Le veilleur : Introduction et bref survol historique
Ézéchiel est probablement né en 623 avt. J. C. Il a vécu pendant une des plus grandes crises de l’histoire d’Israël la destruction de Jérusalem et du Temple et l’exil à Babylone.
Le grand royaume de David/Salomon a été divisé vers 930. Le royaume du Nord a disparu en 722 absorbé par l’Assyrie. Une grande partie de sa population est déportée en Assyrie (Ninive).
Le royaume du sud, avec Jérusalem subsistera une centaine d’années sous influence assyrienne puis babylonienne
Ses trois derniers rois, des personnages catastrophiques, précipitent le pays dans la ruine : la chute de Jérusalem et la destruction du Temple en 587/586. (voir la fin du livre des Rois)
Avant cette chute finale, deux sièges successifs de Jérusalem, accompagnés de déportations, vers la Babylonie, la superpuissance qui a évincé l’Assyrie en 612.
Au 1e siège de Jérusalem en 605, Daniel le prophète fait partie des déportés… Au 2e siège, en 597, c’est Ézéchiel.
Les chapitres 1-32 du livre annoncent le jugement
Les chapitres 33-48 promettent la restauration
Jérémie prophétise aux Juifs qui habitent encore Jérusalem.
Dans le même temps, Ézéchiel adresse ses prophéties aux Juifs déjà exilés à Babylone.
Son message tourne autour de l’événement central, la prise de Jérusalem par le roi Nabuchodonosor qui aura lieu en 586.
Avant l’annonce de la chute de Jérusalem, le prophète Ezéchiel, à Babylone, a mis l’accent sur le jugement des péchés.
Ézéchiel 33. 1-21 Pour lire le texte, cliquez sur la Bible dans la colonne de droite : Lisez la Bible sur Internet
1. Le veilleur et son message
La prophétie du chapitre 33 résume le message du prophète dans la première partie du livre.
Les v. 1-9 reprennent presque dans les mêmes termes la thématique du ch 3.16-21 : Dieu a donné à Ézéchiel l’ordre d’être un veilleur
Les v. 10-20 rappellent de même l’enseignement du ch 18:1- 32 : le sermon d’Ézéchiel sur la responsabilité et la repentance
Dieu ordonne à Ézéchiel de s’adresser à ses contemporains
Fils d’homme // homme, parle aux gens de ton peuple, à tes compatriotes.
Il attire l’attention de l’auditeur, du lecteur, par un énoncé théorique sur les responsabilités d’un guetteur, d’une sentinelle avec les expressions « supposez, … si »
« Supposez, telle ou telle situation, une attaque ennemie par exemple
Si un homme donne l’alarme au son du cor. Le veilleur, le guetteur, la sentinelle fait son devoir.
Que ceux qui entendent l’alerte agissent en conséquence : se mettre à l’abri, fuir ou prendre toute décision qui sauve leur vie et celle des autres.
Si on ne fait rien, on ne pourra s’en prendre qu’à soi-même.
Mais si le veilleur ne donne pas l’alarme, ne sonne pas de la trompette, ne fait pas son devoir, c’est lui le responsable des malheurs qui suivront.
Si, en temps de guerre, la sentinelle désignée par les autorités de la ville voit l’ennemi s’approcher, s’il avertit les habitants par le son du cor, et que les habitants ne prennent pas les mesures appropriées, ils sont les seuls responsables des conséquences (probablement fatales).
Si, en revanche, la sentinelle n’avertit pas, elle est responsable des conséquences.
Un groupe d’experts en sismographie a détecté une activité inhabituelle dans des plaques sous marines. Il y a risque de tremblement de terre, de tsunami. Leur rôle est d’avertir les autorités des pays concernés pour qu’elles prennent les mesures indispensables et les transmettent. Le rôle des habitants, c’est de se conformer aux ordres communiqués pour sauver leur vie.
On a toutes sortes d’exemples de ce type, du plus spectaculaire au plus banal. On nous a appris des attitudes, des gestes parfois simples, habituels qui préservent la santé ou la vie. Le panneau stop, c’est le guetteur qui avertit : arrête-toi et regarde avant de traverser.
2. Le veilleur prophète et la prophétie
Le prophète avertit ses compatriotes pour qu’ils prennent conscience de leur responsabilité. Ici, c’est bien lui, Ézéchiel, la sentinelle, le veilleur que Dieu a posté pour avertir la communauté d’Israël
v. 7 Tu écouteras la parole qui sort de ma bouche et tu les avertiras de ma part .
C’est exactement ça le ministère de prophète : tu les avertiras de ma part : avertir de la part de Dieu.
A l’arrière-plan, à la base du ministère de prophète, il y a toujours un appel de Dieu, des directives précises de Dieu.
L’ordre de faire passer un message doit venir de Dieu, pas de son initiative à soi … ou de son envie personnelle.
Le message communiqué doit venir de Dieu, de sa parole déjà connue dans la Bible, pas de son imagination ou de ses impressions ou des influences reçues ici et là sans contrôle.
C’est exactement ça le ministère de la prophétie : Tu écouteras la parole qui sort de ma bouche. Écouter la parole de Dieu et la faire passer plus loin.
Le ministère de la prophétie, n’est ce pas tout simplement annoncer la parole de Dieu en la rendant compréhensible, accessible à ceux qui écoutent.
Faisons bien attention en lisant les prophètes de l’Ancien Testament.
Les annonces prophétiques, y compris celles qui annoncent l’avenir sont simplement la conséquence évidente de paroles déjà connues et plusieurs fois rappelées avec insistance selon le schéma qu’on peut tirer de Deutéronome 28.
« Si tu fais bien, il t’arrivera ceci ou cela de bien. Si tu fais mal (si tu t’éloignes de Dieu, si tu pratiques l’idolâtrie par exemple), il t‘arrivera ceci ou cela de mal. Et si tu changes d’attitude, si tu regrettes le mal que tu as fait, il t’arrivera à nouveau ceci ou cela de bien.
a. La prophétie ? Pourvu qu’elle ne nous dérange pas !
Jérémie, contemporain d’Ezéchiel, donne dans ses prophéties un dernier avertissement au roi et à la population encore en sursis à Jérusalem :
vous avez dépassé les limites, les freins ont lâché, le dernier tournant avant le précipice est là, tout juste devant vous.
Une synthèse dans les grandes lignes :
En ce temps de fin annoncée du Royaume du sud, après le siège de Jérusalem de 597 et ce qui vous attend, vous, oui vous, qui êtes encore en sursis à Jérusalem, regardez le roi Nabuchdonosor qui avance avec son armée.
Et ne vous étonnez pas.
La destruction du Temple, la ruine de la ville, l’exil à Babylone ne sont plus évitables.
Même si vous criez : le Temple nous protège, le Temple nous protège (Jérémie 7)
Pourquoi ?
Vos rois n’ont aucun respect de la parole donnée et font de la magouille politique. Vos dirigeants politiques et religieux pratiquent l’idolâtrie sur le toit en terrasse du Temple. Et vous, gens du peuple, vous la pratiquez avec vos amulettes dans vos maisons, tout en prétendant servir Dieu.
Vos rois aiment les prophètes de cour qui les flattent. Et ils persécutent ceux qui osent leur dire la vérité. Et vous, vous aimez bien crier avec les loups.
b. La prophétie ? Elle s’est réalisée, contre nous. Mais tout peut encore changer
Dans ce même temps, Ézéchiel est à Babylone avec les exilés, ces exilés juifs qui vivent maintenant chaque jour les conséquences du jugement de Dieu sur leurs fautes. Loin de leur patrie, loin de leur Temple.
Aux v. 8 et 9, Ézéchiel explique. Le guetteur qui avertissait du danger, c’est lui, le prophète. …
Il prévient le méchant du risque de mort à cause de sa mauvaise conduite.
Il ne faut pas prendre méchant au sens moderne. Le méchant, au sens biblique, c’est la personne qui vit sa vie sans Dieu, sans s’occuper de Dieu.
Dieu lance au peuple d’Israël exilé à Babylone un appel fervent à la repentance. Pas à une communauté certaine de son innocence mais à une communauté plongée dans la culpabilité et le désespoir
Comment pourrions-nous vivre puisque nos rébellions et nos fautes pèsent sur nous et que nous dépérissons à cause d’elles ? v 10
Leur réaction aux paroles d’Ézéchiel est un tournant indispensable.
Contrairement aux Juifs encore à Jérusalem, eux, ils ne se font plus d’illusions. Ils sont en plein en train de vivre, dans l’exil à Babylone, les conséquences de leur péché
Mais il faut aller plus loin, cesser de répéter, de ressasser l’échec. Il faut sortir activement de la situation bloquée : abandonner, se détourner pour avancer.
Aussi vrai que je suis vivant, le Seigneur, l’Éternel, le déclare, je ne prends aucun plaisir à la mort du méchant, je désire qu’il abandonne sa conduite et qu’il vive. Détournez-vous, détournez-vous donc de votre mauvaise conduite ! Pourquoi devriez-vous mourir, gens d’Israël ? » v 11
Reconnaître ses fautes, se repentir de ses péchés, c’est un préalable au pardon de Dieu qui libère.
Avec comme conséquences un changement de situation, … de la mort à la vie, … de la perdition au salut, … de l’éloignement de Dieu à la proximité, à la communion avec Dieu
Ézéchiel le précise dans les v 12-20
Ni le caractère des parents, ni même un comportement qu’on a eu plus tôt dans sa vie ne détermine le destin. La personne qui pèche meurt, ce ne sont pas ses enfants ou ses parents. La personne qui se repent et obéit vit, ce ne sont pas ses parents ou ses enfants.
D’où des expressions inadmissibles parfois entendues dans des familles…
Celui-ci, c’est tout l’oncle X, un fainéant, un bon à rien.
Celle-là, c’est le sale caractère de la tante Y
La responsabilité morale ne s’entasse pas d’une génération à l’autre. La génération précédente n’a pas le droit d’accumuler la culpabilité sur les épaules de la génération actuelle.
Dieu insiste sur l’espérance. C’est la conséquence de la repentance avec son pouvoir de libérer, de rendre nouveau. Dieu veut que son peuple vive.
Le prophète met en évidence leurs péchés, pas pour enfermer dans la fatalité = ‘de toute façon il n’y a plus rien à faire pour moi ‘. Mais pour montrer qu’on peut se repentir et avancer selon la volonté de Dieu.
Pour motiver une repentance bien comprise, Ezéchiel clarifie les conséquences qui ne manqueront pas d’arriver.
Négatives pour celui qui rejette les indications de Dieu, s’obstine dans la mauvaise direction.
Quand bien même j’aurais dit au juste qu’il vivrait, si, fort de sa droiture, il se met à commettre le mal, on ne tiendra plus compte de toute sa droiture et il mourra à cause du mal qu’il aura commis. V. 13
Positives pour celui qui se repent, … change de comportement … et se tourne vers Dieu
Et quand bien même j’aurais dit au méchant : « Tu vas mourir », s’il abandonne ses fautes et fait ce qui est droit et juste, il vivra. V. 14
Repentance et vie nouvelle
Le passé et le présent ne vont pas automatiquement déterminer mon avenir, votre avenir. C’est ma décision, votre décision maintenant, dans un sens ou dans l’autre.
La repentance suivie d’une conduite nouvelle n’est pas un vœu pieux, une simple petite affaire entre Dieu et moi. Elle implique souvent des actes pratiques, en relation avec les autres, selon les exemples des v. 15 et 16.
Faire ce qui est droit et juste, restituer le gage exigé, rendre ce qu’on a volé, se conformer aux commandements.
S’il restitue le gage qu’il a exigé et rend ce qu’il a volé, s’il se conforme aux commandements qui font obtenir la vie et cesse de faire le mal, certainement, il vivra ; il ne mourra pas.On ne tiendra plus compte de tous les péchés qu’il a commis ; puisqu’il a fait ce qui est droit et juste, il vivra.
Restituer le gage exigé ? Cela ne nous dit sans doute pas grand-chose aujourd’hui.
Dans l’Israël d’autrefois, c’était une des bases du système économique. Et la loi l’encadrait pour éviter les abus.
Le gage, c’était l’objet que le pauvre mettait en dépôt chez le riche pour garantir que le pauvre lui rendrait l’argent ou l’objet emprunté.
Donc d’après la loi, le vêtement de dessus du pauvre qui servait de couverture, un objet de première nécessité devait être rendu le soir même.
Et il était interdit d’emporter les deux meules ou la meule de dessus qu’on frottait sur celle de dessous pour écraser le grain. Cela signifiait priver de la nourriture de base. On ne pouvait jamais dépouiller totalement quelqu’un, en principe.
Mais des abus ont eu lieu, tout simplement.
Et à la fin des deux royaumes, aussi bien du Nord que du Sud, d’immenses propriétés terriennes accumulées, des richesses, du luxe, l’ivoire de Samarie par exemple.
Avec la misère grandissante des ouvriers agricoles pas ou mal payés.
Une situation qui se fixera pour des siècles…
Jacques dans le Nouveau Testament :
Il crie, le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont moissonné vos champs Jacques 5.4
Des champs récupérés pour rien ou à bas prix sur des gens réduits à une subsistance minimale.
Alors Zachée ? (Luc 19.1-10)
Il avait le droit de percevoir l’impôt pour le pouvoir romain occupant. Il avait le droit aussi de se verser à lui-même un salaire confortable et même plus.
Alors, quand il se sait accepté et aimé par Jésus, il modifie radicalement ses pratiques commerciales.
A partir de maintenant, je donne la moitié de mes biens aux pauvres. Et je rembourse 4 fois ce que j’ai trop perçu.
Un cœur changé par la repentance, un monde économique transformé
Oui, mais moi, je ne vole pas !
Alors regarde bien si tu n’as pas laissé trainer au milieu du désordre un livre que tu aurais dû rendre depuis des semaines à la bibliothèque de la commune…
Et voici qu’arrive le rescapé de Jérusalem avec son message :
Jérusalem est tombée. (v . 21)
La boucle est bouclée.
Alors le message du prophète devient désormais une promesse d’espoir et de restauration.
Dieu lui-même sera le berger de son peuple et c’est lui qui le conduira (ch 34). Il donnera un nouveau cœur et un nouvel esprit qui rendront capable d’être fidèle et d’éviter le jugement. Le Christ de Jean 10, c’est ce bon berger qui donne sa vie pour que ses brebis puissent recevoir une vie nouvelle
Quelques remarques de conclusion
Pour être un veilleur, même occasionnel, il ne suffit pas de sonner de la trompette prophétique et d’annoncer comme Jonas « Encore 40 jours et Ninive sera détruite » Il faut l’art et la manière de susciter l’intérêt sans repousser.
Un contre exemple entendu un jour
Pendant un congrès annuel d’étudiants chrétiens, deux ou trois étudiants discutaient :
Tels ou tels étudiants chrétiens de notre connaissance ont vu passer une étudiante sur le campus
« Tu es une pécheresse, repens toi et tourne-toi vers le Christ »
Un travail de veilleur ? de l’évangélisation ? Non, une bourde monumentale.
Dans un contexte social français, d’origine catholique, « pécheresse » cela veut dire « prostituée ». C’est Marie Madeleine, la Marie de Magdala des Evangiles qu’on a affublée de ce rôle de prostituée.
Autant dire que le contact sera pratiquement impossible à rétablir après cette insulte
Donc d’abord faire connaissance, gagner la confiance, amener la personne à reconnaître sa situation, à l’évaluer à sa juste mesure. Expliquer ce qu’est en fait le péché, comment, en quoi il sépare de Dieu.
S’il s’agit d’inconduite ou d’alcoolisme par exemple, cela se verra vite et probablement facilement. Plus que si on s’est imaginé que ça n’avait guère ou pas d’importance. Ou que personne ne le voyait. Ou que ça ne gênait pas grand monde
Les petites tricheries quotidiennes, … les approximations avec la vérité, … le mépris des autres dissimulé derrière une façade aimable. Bref, les péchés qu’on croit bénins, sans grande conséquence, les péchés qui ne nous gênent pas, bien dissimulés au fond du cœur
Il faudra sans doute du temps, pas mal de temps pour amener la personne à prendre conscience, par elle-même de sa situation réelle et exacte devant Dieu.
Cela ne se fera ni par formules toutes faites, ni par boutades mais par l’accompagnement patient et la prière.
C’est Dieu qui débusque, par son Esprit, le péché caché et le confronte à la lumière de la vérité biblique et à l’amour du Christ rédempteur … pour qu’il y ait repentance et vie nouvelle.
C. Streng