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L’archéologie témoin de l’histoire du peuple hébreu

L’archéologie témoin de l’histoire….

De l’esclavage en Egypte à la route vers la terre promise, de la constitution du royaume d’Israël à sa division et à l’exil, l’histoire d’une nation, le peuple hébreu à travers les siècles est émaillée de témoignages archéologiques. Ces éléments directs ou parfois indirects donnent corps à ce peuple au milieu de ses voisins du Proche Orient ancien

Pharaons et main d’oeuvre des grandes constructions

Ramsès II au Louvre

Les pharaons de la 18e dynastie des 14e et 13e siècles, qui avaient expulsé les Hyskos d’Egypte, avaient mis en place tout un programme de grandes constructions à l’est du Delta du Nil. Ils portaient un intérêt particulier à Avaris, ancien siège du gouvernement hyskos. La ville était proche de la région de Goshen où vivaient les Hébreux, main d’œuvre toute trouvée pour les constructions.
Dans la liste des pharaons ressortent le nom et le règne de Ramsès II, fondateur de Pi-Ramsès cité dans Exode.1.11. Suit une description détaillée de la nouvelle capitale et de ses monuments.

Présence d’ouvriers israélites absents des archives égyptiennes

Kitchen explique par la destruction des archives l’absence de tout document égyptien à propos des Israélites vivant dans la région. Mais on trouve des détails précis sur la présence de travailleurs fabriquant des briques avec ajout de paille aussi bien dans le texte biblique que dans des documents égyptiens.

Par exemple le papyrus Anastasi de Memphis présente des comptes précis, des témoignage d’enrôlement forcés de populations non Egyptiennes.

Le code d’alliance, en vigueur dans la région et à l’époque

Les étapes de l’Exode, de la sortie d’Egypte,  sont commentées d’un point de vue géographique. On remarque les précisions sur le nombre des chars comparés à ceux des autres peuples. La présence historique des Hébreux en Egypte est bien attestée.

Alliance du Sinaï et traités de l’époque

L’alliance au Sinaï et à Moab donne lieu à une comparaison détaillée et pertinente avec les traités entre suzerains et vassaux, en vigueur à l’époque. Après avoir donné le plan général des stipulations (ou dispositions) du code d’alliance, l’auteur distingue quatre phases d’application : ancienne, intermédiaire, moyenne, tardive. avec A l’intérieur de chacun de ces codes d’alliance des variations détaillées correspondent aux termes du traité entre un suzerain et son vassal.

Critique des théologiens modernistes

Il critique ensuite la position des théologiens modernistes qui s’opposent à la thèse de Mendenhall (1954). Ce dernier, confirmant la position de Kitchen, fit remarquer l’analogie entre les traités de la fin du 2e millénaire et les caractéristiques de l’Exode et de Josué 24.(p. 124). Kitchen souligne leur incohérence dans le traitement des données et leurs difficultés à se débarrasser des faits. (p. 128)
Le culte des anciens hébreux, le Tabernacle et son personnel permanent, les offrandes et les fêtes sont très modestes comparés aux rites environnants. Il en conclut donc ce culte ne peut être tardif.

Conquête et installation

Dans le paragraphe concernant la conquête et l’installation en Palestine, il souligne l’authenticité de plusieurs sites d’abord contestés mais attestés par des documents retrouvés lors de fouilles.
Il distingue aussi à juste titre entre les attaques–éclair de l’armée de Josué  (Josué 10) et une véritable installation qui se fera très lentement. Ceci élimine les contradictions apparentes entre une conquête rapide et totale du pays par Josué et une conquête lente dans les Juges.
Les 12e et 11e siècle, antérieurs à l’établissement de la royauté constituent une période de mutation et de confusion, (p. 138) avec invasions et migrations de plusieurs peuples. La perte de pouvoir des grandes puissances (Egypte, Assyrie, Babylone) explique la chute du niveau culturel.

Rois et poètes : des Juges aux rois

Le chapitre VI, Rois et poètes, retrace le passage du système des Juges à celui de la royauté.
Les avertissements de Samuel sur le prix à payer pour avoir un roi comme les autres nations sont tout à fait courants et attestés par des témoignages antérieurs. Il ne s’agit donc pas d’une vision tardive et pessimiste de la royauté.
Kitchen reconnaît le manque d’informations archéologiques concernant le règne de Saül. Mais il développe en détail le règne de David. Il met l’accent sur les alliés du roi,. Hiram I de Tyr, en particulier, mit à sa disposition les matériaux et les artisans phéniciens pour la construction future du Temple.
Au Proche-Orient la littérature prend une place de plus en plus importante. De 1400 à 1200 la poésie épique d’Ougarit présente des parallélismes de style avec les psaumes et ses particularités comme le chiasme.

Rouleau des Psaumes

Le Temple de Jérusalem

Quant au Temple de Jérusalem, construit par Salomon, les descriptions qui en restent reflètent des caractères architecturaux reconnaissables (p. 156) aux 2e et 1e millénaires.
Le plan du monument et l’utilisation de matériaux précieux dans la décoration sont courants dans la région. Kitchen souligne la modestie de ce temple par rapport aux constructions identiques dans les autres pays.
Il fait ensuite un examen des chiffres pour répondre à la critique d’exagération et d’inauthenticité. Il en conclut que, par exemple, le nombre des surveillants et celui des ouvriers est tout à fait plausible et réaliste.
Il consacre le dernier paragraphe du chapitre aux Proverbes de Salomon qui appartiennent à la littérature sapientiale. On retrouve des enseignements comparables en Egypte, au Levant et en Mésopotamie. Refusant une composition tardive, il pense que Salomon peut s’être inspiré d’œuvres plus anciennes et avoir rassemblé des matériaux pour les utiliser plus tard.

Guerres et rumeurs de guerre : l’évolution des royaumes

Le chapitre VII Guerres et rumeurs de guerre présente l’évolution des royaumes d’Israël et de Juda après le schisme. L’auteur appuie à l’aide de données archéologiques les événements relatés par le texte biblique. Les inscriptions sur la stèle de Sheshonq I à Karnak (165) confirment une campagne militaire de l’Egypte contre les deux royaumes. La présence d’incrustations en ivoire dans les murs des bâtiments, les fortifications à Haçor et à Meguiddo (p. 167) , et les canalisations souterraines constituent une preuve de l’état avancé des techniques et même du luxe qui régnait à Samarie.

Jeu des alliances et intrigues politiques

L’auteur explicite le jeu des alliances, des rivalités et des intrigues politiques entre les deux royaumes et les pays voisins et il trace l’évolution qui conduit à la ruine de l’un puis de l’autre royaume.
La chute de Samarie et la déportation des Israélites du Nord est célébrée par les inscriptions de Sargon V.

Ostraca et poteries de Lakish

La destruction de Jérusalem en 586 est attestée par « une série de lettres sur ostraca (tessons de poterie), provenant des ruines de Lakish (p. 175).

Prophètes et prophétisme

Prophètes bibliques : alliance et promesses

Kitchen rappelle d’abord que les prophètes, selon la Bible, ne cessaient d’insister sur l’alliance de Dieu avec son peuple, avec des promesses de bénédiction et des menaces de malédiction. Ils invitaient à une adoration véritable et pas seulement formelle.

Prophètes du Proche-Orient : divination

Il constate ensuite que les autres peuples du Proche-Orient communiquaient aussi avec leurs dieux surtout par « la divination, les oracles, la magie. On a retrouvé des manuels entiers consacrés aux différents types d’augures et à leurs interprétations (p. 177).
Les prophètes des autres peuples recevaient le message de la divinité dans des transes ou dans des rêves. Ils s’adressaient surtout au roi pour lui rappeler ses devoirs envers les dieux. Mais à la différence des prophètes de la Bible, aucun ne lui reprochait ses péchés personnels ou l’injustice sociale. Cependant, en Egypte, au 2e millénaire avant J.-C. on trouve des plaidoyers en faveur de la justice comme le ‘paysan éloquent cité p. 179.

Variété du prophétisme biblique

L’auteur signale enfin la variété du prophétisme biblique. Le prophète porte-parole de Dieu était aussi compositeur, chanteur. A partir du 8e siècle avant J.-C., il écrit les révélations reçues. Kitchen fait aussi remarquer que la rivalité supposée entre les prêtres rendant un culte au Temple et les prophètes est forcée. Ce n’est pas la condamnation de tous les cultes mais celle des cultes formels, sans engagement personnel.

Archéologie et histoire

Les derniers chapitres de Traces d’un monde, Bible et archéologie, passent en revue les événements vécus par le peuple juif du 6e s avant J.C au 1e s. de notre ère.

Liens avec l’histoire

De nombreux témoignages provenant de divers sources montrent l’existence de liens plus ou moins forts entre archéologie et histoire. Leur traitement, par l’auteur témoigne d’un regard fidèle et impartial sur le monde antique

L’exil et le retour.

Le déplacement de populations, une arme économique et politique

Dans le chapitre VIII, l’exil et le retour, Kitchen signale des déportations de peuples dès le 13e s. par les souverains d’Assyrie et d’Egypte. L’exil, le déplacement de populations vaincues est un procédé relativement courant.

C’est une arme économique et politique (p. 184). L’exil des Israélites à Babylone n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Rejet de la théorie d’une création littéraire a postériori

L’auteur  rejette aussi la théorie prétendant que les avertissements du Lévitique et du Deutéronome ont été écrits seulement après l’exil.
Selon certains théologiens, cette période de 70 ans aurait été, « l’âge d’or de la création littéraire de l’Ancien Testament où presque tout aurait été recueilli, inventé, écrit pour la première fois ». (p. 185).

Retour au passé, un procédé littéraire pour faire revivre les souvenirs

Kitchen l’explique ainsi. Ce retour au passé n’est qu’une manière extérieure de faire revivre des souvenirs.

A Babylone on utilisait une graphie archaïque sur des monuments ou des textes commémoratifs. Mais dans l’administration, on pratiquait l’écriture courante.

Code d’Hamourapi

A cette époque-là, on n’invente pas. On conserve et on recopie. Ainsi, « en Mésopotamie, des œuvres akkadiennes classiques et même le code d’Hammourapi, depuis longtemps périmé« . (p. 186). La mode n’est donc pas à la création mais à la conservation.

Peuple vaincu mais littérature originale

Comment expliquer alors qu’un peuple vaincu et asservi ait pu produire une œuvre littéraire d’une telle originalité ?

Il y a eu des œuvres littéraires hébraïques au 8e s. avant J.-C., d’une qualité certaine, mais en nombre limité.

L’âge d’argent. Le retour d’exil

L’âge d’argent retrace les péripéties du retour des exilés juifs dans leur pays.

L’auteur ajoute des détails intéressants aux récits d’Esdras et Néhémie.

Ces précisions proviennent de documents archéologiques. Ils citent des ennemis de Néhémie, comme Sânballat, Tobiya, et Guèshem « l’Arabe».

Une revendication d’identité

A la fin du chapitre, Kitchen établit des parallèles entre le livre des Rois et le Livre des Chroniques, écrit pendant l’exil.

Il définit ce dernier ouvrage comme un témoignage d’espérance et de foi. Un peuple privé d’indépendance a voulu continuer à affirmer son identité.

De même en Mésopotamie et en Egypte, des compilations permettent de conserver des traditions politiques et religieuses très anciennes.

Lorsque les temps furent accomplis.

Un survol de plusieurs siècles

Le chapitre IX, Lorsque les temps furent accomplis, évoque en moins de deux pages les conquêtes d’Alexandre le Grand, les royaumes hellénistiques, la résistance des Macchabées, enfin la domination romaine sur tout le Proche-Orient.

Les manuscrits de la Mer Morte

Le reste du chapitre est presque totalement consacré aux Manuscrits découverts à Qumram. L’auteur cite rapidement la traduction des LXX, en grec. Il signale aussi l’émergence de plusieurs partis rivaux dans le Judaïsme.

Les Esséniens et Qumran

Grotte de Qumram

Il consacre le développement le plus important aux Esséniens retirés au nord ouest de la Mer Morte. Au moment de la guerre avec les Romains, (66 –67 après J.-C.) les membres de la secte cachèrent dans des grottes à Qumran de nombreux manuscrits. On les a retrouvés seulement en 1947.

Il classe les manuscrits de Qumram en quatre catégories. Les deux premières concernent plus particulièrement l’Ancien Testament, et les deux dernières sont relatives au mouvement essénien lui-même.

Une confirmation de la fidélité du texte hébreu

Les Manuscrits de la Mer Morte ont apporté une contribution importante à l’étude de la Bible. Ils ont confirmé  la fidélité du texte hébreu, due au soin dans la recopie  des manuscrits.

L’auteur reconnaît la supériorité du texte hébreu sur les Manuscrits mais il souligne l’importance de ceux-ci pour l’interprétation.

Le judaïsme avait un contexte culturel et religieux commun. Mais les comparaisons hâtives entre les Manuscrits et le Nouveau Testament ne résistent pas à un examen sérieux.

Une confirmation de la fiabilité du Nouveau Testament

La découverte de manuscrits anciens et de nombreux autres témoignages confirment la fiabilité du contenu et des dates du Nouveau Testament.
Ce sont les écrits les mieux attestés de toutes les œuvres classiques grecques et latines. On compte environ 5000 manuscrits entiers ou partiels, dont l’auteur donne quelques exemples.

Il cite ensuite les découvertes de Sir William Ramsay en Asie Mineure,  les fouilles archéologiques à Jérusalem et à d’autres emplacements aussi bien en Judée qu’en Grèce. Ces documents renforcent la valeur historique des écrits du Nouveau Testament, en particulier ceux de Luc dans son Evangile et dans les Actes des apôtres.

Un voyage à travers les siècles et les civilisations

A la fin de son ouvrage Kitchen évoque l’étendue de son entreprise : faire voyager le lecteur à travers des siècles, des millénaires même, dans une dizaine de civilisations au contact de celle des Hébreux.
Il souligne plusieurs points importants.  En particulier la nécessité d’une confirmation réciproque du document écrit et du document muet.
Il insiste aussi sur la nécessité de tenir compte de toutes les sources anciennes, y compris les Ecritures. Elles ont aussi le titre de « documents »

Le but de l’archéologie, une présentation fidèle et impartiale du monde antique

Sa conclusion rappelle que le but de l’archéologie, n’est pas de prendre parti pour ou contre un document, en particulier la Bible.

Il s’agit plutôt de fournir au chercheur une représentation la plus fidèle possible du monde antique. Enfin, il faudrait traiter de manière impartiale toutes les données archéologiques, bibliques ou autres. Cela demande un esprit critique véritable, qui évite de tirer à tout prix des conclusions définitives.

C. Streng

Traces d’un monde (K. A. Kitchen) : relations du monde ancien avec la Bible

Traces d’un Monde, Bible et archéologie

Trace d’un monde, Bible et archéologie K.A.Kitchen

traite des relations entre le monde biblique et l’archéologie contemporaine.
Il est édité par Les Presses Bibliques Universitaires en 1980  et diffusé par les Editions Excelsis. C’est la traduction française de The Bible In Its World. Exeter: Paternoster. Downers Grove: InterVarsity Press 1978.

Son auteur, Kenneth.A. Kitchen, est spécialiste d’égyptologie, professeur à l’Institut de Recherches Orientales à l’Université de Liverpool.

Dans ce livre destiné à un public cultivé mais non spécialiste, l’auteur se propose de faire partager son intérêt pour la recherche archéologique dans le monde ancien et de faire ressortir les relations de ce monde ancien avec la Bible.
Suivons donc le raisonnement de Kitchen et les étapes de sa démonstration à travers les chapitres du livre.

L’archéologie, une reconstitution du passé,

Le premier chapitre de Traces d’un mondel’archéologie, une clé pour le passé, permet à Kitchen de définir l’archéologie. C’est la reconstitution du passé de l’homme, du contexte biblique en particulier.

L’auteur souligne sa fiabilité mais il reconnaît aussi des difficultés qu’il expose dans des exemples. Ainsi, les constructions en briques de terre séchée étaient facilement détruites par l’érosion. Dans le tell (1) de Jericho les villes successives s’accumulaient sur leurs propres ruines. L’étude des fouilles à différents niveaux permet de déterminer les occupations successives des sites d’une région.

En les comparant avec les documents écrits, on peut situer l’histoire archéologique dans le déroulement de l’histoire dans son ensemble. Mais certaines données incomplètes ou défectueuses limitent les résultats.

Evolution de l’histoire de l’écriture

Ensuite vers 2300 à Ebla en Syrie apparaît l’écriture cunéiforme en forme de pointes de flèches.

Enfin, au milieu du 2ème millénaire, au sud de la Syrie et en Palestine, on trouve un alphabet consonantique(2) sur des documents publics et privés.

L’auteur en déduit que beaucoup de gens savaient lire et que vers 1000, l’écriture était utilisée quotidiennement par un grand nombre de gens.

Au commencement du monde

Le thème de l’origine du monde fait partie du patrimoine culturel du Proche-Orient ancien

Le chapitre 2, Au commencement du monde rappelle d’abord que le thème de l’origine du monde, commun à la toute première antiquité fait partie du patrimoine culturel du Proche-Orient ancien. En effet le paradigme ou modèle biblique des origines du monde en trois épisodes – création, déluge, vie des ancêtres fondateurs – a son parallèle dans les récits des autres peuples.

Au début du 20e s, on manquait de documents archéologiques. Les débuts de l’histoire du Proche-Orient ancien qui s’étend en fait de 10 000 à 2 000 ans avant J.-C, étaient repoussés à 3 500/3 000 seulement, au moment de l’apparition de l’écriture.

Premières fouilles et découverte de 80 siècles de civilisations

Les premières fouilles ont eu lieu dans les années 1930, avec des procédés de datation comme le Carbone 14. Elles ont permis de découvrir l’existence de cultures et de civilisations successives sur 80 siècles.

On a d’abord retrouvé des habitations sédentaires, avec élevage et agriculture, ensuite les premières villes du néolithique

La première Jericho décrite en détail

Tombe de Jéricho construite à l’âge du bronze IV (env 2400-2000 avt J.-C. Découverte par Kathleen Kenyon entre 1952 et 1958

C’est une bourgade de 2 000 habitants sur 4 hectares avec maisons rondes, remparts de pierre et tours de guet, cultures irriguées et commerce constituant une communauté bien organisée devant se défendre contre des ennemis.

Détruite, elle fait place à une autre ville aux maisons rectangulaires et au sol en stuc.
A travers tout le Proche-Orient, l’économie est fondée sur l’agriculture, l’élevage et un peu de commerce.

On construit des villages et villes en briques d’argile. On utilise des outils et des meubles variés. Un culte est rendu à des divinités personnifiant les forces de la nature.

De 6 000 à 3 200, l’éclosion des grandes civilisations antérieures à l’écriture.

L’auteur souligne l’utilisation très répandue de la poterie. C’est un instrument de travail privilégié de l’archéologie pour suivre l’évolution des influences culturelles et la succession des différentes cultures.

Il éveille aussi la curiosité du lecteur en donnant plusieurs exemples de l’état avancé des connaissances techniques et artistiques de l’époque et de la région. En Palestine, de 4 000 à 3 200 environ, des fresques illustrent la mythologie locale : un système d’irrigation très élaboré, des villes et des temples importants en Mésopotamie ; vers 3200 en Egypte, l’invention des hiéroglyphes.

De 3200 à 2000, le millénaire des splendeurs

Bibliothèque d’Assurbanipal à Ninive (Il régna de 668 à 630 avant J.C.). Contient la tablette de l’épopée de Gilgamesh. Photo prise au British Museum

C’est le début de l’histoire avec des documents écrits.
Elle est antérieure de plus de 1 000 ans à Abraham.

L’architecture, l’administration, les arts avec les inscriptions royales et la littérature religieuse, narrative et sapientiale (3) continuent leur essor dans toute la contrée, en parallèle avec les rivalités et les déclins des empires et de dynasties.

 

Regards sur 80 siècles d’histoire

une synthèse de la période en souligne l’intérêt. 2000 ans avant J.-C., le monde civilisé était déjà ancien. Des civilisations naissaient et disparaissaient. Les relations sociales étaient complexes. Bergers et agriculteurs entretenaient des relations personnelles avec le pouvoir politique (Cf. archives de Mari, début du 2e millénaire)

Certains spécialistes de l’Ancien Testament du 19e s, ne croyaient pas à l’existence réelle des patriarches, comme celle de Moïse, créateur de nombreuses institutions. Kitchen fait remarquer que ces lois et alliances étaient déjà formulées depuis longtemps. Des modes de vie développés existaient depuis plusieurs siècles. Abraham avait derrière lui 80 siècles d’expériences culturelles.

Retour aux origines

Kitchen reprend et développe la démonstration du parallèle entre le schéma littéraire de la Genèse et celui des autres textes de la période. Il y ajoute la notion commune de rupture entre l’humanité et la divinité.

Création dans les récits mésopotamiens et dans le texte biblique

Tablette du déluge

A propos de la Création, l’auteur critique les spécialistes du 19e siècle.

Ils considéraient le texte biblique comme une reprise de l’épopée babylonienne (Ennouma Elish ou Epopée de Gilgamesh). Il s’appuyaient sur des différences de mots, alors qu’on peut l’expliquer par un fonds commun du vocabulaire.

 

 

Il donne ensuite le détail des différences entre la Genèse et Ennouma Elish, l’une des deux grandes épopées babyloniennes terminée vers 1000 avant J.-C.

Les éléments communs sont inévitables comme l’ordre dans l’apparitions des éléments de la création : ciel puis terre, plantes, animaux puis hommes.

Quant aux récits mésopotamiens et au récit biblique sur le Déluge, ils proviennent d’une tradition commune avec plusieurs versions parallèles. Le plan est identique mais des détails divergent, tels que la taille et le modèle du bateau, et surtout la cause du cataclysme.

Dans l’Epopée de Gilgamesh, le texte mésopotamien, les dieux dérangés par le bruit des hommes décident arbitrairement de les détruire. Mais ils sont trahis par l’un d’eux qui avertit le héros Gilgamesh… Le récit biblique se distingue donc par sa sobriété.

Le déluge est mentionné aussi dans la liste royale sumérienne. Il ne peut donc s’agir d’un simple mythe. L’auteur admet la difficulté d’évaluer son ampleur. Il recommande aussi de ne pas perdre de temps à chercher l’arche sur le Mont Ararat

Âge inhabituel de certains personnages

Kitchen affronte aussi le problème de l’âge inhabituel de personnages. Ainsi Mathusalem, 969 ans (Genèse 5.27) ou les premiers rois sumériens avec des règnes durant jusqu’à 28 000 ans.

Il comprend le réflexe de tout rejeter, mais il signale que le processus archéologique demande d’agir avec prudence et précaution.

Mais preuve de leur existence

En comparant la liste royale sumérienne et la Chronique de Toummal avec Gilgamesh cité parmi les souverains historiques on peut en déduire que ce personnage a vraiment existé ainsi que d’autres du même genre. En 1959, deux inscriptions donnent la preuve de l’existence historique d’un roi de Kish qui aurait régné 900 ans selon la liste royale sumérienne.

Le fait qu’un document accorde à un personnage ou à un règne une durée beaucoup trop élevée ne signifie donc pas que la personne n’ait pas réellement vécu. D’autant plus si son existence est confirmée par ailleurs.

Enigmes résolues

Le lecteur appréciera des démonstrations, preuves à l’appui. Des questions difficiles peuvent être au moins partiellement élucidées. Ainsi, des énigmes comme l’âge des patriarches deviennent moins épineuses si des documents apportent la preuve de l’existence d’énigmes semblables chez les peuples voisins. On sait de plus que l’hyperbole (4) fait partie de toute la civilisation de la région.

Découvertes archéologiques et pertinence biblique

Le chapitre III, Ebla, reine de la Syrie ancienne tient compte des dix années de fouilles et de découvertes archéologiques.  Sur le site de Tell Mardik, elles ont été effectuées depuis 1964  par la mission archéologique italienne dirigée par le professeur Matthiae.

Kitchen donne une description détaillée de la ville avec une reconstitution de son histoire, c’est à dire de ses occupations successives.

Tell Mardik ou Ebla

Un fragment de statue découvert en 1968 comporte une dédicace du roi d’Ebla à la déesse Ishtar. Il  permet de se demander si le site de Tell Mardik est celui d’Ebla. Les données historiques et géographiques paraissent correspondre à Ebla. Elles sont acceptées comme telles par les responsables de l’expédition. Cependant,cette identification a provoqué la division parmi les savants du monde entier.

Tablettes cunéiformes à Ebla

En 1974-75, sont découverts un nouveau palais et 42 tablettes et fragments de tablettes en argile avec des inscriptions cunéiformes datant de 2300 environ avant J.-C. Sur ces tablettes, sont gravées des listes de fonctionnaires, des textes administratifs des contrats de vente, des listes de lois et des contrats de mariage. Et aussi des textes historiques, comme la correspondance entre des hauts fonctionnaires pour des affaires de l’Etat.

Rois et rivalités

L’auteur fait ensuite une relation détaillée des différentes phases de la rivalité entre Ebla et l’empire d’Akkad qui s’étendait sur toute la Mésopotamie. Un tableau à la page 60 donne la liste des rois ayant régné à Ebla, Mari, Akkad et en Assyrie.

Les pages suivantes développent ce qui concerne les rois d’Ebla. Elles parlent de leurs conquêtes et de leurs défaites, des traités passés avec leurs vassaux, des opérations commerciales de grande envergure. On retiendra la défaite et la destruction de la ville par Naram Sin, dernier roi d’Akkad. Son empire s’écroula à son tour une dizaine d’années après.

Ebla, troisième berceau de civilisations anciennes à côté de l’Egypte et de la Mésopotamie successivement détruite puis reconstruite n’était plus qu’un simple village à l’époque hellénistique.

Des écoles de langues

L’auteur illustre sa démonstration par des éléments de civilisation et de culture.
Des écoles existaient à l’époque : tablettes avec listes de mots par catégories, paradigmes de verbes, lexiques. Leur étude permettra de retracer le début de l’histoire des mots d’hébreu biblique et des langues voisines comme l’ougaritique et le phénicien (p. 65)

Ebla et l’Ancien Testament

Kitchen développe l’histoire des relations entre Ebla et l’Ancien Testament dans le domaine linguistique (5) et onomastique (6). Le groupe sémitique occidental a une histoire ancienne de 2500 ans. Les spécialistes n’ont donc plus lieu d’attribuer, comme au début du 20ème siècle, une origine tardive aux mots hébreux.

Il signale aussi que le Professeur Pettatino, membre de l’expédition archéologique a trouvé des ressemblances entre les noms propres d’Ebla et ceux de personnages bibliques. Ainsi, Eber, Israël, Ismaël et autres noms courants dans la Bible sont portés par des êtres humains et non par des dieux ou des personnages légendaires.

Les dieux cananéens cités dans l’Ancien Testament voient leur histoire prolongée jusqu’au 3e millénaire avant J.-C. Le plan du Temple d’Ebla se retrouve dans ceux de Syrie Palestine.

L’organisation des cultes, les sacrifices, les rites ont une caractéristique constante dans tout le Proche-Orient ancien de la Préhistoire à l’époque gréco-romaine…

Ebla, une confirmation de la réalité du monde biblique

Le chapitre sur Ebla peut être qualifié de passionnant. Les découvertes archéologiques permettront au lecteur de découvrir et d’apprécier des données encore ignorées ou peu connues. Il  pourra alors les rapporter au domaine de la Bible et de son environnement.

L’ancienneté d’Ebla éclaire ainsi utilement le contexte historique de la Bible, en particulier celui des langues sémitiques occidentales. Cependant il faut attendre une étude approfondie des documents eux-mêmes.

L’ existence d’une aussi grande civilisation, aussi avancée dans son architecture avant les débuts de l’âge historique, le grand nombre de vestiges retrouvés est une confirmation éclatante. Le monde biblique n’est pas une reconstruction théorique ou imaginaire mais il s’inscrit dans la réalité et la durée.

Pertinence du récit biblique

Les limites de la méthode historico-critique

Des données négligées et une théorie contestable

Dans le chapitre IV, Les « Pères fondateurs » en Canaan et en Egypte et en particulier dans le premier sous-titre Un siècle de controverses : Pères fondateurs ou personnages fictifs?

Kitchen pose d’emblée les limites de la méthode historico-critique allemande du 19ème siècle. Pour Wellhausen en 1927 et pour Eisfeld en 1965, l’histoire des Pères fondateurs ou patriarches a été écrite à une époque plus tardive de 1000 ans et refléterait cette époque. Elle aurait ensuite été renvoyée dans le passé. Pour Gunkel, ce sont des légendes à propos de tribus personnifiées.

Kitchen reconnaît à ces écrivains critiques une fonction de clarification. En effet « ils dénoncent les mauvais arguments. Ils insistent aussi sur la nécessité de prendre en considération toutes les époques (et pas uniquement le 2e millénaire) à propos du contexte des récits patriarcaux.

Mais, remarque-t-il, ils négligent en réalité les données du 2e et du 3e millénaire pour s’attacher exagérément aux données du 1e millénaire. Ils soutiennent aussi « avec des arguments tortueux et saugrenus« (p. 82) la théorie contestable selon laquelle les patriarches sont des fictions imaginées 1000 ans après.

Les patriarches : des personnages vraisemblables dans un contexte réaliste

Evoquant les chapitres 11 à 50 de la Genèse, Kitchen retrace brièvement l’histoire d’Abraham et de ses descendants. Il relève certaines constantes. Tous ces personnages « sont de simples êtres humains » (p. 86). Les récits de la Genèse sont donc les seuls documents les concernant.

Il accorde au chercheur le droit de « choisir entre différentes options au sujet de la nature de ces récits » (p. 87) : soit de la fiction, soit des faits historiques, soit des récits concernant des personnages réels, embellis et améliorés au cours des siècles.
Il admet l’absence de preuves directes à propos de l’existence des patriarches (si on exclut le récit biblique). Mais il appelle à une comparaison avec les documents du Proche-Orient ancien.

Etude du contexte littéraire des récits bibliques détaillée et pertinente

En Egypte, il distingue en premier lieu les autobiographies historiques, ensuite les légendes historiques rédigées longtemps après à propos de personnages historiques célèbres, enfin les histoires purement imaginaires. Il retrouve les mêmes schémas en Syrie Palestine et en Mésopotamie.

Pas de merveilleux légendaire mais réalisme

Mais les textes concernent les patriarches, leur vie courante, leurs réalités quotidiennes n’ont rien à voir avec le merveilleux légendaire. Ils portent des noms réels et vivent dans des endroits réels.

Il insiste sur le réalisme des situations, le style simple, non épique. Ces récits qu’il classe entre « la première et la deuxième catégorie des récits du Proche-Orient ancien sont plus proches de récits historiques que de récits légendaires ».
Posant la question de l’existence historique des patriarches, il les place par déduction au 17e siècle et avant leur entrée en Egypte.

Les écrits bibliques, une transmission fidèle des traditions patriarcales

A propos de la date de rédaction des écrits, il critique la position minimaliste, qualifiée de désuète. Elle réduit la rédaction des écrits à de vagues traditions regroupées après coup beaucoup plus tard, sous la monarchie. Il lui reproche de ne pas tenir compte de phénomènes anciens, de ne pas mesurer les différences avec les récits légendaires.

Les récits bibliques, à son avis proches du genre historique, ont été composés à une date ancienne, probablement le 13e siècle. Il envisage aussi de manière positive le problème de la fidélité de la transmission des traditions patriarcales.

Il utilise une approche comparative des listes d’ancêtres, en particulier royales mais aussi privées en Assyrie, Anatolie, Syrie, Egypte à partir du 2e millénaire avant J.-C.

Transmission exacte des noms et des traditions

Il apprécie aussi l’exactitude de la transmission des traditions, dans le domaine des noms propres, courants dans toute la région au 2e et parfois au 3e millénaire. On peut aussi remarquer la transmission des traditions dans les coutumes sociales et juridiques et dans le statut conjugal et familial et celui des héritages en milieu polygame.

Il établit ainsi des rapprochements entre ces coutumes et les récits ayant rapport à la descendance d’Abraham. Il rejette de prétendus parallèles avec les textes de Nuzi ainsi que la comparaison entre la transaction de Sarah et d’Abraham à propos d’Hagar, avec un mariage assyrien du 7ème siècle considéré seulement comme récit parallèle.

Peuple hébreu et civilisations voisines

Le chapitre se termine par l’entrée d’Israël en Egypte avec Joseph qu’il situe dans la première moitié du 2ème millénaire : prix des esclaves, utilisation comme intendant, rôle des rêves, blé et les famines correspondent aux données égyptiennes de l’époque.

L’intérêt de ce chapitre tient aux relations précises que l’auteur établit entre le peuple hébreu et les civilisations voisines. Monuments, palais, inscriptions, poteries, manuscrits et autres documents sont les témoins d’un monde consistant qui naît, évolue et disparaît. Mais il laisse assez de traces pour que le chercheur futur puisse y reprendre ses investigations.

Notes
1.Tell : « un site en forme de monticule qui résulte de l’accumulation de matières et de leur érosion sur une longue période, sur un lieu anciennement occupé par les hommes. Il s’agit d’une colline artificielle formée par les différentes couches d’habitations humaines » d’après Wikipedia
2. Alphabet consonantique : alphabet qui note seulement les consonnes (arabe, hébreu)
3. Littérature sapientiale : écrits de sagesse, particulièrement dans les cercles de pouvoir du Proche-Orient ancien
4. Hyperbole : figure de style consistant à exagérer le sens d’une idée ou d’une réalit
5. Etude du langage
6. Etude des noms propres

C. Streng