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Le royaume de Dieu dans le coeur : le centurion de Capernaüm

Le royaume de Dieu dans le coeur : une formidable mission

Le Seigneur Jésus est venu du Père établir le Royaume de Dieu dans le cœur de ceux qui lui font confiance. Une formidable mission !

Comment Jésus procède-t-il ?

Etrange : il ne constitue pas de parti, ne formule pas de stratégie, il ne se fait conseiller par personne et ne distribue pas de programme…L’essentiel de son action, c’est de former 12 hommes après avoir prié pour les choisir et d’avoir une foule d’entretiens avec des individus ou des groupes parfois importants.

Dans cette masse de contacts les évangélistes en ont sélectionné un bon nombre, sans doute en fonction de leur valeur significative pour sa mission.

Rappelons un exemple bien caractéristique : Matthieu 8.5-13.

Comme Jésus entrait dans Capernaüm, un centenier (ou centurion) l’aborda, le priant et disant : Seigneur, mon serviteur est couché à la maison, atteint de paralysie et souffrant beaucoup. Jésus lui dit : J’irai, et je le guérirai. Le centenier répondit : Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ; mais dis seulement un mot, et mon serviteur sera guéri. Car, moi qui suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres ; et je dis à l’un : Va ! et il va ; à l’autre : Viens ! et il vient ; et à mon serviteur : Fais cela ! et il le fait.  Après l’avoir entendu, Jésus fut dans l’étonnement, et il dit à ceux qui le suivaient : Je vous le dis en vérité, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.  Or, je vous déclare que plusieurs viendront de l’orient et de l’occident, et seront à table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux.  Mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Puis Jésus dit au centenier : Va, qu’il te soit fait selon ta foi. Et à l’heure même le serviteur fut guéri.

1. Le cadre de cet épisode

Jésus a commencé à annoncer le Royaume de Dieu . Ses allocutions, il les accompagne de nombreux actes  de libération et de guérison qui lui attirent les foules.

Eveiller l’attention par des paroles

Le principe, c’est que ses actes doivent éveiller l’attention sur ses paroles. Les deux servent à l’identifier comme envoyé de Dieu, comme le Messie attendu par les croyants juifs.
Aussi, après un premier temps d’itinérance dans le pays, un jour Jésus rassemble la foule sur une hauteur et lui parle longuement de ce Royaume de Dieu, dans un registre très pratique.

Dieu au centre de la vie du croyant

Le croyant est sel et lumière dans son environnement. Tous les aspects de sa vie se déroulent sous l’autorité et l’inspiration de Dieu. Sa vie spirituelle est une affaire de cœur et non simplement de pratiques, de rites, parfois hypocrites ; sa vie sociale est fondée sur le respect et l’amour du prochain ; dans sa vie économique la relation à Dieu et au prochain prime sur le rapport aux biens matériels. En résumé, Dieu est au centre de la vie de chacun et les relations interpersonnelles fonctionnent selon la « règle d’or » : Mt 7.12.

Un engagement réciproque

Un impressionnant programme ! Mais attention, on est à l’opposé d’une campagne électorale. Ce n’est pas un programme qui, comme l’a un jour cyniquement avoué un certain président, qui n’engage que celui qui y croit. Il s’agit ici d’un engagement réciproque dans une relation où c’est Dieu qui fait l’essentiel : 2 Co 5.17-18 ; 1 Th 5.23-24. Une fois la charte du Royaume de Dieu  ainsi exposée, développée, Jésus ne s’isole pas là-haut dans le rêve de la théorie, entouré d’un petit cercle de collaborateurs privilégiés.

Proche des réalités

Il redescend et affronte immédiatement les réalités bien terre-à-terre et douloureuses de la maladie : un lépreux, le serviteur du centurion, la belle-mère de Pierre. Aucun rabbin n’aurait approché un lépreux : c’est interdit par la Loi et c’est une souillure qui coupe de la communauté au Temple. Aucun juif n’aurait envisagé d’entrer chez un païen, occupant militaire de surcroit. Aucun rabbin n’aurait perdu de temps auprès d’une femme ; une femme, ça ne compte pas. Or Jésus ne se laisse jamais arrêter par une convention sociale qu’on voudrait faire passer avant une détresse humaine.

Sans barrières

Pour lui et donc aussi pour nous il n’y a pas de barrière raciale, sociale, religieuse ou politique qui compte ; il n’y a que des êtres humains qui ont besoin de lui. Il prend là en charge une série de personnes « inconvenantes » et non seulement il n’en est pas souillé, mais il leur communique quelque chose de sa pureté. Je retiens ce détail : la mesure où il peut me toucher, où je le laisse m’habiter, c’est la mesure dans laquelle il peut me transmettre sa pureté et m’utiliser ensuite pour aller au contact des autres.

2. Le centurion

Une sollicitation indirecte

Luc, qui raconte le même incident (7.1-10), précise que l’officier n’a même pas osé parler lui-même à Jésus, mais l’a sollicité indirectement par des amis juifs qui l’apprécient vraiment, au-delà de tout ce qui pourrait les séparer.

Un homme humble, soucieux pour son serviteur

Ce qui les sépare infiniment, c’est leur manière d’aborder Jésus. Les responsables juifs pensent que le bien que ce centurion leur a fait, le qualifie largement pour être entendu par Jésus : « Il mérite vraiment que tu lui accordes cette faveur ». Le centurion est tout à l’opposé : « Ne te donne pas tant de peine… Je ne suis pas qualifié pour te recevoir »

Il n’y pas là un fier officier occupant devant un petit occupé juif. C’est au contraire un simple homme qui reconnaît la valeur de la culture juive et l’élévation de son éthique et de son monothéisme. Et aujourd’hui c’est un humble homme paniqué à l’idée de perdre son serviteur qu’il aime vraiment. Comme un dernier espoir, il cherche à toucher ce Jésus dont il a appris les bienfaits étonnants et en qui il a reconnu, au-delà des apparences, quelqu’un de majestueux, investi d’une grande autorité, bien supérieure à la sienne. Il le fait supplier d’intervenir.

Une démarche empreinte d’amour et d’humilité

Ce qui touche Jésus, ce n’est pas un mérite de l’officier, si évident soit-il, c’est l’amour inquiet, l’humilité respectueuse qui motivent sa démarche. Après la délégation de ses amis juifs, le centurion est peut-être venu lui-même au-devant de Jésus. D’emblée il ne parle que de son serviteur qui n’est pourtant qu’un esclave :  il doit s’agir d’une paralysie évolutive avec des spasmes musculaires qui créent de graves problèmes respiratoires (v.5). Et il reçoit une réponse magnifiquement simple et directe : Moi, je vais aller chez toi et je le guérirai !

Une intuition géniale : un seul mot à dire….

Il a dû être soufflé de cette incroyable spontanéité. Il se sentait déjà indigne que Jésus vienne jusque chez lui et voilà qu’avant même d’avoir eu le temps d’exprimer une demande, il en reçoit l’exaucement assuré. Et c’est alors qu’il a une intuition géniale : au fait, est-ce bien nécessaire que Jésus se donne cette peine ? Une personnalité qui a la puissance, l’autorité de Jésus peut exercer cette autorité comme elle veut, sans risque de ne pas être entendue. Même à distance ! Son humilité ressent une évidente majesté chez son interlocuteur : « Il suffit d’un mot. Tu n’as qu’un mot à dire et mon serviteur sera guéri » C’est ce qu’avait déjà perçu un psalmiste : Ps 33.8-9.

La Parole de Jésus prise au mot

Voilà comment ce païen aborde notre Seigneur Jésus ! Avec une pareille conviction il laisse loin derrière lui tous ses semblables païens qui n’ont pas idée d’une telle puissance. Il laisse derrière lui une bonne partie du monde juif et même du peuple chrétien, moi y compris, qui savent bien que Dieu est tout à fait capable de n’importe quoi par une simple parole, mais n’osent souvent pas s’attendre à ce qu’il le fasse effectivement. Cela consiste tout simplement à prendre les paroles de Dieu pour ce qu’elles sont : dynamiques, efficaces, créatrices : Hébreux 4.12.
Et qu’est-ce qui a mis le centurion sur la voie de cette certitude ? Un banal constat de bon sens : je suis un subalterne avec une petite autorité. Et pourtant quand je donne un ordre, cela met en branle mes subordonnés, mon esclave, mon ordre est exécuté.

Une parole qui agit

Alors Jésus, cet homme puissant entre tous, capable de si grandes choses, est certainement capable de commander à la maladie de partir et elle va disparaître.
Une parole de Jésus, ce n’est pas de l’air remué, un moyen de faire patienter ou même de tromper ; ce n’est surtout pas quelque chose qui remplace l’action. Quand elle est prononcée par Jésus, qui veut ce qu’il dit, cette parole produit son effet. C’est ainsi que Dieu agit, c’est ainsi qu’il a tout créé et il continue à tout soutenir par sa parole puissante : Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Psaume 33.8-9.

Et c’est ce qui se produit, aussitôt, à l’heure même. Peu avant déjà un lépreux avait dit à Jésus une parole à peine moins magnifique : « Si tu le veux, tu peux me rendre pur ». Il suffit que tu veuilles une chose, c’est la seule condition et alors plus rien ne s’y opposera, la chose arrivera certainement. Et elle s’est faite aussitôt. Et le centenier, lui aussi, reçoit aussitôt l’exaucement de son attente, la réalisation de sa foi.
A l’heure même !

Avec sobriété, sans enfumage

Mais notez le bien : il n’y a aucune apparition, aucun phénomène surnaturel dans le ciel, aucun tremblement de terre. Cette totale sobriété presque trop discrète est la marque de fabrique de l’action de Dieu, pour qui le but est d’aider, d’exprimer sa grandeur, son amour et non pas d’épater. En revanche les phénomènes sensationnels sont souvent la marque d’enfumage de Satan pour masquer ses tromperies, voire son impuissance.

3. La déclaration des versets 10 à 12

Jésus impressionné par l’amour et la foi du centurion

Jésus fut émerveillé de la réponse du centurion : ce verbe très fort n’est employé qu’ici à propos de la foi et venant d’un païen, alors que Jésus bute très souvent à l’incrédulité des juifs. Il est impressionné de cette magnifique combinaison d’amour véritable, d’humilité, de perspicacité et de confiance.

C’est pourquoi il accorde à l’heure même la guérison souhaitée, mais il y ajoute cette explication également très forte et solennelle : ce païen compte de manière pratique et absolue sur la puissance de Jésus et une telle foi dépasse largement celle que Jésus a l’habitude de trouver parmi les juifs,= les héritiers en titre du royaume de Dieu.

Une fenêtre ouverte sur l’avenir de l’humanité

Cet exemple de foi si ferme l’amène à ouvrir brièvement une fenêtre sur l’avenir de l’humanité auprès de Dieu, en s’inspirant d’Esaïe 25.6-10 .

Rassemblement mondial des Juifs ? pas seulement !

Les juifs en ont retenu qu’un jour Dieu rassemblerait les siens de l’Orient et de l’Occident = pour eux c’est la formule classique annonçant le rassemblement mondial des juifs. Les siens, ce seraient naturellement les juifs, tous et eux seuls. Il seraient réunis avec leurs patriarches pour un formidable banquet organisé par Dieu et réservé à eux, alors que les païens seraient jetés dans les ténèbres du dehors (v.12b).

Pour tous les peuples, donc aussi pour les païens qui lui font confiance

Vous avez noté où est l’erreur, la falsification de l’annonce d’Esaïe ? Cet avenir n’est nullement réservé aux juifs, même si la scène se situe bien sur cette montagne, Sion. Esaïe envisage en fait tous les peuples, tout comme Jésus, qui y inclut donc le centurion et tous ceux qui lui font la même confiance. Pour les auditeurs juifs de cette déclaration, c’est le 1er choc : les païens réunis avec les juifs et même avec les patriarches et souillant donc toute cette assemblée par leur présence !

Un renversement des rôles

Mais il y a un 2ème affront, bien pire : ceux qui seront jetés dehors, où il y aura…, « des pleurs et des grincement de dents »  ce sont des juifs, de ceux qui auraient dû hériter du royaume, s’ils avaient reconnu et accueilli le Messie pour mettre toute leur confiance en lui, comme ce centurion ! Quel renversement complet des rôles et cela pour faire l’éloge d’un païen comme authentique croyant, capable d’impressionner le Messie lui-même par sa foi !

Attention aux interprétations biaisées !

Nous arriverait-il peut-être aussi, comme aux juifs, face à un texte biblique, d’y lier automatiquement et inconsciemment une interprétation, certes courante, mais non vérifiée sérieusement et en fait biaisée par un préjugé confessionnel ou culturel ?

Juste deux exemples. Dans les années 1960-70 un chrétien évangélique ne devait surtout pas faire autre chose que d’annoncer l’Évangile pour donner à autrui envie de s’approcher du Seigneur. Toute action sociale était vue comme une perte de temps inspirée par le monde. Et un autre exemple, plus délicat : est-il biblique et même conforme à la pensée de Paul qu’à l’église le rôle d’une femme se limite à écouter et au maximum prier à haute voix ?

Réuni avec les croyants du monde entier !

Imaginons maintenant l’effet que ces paroles de Jésus ont dû produire sur le centurion.
D’abord ce magnifique éloge de sa conception de la foi : oui, c’est Jésus lui-même qui le confirme : une simple parole de sa part transformera totalement une vie quand elle est accueillie avec confiance. Ensuite Jésus lui ouvre une extraordinaire perspective d’avenir : être réuni par Dieu avec les croyants du monde entier et en particulier avec les patriarches, ces modèles de la foi. Se réjouir ainsi avec tous ceux qui croient comme lui, sans plus aucune discrimination.

Quel accueil de la part de Dieu, comparé aux préjugés et au mépris général de la part de ceux qui se déclarent le peuple de Dieu ! Enfin recevoir à l’instant même la totale guérison de son esclave qui est pour lui plus un ami qu’un serviteur. Et cela simplement en réponse à une déclaration de foi. Celle-ci a dû être galvanisée comme jamais encore.

Aujourd’hui, inflation et dévaluation de la parole

Nous vivons dans un environnement marqué par deux phénomènes parallèles également désolants. Il y a d’un côté la formidable inflation de paroles plus ou moins publiques. Tout le monde communique avec tout le monde, mais pour communiquer quoi et provoquer quel effet ?

De l’autre il y a une tout aussi galopante dévaluation de la parole publique. Quand un personnage public dit trois phrases, on entend à peine le message et déjà on se demande pourquoi il dit ça et pas plutôt autre chose, ce qu’il cache, ce qu’il veut faire oublier.

Faire confiance à Dieu

Or nous, chrétiens, nous pouvons et devons encore témoigner à Dieu une totale confiance en ce qu’il dit, cela a même une autorité absolue qui mérite la confiance totale et naturelle que lui accordait le centurion.

En conclusion, juste quelques  points frappants :

– Comment agissons-nous envers nos propres déclarations et promesses ? Que valent-elles dans l’esprit de notre prochain ?

– La majesté de Dieu ne veut pas épater les yeux, mais toucher le cœur par une parole parfaitement confirmée ensuite par les actes. Et une parole lui suffit pour restaurer une situation même désespérée, quand elle rencontre une sincère confiance.
– C’est une parole du Créateur qui va s’abaisser jusqu’aux humbles et aux exclus de la bonne société. Il se plaît à relever, encourager des personnes qui se croient totalement disqualifiées pour une attention de sa part. Il sait aussi reconnaître la foi la plus timide.
– Ne s’agit-il pas là d’avertissements pour nous éveiller à rejeter tout préjugé classique et nous laisser utiliser par lui d’une manière ou dans un environnement inattendus ?

J.-J. Streng