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Abraham, confiant malgré tout

Genèse 15 : confiant malgré tout

Un chapitre essentiel pour comprendre le plan de Dieu qui se manifeste dans l’alliance avec Abraham, le plan de Dieu qui prend son envol avec la foi d’Abraham.
Paul l’a utilisé dans son enseignement sur la justification par la foi

Plan de Genèse 15 en 3 parties :

  • inquiétude face à l’avenir,
  • la foi une aventure,
  • l’alliance, une garantie des promesses mais pas sans risque

1.   Inquiétude face à l’avenir

Abraham a vaincu les rois ennemis (ch 14) Mais il est inquiet, perturbé. Ces rois pourraient revenir avec des renforts pour l’attaquer.

Alors Dieu le rassure « Ne crains pas, je suis moi-même ton bouclier » Ton bouclier, ta protection, ton protecteur, une expression qui correspond bien à la situation : le combat est à peine terminé, il pourrait reprendre. Mais il ne reprendra pas.

Et Dieu ajoute : Ta récompense sera très grande.

Cette promesse reprend celle que Dieu lui a donnée .quand il lui a demandé de quitter Ur pour commencer l’aventure de la foi sous sa conduite :  Genèse 12.2 et 3

Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te maudira. Tous les clans de la terre se béniront par toi (v. 2-3)

Et v. 7 je donnerai ce pays à ta descendance

Une grande nation, un pays pour ta descendance. Mais il n’y a pas de descendance

Plusieurs années se sont écoulées, 8 ou 9 ans probablement. Il a 80 ans et Sara 70 et toujours pas d’enfants. La promesse d’un héritier, d’une descendance nombreuse, oui, mais la stérilité est là. Et l’âge aussi

Inquiet pour sa sécurité, découragé devant l’avenir, Abraham se plaint
Je m’en vais sans enfant . Tu ne m’as pas donné de descendanceC’est Eliezer qui sera mon héritier

Abraham est un homme de foi. Il l’a montré en quittant Ur quand Dieu l’a appelé. Mais il a aussi des sentiments, des émotions. Et Dieu ne les lui reproche pas. Il lui rappelle simplement qui il est, son bouclier, son protecteur. Et Dieu va lui donner les certitudes dont il a besoin

Nous sommes faits à l’image de Dieu Et nos sentiments, nos émotions font partie de cette image.

Alors nous pouvons parler au Seigneur de nos soucis, de nos préoccupations, même si cela ressemble à de l’impatience ou à de l’incrédulité. « Seigneur, je ne comprends pas ça, je trouve que c’est injuste »
Dieu n’est pas sourd à nos questions ni indifférent à nos sentiments.
Mais il ne faut pas les laisser échapper à tout contrôle, ni au contraire les étouffer pour que rien ne sorte.

Jésus a exprimé ouvertement ses émotions de joie, de tristesse, d’amour et même de colère. Dans une situation difficile ou perturbée, nos sentiments, nos émotions ne doivent pas être rejetés mais il ne faut pas en rester là. Si nous continuons à tourner en rond autour de nous, nous serons découragés. Tournons-nous plutôt vers Dieu et soyons attentifs à ses paroles d’encouragement.

Déchargez-vous sur lui de toutes vos inquiétudes, car il prend soin de vous. (1 Pierre 5.7).

Pour la 1e fois dans la Bible « la parole du Seigneur est venue » et  » Ne crains pas « 

Pour la première fois, dans la Bible, on trouve l’expression « la parole du Seigneur est venue » utilisée plus de cent fois dans l’AT.

Et aussi pour la première fois « ne crains pas », qui sera répété à Isaac (Gen 26.24), à Jacob (46.3) et au peuple d’Israël, dans Esaïe 41.10, N’aie pas peur, car je suis avec toi ; ne jette pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu ; je te rends fort, je viens à ton secours, 
je te soutiens de ma main droite victorieuse.

La foi qui dépasse, la foi qui vainc la peur, c’est la foi dans la parole de Dieu, pas la foi dans mes sentiments.

Reste tranquille et sache que je suis Dieu (Ps 46.10).
Alors Dieu confirme à nouveau à Abraham ce qu’il lui a promis.
Non, ton serviteur Eliézer ne sera pas ton héritier. Tu auras un fils à toi et tes descendants seront aussi nombreux que les étoiles (4-5)

2.   La foi, une aventure

Abraham mit sa foi dans le Seigneur, qui le lui compta comme justice
Au point de départ, l’inquiétude et le doute devant une situation apparemment sans solution.

Une femme stérile et âgée peut-elle avoir de enfants ? ..Jamais vu oui, jamais vu jusqu’ici.

Dieu parle : ton héritier, c’est celui qui sortira de toi (v4) Et il ajoute un signe, la multitude des étoiles dans le ciel. (v. 5)  Alors tout change. De l’incrédulité, Abraham passe à la foi.

Pourtant il n’y a encore rien, aucun indice qui pourrait faire penser que Rien que la parole

Aucun argument mais la révélation. La certitude qui dépasse infiniment la pensée humaine .et son raisonnement raisonnable.
Oui Dieu est Dieu Et s’il promet quelque chose, .on peut faire confiance à sa promesse. Elle sera réalisée. Ce Dieu qui a fait les étoiles en nombre innombrable peut aussi donner un fils à un couple âgé et stérile.

Une foi remarquable, .un basculement vers l’espoir à partir d’une situation de crise un modèle à suivre

La foi qui compte devant Dieu, .c’est la confiance qui croit aux promesses de sa Parole. La foi d’Abraham, c’est un miracle de Dieu, pas une construction de la pensée humaine ou une décision morale.
Abraham n’est pas passé de son inquiétude et de son doute à la certitude de la foi parce qu’il savait quelque chose qui le mettrait sur la piste. C’est la puissance de Dieu qui se révèle et rend aussi sa révélation accessible.

Alors la récompense promise ?

Ce n’est pas du donnant donnant qui récompenserait la confiance. Pas le marchandage des charlatans religieux qui promettent toutes sortes d’avantages matériels en contrepartie d’un geste de générosité « Mettez 10 € dans l’enveloppe, et soyez sûrs d’en recevoir plus ; mettez plutôt 100 ou 1000, vous en recevrez beaucoup plus »

La récompense, c’est l’expérience de la grâce de Dieu. Il donne gratuitement sa justice à ceux qui lui font confiance, à ceux qui prennent même des risques pour rester avec confiance dans cette justice, malgré tout ce qui pourrait faire obstacle.

Abraham mit sa foi dans le Seigneur, qui le lui compta comme justice

La justice de Dieu lui a été attribuée. Elle a été mise sur son compte. Sur la croix, nos péchés ont été mis sur le compte de Jésus (Es. 53.12) lorsqu’il a subi le châtiment des péchés qui étaient sur notre compte (Es 53.6).
Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (Rom 3.23).

Mais si nous nous confions en lui, sa justice est créditée à notre compte.
Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait pour nous péché, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu. (2 Co 5.21)

Alors nous sommes déclarés justes et pardonnés devant Dieu.

Rester dans la confiance, attendre que la volonté de Dieu s’accomplisse, à sa manière et au moment qu’il a choisi.

Abraham et Sarah n’avaient pas besoin de trouver une solution pour avoir un enfant. Tout ce que Dieu demandait, c’est qu’ils soient disponibles pour qu’il puisse accomplir sa promesse en eux.

Le verset 6 est cité par le prophète Habaquq (le juste vivra par la foi) et trois fois dans le Nouveau Testament : Galates 3:6 ; Romains 4:3 ; et Jacques 2:23. Il est à la base de la doctrine de la justification par la foi.

Abraham a cru en Dieu. Il lui a fait confiance. Il s’est appuyé de toutes ses forces sur les promesses de Dieu mais surtout sur le Dieu qui promet.

Dieu répond à la crainte d’Abraham par sa présence et à son inquiétude concernant l’héritier par sa promesse.

Mais il reste une 3e préoccupation, le pays promis.  Comment Dieu y répondra-t-il ?

La déclaration de Dieu sur la foi d’Abraham est placée juste avant la conclusion solennelle de l’alliance.  C’est avec Abraham le croyant, .celui à qui Dieu a attribué sa justice que Dieu conclut son alliance par la promesse d’une terre.

3.   L’alliance, une garantie des promesses, mais pas sans risques

Dieu rappelle d’abord à Abraham qu’il l’a fait sortir d’Ur .pour lui donner la propriété de ce pays.

A quoi saurai-je que je prendrai possession de ce pays ? «

Abraham avait confiance que Dieu lui donnerait le fils promis. Mais la terre était toujours occupée par dix nations païennes. Comment ses descendants pourraient-ils en avoir la possession ?

Alors, au cours d’une cérémonie solennelle, Dieu conclut avec Abraham une alliance.

Il lui garantit ainsi que les promesses concernent la terre (15.7) seront réalisées, elles aussi.
La terre, le pays est un élément important de l’alliance. C’est en effet sur cette terre, dans le pays d’Israël que s’est accomplie l’histoire du salut.

Conclure une alliance était une pratique légale courante à l’époque, dans tous les pays du Proche-Orient ancien.

On établissait ainsi un contrat, un accord solennel entre deux partenaires (individus ou groupes) avec des garanties et des obligations réciproques.

Conclure une alliance ne se faisait pas en signant des documents devant un notaire. L’expression utilisée était « couper une alliance ».
En effet, les personnes qui s’engageaient dans une alliance sacrifiaient plusieurs animaux. Ils partageaient les corps en deux et plaçaient les moitiés opposées sur le sol.

Ensuite, les partenaires marchaient entre les morceaux séparés des animaux. Ils déclaraient que s’ils ne tenaient pas leur parole, .s’ils ne respectaient pas l’alliance conclue, ils méritaient d’être traités comme ces animaux.

Abraham obéit à Dieu et prépare les animaux.

Puis il passe la journée à chasser les oiseaux de proie qui attaquent les morceaux partagés.

Ici, il y a plus que la seule conclusion habituelle d’une alliance. S’y ajoute une interprétation symbolique, une annonce prophétique.

Les animaux sacrifiés représentent les descendants d’Abraham, le peuple d’Israël, le peuple de Dieu.
En effet, génisse, chèvre, bélier, tourterelle, colombe sont les animaux purs prescrits pour les sacrifices dans le livre du Lévitique. Les Israélites, le peuple de Dieu les offraient à Dieu, comme leurs représentants, leurs substituts pour rétablir la relation avec lui s’ils avaient rompu l’alliance par le péché.
Les oiseaux de proie, impurs représentent les nations païennes, ..entre autres l’Égypte, ennemies d’Israël.
Et les gestes d’Abraham qui chasse les rapaces annoncent les actes de défense de ses descendants contre les agresseurs étrangers.

Selon le rite habituel pour conclure l’alliance, les deux partenaires auraient dû marcher entre les deux moitiés des animaux partagés.
Mais quand le soleil se couche, Abraham tombe dans un profond sommeil.

Dieu seul passe entre les morceaux du sacrifice.

17 Quand le soleil fut couché, l’obscurité devint profonde ; alors une fournaise fumante et une torche de feu passèrent entre les animaux partagés.

C’est Dieu qui a fait les promesses à Abraham.

Et pas Abraham qui a fait les promesses à Dieu. ..C’est une alliance de grâce dans laquelle Dieu seul s’engage, sans condition.

V. 18  Je donne ce pays à ta descendance
Pendant son sommeil, Abraham est informé du plan de Dieu pour le peuple, pour lui-même et pour la terre.
Pour le peuple (v 13-14 et 16), est annoncée une période d’esclavage de 400 ans par un pays qui n’est pas nommé.

A l’époque d’Abraham et pendant les 3 générations qui suivent, les relations avec l’Égypte sont normales, bonnes même.

Les dirigeants, les pharaons de cette époque-là sont aussi des sémites, comme Abraham et ses descendants.
Abraham est allé en Égypte à cause de la famine et il a été bien reçu. .. Malgré sa tromperie à propos de Sara sa femme qu’il fait passer pour sa sœur, il en est sorti plus riche qu’il n’était entré. (Gn 12). D’ailleurs le trajet pour l’Égypte est court et bien fréquenté pour des relations commerciales entre voisins. C’est un peu comme quand on va faire ses courses de l’autre côté de la frontière.

Joseph, fils de Jacob, deviendra par la suite premier ministre du pharaon

Il dirige une vente de blé à ses frères qui l’avaient vendu et ne le reconnaissent pas pas tout de suite. Toute la famille s’installe en Égypte comme invitée d’honneur et devient un peuple puissant.

Mais un nouveau pharaon réduit les Hébreux en esclavage

Mais la dynastie au pouvoir change. Le nouveau pharaon, pas sémite, est inquiet de leur croissance numérique. Il réduit les Hébreux en esclavage et pratique le génocide des garçons (Exode 1). ;;;Et cela dure 400 ans, depuis l’arrivée de Jacob en Égypte jusqu’à l’Exode. 400 ans jusqu’à ce que l’alliance s’accomplisse, jusqu’à ce que le peuple libéré aille à la conquête du pays promis

Abraham peut en être sûr. Rien ne pourra se mettre en travers du plan prévu par Dieu,

Pas même sa mort, pas même une longue période d’esclavage.
Comme les oiseaux de proie, l’Égypte va s’opposer à l’alliance de Dieu avec Israël et essayer d’en empêcher la réalisation. Mais en fin de compte, l’alliance sera accomplie.

« Une fournaise fumante, une torche de feu » (17), encore deux symboles pour symboliser l’avenir.

La fournaise fumante représentait l’affliction de l’esclavage en Égypte, désignée dans Dt 4. 20 comme un creuset pour fondre le fer.

Et la torche de feu, c’est la lumière de Dieu qui s’élève dans les ténèbres, comme la colonne de feu du désert   pour conduire son peuple.

16 A la quatrième génération, ils reviendront ici ; car la faute des Amorites n’est pas encore à son comble.

Pourquoi 400 ans, pourquoi une attente aussi longue ? Pourquoi Dieu tarde-t-il tellement pour délivrer son peuple.

Dieu a été patient envers les populations païennes de Canaan, représentées par les Amorites. Il a retardé son jugement pour qu’elles aient le plus de temps possible pour se repentir.

Il est cependant un point que vous ne devez pas oublier, bien-aimés : c’est que pour le Seigneur un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Le Seigneur ne retarde pas l’accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le pensent. Il est patient envers vous : il ne souhaite pas que quelqu’un se perde, mais que tous accèdent à un changement radical (2 Pierre 3.8-9).

Le pays promis : v 18-21

Ce jour-là, l’Éternel fait alliance avec Abram

Il remet à sa postérité, par un acte solennel, tout le pays. Il précise ses frontières et cite une à une les populations qui seront punies et devraient être dépossédées lors de la conquête.

En fait, Israël n’a jamais possédé le pays promis dans sa totalité. Même au temps de sa plus grande extension, sous les règnes de David et de Salomon, l’Égypte contrôlait encore les régions côtières et les Philistins étaient toujours présents. Cette promesse d’une terre dans ses pleines dimensions est reprise dans les Psaumes qui annoncent le Messie. Elle sera réalisée quand le Christ glorieux régnera sur le trône de David.

Ce passage est un encouragement pour nous, les croyants de la nouvelle alliance.

Cette alliance est inconditionnelle. Son accomplissement ne dépend que de Dieu, pas de l’homme. De même la nouvelle alliance établie par Jésus Christ est fiable, qu’on l’accepte ou non.

Toute personne qui met sa foi, ..sa confiance dans le Christ, mort à cause de nos péchés et ressuscité pour notre justification (Jn 3.16) entre dans cette alliance. Elle reçoit le salut éternel
Et c’est parce qu’il a été ainsi amené à la perfection qu’il est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, l’auteur d’un salut éternel (Hb 5.9)
et la gloire éternelle  Quand vous aurez souffert un peu de temps, le Dieu de toute grâce, qui, en Jésus-Christ, vous a appelés à sa gloire éternelle, vous formera lui-même, vous affermira, vous rendra forts et inébranlables. (1 Pi 5.10)

En conclusion, Dieu accomplira tout ce qu’il a promis.

Il accordera à ceux qui se confient en lui toutes ses bénédictions pour cette vie et la vie à venir malgré la souffrance, la persécution et même la mort
Sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire et sa propre force. Par celles-ci, les promesses les plus précieuses et les plus grandes nous ont été données, afin que par elles vous échappiez à la pourriture que le désir entretient dans le monde et que vous ayez part à la nature divine. (2 Pi 1. 3-4).

Le croyons-nous ?

C.Streng

Dans la détresse, ne crains pas, crois seulement

Ne crains pas, crois seulement :
des circonstances dramatiques 

Résurrection de la fille deJairus – Gustave Doré

« Ne crains point, crois seulement » : Jésus a prononcé ces paroles dans des circonstances dramatiques.

Et, à l’arrière de la scène, dans les coulisses, en filigrane, en parallèle, se joue un autre drame moins visible, un combat intérieur, … se cache un secret difficile, impossible à dévoiler…

Luc, historien et théologien

Luc, l’auteur du 3e Évangile n’a pas  assisté personnellement aux événements racontés dans son évangile.  Mais Luc l’historien  a recueilli les récits des témoins. Luc le théologien les a organisés. Il  a fait vivre ces événements pour montrer que Jésus a bien été choisi par Dieu pour apporter la libération à son peuple.

Pour son  ami Théophile, (son nom signifie « qui aime Dieu »), le premier destinataire de son Evangile,  Luc met en scène acteurs, circonstances et déroulement de ces drames. Cela se passe au chapitre 8 versets 40 à 56. On retrouve le même double récit, à quelques  détails près, dans Matthieu 9 et dans Marc 5.

Luc 8. 40 à 56

À son retour en Galilée, Jésus fut accueilli par la foule, car tous l’attendaient. À ce moment survint un homme appelé Jaïrus. C’était le responsable de la synagogue. Il se jeta aux pieds de Jésus et le supplia de venir chez lui : sa fille unique, âgée d’environ douze ans, était en train de mourir. Jésus partit donc pour se rendre chez lui. Cependant, la foule se pressait autour de lui.

Il y avait là une femme atteinte d’hémorragies depuis douze ans et qui avait dépensé tout son bien chez les médecins, sans que personne ait pu la guérir. Elle s’approcha de Jésus par derrière et toucha la frange de son vêtement. Aussitôt, son hémorragie cessa.

– Qui m’a touché ? demanda Jésus.

Comme tous s’en défendaient, Pierre lui dit :

– Voyons, Maître, la foule t’entoure et te presse de tous côtés !

Mais il répondit :

– Quelqu’un m’a touché ; j’ai senti qu’une force sortait de moi.

En voyant que son geste n’était pas passé inaperçu, la femme s’avança toute tremblante, se jeta aux pieds de Jésus et expliqua devant tout le monde pour quelle raison elle l’avait touché, et comment elle avait été instantanément guérie. Jésus lui dit :

– Ma fille, parce que tu as cru en moi, tu as été guérie, va en paix.

Il parlait encore quand quelqu’un arriva de chez le responsable de la synagogue et lui dit :

– Ta fille vient de mourir, n’importune plus le Maître !

En entendant cela, Jésus dit à Jaïrus :

– Ne crains pas, crois seulement : ta fille guérira.

Une fois arrivé à la maison, il ne permit à personne d’entrer avec lui, sauf à Pierre, Jean et Jacques, ainsi qu’au père et à la mère de l’enfant. Ce n’était partout que pleurs et lamentations. Jésus dit :

– Ne pleurez pas ; elle n’est pas morte, elle est seulement endormie.

Les gens se moquaient de lui, car ils savaient qu’elle était morte. Alors Jésus prit la main de la fillette et dit d’une voix forte :

– Mon enfant, lève-toi !

Elle revint à la vie et se mit aussitôt debout ; alors Jésus ordonna de lui donner à manger. Les parents de la jeune fille étaient stupéfaits. Mais Jésus leur recommanda de ne dire à personne ce qui s’était passé.

 

Ne crains pas : l’audace de celui risque de tout perdre.

Jaïrus, le pharisien, responsable de synagogue

Jaïrus, l’un des responsables de la synagogue de Capernaüm, …un pharisien…

Un statut social élevé, une réputation à préserver, une orientation théologique bien établie mais aussi  un corporatisme à défendre.

Les pharisiens, gardiens de la Loi et des 613 commandements

Les pharisiens se sont établis gardiens de la Loi dans les détails les plus minutieux de sa lettre, selon les critères étroits de l’interprétation talmudique. – les 613 commandements, un commentaire précis, au détail près des 10 commandements et des Lois du Lévitique.

Le juif pieux doit les appliquer mot à mot, geste après geste pour conserver sa pureté rituelle.  Surtout ne pas se souiller en s’approchant de gens impurs ou moins purs que lui. Ces pharisiens sont en majorité opposés à Jésus.

Pour Jésus, c’est l’intention profonde de la Loi, la pureté du cœur, la vie intérieure réelle de la personne qui comptent.

Jaïrus, un pharisien avec tous les honneurs et les avantages de sa position.

A quoi cela sert s’il perd l’essentiel ?

Mais « que sert -il à un homme de gagner tout le monde, s’il perd son âme ? » (Marc 8.36)

On peut transposer : s’il risque de perdre l’essentiel, ce qui a le plus de valeur pour lui.

A quoi sert la meilleure réputation, les plus grands avantages sociaux,  quand une âme, une vie (même mot en grec) une vie qui nous est précieuse, est en jeu.

La vie de sa fille unique

Pour Jaïrus, c’est la vie de sa fille unique de 12 ans : elle est mourante. 12 ans… l’âge où la fillette peut devenir femme, où les parents commencent…à la préparer à son futur mariage. Mais tout semble perdu… A moins que…

Ne crains pas … de faire sauter les barrières …

Jaïrus  prend le  risque : perdre sa réputation auprès de ses collègues responsables de la synagogue… auprès des autres pharisiens.

Malgré la méfiance vis à vis de Jésus

La majorité d’entre eux garde vis à vis de Jésus une distance de sécurité très critique. Il se mêle trop à la foule ignorante, qui ne connaît pas la loi (et se fait traiter de maudits Jn 7.49) et aux gens infréquentables :

…Il fréquente des collecteurs d’impôt comme ce Lévi /Matthieu  (Mt 9.9). Ces collaborateurs de l’occupant romain, …ces pécheurs connus dans la ville, réunis avec Jésus autour de la même table! … Quel affront contre la pureté rituelle, quelle contradiction avec l’orthodoxie religieuse :

 

« Pourquoi votre maître mange -t-il avec les publicains (une autre façon de dire collecteur d’impôt) et les gens de mauvaise vie ?

 

Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades » répond Jésus

Ce sont les malades, pas les bien portants qui ont besoin de médecin

Jaïrus a-t-il entendu ces paroles rapportées dans Matthieu 9.11 et 12 ?

Oui, Jaïrus en a vraiment besoin

En tout cas, il les prend pour lui aussi. Il a besoin d’un médecin. Il se jette aux pieds de Jésus. Il le supplie d’entrer dans sa maison. Sa fille unique de douze ans est en train de mourir. (v. 41 et 42)

A Capernaüm, Jésus vient de guérir par un miracle à distance, par une simple parole, le serviteur d’un officier romain (Luc 7.1-9). C’est de cette sorte de médecin que Jaïrus a précisément besoin.

La femme cachée derrière un arbre

Cachée derrière un arbre, une femme vient de voir Jaïrus se jeter aux pieds de Jésus. La foule s’est écartée pour  laisser passer le responsable de la synagogue, puis s’est refermée…

Cette femme, ses voisins la connaissent… quelques uns de ceux qui suivent le mouvement de la foule…

Les hémorragies épuisantes

La santé : pas brillante du tout : jour après jour les hémorragies l’épuisent.

Les tentatives de guérison : nombreuses, douloureuses, coûteuses, sans résultat.

« Elle a dépensé tout son bien chez les médecins, sans qu’aucun ait pu la guérir » (v. 43).

Aujourd’hui, on donnerait un nom à cette maladie féminine. Sans doute pas un cancer, car qui y résisterait douze ans ?…Troubles hormonaux, kyste, fibrome… On les soigne, on les guérit couramment aujourd’hui. Mais à l’époque…

Moral au plus bas

Le moral : ce n’est pas mieux. Douze ans sans amélioration.

« Au contraire, son état avait empiré » (Marc 5.26)

Pas de vie sociale ou religieuse

La vie sociale et religieuse : quasiment inexistante. D’après Lévitique 15 25-30, cette femme est  impure en permanence. Ses meubles et sa vaisselle aussi. Impossible pour elle de s’asseoir  auprès de quelqu’un, de prendre un repas avec sa famille, avec des amis.

On peut supposer qu’elle n’est pas mariée. Jésus lui dit « ma fille » et non femme comme il le fait habituellement.

 

Elle a besoin d’un médecin, quelqu’un qui la délivre de son impureté. Comme ce païen du pays des Géraséniens, de l’autre côté du lac, ce païen possédé d’une légion de démons que Jésus vient de délivrer  (Lc 8.26)

Ne crains pas …. L’audace de celle qui n’a plus rien à perdre

Comment faire sans provoquer de scandale ?

Cette  femme  voudrait bien, elle aussi, se jeter aux pieds de Jésus. Mais comment faire?

Pas question de  provoquer un scandale en arrivant devant lui, elle, une femme impure. Impossible aussi de crier sa maladie à travers la foule, pour que Jésus la guérisse de loin, par une parole…

Ne crains pas … la nécessité lui  fait trouver  sa solution.

Elle se glisse à travers les gens, par derrière, elle fraie son chemin le plus discrètement possible…
Surtout ne pas se  faire remarquer avant d’avoir atteint son but.

La seule audace à sa portée

Toucher les franges à l’arrière du manteau de Jésus. Toucher les franges, ce rappel visible des commandements de Dieu (Nombres 15.38-40)

Le texte de Luc se borne à constater, sans commentaire.

Comment évaluer son geste ?

Mais nous, comment allons-nous évaluer son geste : chercher une guérison en touchant des franges, un objet…. Superstition, fétichisme ? On a d’autres exemples d’objets dans la Bible : les mouchoirs de Paul et l’ombre de Pierre, qui guérissaient (Act 5.15, 19.12) … Aucun reproche à ce sujet.

Une foi qui prend des risques

Ce qui compte vraiment, c’est la foi qu’elle ose manifester, à tout prix, en prenant des risques.

Guérie … elle le sait, elle le sent. Puis partir discrètement…sans publicité…

Crois : d’une foi empirique à une foi éclairée

« Qui m’a touché »…  « Je sais qu’une force est sortie de moi » La voici découverte !

Jésus ne lui dit pas directement  « ne crains pas ». Mais quelque chose comme :

« Ne crains pas de te montrer à découvert. N’aie pas peur  de parler  devant tout le monde.

Tu as commencé avec l’audace de la foi, continue : dis leur, à tous, ce que j’ai fait pour toi… »

Pourquoi cette demande de Jésus ?

Jésus a été conscient du toucher de la femme. Il  l’a accepté. Il a reconnu, à travers le geste, la foi, simple, pas très éclairée, –certains diraient « la foi du charbonnier ». Il ne lui reproche rien. Il ne méprise pas cette foi un peu « folklorique ». Il part de ce qu’elle sait et il la fait aller plus loin.

Savons-nous, nous aussi,  adapter notre annonce de l’Evangile  au niveau des gens ?

Evitons nous de répondre parfois trop automatiquement à des questions qu’ils ne se posent même pas ? Montrons-nous que nous nous intéressons vraiment  à eux ?…

Essayons-nous d’apprendre à discerner, derrière les habitudes, les barrières de défense sociales et religieuses, les besoins profonds, les véritables enjeux ?…

Pour la femme aussi, pas de foi de deuxième catégorie

Jésus ne veut pas que la femme ait seulement une guérison dérobée à la hâte. Il ne veut pas d’une foi de deuxième catégorie,  qui reste secrète et qui n’engage pas.

Elle a les mêmes droits à la sollicitude du Sauveur que Jaïrus, que les notables de la ville.

Jésus  lui accorde la guérison complète. Celle du corps, bien sûr, mais aussi et surtout le salut de son âme: « ta foi t’a guérie, sauvée ».

Le droit de recevoir l’Evangile sans se cacher

Dans la  société juive du 1e siècle, la femme et l’enfant  n’ont  guère de valeur. Jésus leur montre son intérêt, son amour. Ils ont droit à ses bienfaits, ils ont le droit d’écouter et de recevoir l’Évangile de manière ouverte et pas en se cachant. A la synagogue, les femmes  écoutaient derrière un rideau, le Talmud interdisait de leur donner une instruction religieuse.

Une femme qui a trouvé sa dignité

Alors devant tout le monde, la femme raconte : sa maladie, son impureté, sa démarche pour s’approcher de Jésus, sa guérison instantanée, complète…Elle témoigne…Elle a trouvé sa dignité, son approbation auprès du Seigneur.

Et les timides …

Et nous, les timides, les réservés, les introvertis… nous qui laissons trop souvent les autres exprimer dans leur prière ce que nous n’osons dire nous-mêmes, dépassons-nous parfois notre crainte pour raconter tout haut ce que le Seigneur a fait pour nous … ?

 

Craindre ou croire…croire ou craindre ?

Un équilibre en fâcheuse posture pour Jaïrus.

Jésus est bien en route pour venir guérir sa fille, mais pourquoi cette interruption ? Surtout, pourquoi le Seigneur insiste-t-il tellement pour savoir qui l’a touché ?  « Tout le monde te touche »… Les disciples et Pierre l’ont bien vu. Ca ne sert à rien sauf à perdre du temps… du temps précieux. L’angoisse du père augmente : on va finir par arriver trop tard.

 

Oui, il est trop tard !  L’équilibre se brise.

Un serviteur à travers la foule : « ta fille vient de mourir. N’importune plus le maître. ».

Pour cette sorte de personne, la limite de la puissance de Jésus s’arrête à la vie : «  tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ».  Après, plus la peine d’espérer, ça ne vaut plus la peine. Tout est joué.

Non, ça vaut encore la peine !  Il n’est jamais trop tard pour le Seigneur  !

« Ne crains point, crois seulement et elle sera guérie…sauvée »

Ne crains pas le retard : le Seigneur permettra un miracle encore plus grand, non seulement une guérison mais une résurrection.

Ne crains pas les mauvaises nouvelles. Souviens-toi d’Abraham. Il a cru contre toute évidence que Dieu  pourrait ressusciter son fils après le sacrifice. (Hébreux 11. 17-19)

Ne crains pas l’évidence de la mort

« La jeune fille n’est pas morte, elle dort ». Jésus l’affirme, même si on se moque de lui. Même si les pleureuses sont déjà sur place. C’est la coutume. Même  les familles les plus pauvres ont au moins un joueur de flûte et une pleureuse, une femme payée pour pleurer.

Crois seulement

Elle dort, elle va se réveiller. Jésus a la puissance de la vie.

Il la prend par la main: lève-toi Myriam… C’est l’heure.

… comme sa mère le matin.

Impossible tant qu’elle est morte. …Elle n’est plus morte, … tout simplement.

Elle se lève, elle marche, elle a faim. Une petite mine encore un peu pâlotte, mais de l’appétit…

« Donnez-lui à manger. »… Le retour à la vie normale. Jésus est passé par là.

De la discrétion bien sûr. Elle est guérie, mais personne parmi les moqueurs ne saura exactement comment ça s’est passé.

Bien des années plus tard…

Théophile, ce vieil ami de Luc se souvient…Il est devenu chrétien… puis responsable d’une Église de la région d’Antioche.

Ce récit a répondu à plusieurs questions importantes pour lui :

A qui Jésus réserve-t-il sa sollicitude ?

S’intéresse-t-il aux pauvres seulement…aux marginaux dans la société… à ceux dont la misère, la détresse se voient manifestement ?

Non, Jaïrus, cadre supérieur de la synagogue,  a, lui aussi, reçu toute l’attention du Seigneur !…

Les pharisiens se sont montrés très critiques, très négatifs vis à vis de Jésus. En a-t-il tenu rigueur à Jaïrus ? Non, au contraire… Et pour Nicodème aussi, cet autre pharisien venu le rencontrer discrètement, la nuit… il a tracé le chemin du salut (Jean 3.16)

Jésus ne fait pas d’amalgame, il s’intéresse à chacun, individuellement.

Jésus s’est laissé approcher par une femme impure, il l’a guérie.

Lui, Théophile, un païen, est aussi impur aux yeux du pharisien juif, fier de sa pureté, ce pharisien qui n’entrerait jamais dans sa maison de païen

il offre à tous le royaume de Dieu

Mais ce que Jésus a fait pour cette femme impure, pour les marginaux de son peuple, il l’offre aussi aux étrangers, aux païens… C’est l’offre du Royaume de Dieu jusqu’aux extrémités de la terre…

Sa puissance et son amour se manifestent, dans tous les pays, à tous les niveaux de la société,  pour chaque personne individuellement.

Alors lui, Théophile, homme bien considéré, mais païen, a reçu ses réponses. Il s’est tourné vers le Seigneur, il le sert fidèlement.

 

Ce récit, il va en parler dans sa communauté : il va lui demander de s’engager plus encore…  L’an 70 est passé, avec la destruction du Temple de Jérusalem, l’Église et la synagogue se sont séparées … La foi chrétienne ne peut plus rester privée, secrète, à l’ombre de la communauté juive…

Ne crains pas… la moquerie, le mépris, l’opposition, la persécution…la mort …

Crois seulement… et tu seras sauvé…pour l’éternité…

 

Et aujourd’hui ? Nos raisons de croire l’emportent-elles sur nos raisons de craindre… ?

C. Streng