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Le juste vivra par la foi – la puissance de l’Evangile – Romains

Le juste vivra par la foi, la puissance de l’Evangile, Romains 1.17

Le juste vivra de foi / par la foi (Habacuc 2.4 – Romains 1.17 ; Galates 3.11 ; Hébreux 10.38).

Une courte phrase de l’Ancien-Testament reparait trois fois dans le Nouveau-Testament. Elle constitue un parfait concentré de tout l’enseignement de la Parole de Dieu et en particulier de l’Evangile prêché par Paul.

Un enseignement concentré de la Parole de Dieu

C’est un véritable leitmotiv à travers toute la Bible. Méditons en l’importance fondamentale, dans la prédication de Paul et dans tout le Nouveau Testament.

Romains 1.16-17

C’est sans crainte que j’annonce la Bonne Nouvelle : elle est en effet la force dont Dieu se sert pour sauver tous ceux qui croient, les Juifs d’abord, mais aussi les non-Juifs.

En effet, la Bonne Nouvelle révèle comment Dieu rend les humains justes devant lui : c’est par la foi seule, du commencement à la fin, comme l’affirme l’Écriture :

« Celui qui est juste par la foi, vivra. »

Bible en Français Courant

1. L’Evangile, une puissance efficace

La puissance, une ambition ?

Le pouvoir, être puissant, voilà bien le rêve majeur, l’ambition ultime de beaucoup d’hommes. Certes chacun en rêve à son niveau, mais il est parfois recherché avec la dernière énergie.

Pour le Juif

Pour un pharisien juif, la puissance s’incarnait dans un Messie envoyé par Dieu. Il rétablirait avec gloire et fracas l’ancienne royauté de David, sur les nations du monde, en donnant ainsi aux Juifs la position d’être les favoris de leur Dieu.

Pour le Romain

Un Romain concevait le pouvoir sous la figure d’un chef militaire distingué par ses nombreuses victoires et admiré pour son art de gouverner le pays avec sagesse et autorité.

Pour le Grec

Un Grec situait plutôt cet idéal de puissance  sur le terrain de l’esprit. Un philosophe familier de toute la sagesse séculaire,  proposait un système de pensée original et clairement supérieur.

Pour l’apôtre Paul : la puissance, c’est L’Evangile

Et en face de ces trois imposants modèles de puissance, spirituelle, politique et intellectuelle, voilà notre petit Paul (sens de son nom) qui balaie tout ça comme futile et illusoire. Et il le remplace avec hardiesse et fierté par son Evangile !

L’Evangile, ni un système religieux, ni un idéal inaccessible

Eh bien, oui, l’Evangile, c’est bien autre chose qu’un système religieux, vieux de deux mille ans auquel s’accrochent encore quelques chrétiens attardés.
Ce n’est pas non plus seulement un texte admirable, mais considéré comme trop idéal pour avoir un impact pratique sur une vie d’homme.

Un dépôt de puissance divine

Non, l’Evangile, c’est tout autre chose. C’est un dépôt caché au cœur de l’histoire des hommes, au centre de la Création de Dieu.  Un dépôt inouï de puissance divine, même s’il est quasiment ignoré. Ce n’est pas une nouvelle technique, un catéchisme inédit, inventé par un homme et donc décevant au final.

Une dynamique divine

L’Evangile, c’est une dynamique divine, élaborée par les trois personnes de la Trinité créatrice. Elles reprennent ainsi en main leur créature pour faire toute chose nouvelle dans son existence. Cette dynamique attaque à sa racine le problème fondamental de l’humanité : la présence du mal dans le cœur de l’homme.

Libération, vie éternelle, peuple nouveau attaché à Dieu

Et le résultat obtenu est triple.

  1. Elle libère l’homme de son plus grand malheur, sa perdition éternelle.
  2. Elle lui apporte un bienfait magnifique, la vie éternelle dans la communion avec son Créateur
  3. . Elle donne naissance à un peuple d’un nouveau genre, un peuple attaché à Dieu non sur un critère social, matériel ou national, mais par une confiance et un amour qui constituent la gloire de Dieu.
  4. Encore ajouter un 4e effet. Elle donne au chrétien une vision et des armes pour travailler dans l’humanité à la gloire de Dieu.

Un message qui suscite la fierté

Comment ne pas être fier d’un tel message ? Il met dans l’ombre n’importe quel autre sur le plan pratique des bienfaits qu’il veut et peut répandre sur l’humanité ?
Malgré nos faiblesses nous pouvons nous aussi rendre témoignage à ce message, sans avoir honte. Existe-t-il dans le monde un autre message plus sûr, plus fiable ?

Garanti par la vie du Fils de Dieu

Pour l’Evangile, Dieu a fourni la garantie de sérieux la plus inimaginable. Il y a engagé la vie de son propre Fils ! Vu cette garantie énorme, l’humanité aurait depuis longtemps dû se ruer dans les Eglises et on devait avoir le plus grand mal pour trouver encore quelque part un perdu.

Un message pourtant négligé

Or innombrables sont ceux qui disent ne pas avoir besoin de Dieu ou même se trouver au moins aussi bien dans telle ou telle religion.
Et en face de ce formidable sérieux, la multiplicité des religions, sont autant d’insultes lancées à Dieu. Elles lui disent en quelque sorte : « Regarde, le sacrifice de Jésus n’était pas nécessaire. Il y a bien d’autres voies, belles elles aussi et bien moins coûteuses ! »

2. S’agit-il d’un nouvel enseignement ?

En un sens, oui. Paul dit que c’est la révélation de la justice de Dieu? C’est Dieu qui se sert de Paul pour remettre en pleine lumière un plan de salut conçu et communiqué depuis longtemps, mais largement oublié.

Un message déjà proclamé au 7e s av. JC

Lorsque Habacuc a proclamé ce message à la fin du 7e s av. JC, il avait déjà dû le dégager du fatras idolâtre qui l’avait masqué au cours des siècles d’abandon de la Parole de Dieu.
Il lui a alors redonné sa force, tout comme Paul quand il écrit aux Romains et remet au centre la pensée de Dieu débarrassée des voiles des traditions juives.
Au 7e s déjà, devant la menace babylonienne, Habacuc avait rappelé que le recours, ce ne sont pas les combinaisons humaines. Si un juste voulait survivre à cette situation bloquée, c’était par une sincère confiance en Dieu seul. Le juste vivra de foi, = en démontrant qu’il n’espère de salut que de Dieu.

Le salut, un fil rouge à travers la Bible

Mais cette déclaration même d’Habacuc au 7e s, montre bien que l’Evangile prêché par Paul dans le même sens n’est pas une innovation.
Le salut par la foi seule est un fil rouge qui traverse toute la Bible. Il ne fait que s’épaissir et se préciser au fur et à mesure qu’on y avance.

En Romains 4 Paul rappelle ce principe. Il caractérise clairement l’origine du peuple juif, c’est à dire la conclusion de l’alliance par Dieu avec Abraham.
Et aux chrétiens galates,  Paul rappelle que seule la mort de Jésus à la croix paie à notre place la dette de nos péchés. C’est donc notre confiance en cette mort de Christ à notre place qui nous assure la libération de notre dette et une vie nouvelle en Christ : Galates 2.16.

L’erreur juive à propos des oeuvres

L’erreur juive à propos des œuvres peut se comprendre de deux façons voisines.

  • Soit le salut s’obtient en faisant certains actes moraux demandés par la Loi,
  • soit on veille à respecter fidèlement les caractéristiques de l’alliance de la Loi : la circoncision, le sabbat, les règles du pur / impur…

La justification par la grâce

Comme les Réformateurs le redécouvriront 15 siècles après Paul, le pécheur est justifié par la grâce seule, en réponse à la foi seule, sur la seule base de la justice de Christ.

15 siècles de poussière religieuse avaient masqué et défiguré l’Evangile en une théorie du salut selon les conceptions humaines, une voie que l’homme peut trouver en lui-même, dans la nature ou dans telle religion ancienne.

L’Évangile prêché par Paul ne vient pas de l’homme, c’est une révélation de Dieu. C’est le salut selon les normes de Dieu. Ou comme dit Luther, c’est la justice qui vaut ( a de la valeur) devant Dieu.
Cette voie du salut n’est pas une option parmi bien d’autres, c’est la seule possible. S’il en existait d’autres, pourquoi Dieu le Père aurait-il accepté que son Fils meure sur une croix.

3. Comment cette puissance agit-elle ?

Ou pour formuler la question autrement :
comment l’Evangile peut-il changer le cœur, comment comprendre cette justice de Dieu ?

  Luther et Romains 1.18

Un verset très facile à comprendre, c’est Romains 1.18. Mais il est terrifiant. Dieu a raison, c’est certain mais moi, je n’ai aucune solution, aucune issue en moi-même.
Martin Luther s’est débattu dans ce blocage dramatique 7 ans durant dans son couvent.

Puis, en préparant un cours de théologie, il a eu une illumination.
La justice du v. 17,  déterminante pour le salut, ce n’est pas la justice punitive que Dieu inflige au pécheur et que celui-ci ne pourra jamais satisfaire.
C’est la justice de la foi que Jésus a parfaitement accomplie. Dieu l’offre gratuitement au pécheur qui croit qu’en l’accueillant, Dieu lui fait grâce. Autrement dit, le pécheur n’a pas à chercher désespérément ce qu’il pourrait offrir à Dieu en paiement pour ses péchés.
Il s’agit au contraire de saisir avec confiance, comme une bouée vitale, un vêtement qui le couvre. Dieu le lui offre gratuitement par amour. C’est le paiement que Jésus lui offre pour satisfaire à sa place la justice et la sainteté divines : 3.21-25.

Luther libéré

Voilà ce qui a libéré Luther, ce qui a déclenché le formidable mouvement de la Réforme. Le pécheur perdu peut devenir juste devant Dieu en accueillant avec confiance la justice de Jésus, sans autre contrepartie de sa part que la foi.
Il peut donc être sûr de son salut. Il ne dépend pas de quelque chose qu’il fait, lui, qui vient de lui, mais de la fidélité de Dieu à tenir ses promesses. Il s’agit donc de placer sa confiance dans cette fidélité. La certitude, la garantie d’être sauvé n’est pas fondée en l’homme, mais en Dieu.

La puissance de Dieu qui libère

Quand on entre dans cette magnifique réalité, on mesure qu’il s’agit effectivement d’une puissance. Ce n’est pas simplement une belle idée, un souhait irréalisable. C’est la puissance de Dieu, car elle est capable de libérer la vie la plus bloquée, de guérir les situations les plus perverties, de redonner la joie de vivre à qui ne voyait plus que la mort. Il s’agit d’une vraie recréation dont seul le Créateur est capable, d’une régénération accessible à quiconque y croit. Elle est gratuite, puisque seule la foi est demandée. Et la foi elle-même est suscitée, donnée par l’Evangile qui annonce cette grâce. Le point de départ de cette nouvelle création est donc la foi. Elle se concrétise, s’épanouit, se développe pendant toute la vie, toujours par la foi : par la foi et pour la foi.

Croire et vivre sa foi

Dans notre contexte croire, ce n’est pas seulement être d’accord qu’une chose est vraie, fiable, efficace. C’est aussi faire place nette pour ce qu’on reconnaît comme vrai. C’est rejeter tous les préjugés, les idées fausses, même si elles sont acceptées par la majorité de nos semblables. Avant de construire, il faut nettoyer l’emplacement prévu pour la nouvelle maison. Pour cela aussi l’Evangile est indispensable : Romains 12.2 ; Hébreux 5.14. Et dans le quotidien du chrétien, il y a ce que Dieu fait et moi qui le reçois dans la confiance :
Point de départ : mort de Jésus en croix -–- confiance en cette substitution ;
Acquisition : don gratuit de Dieu — repentance et confiance
Permanence : fidélité de Dieu à sa Parole — attachement confiant à Dieu.

J.J. Streng

Souveraineté de Dieu, responsabilité de l’homme

Souveraineté de Dieu, responsabilité de l’homme, deux réalités fondamentales dans la Création 

Souveraineté de Dieu et responsabilité de l’homme sont deux réalités fondamentales dans toute la Création. Cependant, beaucoup de gens considèrent qu’elles  s’excluent l’une l’autre, en tout cas du point de vue rationnel.

  • Qu’en est-il du point de vue spirituel ?
  • Quel contenu la Bible donne-t-elle à ces deux notions?
  • Comment un chrétien peut-il les accueillir et les vivre sans déchirement ?
  • Qu’entend-on par souveraineté ?- L’action de l’homme est-elle libre ou déterminée ?-
  • Une possible conciliation : calvinisme ou arminianisme ?

1. La souveraineté de Dieu

Un terme peu courant

En consultant les catéchismes catholiques et protestants, on a la surprise que ni l’un ni l’autre n’a de rubrique intitulée de ce mot. Cela se comprend car ni ce terme ni  « Tout-puissant » ne sont très courants dans la Bible.

Dans l’Ancien Testament, on trouve plutôt « l’Eternel des armées » (Colombe) ou « le Seigneur de l’univers » (Bible en Français Courant). Dans le NT, c’est « le Seigneur du ciel et de la terre » (Matthieu 11.25). Le catéchisme protestant (réformé) consacre tout un chapitre à « la prédestination » qui est une conséquence pratique de la souveraineté de Dieu.

Pas de définition biblique mais mise en action

Comme pour beaucoup d’autres notions, les textes bibliques ne donnent pas de définition, mais montrent cette souveraineté en action ; ils abondent aussi bien dans l’AT que dans le Nouveau Testament. Juste quelques exemples :

A toi, Eternel, appartiennent la grandeur, la puissance et la magnificence, et la gloire et la majesté. Car tout ce qui est dans le ciel et sur la terre est à toi, Eternel. C’est à toi qu’appartient le règne, tu es le souverain au-dessus de tout être.  (1 Chroniques 29.11)

L’Eternel accomplit tout ce qu’il veut au ciel et sur la terre, dans les mers et dans les abîmes. Psaume 135.6.

Dès le commencement j’annonce l’avenir, et longtemps à l’avance ce qui n’est pas encore. C’est moi qui dis et mon dessein s’accomplira, oui, j’exécuterai tout ce que mon cœur désire. (Esaïe 46.10.

C’est en [Jésus] qu’ont été créées toutes choses [par Dieu], dans les cieux comme sur terre, les visibles, les invisibles, les Trônes, les Seigneuries, les Autorités, les Puissances. Oui, par lui et pour lui tout a été créé. Il est lui-même bien avant toute chose et tout subsiste en lui. Colossiens 1.16-17.

Que faut-il comprendre par « souveraineté de Dieu » ?

Il est libre : personne et rien n’a d’autorité, ni de pouvoir sur lui ; lui a autorité et pouvoir sur tout.
Il est tout-puissant : rien ni personne n’a de consistance, d’existence à côté de lui. Rien ne peut agir en dehors de lui ou s’opposer efficacement à lui.
Il est omniscient : il connaît tout et à fond dès avant la création. Il est présent partout à la fois.
Il est au départ de tout : tout ce qui est, a son origine, sa raison d’être, son droit d’exister en lui.
Il est à la fin de tout : tout ce qui est, existe par rapport à lui, pour célébrer sa gloire.
Il est vrai amour : c’est un Dieu de relation qui fait alliance avec ses créatures. Il est absolument fiable et sans changement dans un amour inconditionnel, sans réserve.
– Il est vraiment saint, absolument pur et juste, étranger et inaccessible au mal.
Il est éternel, sans commencement ni fin, en dehors de l’espace et du temps, il ne change jamais.
Il est la Vie qui n’existe et ne peut subsister en dehors de lui.

Personnalité incomparable, créatrice de vie

Toutes ces qualités associées qualifient non pas une notion abstraite, statique, sans vie, mais une personnalité incomparable, éminemment vivante, active, créatrice de vie. Elle suscite et soutient l’existence d’une infinie multiplicité et diversité d’objets inanimés et d’êtres vivants.

Les philosophes demandent pourquoi il y a quelque chose  et non pas rien, et n’y ont rien à répondre. La Bible montre que c’est parce que Dieu existe, parce qu’il est la Vie.

C’est « en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être » . Ou bien « en lui nous avons la vie, nous pouvons nous mouvoir et nous existons » (Actes 17.28).

Souveraineté dans tous les domaines

Cette suprématie, Dieu l’exerce dans tous les domaines et en particulier dans :

la création et le maintien en existence de tout ce qui est ;
l’histoire de l’humanité : à l’échelle individuelle et à celle des peuples. Il est maître des évènements de ma vie, il suscite les dirigeants, conduit leur carrière, les remplace…
la rédemption : c’est lui qui en a pris l’initiative dès avant la création. Il en a conçu le plan, l’a mise en œuvre jusque dans les détails. Il l’a conduite à sa totale réussite, malgré et même au moyen des obstacles opposés par le diable et les hommes.

Il rend l’homme capable d’y entrer délibérément et d’y progresser dans le service et la sanctification. Il se constitue ainsi un peuple parmi lequel il habite et qui le glorifie.

Doctrine fondamentale pour la foi

Cette doctrine a une importance fondamentale pour notre vie de foi

Elle fonde et approfondit notre respect pour Dieu qu’elle replace sur son trône. Elle nous rend attentifs à l’infinie supériorité de Dieu à l’homme, à la multiplicité des facettes de sa sainteté et au privilège de le savoir, malgré cela, tout proche de nous, au point de vouloir être notre Père.

Elle constitue le fondement de notre vie spirituelle. Celle-ci s’épanouit dans l’adoration, qui est le fait de placer Dieu au centre de contrôle de notre vie, au-dessus de tout ce que nous respectons. Ce n’est pas un homme qui peut concevoir le culte digne de Dieu. Seul Dieu peut nous le révéler et nous y conduire par son Esprit

Elle montre le caractère absurde, indigne, offensant de toute religion conçue par l’homme et du salut par les œuvres. Qu’est-ce qu’un petit être pécheur peut apporter et faire valoir face à l’infinie majesté sainte du Créateur soucieux de bénir sa créature ?

Elle remet l’homme et Dieu, chacun à sa vraie place. Nous sommes de petites créatures souillées et déchues par notre folie d’indépendance et Dieu est si extraordinairement élevé et différent de tout ce qu’il a fait et qu’il aime.

Elle inspire une soumission volontaire et confiante à ce Dieu aimant, l’humilité devant sa majesté, la sécurité sous ce Tout-puissant fidèle à ses engagements, la louange envers ce Père chez qui tout ce qu’on imagine de lui est encore infiniment dépassé par la réalité effective.

Elle est la garantie totale de notre avenir après de Dieu. Ce qu’il a projeté et promis, il a tout pouvoir de le réaliser et rien ne peut l’en empêcher.

2. Action libre ou déterminée ?

Dans la réflexion menée jusqu’ici est souvent réapparu le mot « tout » ou d’autres termes qui excluent une restriction ou une limitation à propos de Dieu.

Pas de hasard !

On jette le sort dans les pans du vêtement du prêtre, mais c’est de l’Eternel que dépend toute décision.  Proverbes 16.33.

Cela veut dire que même ce qu’on appelle le sort, le destin, le hasard ne sont que des chimères sans consistance devant Dieu. D’ailleurs on invoque souvent ces grands machins impersonnels imposants, voire effrayants pour éviter de parler de Dieu. Eux non plus ne peuvent donc limiter l’action souveraine de Dieu.

Libre-arbitre de l’homme / souveraineté de Dieu ?

Et qu’en est-il de l’homme qui revendique la liberté de ses choix, son libre arbitre, « sa faculté de se déterminer sans autre cause que sa volonté elle-même dans des choses où il n’y a aucune raison qui le penche d’un côté plutôt que de l’autre » (Dictionnaire le Robert).

Si Dieu est souverain, si c’est lui qui prend toutes les décisions, au point que « pas un seul moineau ne tombe à terre sans le consentement de notre Père céleste » ( Matthieu 10.29), que reste-t-il comme espace pour une liberté quelconque de l’homme ?

Celle-ci n’est-elle pas une simple illusion et l’homme n’est-il pas seulement une marionnette manipulée par infiniment plus fort que lui.

Dieu est-il souverain même pour accorder ou refuser le salut à l’homme ? Ou bien sa toute-puissance s’arrête-t-elle au seuil de ce domaine de la vie humaine ?

Romains 9.18 déclare bien que Dieu a pitié de qui il veut avoir pitié et il endurcit qui il veut endurcir .
Exode 9.12 indique que Pharaon a été endurci par Dieu pour ne pas lui obéir. Mais c’est seulement après les cinq premières plaies pour lesquelles il est chaque fois précisé que c’est Pharaon qui s’est obstiné contre Dieu de son plein gré.

Définissons trois  notions-clés :

Déterminisme

Le comportement humain ne peut-être sans cause, puisque rien ne se produit sans cause. Donc tout acte humain est causé par un facteur extérieur à l’homme et cette cause ultime c’est Dieu.

« Le libre choix, c’est de faire ce qu’on désire, mais c’est Dieu qui donne le désir » (Jonathan Edwards). Cela fait penser à Philippiens  2.13 : « C’est Dieu lui-même qui agit en vous pour produire à la fois le vouloir et le faire, conformément à son plan d’amour ». L’homme n’aurait donc aucune liberté de choix.

Objections :
[1] On ne fait pas toujours ce qu’on désire et on ne désire pas toujours ce qu’on fait (Romains 7.15-16). Dans ce cas la cause n’est pas Dieu mais le péché. En fait c’est repousser le problème d’un cran : le péché limite-t-il Dieu ? Sûrement pas, puisqu’il l’a vaincu à la Croix.

[2] Dieu peut prédéterminer des actions humaines en accord avec le libre arbitre plutôt qu’en contradiction avec lui. L’homme peut choisir, vouloir la même chose que Dieu veut.

Indéterminisme

Mon comportement n’a aucune cause. Il n’y a rien qui me pousse à tel acte plutôt qu’à tel autre, à le faire de telle façon plutôt que de telle autre. Tout est arbitraire et imprévisible.

Objections :

[1] D’ordinaire l’homme réfléchit avant d’agir et met ensuite le fruit de sa réflexion à exécution. Il y a donc souvent une cause identifiable.

[2] Ce serait faire de l’homme un être imprévisible, irresponsable, immature, invivable.

[3] C’est même priver Dieu de son rôle de Créateur qui a fait toute chose et toute personne en vue d’un but et les soutient, les conduit par sa parole vers la réalisation de ce but.

Auto-déterminisme

Les actes d’une personne sont provoqués par elle-même et non par autrui, sinon la personne ne serait pas responsable. Dans « responsable » il y a « répondre de » ses actes et cela implique le libre choix. Si c’est Dieu qui détermine tout, c’est lui aussi qui est responsable de l’origine du péché, de l’existence de Satan. Or Dieu n’agit pas contre lui-même.

Objections :

[1] L’homme est déchu de sa liberté d’origine qu’il a vendue à Satan. Il est esclave du péché, donc pas libre de répondre à l’Évangile, à moins que Dieu n’agisse en lui par le Saint-Esprit pour le rendre capable de répondre positivement. Sa tendance naturelle, c’est de repousser Dieu et l’Évangile.

[2] La Bible enseigne la souveraineté de Dieu, mais elle donne aussi des ordres. Nul n’a jamais eu une compréhension plus profonde de la souveraineté de Dieu que Jésus. Or tout son ministère consiste à appeler les gens à croire en lui et à entrer dans le royaume de Dieu. La Bible fourmille d’appels au choix personnel, à croire en ce que Dieu dit ou fait :

Je prends aujourd’hui le ciel et la terre à témoins (c’est solennel) : je vous offre le choix entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisissez donc la vie, afin que vous viviez … Deutéronome 30.19)
Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et les tiens ! Actes 16.31.

Il doit donc y avoir possibilité de choisir pour Dieu malgré le péché qui pousse à l’opposé.

Des limites à la souveraineté de Dieu ?

A plusieurs reprises il est apparu ci-dessus que la souveraineté de Dieu se heurte à la liberté, donc à la responsabilité de l’homme. En effet du point de vue rationnel il y a incompatibilité : si la souveraineté de Dieu est entière, la liberté de l’homme est nulle.

Inversement toute proportion de liberté de l’homme réduit d’autant la souveraineté de Dieu. Or, outre ces deux valeurs, il y a encore d’autres réalités qui semblent restreindre la souveraineté de Dieu.

Le mal, le scandale le plus choquant de la Création.

Or la surprise, c’est que la Bible n’explique pas le rapport entre le mal et la souveraineté de Dieu. Elle dit que Dieu ne fait pas le mal ni ne l’approuve (Habakuk 1.13 ; Jacques 1.13).

Tout en le tolérant provisoirement, Dieu le limite (Job 1.12-2.7). Mais il le juge soit immédiatement (Hérode dans Actes 12.19-23), soit à la fin de l’Histoire (Apocalypse 20.11-15). Sa toute puissance, sa sagesse sont telles qu’il peut même utiliser le mal pour le bien de ses enfants (Joseph dans Genèse 50.20) ou pour contribuer à réaliser son plan : Romains 8.28-29.

Donc le mal ne peut agir que provisoirement et dans une mesure limitée. Il n’a aucun avenir autre qu’un jugement radical et complet. Il ne constitue donc pas une restriction vraiment efficace à la souveraineté de Dieu.

L’évangélisation

Si la carrière humaine sur terre est déjà souverainement arrêtée depuis l’éternité passée, que peut y changer le travail d’un évangéliste, à quoi bon évangéliser ? Cela pourrait conduire à l’amertume ou à la passivité et l’irresponsabilité. Or ce qui précède nous a déjà montré que la souveraineté de Dieu et la responsabilité de l’homme ne s’excluent pas en fait.

On peut par exemple faire le constat suivant : dans la même courte séquence de Matthieu 11.25-30 Jésus affirme l’absolue souveraineté de Dieu mais il appelle aussi les pécheurs à venir à lui pour être sauvés.

Paul brosse un tableau saisissant de la souveraineté de Dieu dans Ephésiens 1. Mais  il envisage comme une chose certaine qu’une personne connaîtra un sort diamétralement opposé, selon le choix de vie qu’elle fait.« Si nous persévérons… si nous le renions » (2 Timothée 2.11-13). Pour Paul les deux choses logiquement inconciliables sont tout aussi possibles.

La prière, un comportement étroitement lié à l’évangélisation et à l’idée de changer des situations.

Jean affirme avec une totale certitude qu’une prière bien conçue c’est-à-dire conforme à la volonté de Dieu, entraîne des changements. Dans Romains 8.31-32 Paul s’appuie même sur la souveraineté de Dieu pour faire la même affirmation.

Il y a environ 30 ans, des chrétiens ont lancé une action de prière de 10 ans pour abattre le communisme russe. 8 ans plus tard celui-ci s’est effondré.

Dans sa prière pour ses frères juifs en Romain 9.1-5,  Paul ne pense nullement que tout est irrévocablement figé quant au sort des juifs. Il tire justement argument de la souveraineté absolue de Dieu pour demander avec assurance un retournement de situation pour les juifs.

3. Une possible conciliation

Contradiction insurmontable ou compatibilité ?

D’une part, du point de vue logique, rationnel on a affaire à une contradiction insurmontable : s’il y a souveraineté de Dieu, il ne peut y avoir liberté, responsabilité de l’homme et inversement.

D’autre part la révélation biblique considère tranquillement les deux comme compatibles et même indispensables l’un à l’autre dans une vie chrétienne vécue dans la conviction de l’inspiration divine de la Bible et dans une confiance obéissante à Dieu.

Marque de l’inspiration divine ?

N’est-ce pas là une marque de l’inspiration divine de la Bible : elle dépasse la logique humaine et fait un facteur de paix, d’assurance et de croissance spirituelle de ce que d’autres voient comme une tension insupportable.

Ainsi, bien des religions et même certains courants chrétiens considèrent comme impensable de présenter comme venant de Dieu quelque chose qui ne concorderait pas avec la logique, la raison humaine.

Et cela revient à affirmer que la pensée de Dieu ne saurait dépasser le niveau d’une réflexion humaine, que Dieu est au maximum un être humain très intelligent.

Concilier deux réalités opposées ?

Alors comment concilier ces deux réalités opposées ? Ne nous cachons pas qu’on est là en face d’un mystère majeur de la Création. Suggérons quelques éclaircissements.

  • Conciliation possible dans le vécu

Comme déjà suggéré, dans la Bible ce qui peut heurter un esprit logique, se vit néanmoins très bien en pratique, si c’est dans la confiance et la dépendance de Dieu. La conciliation se fait dans le vécu pratique.

  • Le « oui » de l’homme à Dieu est un don de Dieu

Des déclarations comme Philippiens 2.13 (le vouloir et le faire) font penser que même le oui de l’homme à Dieu est encore un don souverain de Dieu. Il y a des gens qui estiment que l’acceptation du salut pourrait être considérée par l’homme comme un mérite, puisqu’elle dépend de lui.

Or l’homme ne peut prétendre à aucun mérite : accueillir avec confiance le salut gratuit de Dieu ne peut se faire que dans une attitude d’humilité et de reconnaissance, sans idée de mérite. Alors cela n’a rien à voir avec un effort accompli dans l’espoir d’obtenir le salut.

  • Amour de Dieu pour ses enfants

Plus important est un autre aspect déjà effleuré. On a vu qu’une facette de la souveraineté de Dieu, c’est son amour fidèle pour ses enfants. Il ne me voudra jamais que du bien et ce qu’il me demande a aussi passé au crible de sa sagesse et de son amour.

  • Confiance et obéissance

La meilleure réaction que je puisse avoir à ce qu’il me dit ou me demande sera donc la confiance et l’obéissance. Ma volonté sera mise en harmonie avec la sienne, qui fait concorder les deux dans la prière.

Ainsi ma liberté ne s’opposera jamais à la souveraineté de Dieu, mais je choisirai librement de vivre en accord avec sa volonté. Si je laisse le Fils de Dieu me libérer de mes craintes infondées, des liens illégitimes, du souci de moi-même, je serai vraiment libéré et les deux volontés collaboreront dans la même ligne.

4. Qu’est-ce que la foi ?

Une foi centrée sur moi ?

Est-ce surtout le moyen d’obtenir ce que je désire, de restaurer ma vie pour en faire quelque chose qui vaut la peine d’être vécu ? Alors la foi est centrée sur les dons reçus de Dieu et non sur lui, mais aussi dans une large mesure sur moi.

Ou une foi centrée sur Dieu ?

Or je peux aussi me dire que seul mon Créateur aime et respecte assez sa créature pour la conduire dans une relation qui concilie ce qui paraissait inconciliable. Lui seul est capable, comme Créateur, de me conduire de façon qu’un oui de ma part soit à la fois et réellement le mien et le sien.

La décision pour le salut fonctionne alors un peu comme l’inspiration de la Bible. Son texte est à la fois ce que Dieu dit et ce que l’homme écrit sous la conduite de Dieu. Je serai totalement dépendant de mon Créateur, heureux de sa souveraineté, mais aussi dégagé de ce qui freine la vie chrétienne pour découvrir une vraie liberté : Jean 8.31-32.

Cette liberté augmentera à mesure que la soumission volontaire s’étendra à de nouveaux domaines de la vie. Cela jettera une toute nouvelle lumière sur Philippiens 2.13. Dans ce cas la foi est centrée sur Dieu le donateur. Il sait mieux que moi de quoi j’ai vraiment besoin et il ne m’en laissera pas manquer.

4. Deux doctrines chrétiennes : le calvinisme et l’arminianisme

Il nous faut encore nous arrêter à ce que l’Église chrétienne a fait de cette doctrine dans son histoire. Elle a donné naissance à deux courants largement opposés, selon qu’on met l’accent sur la liberté de l’homme ou sur la souveraineté de Dieu.

a) D’abord le courant qui insiste sur la souveraineté de Dieu : Calvinisme

Représentant ancien : Augustin d’Hippone, évêque nord-africain, 354-430, principal Père de l’Église .
Adam avait à l’origine la possibilité de pécher ou de ne pas pécher. Sa désobéissance lui a fait perdre la grâce, donc la possibilité de ne pas pécher. Seule la grâce de Dieu peut le réorienter vers le bien. Dieu choisit désormais parmi les perdus des gens appelés au salut. En eux la grâce éveille le besoin et le désir du salut, elle leur donne de décider de se repentir et de changer de direction, elle donne le cadeau de la justification, la capacité d’acquérir des mérites et de persévérer. Ce qui sauve, c’est la foi seule qui agit par l’amour.
Par la suite l’Église mettra de côté la doctrine de l’élection, mais retiendra celle de la grâce comme don surnaturel qui permet d’acquérir des mérites.

C’est Martin Luther (1483-1546), moine augustin, qui reprendra la question de la justification comme étant l’œuvre de Christ qui produit la foi par le Saint-Esprit.
Au 16e s. Jean Calvin (1509-1564) enseigne la foi biblique à Bâle, Strasbourg et  Genève en se fondant d’abord sur les idées de Luther. Il va élaborer une conception très radicale de la souveraineté de Dieu.

A la chute l’homme a perdu son libre arbitre ( serf-arbitre de Luther), il est devenu esclave du péché. Cela l’a rendu incapable par lui-même de se repentir et de croire en disant oui à Dieu : « L’homme livré à lui-même ne reçoit pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu ; à ses yeux c’est pure folie et il est incapable de le comprendre, car seul l’Esprit de Dieu permet d’en juger. » (1 Corinthiens 2.14).  Il faut que le Saint-Esprit lui donne de dire oui et le régénère. Ce oui sera alors aussi bien le sien que celui du Saint-Esprit.

Dieu exerce sa souveraineté en toute chose : il prédétermine/ prédestine tout. Quelque chosese arrive parce que Dieu l’a décrété et a mis son décret à exécution. Ce qu’il n’a pas prévu dans son plan, ce qu’il n’a pas décrété, n’a aucune chance de se produire. Il n’y a pas de hasard, sinon Dieu ne serait pas entièrement souverain. Il aurait en face de lui une réalité sur laquelle il n’aurait pas prise et avec laquelle il devrait composer, ce qui limite d’autant sa souveraineté. Il est également souverain pour notre salut qui est le produit d’un décret d’élection pris avant la fondation du monde (Ephésiens 1.4).

Tôt ou tard tous les élus seront sauvés. Quand ils entendent l’Évangile, ils l’accueillent et deviennent des sauvés (Romains 8.30) : « Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent. » (Actes 13.48).
Seul Dieu est capable de nous déterminer (pas nous) à dire oui à Dieu et il le fait non de l’extérieur de l’homme, mais de l’intérieur, par le Saint-Esprit.
Pourquoi Dieu choisit-il l’un et pas l’autre ? Il n’y a pas de réponse directe, sinon que ce n’est pas par considération de personne, par favoritisme. C’est un acte de grâce qui a sa cause en Dieu et non en l’homme.

Orientation doctrinale de l’Eglise réformée et de l’Eglise anglicane

Cette orientation doctrinale se retrouve aujourd’hui dans l’Église réformée et dans l’Église anglicane. Un chrétien évangélique la suit aussi très largement, mais pas jusqu’en son aboutissement extrême, tel qu’il apparaît dans la confession de foi de Westminster de 1646.
« Par le décret de Dieu, pour la manifestation de sa gloire, certains hommes et certains anges sont prédestinés à la vie et d’autres pré-ordonnés à la mort éternelle. » (article. 3)

Revenons aux cinq points qui peuvent limiter la souveraineté de Dieu :

Évangélisation :

Elle est nécessaire pour que le tri ait lieu entre ceux qui diront oui à Dieu parce que le Saint-Esprit les y a préparés et poussés, et ceux qui lui diront non, parce qu’ils restent livrés à eux-mêmes et centrés sur eux-mêmes.

Liberté et responsabilité humaine :

Le catéchisme réformé appelle clairement à la conversion vue comme la « réorientation de notre vie, de nos paroles, de nos pensées et de nos actes », « le renouvellement de l’intelligence ». Mais il implique la liberté de choix comme une évidence.

Prière :

C’est largement le même problème que pour les deux précédents. Elle trouve toute sa raison d’être et son assurance dans la promesse de 1 Jean 5.14-15

« Et voici quelle assurance nous avons devant Dieu : si nous demandons quelque chose qui est conforme à sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu’il nous écoute, nous savons aussi que l’objet de nos demandes nous est acquis. »

Il reste le problème important auquel la Bible ne donne pas non plus de réponse directe.
Comment Dieu a-t-il pu permettre l’entrée du mal, du péché dans sa création ?

b) La doctrine inverse : Arminianisme

Représentant ancien : Pélage (350-420) contre qui Augustin s’est battu. L’homme dispose du libre-arbitre, il est capable par lui-même de faire le bien et de respecter les commandements de Dieu ; la grâce est une simple aide de la part de Dieu.

Arminius, (1560-1609) théologien hollandais  critiqua la doctrine de la prédestination, mais fut lui-même accusé d’être un nouveau Pélage. Ses adeptes sont appelés arminiens ou remontrants.

Election conditionnée par l’homme

Nous sommes esclaves du péché. Dieu sait donc de toute éternité ce qui va arriver = celui qui sera sauvé et celui qui sera perdu. Il le sait d’avance (prescience), mais ne l’a pas décrété (prédestination). Dieu accorde une grâce universelle. Par elle, il restaure en l’homme son libre arbitre, sa liberté absolue de choisir sa destinée éternelle. C’est l’homme qui choisit de coopérer avec la grâce ou de lui résister : Dieu n’influence pas ce choix. L’élection est conditionnelle, fondée sur une décision non de Dieu, mais de l’homme qui prend librement position envers l’offre de salut.

Volonté universelle de salut mise en avant

Arminius met en avant les textes présentant la volonté universelle de salut de Dieu.
« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 2.3-4).
A son avis de nombreux textes que les calvinistes lisent dans une optique individuelle, concernent en fait des peuples entiers. Il parle d’élection collective. Ainsi dans Romains 9.10-14, Jacob et Esaü sont deux peuples. Dans Romains 1 17-19, pharaon c’est toute l’Egypte.

Différences d’accent entre les deux doctrines

Arminianisme : On ne peut affirmer la responsabilité de l’homme en niant son libre arbitre.
Calvinisme  : Si Dieu se contente de restaurer le libre arbitre sans intervenir dans la décision de l’homme, celui-ci glissera sur sa pente naturelle d’indifférence ou d’hostilité à Dieu et il reste perdu. Affirmer le libre arbitre de l’homme, c’est limiter la souveraineté de Dieu qui donne le salut de A à Z.

: On ne peut pas prier pour le salut de  quelqu’un, ce serait intervenir contre sa liberté.

: Dieu peut souverainement avoir décidé d’agir en réponse à une prière par un changement de situation de l’homme. Alors la prière obtient un changement de situation dans le cadre de la souveraineté de Dieu et non en la violant ou en la restreignant.

Le catéchisme catholique exprime une position  très proche de l’arminianisme : Dieu est le maître souverain de son dessein. Mais pour sa réalisation il se sert aussi du concours des créatures. Ce n’est pas là un signe de faiblesse (limitation), mais de grandeur et de bonté du Dieu Tout-puissant. Car Dieu ne donne pas seulement à ses créatures d’exister, mais aussi la dignité d’agir elles-mêmes, d’être causes et principes les unes des autres et de coopérer ainsi à l’accomplissement de son dessein (§ 306).

Conclusion

L’impression s’impose d’avoir affaire à un sujet trop complexe pour qu’on lui trouve une explication entièrement satisfaisante.
C’est le sentiment d’Antoine Nouis qui déclare :
« Dire une parole définitive sur la prédestination (ou la souveraineté de Dieu) est une gageure, car cela nous ferait entrer dans le conseil de Dieu [participer sur un pied d’égalité aux décisions éternelles de Dieu]. Cela dit, nous sommes appelés à mettre notre intelligence au service de notre foi » (p 337).
Être intelligent ici, c’est être prudent. L’Écriture affirme avec autant d’insistance la souveraineté de Dieu que la nécessité d’un changement volontaire de position de l’homme.

La crucifixion est autant le couronnement irrésistible du plan souverain de Dieu qu’une abjection ultime librement organisée par des pécheurs responsables (Matthieu 26.24).
La position des chrétiens, c’est bien celle de fils et de filles de Dieu. Ils ont été libérés par notre Père et de ce fait désireux de le servir par reconnaissance et amour. Ce qui revient au point 4 de la partie 3.

Si l’on considère les choses depuis la terre, on voit surtout l’appel lancé à l’homme à faire le choix de la Vie. Les choses vues du ciel mettent en avant la souveraineté absolue de Dieu. C’est un effet de celle-ci de savoir faire concourir harmonieusement deux valeurs logiquement inconciliables.

Cela a fait dire à quelqu’un qu’elles sont les deux faces de la même médaille. Spurgeon a précisé que si sur terre elles coexistent comme des parallèles qui ne se rejoignent jamais, au ciel elles s’entremêlent majestueusement.

Après tout une telle double doctrine prend une toute autre allure, selon qu’on l’aborde d’un point de vue seulement théorique et extérieur ou qu’on la vit dans une relation personnelle soutenue. Alors elle ne choque et ne bloque plus, mais devient une bénédiction libératrice :
« L’amitié, le secret, l’intimité de l’Eternel est pour ceux qui le craignent.
l’Eternel confie ses desseins à ceux qui le révèrent, et il les instruit de son alliance.
 » Psaume 25.14

J.J.Streng

Justice et justification par la foi

Sens biblique de justice et justification

Justice et justification, deux mots-clés de la lettre aux Romains et de la vie chrétienne, sont des notions qu’il vaut mieux ne pas chercher dans le dictionnaire pour en saisir le sens biblique. Cette remarque s’impose encore plus pour le dérivé justification que pour justice.

Paul emploie le mot justice pour la première fois dans Romains 1.16-17 qui est l’exposé du thème principal de l’épître, puis on le retrouve souvent dans la suite.

Car je n’ai point honte (je suis fier) de l’Évangile : c’est la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec, parce qu’en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi ; selon qu’il est écrit : Le juste vivra par la foi. Romains 1.16-17.

Mais maintenant, sans la loi est manifestée la justice de Dieu, à laquelle rendent témoignage la loi et les prophètes, justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ pour tous ceux qui croient. Il n’y a point de distinction. Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ.

C’est lui que Dieu a destiné à être par son sang pour ceux qui croiraient victime propitiatoire, afin de montrer sa justice, parce qu’il avait laissé impunis les péchés commis auparavant, au temps de sa patience ; il montre ainsi sa justice dans le temps présent, de manière à être juste tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus.

Où donc est le sujet de se glorifier ? Il est exclu. Par quelle loi ? Par la loi des œuvres ? Non, mais par la loi de la foi. Car nous pensons que l’homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi.

Ou bien Dieu est-il seulement le Dieu des Juifs ? Ne l’est-il pas aussi des païens ? Oui, il l’est aussi des païens, puisqu’il y a un seul Dieu, qui justifiera par la foi les circoncis (les juifs) , et par la foi les incirconcis (les non juifs). Annulons-nous donc la loi par la foi ? Loin de là ! Au contraire, nous confirmons la loi. Romains 3.21-31

1. Le besoin de justification

Comment se justifier devant un Dieu saint ?

Quelqu’un qui réfléchit à ce qu’il est et à ce qu’il fait, sait qu’il en est responsable devant lui-même, ses proches , la société et surtout devant son Créateur. Or s’il est déjà parfois difficile de se justifier devant ses semblables, comment le faire devant un Dieu absolument saint et juste ?

Surtout que … Romains 1.19-20 ! Le remède qui vient spontanément à l’esprit : tâcher de compenser ses fautes par des actions bonnes pour restaurer un semblant d’équilibre. C’est la base de nombreux systèmes moraux et d’un nombre infini de religions. Et s’il en est qui ne demandent pas grand effort, d’autres écrasent l’homme sous leur rigueur.

Martin Luther et sa découverte de la justification par la foi

Martin Luther

C’est ce qui a dérouté Martin Luther, le moine augustin dans son couvent à Erfurt dans les années 1510. 

Elle exigeait du pauvre moine tant de privations, de mortifications, de pénitences sévères et prolongées, mais il ne savait pas un jour s’il en avait assez fait ou assez enduré.

Cette discipline, à laquelle il s’est ajouté pour se rassurer, lui a donné l’impression qu’il devait payer non seulement pour tous ses péchés, mais aussi pour la mort que Jésus a subie pour ces péchés.

Luther était devenu professeur de théologie à la faculté de Wittenberg, ce qui lui donna le droit de lire la Bible.

Dans la lettre aux Romains il est retombé encore sur ces expressions terribles de justice de Dieu et la loi de Dieu. Mais l’exposé de Paul ne soufflait mot de l’obligation catholique d’expier soi-même ses péchés.

Des déclaration fracassantes !

Le chapitre 3 contient une série de déclarations qui font exploser le judaïsme des anciens pharisiens et le catholicisme qui a été inculqué à Luther et enseigné par lui-même:

Dieu nous déclare justes sans faire intervenir la Loi ; nous sommes déclarés justes par la foi et  par la grâce ; c’est un don de Dieu. Dieu est juste tout en déclarant juste celui qui croit en Jésus ;

et puis surtout ce v. 28. Or tout cela n’est pas destiné à abolir la Loi, mais à la confirmer (v.31).

Ici sont réunies en quelques phrases la foi, la grâce, la primauté de la Parole de Dieu

Trois principes fondateurs de la Réforme : sola fide, (foi seule) sola gratia (grâce seule) , sola scriptura (Écriture (Bible) seule)

Une libération radicale

C’était un message tellement nouveau, pas du tout enseigné à la faculté de Wittenberg, insoupçonné du professeur de théologie M. Luther, un message qui a fait sauter toute la chape d’erreurs qui le désespérait.

Cela lui a apporté une libération, un renouveau radical, le vrai début de sa vie chrétienne et l’ouverture de l’Évangile à son pays, à l’Europe et au monde, un bienfait dont nous bénéficions encore aujourd’hui.

2. Qu’est ce que la justification par la foi ?

Quand quelqu’un se pose la question de sa situation devant Dieu, il se trouve face à deux réalités fondamentales :

Le péché face à la sainteté de Dieu

Sa bonne volonté se heurte à ses failles et défauts moraux : « le péché ». La loi de Dieu est aussi rigoureuse que la sainteté de Dieu est absolue et l’homme ne peut absolument pas y satisfaire. Son avenir est irrémédiablement bloqué par la sentence de mort qui frappe le péché. On se trouve dans une impasse spirituelle désespérante.

Un remède radical

Dieu a pris l’initiative de remédier radicalement à ce drame, en total accord avec Jésus. Devenu homme, Jésus a vécu une vie d’homme juste, sans péché et a sacrifié cette vie pure à la sentence de mort sur le péché.

Cette substitution opérée par Jésus entraîne l’expiation, le paiement de la dette morale de l’homme, donc l’effacement de tout obstacle entre Dieu et sa créature. L’impasse s’ouvre sur une route nouvelle sans obstacle.

Un remède efficace et suffisant

Puisque ce remède est accepté comme efficace et suffisant par le divin Juge, ce salut devient réalité vécue pour celui qui y croit, qui le veut pour sa vie, qui fait confiance à Dieu pour son salut.

Par cet acte de foi il déclare juste et méritée la sentence de mort prononcée sur lui comme pécheur et il saisit pour lui l’efficacité de l’expiation opérée par Jésus. C’est se rendre spirituellement solidaire de Jésus dans cette mort méritée par le péché et expiée par Jésus.

Sa dette se trouve ainsi payée par Jésus à sa place et lui en est déchargé. Il n’est pas juste ou innocent en lui-même, mais Dieu le traite comme tel, le déclare juste par sa foi en Jésus-Christ (v.22), l’homme est déclaré juste par la foi, sans qu’il ait à accomplir les œuvres qu’exige la Loi  (v. 28).

Dieu ne nous fait pas voir la réalité autrement, il fait que notre réalité devient autre, il nous transpose dans une autre réalité. L’homme qui s’est solidarisé par la foi avec Jésus dans sa mort, est entraîné par lui dans sa résurrection. Il n’est plus le même : il ressuscite à une vie spirituelle toute nouvelle. De rebelle il devient enfant de Dieu et même frère de Jésus-Christ

 Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. 2 Corinthiens 5.17. 17

Dans son expérience tout ce processus a comme point de départ la foi et tout ce qui va suivre sera également reçu et vécu dans la foi et donné par Dieu en cadeau à la foi.

La justice de Dieu vient de la foi et s’épanouit dans la foi. Romains 1.17.traduction Maredsous.

Un remède contesté et choquant

Pour un juif cet Évangile est doublement choquant :

– Dieu justifie le pécheur !! N’est-ce pas annuler la loi par la foi ? (31) n’est-ce pas encourager à persister dans le péché pour que la grâce abonde ? (6.1) Ce sont là deux reproches lancés par les juifs à Paul. Mais quelle œuvre humaine serait assez méritante pour équivaloir, au moins un peu, au sacrifice de Jésus en croix ?
– Personne ne sera déclaré juste devant Dieu parce qu’il aura accompli les œuvres de la Loi (20). Que deviennent alors tous les efforts des pharisiens et les mortifications catholiques et autres ? Ne vous a-t-on jamais objecté que cet Évangile est trop facile ?

Un remède offert par Dieu à la foi seule

Cette justice révélée par l’Évangile, c’est celle d’un Dieu à l’œuvre pour sauver l’homme de ses péchés et des mensonges qui l’égarent.

C’est Dieu qui a décidé de tout offrir à la foi et seulement à la foi, sans le moindre ménagement pour la susceptibilité, l’orgueil naturel des gens ou pour la volonté de dominer des hiérarchies religieuses qui se sont emparées de la révélation pour imposer leur tutelle.

Encore une fois il ne s’agit pas de voir la réalité autrement, c’est Dieu qui crée une réalité nouvelle faite de son amour, de son désir de communion qui libère et sanctifie.

Une relation nouvelle avec Jésus-Christ

D’un côté cette justification est l’aboutissement de la longue quête du salut par l’homme. S’il accueille cette justice par la foi, il a trouvé rien de moins qu’une vie nouvelle marquée par une relation toute nouvelle avec Jésus, la personne la plus extraordinaire qui soit. Et tout cela sans aucune contrepartie.

Une nouvelle naissance et un nouveau départ

D’un autre côté une nouvelle naissance est un nouveau départ ; il y a là une relation à découvrir et épanouir, Il y a ce cadeau de la justice reçue en bloc qu’il s’agit de déballer et de mettre pratiquement en œuvre dans le quotidien. Là commence tout le voyage de la sanctification et du service pour notre Créateur qui nous a tout donné.

3. Aspects pratiques

Les bonnes œuvres, remède au péché : une illusion et une confusion

Pourquoi l’homme croit-il si spontanément que le remède au péché, ce sont de bonnes œuvres ?

Il y a bien sûr d’abord le souci et la fierté de ne pas être redevable d’un cadeau gratuit. On préfère que ça coûte, même si ça coûte beaucoup : on aura la satisfaction d’avoir fait ses devoirs religieux. Au prêtre de définir la dose et de voir si ça suffit.

Mais le problème est plus profond. Il y a une confusion que faisait déjà Luther entre le plan moral et le plan légal, c’est à dire une erreur dans l’ordre logique des choses. Confiant en ses capacités de s’améliorer soi-même, l’homme fait des efforts pour surmonter ses défauts. Par cette lutte il estime ou espère pouvoir se rapprocher d’un idéal de pureté morale, de sainteté. Ce faisant il oublie ou refuse qu’il y a d’abord entre lui et Dieu un grave problème de culpabilité légale face à la loi sainte de Dieu.

Un seul moyen de défense, la grâce de Dieu

Dieu balaie ces illusions : l’homme est radicalement perverti par le péché, moralement irrécupérable. Mais est-il capable et assez honnête pour avouer cela, c’est à dire pour reconnaître que cette évaluation du juge divin est juste, qu’elle correspond à la réalité ? Reconnaît-il donc que par lui-même il n’a pas de moyen de défense, de remède efficace et qu’il a besoin de celui que lui offre Dieu ?

Voilà deux questions concernant la vérité, l’aspect juridique, légal de sa situation et non le plan moral. Si la réponse à ces deux questions est oui, la personne donne raison à Dieu, le juge. Celui-ci applique alors son droit de grâce et déclare la personne juste, puisqu’un autre, un innocent, a payé à la place du coupable.

Cette décision de Dieu fait tomber toute séparation entre lui et la personne. Celle-ci se trouve réconciliée, en paix avec Dieu. Dieu a donc commencé par régler l’aspect légal du péché devant lui-même, le juge. Cette justification règle le problème légal de la culpabilité devant Dieu.

Les bonnes œuvres, oui, mais seulement après !

Reste le problème des bonnes œuvres : une affaire de chronologie, d’ordre logique. Doit-on commencer par faire d’abord des bonnes œuvres en espérant obtenir ainsi, ensuite le salut ?

Ne s’agit-il pas plutôt de recevoir d’abord par la foi le salut gratuit opéré par Jésus et de remercier ensuite le Sauveur par des bonnes œuvres pour lesquelles lui donnera et l’idée et les forces et la persévérance ?

On ne fait pas le bien pour être sauvé, mais après et parce qu’on a reçu un salut complet et gratuit. Cette nouvelle position accordée par Dieu pousse naturellement à lui plaire et à lui exprimer sa gratitude.

Autrement dit quand le problème est réglé sur le plan légal, vient très logiquement son règlement sur le plan moral. Cette nouvelle étape consiste en un nettoyage, une purification, une sanctification morale et spirituelle.

Une tension douloureuse : déclaré juste mais péchant encore

Reste alors la tension douloureuse exposée par Paul dans Romains 7.14-20. Dieu me fait au nom du Christ crucifié l’énorme cadeau de me considérer dès maintenant comme juste et même saint, alors que je sais que je chute encore souvent, bien que racheté. Comment faire concorder ma vie quotidienne souvent pécheresse avec ce statut de principe d’homme déclaré juste?

Luther répond par l’image d’une maladie grave qui exige la prise de médicaments et l’administration de soins adaptés. La guérison n’est pas acquise dès la première prise de médicament, mais si le traitement est suivi sérieusement la situation change.

La personne est d’une part malade en réalité, comme le croyant justifié commet encore effectivement des péchés. D’autre part elle est guérie en espérance et de plus en plus réellement, de même que le croyant avance progressivement dans la sanctification sous la conduite et avec les forces de Dieu. Il s’agit d’une tension normale qu’on peut résumer ainsi : deviens ce que tu es = fais devenir réalité quotidienne ce que tu es déjà en principe.

Une image de soi fondée sur la grâce et non sur les performances

Tout cela change aussi l’image que j’ai de moi-même. Celle-ci est désormais fondée sur la grâce de Dieu et non sur mes propres performances. J’ai reçu gratuitement un nouveau statut, une nouvelle identité que je n’ai pas construits moi-même. Ma règle de conduite sera donc très logiquement l’humilité. Et celle-ci ne sera pas un effort pour paraître plus petit que je ne suis, mais la conséquence du fait que je n’ai pu contribuer en rien à ma justification, à mon salut.

C’est vrai que Dieu m’accorde une identité magnifique : justifié, enfant de Dieu, membre de la famille de Dieu, mais c’est le résultat de l’œuvre de Christ et de rien d’autre.
Même chose pour le travail que je fais. Notre capacité vient du Christ (2 Co 3.5). La valeur du travail réalisé ne doit pas attirer les éloges sur moi qui l’ai fait, mais sur Dieu qui m’en a donné les moyens. Comme le dit Paul en prenant l’image de l’arbre : si tu es tenté par l’orgueil, souviens-toi que ce n’est pas toi qui portes la racine, c’est la racine, le Seigneur qui te porte (Romains 11.18).

L’homme participant au projet de Dieu

Quand l’homme communique quelque chose, il fait part d’une information, il transmet un enseignement, sa communication se situe au niveau souvent abstrait des paroles. Quand Dieu communique avec l’homme, il le fait bénéficier d’un projet concret dont l’homme sera le centre ou au moins partie prenante, c’est la mise en œuvre active, transformatrice, d’une volonté de Dieu au sujet de l’homme.

Comme exemples, pensons à la première rencontre de Dieu avec Abraham : ce que Dieu lui dit alors bouleverse toute son existence. Et même largement le monde. Quand l’ange Gabriel vient trouver Marie, c’est tout l’avenir de cette j. fille qui bascule, cette révélation inaugure carrément une nouvelle ère de l’humanité.

Nous savons tous que Dieu est sainteté, vérité, justice, amour, gloire. Eh bien, comme un vrai père il désire donner à ses enfants ce qu’il est, ce qu’il a. Pour toutes ces réalités de Dieu,  nous pouvons trouver des textes les expliquant, les promettant, parfois aussi longs que le Lévitique à propos de la sainteté et que Romains à propos de la justice.
Ou encore 1 Corinthiens  1.30.

Par lui, vous êtes unis au Christ, qui est devenu pour nous cette sagesse qui vient de Dieu : en Christ, en effet, se trouvent pour nous l’acquittement, la purification et la libération du péché.

Enfin les juifs espéraient être justifiés par Dieu à la fin des temps. L’Évangile annonce ce cadeau pour aujourd’hui , tout de suite et pas seulement pour les juifs, mais pour tout homme qui croit.

L’Évangile, une puissance de Dieu

C’est ainsi qu’il faut voir l’Évangile que Paul répand. Ses adversaires le soupçonnaient de ne pas oser présenter l’Évangile à Rome, ce centre culturel de haut niveau avec ses maîtres en philosophie et en rhétorique. Mais ça n’impressionne pas Paul : son message n’est en aucun de ses aspects quelque chose dont on aurait honte.

Bien loin de là, il sait que son Évangile est une puissance, c’est-à-dire justement ce que ces maîtres recherchent, une puissance de Dieu lui-même et une puissance capable d’opérer le salut et pas seulement pour les juifs, mais pour tout homme qui croit. Il sera donc logique que nous le voyions de la même façon.

J.J. Streng