. Le péché n’est pas « un manque d’accomplissement de soi ». C’est une rupture avec Dieu que seule la croix du Christ peut rétablir.

Le monde est affecté par le péché. Il est rempli de pécheurs, « qui ne s’intéressent qu’à eux-mêmes et à leurs intérêts proches ou lointains ». Parfois, cet égoïsme peut susciter en eux des sentiments de culpabilité.

Limites du raisonnement rationnel

Certaines thérapies séculières rejettent les sentiments de culpabilité et la repentance pour promouvoir une santé mentale fondée sur la raison. Mais « le raisonnement rationnel » n’empêche ni l’immoralité…ni l’inacceptable, comme les camps nazis ou autres exactions plus actuelles…

Mieux vaut le réalisme biblique à propos de la nature humaine séparée de Dieu par le péché mais invitée, par la foi en l’œuvre du Christ, à retrouver la communion avec lui et de bonnes relations avec les autres, que le rejet de la repentance par les thérapies séculières qui empêche « de faire face au passé », de le savoir résolu et de recevoir le pardon.

Réalisme chrétien

Contrairement à un optimisme sans fondement, le « réalisme chrétien » reste lucide devant la réalité et la gravité du péché. Il insiste sur le renoncement à soi, central « dans toute pensée chrétienne relative à la sainteté ».

Il s’oppose à la recherche de l’autosuffisance, « caractéristique de la nature déchue ». Cette autosuffisance est renforcée par la société occidentale moderne, avide de réussite individuelle à tout prix. Elle est vue comme une « composante vitale de l’estime de soi » par la place qu’elle peut procurer dans la société.

Pour S. Augustin, « notre liberté naturelle est un autonomie contrefaite ». C’est en servant Dieu que nous sommes vraiment libres.
Pour le chrétien en effet, l’échec peut contribuer à une meilleure connaissance de soi-même, de sa faiblesse. On place alors sa confiance en Dieu plutôt qu’en ses capacités . Pour la doctrine chrétienne de la grâce, « notre acceptation, par nous-mêmes ou par Dieu ne dépend, en aucun cas de ce que … nous faisons ». Par la croix, « Dieu supprime » la culpabilité qui nous aliénait. Et « il affirme notre valeur » en dehors de tout mérite. …

La croix, fondement objectif de l’estime de soi

Comment Dieu peut-il pardonner le péché ? C’est une transgression si grave et si profonde de l’ordre moral et légal qu’elle a perverti la création et conduit à la crucifixion ? Seule l’intervention divine peut sortir l’homme et la nature de cette accumulation aliénante de péché et de culpabilité.

La croix permet cette libération. Elle change notre relation avec Dieu, elle enlève la barrière de séparation pour nous réconcilier avec lui. Dieu seul a pu ôter « la culpabilité et la puissance du péché de l’homme ». Par la foi, nous recevons « tout ce que le Christ a acquis par la croix, le pardon total et gratuit des péchés », et sa justice parce que nous faisons partie de l’alliance qu’il représente entre Dieu et l’humanité.

L’Évangile reconnaît la réalité et la gravité du péché. Il y répond par la croix, « support objectif de l’estime de soi chrétienne » et fondement de la justification par la foi qui consiste à « accepter d’être accepté tout en étant inacceptable »

Lien entre l’oeuvre de Dieu à la croix et l’estime de soi

Quelques images du Nouveau Testament explicitent le lien entre l’œuvre de Dieu à la croix et l’estime de soi. L’image de la rançon payée par le Christ pour nous libérer du péché et de la mort montre notre valeur devant Dieu ; de même la réconciliation « avec un Dieu connu et aimé permet « d’affronter l’avenir ».

Comprendre la portée du salut, délivrance du péché et restauration de l’intégrité de la personne, « peut nous valoriser selon une optique chrétienne correcte ».

Le péché n’a pas « définitivement tué l’idée d’estime de soi

Pécheurs pardonnés, en voie de renouvellement, nous pouvons avoir « une certaine estime de nous-mêmes en nous projetant dans notre avenir de racheté complet, au-delà de notre condition présente de pécheur ».

La justification par la foi dépend de deux causes extérieures : l’œuvre du Christ et la foi, « produite … par Dieu », qui excluent l’idée de se justifier par des performances. Elle permet « une relation adéquate avec Dieu » et nous accorde de la valeur devant lui.
« L’existence du péché – reconnu et confessé – n’annule pas notre statut de chrétien ». Mais il faut abandonner l’idée irréaliste de se croire parfait et de considérer l’imperfection comme une tare inadmissible.

Nous pouvons reconnaître notre imperfection tout en nous réjouissant de notre transformation future à l’image de Jésus Christ. Avoir conscience du péché exprime l’équilibre entre la lutte incessante contre le péché et la justification par la foi.

Paternité de Dieu

Même imparfaite à cause de la chute, la paternité humaine est une image de la paternité de Dieu, manifestée dans la relation accordée par Dieu à la création. Cette appartenance à Dieu comme Père est essentielle pour l’estime de soi.

Comme un Père, Dieu pourvoit à nos besoins [Matthieu 6.25-31], et il nous accepte sans conditions. Il nous guide et nous instruit avec les règles claires de sa Parole et ce sentiment de sécurité, fondé sur l’amour qu’il manifeste pour nous, contribue à notre développement. Dieu souffre aussi de notre manque d’intérêt et se réjouit de notre réconciliation avec lui comme dans la parabole du Fils prodigue de Luc 15.

Analogie de l’être : principe théologique de la paternité de Dieu

Le principe théologique de la paternité de Dieu ou analogie de l’être est expliqué par Thomas d’Aquin : Dieu se révèle en tenant compte de notre expérience et de nos limitations. On peut se représenter Dieu comme un père, source de notre existence ou comme un berger qui prend soin de nous.

Même si l’arbitraire de certains chefs risque de ternir l’image que certains se font de Dieu comme roi, l’image de Dieu reste surtout liée à sa compassion de père et à sa sollicitude de berger. Un chef dévoué et intègre, une père exerçant l’autorité dans la justice et l’amour, un pasteur pratiquant le don de soi reflètent le composantes de la réalité divine et aident à reconstruire les images déformées de Dieu données par certains pères.

Content en toutes circonstances : la vie du racheté

La lettre aux Philippiens indique les bases d’une estime de soi chrétienne juste, en particulier pour les chrétiens qui se déprécient eux-mêmes. Devenir serviteurs de Dieu [Philippiens. 1.1] donne la véritable liberté, de l’esclavage de maîtres inférieurs (le péché, la mort et le monde) au service du Christ.

Tout en reconnaissant sa culpabilité devant Sieu, le chrétien met sa confiance dans ses promesses. Il rendra parfaite la maturation de sa vie chrétienne commencée à la conversion.

La prison vécue par l’apôtre Paul est en soi dévalorisante. Mais les chaînes pour le Christ [Philippiens 1.13] lui donnent dignité et valeur. Notre estime personnelle ne dépend pas de notre situation mais de la manière dont nous laissons Dieu en tirer parti. Aux chrétiens qui se croient inutiles et sans intérêt pour le service, l’apôtre rappelle que Dieu choisit ce qui est faible et insensé [1 Corinthiens 1.26-29] selon ses critères et non selon ceux du monde.

Se dévaluer n’est pas seulement de la fausse modestie. C’est un déni de  la générosité de Dieu, qui risque de nous rendre inaptes au service. Un chrétien ne manque pas de dons ou de talents[1 Corinthiens 4.7 et Matthieu 25.14-30 ] mais il lui faut les découvrir et les exercer dans une perspective responsable, pour l’édification de l’Eglise et pour le témoignage dans le monde.

Dons, humilité et vraie valeur

Les dons posent aussi la question de l’humilité chrétienne.[Philippiens 2.1-11]. Elle n’est pas une dépréciation de soi mais une juste valorisation des autres, aimés comme soi-même[Matthieu 22.35-40] et reconnaissant que tout nous vient de Dieu.

Le Christ donne une nouvelle dignité à la nature humaine qu’il a estimée digne d’être sauvée. Il s’est humilié volontairement, se dépouillant de sa gloire céleste pour venir en serviteur à notre niveau et nous élever ensuite au sien.

La croix, critère de l’estime de soi

A la lumière de la croix du Christ, tout ce que le monde peut offrir sombre dans l’insignifiance [Thomas A Kempis, auteur au 15e s  de l’Imitation de Jésus Christ]. Elle est donc le seul critère incontournable permettant d’évaluer l’estime de soi ou des autres.

Paul oppose ensuite une estime de soi issue des privilèges familiaux ou nationaux – la justice de la loi accomplie – ou des réalisations personnelles et la véritable estime de soi fondée sur la foi en Christ, comme Jésus lui-même l’a enseigné dans la parabole du pharisien et du péager [Luc 18. 10-14].

Cela ne signifie pas dévaloriser nos œuvres mais être libérés de l’illusion de pouvoir acheter, par notre perfection, notre ticket d’entrée dans la présence de Dieu. Le regard qu’il porte sur nous, et non l’évaluation d’autrui construit une estime personnelle équilibrée, indépendante des œuvres et des performances.

Pour l’apôtre, les notions mondaines d’estime de soi et de valeur personnelle et la recherche de performances sont dérisoires, face à la dignité accordée par le Christ ; elles risquent même de nuire à la construction d’une estime de soi juste et robuste.

Car la valeur du chrétien vient de ce qu’il a été appelé et revendiqué par le Christ. Son estime de soi, est liée à l’action de Dieu. Car il l’a racheté par la croix et la résurrection du Christ. Ainsi la promesse de transformation future à l’image du Christ est indépendante des critères d’évaluation du monde. La confiance dans l’amour de Dieu et dans le jugement de valeur qu’il porte sur nous est une garantie contre le désespoir et le sentiment d’impuissance. C’est aussi une composante essentielle de la joie chrétienne.

L’encouragement en Christ : la vie de l’Eglise

Il s’agit de comprendre psychologiquement le problème de la personne, même difficile à supporter. Alors une écoute empathique, attentive et respectueuse, une acceptation inconditionnelle sont indispensables pour comprendre.

La prière de remerciement pour les dons d’un autre, la prédication d’encouragement plutôt que le reproche, valorisent et encouragent les faibles et les fragiles. Leur valeur devant Dieu ne dépend pas leurs compétences particulières mais de leur attachement au Christ. Il est la tête d’un corps spirituel dont les membres s’estiment mutuellement à travers leurs fonctions différentes.

L’enseignement peut aider à la valorisation de ceux qui attribuent tous leurs succès à Dieu et leur échecs à eux-mêmes. Nous sommes incontestablement des pécheurs. Mais Dieu nous accorde de la valeur. La doctrine de la grâce ne cherche pas à nous humilier. Elle nous incite à valoriser nos œuvres, et celles d’autrui, sans nous appuyer sur elles. Voyons les comme fruit de la foi, don de Dieu qu’il accomplit par nous, et par eux pour le bien de l’Eglise.

Dieu enseigne et accomplit aussi son plan à travers l’échec. Il ne faut donc pas l’attribuer à des fausses raisons, à une estime de soi négative. « Je n’ai pas réussi parce que je suis un bon à rien ». Mieux vaut  prendre en compte les causes réelles et vraiment utiles, une différentiation que le responsable peut aider à établir.

Estimer ou valoriser une personne ne signifie pas fermer les yeux sur ses faiblesses et son péché. C’est plutôt l’encourager à avancer, en se fixant sur le présent et pas seulement sur le passé. Celui-ci peut parfois donner certaines explications à des troubles actuels. La critique des autres, difficile à accepter mais indispensable à la vie chrétienne favorise l’examen de soi et la croissance.

Elément essentiel du ministère pastoral, une critique utile et constructive se fonde sur la connaissance de l’autre. Nous sommes critiqués par Dieu qui nous connaît. Elle implique un engagement vis à vis de l’autre. Dieu se tient à nos côtés pour nous aider à accomplir son projet pour nous. Elle s’inscrit dans le contexte de l’estime et de la valorisation d’autrui.

Témoigner de l’estime rend plus réceptif aux critiques justifiées. La critique n’est pas une fin en soi. Elle fait comprendre la réalité du péché  pour rendre réceptif à la grâce, pour aider à découvrir ses dons.

L’Eglise est un lieu de valorisation des uns par les autres, d’estime pour chacun. Elle est libre des critères de valeur du monde car elle est le corps du Christ. C’est une communauté qui protège ses membres. Elle prend soin des plus faibles avec le souci du bien-être de tous. Chacun reçoit dignité et valeur.
Disponibilité, acceptation, estime mutuelle ne sont pas toujours faciles. Il vaut mieux nous voir à la fois comme pécheurs et comme sauvés en Christ. Cela aide à la sincérité et à l’empathie les uns pour les autres.

[1]Attitude favorable de Dieu envers l’humanité en général et pas seulement envers les chrétiens (Matthieu 5.45).

C.Streng

L’idolâtrie, une relation faussée avec Dieu. Les remèdes ?

Avertissement contre l’idolâtrie dans la première lettre de Jean

La première lettre de Jean frappe le lecteur par le ton d’affection de l’auteur envers ses correspondants. Il s’adresse à eux par des expressions comme « mes petits enfants, mes bien-aimés, mes chers enfants ».

Sa conclusion revêt une force particulière. Il répète trois fois « nous savons » pour rappeler quelques fondements de l’assurance chrétienne en Jésus. Et puis tout à la fin vient un avertissement surprenant contre l’idolâtrie qui a l’air de n’être pas du tout à sa place là.

1 Jean 5 : 17-21

Toute désobéissance à la Loi est un péché, certes, mais tous les péchés ne mènent pas à la mort. Nous savons que celui qui est né de Dieu ne commet pas le péché qui mène à la mort, car le Fils de Dieu le protège. Aussi le diable ne peut-il rien contre lui.  

Nous savons que nous appartenons à Dieu, alors que le monde entier est sous la coupe du diable. Mais nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu et qu’il nous a donné l’intelligence pour que nous connaissions le Dieu véritable.

Ainsi, nous appartenons au Dieu véritable par notre union à son Fils Jésus-Christ. Ce Fils est lui-même le Dieu véritable et la vie éternelle. Mes chers enfants, gardez-vous des idoles

1. Adam dans la création

Dans le vaste domaine d’Eden, avant l’irruption du péché, les deux êtres humains jouissaient d’une double relation bienfaisante :

–  envers la création : Dieu les a bénis comme gérants de tout ce qu’il a créé ; ils en reçoivent la maîtrise, la gestion sous l’autorité du Créateur ;
–  envers le Créateur : il entreprend avec eux une relation directe spontanée d’affection et de confiance réciproques. Ils regardent à lui comme celui qui les aime, qui soutient et maintient tout le créé. Et ils lui rendent naturellement compte de leur gestion.

Cette gestion est leur occupation quotidienne, leur métier. Elle donne pratiquement un sens à leur vie, parce que c’est une activité intéressante dont ils voient l’utilité. Et la relation régulière, habituelle avec leur Créateur donne un sens spirituel, moral à leur vie, une raison d’être, une motivation, une joie de vivre et d’agir.

Cette activité est un moyen d’exprimer au Créateur leur attachement, leur joie de travailler sous son autorité. Elle est source d’épanouissement pour les trois dimensions de leur personne :

– matérielle : ils font un travail intéressant, varié. Ils en voient le résultat et en profitent.
– morale : ça a un sens d’entretenir toute cette création que Dieu leur a confiée. Elle en devient plus belle, plus productive. C’est gratifiant et ça donne envie de continuer encore mieux.
– spirituelle : se voir confier par le Créateur lui-même une si belle et grande responsabilité donne un riche sens à la vie. Cela inspire l’adoration et la consécration.

Ce statut épanouissant comporte deux aspects majeurs.

Leur position d’autorité de gérants de la création et leur relation de confiance dans le Créateur donne un sens à leur vie. Mais tout cela n’est pas seulement un beau souvenir d’un paradis perdu qui remplit de nostalgie, de douleur de ne pas pouvoir y revenir.

C’est notre avenir, lorsque le Seigneur nous prendra avec lui. En fonction du service accompli sur terre, chacun se verra alors confier une responsabilité dans la nouvelle création, une tâche qui aura les trois caractéristiques vues à l’instant.

2. La perturbation par le péché

Le péché, ce n’est pas d’abord faire tel acte interdit par Dieu. L’homme fait des choses qui déplaisent à Dieu parce qu’il a une relation inexistante / faussée avec Dieu.

Le péché, c’est d’abord la manifestation pratique d’une relation faussée, tordue par la rébellion envers lui, le refus de lui faire confiance et de lui donner la place centrale qui revient logiquement au Créateur dans la vie d’une créature.

Cette distorsion introduite par le péché frappe les deux relations de l’homme : avec la création et avec le Créateur :

La position de maîtrise, de responsabilité donnée par le Créateur, l’homme rebelle à Dieu la coupe de Dieu ; il se l’accapare par une volonté d’indépendance qui ne rend de comptes à personne. Ainsi la maîtrise est dégénérée en domination, la gestion s’avilit en exploitation à outrance de la création.

Sur le plan matériel le travail devient pénible, fatigant et même inutile, d’où la frustration, la déception morales dans une activité qui n’est plus épanouissante mais devient une charge qui perd son sens.

Sur le plan spirituel le travail n’a plus le noble but de glorifier le Créateur et l’homme détourne la recherche de sens vers lui-même. Il se met au centre de son activité et son autorité devient contrôle oppresseur et tyrannique. Les relations interpersonnelles sont avilies, même entre l’homme et son vis-à-vis le plus proche, sa femme : ton mari dominera sur toi (Genèse 3.16).

Tout cela concerne la création, les choses proches. Pour atténuer l’anxiété due à la frustration, à l’insécurité du lendemain, l’homme se rassure en dominant, contrôlant ce qu’il peut de la création : l’argent et les biens, les sources de plaisir. Il espère l’aide, la protection de certains objets (soleil, lune, astres, arbres, forces de la nature…).

Il se fait ainsi quantité d’idoles matérielles, tangibles, proches, chargées de lui fournir un bien-être physique et moral, substitut et contrefaçon de la paix avec Dieu. Ces idoles proches, matérielles s’accompagnent aussi de gestes symboliques (toucher du bois contre le malheur), d’actes religieux ou magiques pour forcer le destin (des rites pour obtenir la pluie, demander à un astrologue le meilleur jour pour une importante décision)

Le rapport au Créateur est inexistant ou refusé. Même l’homme qui se déclare athée a tout de même besoin de donner à sa vie une assise solide, fiable, une raison d’être et une légitimité à son activité. Il va donc rechercher ce que le chrétien reçoit de sa relation verticale de communion avec Dieu.

Là se profilent des idoles d’autre type, parallèles aux premières : beaucoup moins tangibles et contrôlables, mais immatérielles, lointaines, comme la politique, la science, l’économie, l’univers des psy, etc. Il leur confie le fondement même de sa vie, il leur accorde une confiance qu’elles ne méritent absolument pas et qu’elles trahiront inévitablement. C’est une dépendance imméritée, donc une sur-dépendance qui sera forcément déçue tôt ou tard.

A l’origine il y avait maîtrise et confiance, maîtrise de la création, confiance dépendante du Créateur. Maintenant c’est la domination, le souci de contrôler la création jusqu’à l’extrême et la sur-dépendance envers une idole de qui on attend infiniment plus qu’elle ne peut donner.

La domination cherche à compenser les frustrations et la peur du lendemain, la sur-dépendance veut masquer l’absurdité de ce genre d’existence, l’absence de sens d’une vie sans le Créateur.

3. L’idolâtrie

Et nous voilà tombés en pleine idolâtrie ! Celle-ci consiste à chercher, comme le chrétien, une vie pleine, épanouissante, heureuse, mais sous la condition expresse de n’avoir jamais à justifier ses choix devant une autorité comme Dieu, à lui rendre compte de ses actes, à affronter ses exigences morales absolues.

Et là ça fourmille de substituts de Dieu, de contrefaçons, de divinités faites à l’image de l’homme. Ces faux-dieux sont supportables. Ou bien on peut les contrôler, ou bien on peut en obtenir des compensations pour les sacrifices consentis. En tout cas ils me laissent au centre de ma vie, ils me laissent gérer ma vie et mon avenir selon mes idées et mes goûts à moi.

Mosaïque de l‘Eglise St Anne de Beaupré (Québec) symbolisant l’amour du pouvoir

L’erreur serait de croire que l’idolâtrie est quelque chose de marginal, la pratique de « peuplades primitives » lointaines.

Elle commence dès que ma loyauté envers quelqu’un ou quelque chose repousse Dieu au deuxième rang, m’amène à lui désobéir et peut-être même à le remplacer.

N’importe qui ou quoi peut devenir une idole. Celle-ci accepte même d’exister à côté du Dieu véritable (mais l’inverse n’est pas possible). On s’y attache trop, cette personne ou cette chose chose se met entre Dieu et nous. Dieu devient de plus en plus lointain et ses paroles nous semblent de moins en moins pertinentes, applicables à notre situation.

Pour nous pousser dans cette direction, notre société nous propose quantité de filtres pour aseptiser la Parole de Dieu, lui enlever son mordant, son intransigeance. Et de ces filtres sort alors un dieu inoffensif, plus ou moins religieux, domestiqué, peu exigeant, contrôlable et dont on fera sa référence (à défaut de raison de vivre). Et revoilà les deux types d’idolâtrie : quelque chose qu’on contrôle et quelque chose dont on dépend indûment.

Par comparaison souvenons-nous de la rigueur de la révélation biblique

–  Dieu nous demande d’être saints, car il est saint, d’aimer notre prochain, d’appliquer ses commandements.
–  Mais il nous avertit aussi qu’à cause de notre nature pervertie par le péché nous ne le ferons pas, parce que nous n’en sommes pas capables.
–  Or cela ne nous excuse pas, puisque nous avons orgueilleusement prétendu nous débrouiller tout seuls.

En fait nous n’avons qu’un espoir, mais un vrai. La grâce de Dieu pardonne celui qui se repent au lieu de se chercher des excuses. Et il désire une entière dépendance de Dieu. C’est ainsi qu’on retrouvera la position originelle de l’homme envers son Créateur.

Nous revoilà face aux dures réalités de la nature humain que l’idolâtre tâche de contourner pour garder l’impression de contrôler les situations et de s’être donné une raison de vivre valable.

4.Les causes de l’idolâtrie et ses remèdes

Tout cela fait de l’idolâtrie une tentation ou même une réalité bien moins improbables qu’on le croirait à première vue. L’avertissement de Jean a bien sa raison d’être. Il nous oblige à prendre conscience qu’il y a des risques d’y tomber et à nous rappeler des fondamentaux qui nous éviteront de nous y égarer.

Qu’est-ce qui prépare le terrain à l’erreur et à l’idolâtrie ?

On voit aujourd’hui se développer un certain individualisme rampant.

« Moi, je ne veux pas toujours supporter les défauts des autres chrétiens, l’étroitesse de certains, les marottes d’autres encore.
« Moi, Internet me suffit. ». Oui, c’est vrai qu’il y a là une richesse colossale, précieuse particulièrement pour les isolés qui ne peuvent se joindre à une Église.
« Ce qui me plaît, je le prends, le reste j’y échappe ».

Et ça dispense aussi de certaines exigences incontournables pour le membre d’une Église locale. Se frotter aux autres, prendre conscience de ses propres défauts et avancer dans la sanctification, sans laquelle, nous dit Hébreux 12.14, nul ne verra le Seigneur.

Il y a le danger de se fabriquer son système individuel de spiritualité. On veut y trouver sa raison d’être et on pense parfaitement le contrôler ( !!) Mais qui tirera la sonnette d’alarme, s’il y a dérive ?

Une mauvaise compréhension de la liberté chrétienne

Un autre danger, c’est une fausse compréhension de la liberté en Christ qui conduit à la fragmentation. Pour l’un, la vraie interprétation des évènements de la fin, c’est le prémillénarisme, le prétribulationiste strict. Pour l’autre, la seule façon sérieuse d’être chrétien, c’est d’être baptiste…
C’est normal et nécessaire d’avoir des convictions et de les fonder sur la Bible.

Mais cela n’empêche pas d’avoir des frères et sœurs amillénaristes et de se sentir vraiment en communion avec eux sans les repousser, même si sur ce point on peut être d’avis différents. On peut aussi avoir des amis mennonites, libristes et même pentecôtistes même avec des opinions divergentes sur certains points.

Il serait grotesque de rejeter ici-bas des gens que l’on retrouvera auprès du Seigneur. Un attachement à un « isme » quelconque plus fort qu’à la Bible peut être idolâtre.
1 Corinthiens 1.12 n’a pas perdu de son actualité : « Moi, je suis de Paul, moi d’Apollos…»  Pour certains chrétiens il suffit de remplacer ces noms par d’autres plus actuels. La réponse de Paul est très simple et efface radicalement toutes ces distinctions. Celui qui compte réellement et uniquement, c’est le Christ et le Christ n’est sûrement pas divisé.

Quelques fondamentaux de la foi pour éviter les risques d’idolâtrie ou y remédier

Essayez de trouver quel est leur point commun. Comprenons le Royaume de Dieu comme l’autorité, la gouvernance de Dieu sur notre vie. Il met ou remet de l’ordre dans les priorités et les perspectives de notre vie.

– Concevons notre position de disciples comme un apprentissage de toute une vie sous la direction de Jésus. Il nous enseignera à vivre comme lui vivrait à notre place

–  Dieu adresse à chacun de nous un appel à le suivre, à le servir.
Cet appel doit déterminer notre vision de notre carrière et de notre position sur terre, de la discipline que nous nous fixons et de notre conscience de devoir des comptes dans tous les domaines de notre vie et à toute étape de notre existence.

– Développons une manière de penser et de réagir centrée sur le Christ. Et si nous voulons arriver à cela, le Seigneur nous l’accordera en transformant notre mentalité dans ce sens.

– Dans la ou les formes de témoignage qui nous sont le plus naturelles, demandons à Dieu une force de persuasion naturelle qui transmette à l’interlocuteur le message et la personnalité du Christ.

 

Peut-être avez-vous reconnu le trait commun à ces cinq caractéristiques d’une vie chrétienne conséquente. Ce que les Réformateurs au XVIe s. appelaient Sola Scriptura, l’Ecriture seule. C’est le fait de subordonner toute autorité humaine à celle de la Parole de Dieu. On accorde alors plus de poids et d’efficacité spirituels à la révélation biblique, plutôt qu’à un certain nombre d’idoles concurrentes.

Jean nous rappelle avec force trois certitudes de cette révélation

Nous savons que les gens nés de Dieu sont protégés par le Fils de Dieu contre le péché. Ils peuvent compter sur cette vigilance du Seigneur en leur faveur.
Nous savons que nous appartenons à Dieu et non au diable qui a perdu ses droits sur nous.
Nous savons que le Fils de Dieu incarné sur terre nous a donné l’intelligence, le discernement pour connaître de mieux en mieux son Père et reconnaître l’égalité divine du Père et du Fils.

Ces certitudes sont une petite partie de l’héritage céleste inaliénable que nous a apporté du ciel le Fils de Dieu. En comparaison le plus impressionnante des idoles sombre dans le ridicule.

J.J. Streng