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AMOS

Introduction

Dans le message de ce dimanche 1e juin, je vais vous présenter le prophète Amos. Il est peut-être un peu moins connu qu’Esaïe, bien que contemporain de celui-ci, mais il a lui aussi pas mal de choses à nous dire.

Pour ceux d’entre nous qui pratiquent une lecture suivie de la Bible entière, nous sommes forcément tombés un jour ou l’autre sur Amos. Mais une étude un peu plus en détail m’a semblé utile.

Elle permettra de découvrir dans son message des éléments intéressants en relation avec la situation de son temps et aussi, pourquoi pas, du nôtre

Je présenterai donc   Amos en 3 prédications.

Quelques points d’histoire

Paroles d’Amos, l’un des bergers de Tekoa, visions qu’il a eues sur Israël durant les règnes d’Ozias sur Juda et de Jéroboam, fils de Joas, sur Israël, deux ans avant le tremblement de terre

 

Amos a vécu dans la 1e moitié du 8e s avant J.-C, bien après la séparation des deux royaumes. Avec l’indication Deux ans avant le tremblement de terre, c’est-à-dire 752-750

Jéroboam II régnait sur Israël et Ozias sur Juda. C’étaient des dirigeants forts et compétents. Ils ont assuré à leurs royaumes des périodes de paix et de prospérité relatives.

Durant cette période, l’Assyrie, le grand empire du Moyen-Orient connaissait des problèmes internes. Ces problèmes empêchaient ses campagnes militaires contre les autres petits États des bords de la Méditerranée

Cela permit à ces petits pays, (dont Israël et Juda) de se développer de manière remarquable. La richesse se manifestait par le luxe des classes supérieures dans les capitales, mais pas du tout dans la population des campagnes

De plus, l’Assyrie se préparait à pratiquer à nouveau une politique militaire d’expansion.

 

Le mécontentement économique des classes populaires en Israël d’une part, la décision de l’Assyrie d’étendre à nouveau son influence militaire et politique vers la Méditerranée d’autre part, expliquent qu’Amos ait pu prophétiser le désastre à venir

 

Amos en action à Samarie

Mais suivons d’abord Amos. Il vient d’arriver sur la Grand-Place de Samarie, la capitale du royaume d’Israël. Une petite foule d’israélites s’est déjà rassemblée.

 

« Qui c’est celui-là ? »

« Un péquenod d’un village du sud. Té – quelque chose ah oui Tekoa

Il vient jouer au prophète chez nous. »

 

De Sion l’Éternel rugit, de Jérusalem il fait entendre sa voix. Les pâturages des bergers sont dans le deuil, et le sommet du Carmel est desséché.

 

De Sion l’Éternel rugit, de Jérusalem il fait entendre sa voix

 

« Oui on le sait bien, nous. Dieu habite à Jérusalem et c’est au Temple de Salomon qu’il faut aller pour l’adorer. Mais notre veau d’or de Bethel est quand même un peu moins loin et un peu plus pratique »

 

Les pâturages des bergers sont dans le deuil, et le sommet du Carmel est desséché.

« Ça commence. Il parle déjà de catastrophes »

Voici ce que dit l’Eternel : A cause de trois crimes de Damas, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision. Parce qu’ils ont écrasé Galaad sous des traîneaux de fer, j’enverrai le feu dans la maison de Hazaël, et il dévorera les palais de Ben-Hadad. Je briserai les verrous de Damas, j’exterminerai de Bikath-Aven les habitants et de Beth-Eden celui qui tient le sceptre, et le peuple de Syrie sera exilé à Kir, dit l’Eternel. (1.2-7)

Voici ce que dit l’Eternel

« C’est sûr. On va en prendre plein la figure. »

Amos vient de Juda, le royaume rival après la division. Comment pourrait-il se faire entendre par ces Israélites de Samarie. Surtout s’il n’a que des choses désagréables à dire, du genre

« Votre culte est faux, etc. etc. »  « Vous êtes des idolâtres etc. etc. »

Comment faire entendre sa voix face à l’idolâtrie et au désordre moral qui règnent en Israël ?

Quelle est la meilleure stratégie à demander à Dieu et surtout à appliquer avec discernement ?
Comment attirer dans un contexte hostile l’attention d’auditeurs peu disposés à écouter ?

La solution : Faire le tour de la région pour dénoncer les voisins d’Israël
Dans le culte israélite, il était habituel qu’un prophète proclame la colère de Dieu contre les païens. Il annonçait ensuite la bénédiction sur Israël.

A cause de trois crimes de Damas, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision.

« Tiens, il ne parle pas de nous, il parle de Damas, des crimes des Syriens ».
« Ça c’est intéressant. C’est les autres qui vont en prendre plein la figure. Restons encore un peu. Je suis curieux de savoir ce qu’il va nous sortir »

Amos commence par s’attarder sur les méfaits des voisins et souvent ennemis du pays de son public.

Les chefs d’accusation : pour les païens, ce n’est pas l’idolâtrie mais les nombreux crimes
3 crimes et même 4 : 3, c’est un degré de perversité suffisant pour justifier le châtiment.
4 le surplus qui fait déborder la colère divine : je ne me rétracterai pas

Amos annonce d’abord le châtiment qui s’abat sur chaque nation. Il explique ensuite la colère de Dieu, puis détaille la catastrophe à venir.
« Je ne révoquerai pas le châtiment ».
Le péché entraîne ses propres conséquences. On ne peut prédire la forme que prendra le châtiment ? Mais il viendra.

Amos s’occupe d’abord des trois voisins du royaume du Nord : Syriens, Philistins, Phéniciens
Il passe ensuite aux descendants des patriarches, et donc parents d’Israël : Édomites (d’Ésaü frère jumeau de Jacob issu d’Isaac), Ammonites et Moabites (issus de Loth, neveu d’Abraham).
Puis à Juda, le frère séparé d’Israël

Mais revenons à Damas

Parce qu’ils ont écrasé Galaad sous des traîneaux de fer, j’enverrai le feu dans la maison de Hazaël, et il dévorera les palais de Ben-Hadad. Je briserai les verrous de Damas, j’exterminerai de Bikath-Aven les habitants et de Beth-Eden celui qui tient le sceptre, et le peuple de Syrie sera exilé à Kir, dit l’Eternel. (1.2-7)

Les Syriens ont commis un génocide contre la population civile de Galaad.
Ils ont forcé les victimes à s’allonger sur le sol. Et des bêtes ont tiré sur leur corps des traineaux munis de pointes de fer

« Amen, Amen, Bravo, Bravo. T’as raison.  Bande de blaireaux ! Pas permis de traiter les gens comme ça. »

Ce jour-là, le public a commencé par applaudir Amos avec des « Amen » sans doute très appuyés. Il n’a même pas remarqué que le jugement s’approchait étape par étape de lui

Sur Gaza

Voici ce que dit l’Éternel : A cause de trois crimes de Gaza, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision. Parce qu’ils ont fait une foule de prisonniers pour les livrer à Édom, j’enverrai le feu dans les murs de Gaza, et il en dévorera les palais. J’exterminerai d’Asdod les habitants et d’Askalon celui qui tient le sceptre, je tournerai ma main contre Ekron, et le reste des Philistins disparaîtra, dit le Seigneur, l’Éternel

« Gaza ! Encore un autre ! vas-y, continue, ça me plaît »

Les Philistins de Gaza sont coupables d’avoir vendu une foule de prisonniers de guerre à des Édomites. Une manière de faire des bénéfices importants en pratiquant le commerce systématique de gens qu’on a réduits en esclavage

Gaza était la plaque tournante du commerce des esclaves à la jonction de la route venant d’Édom et de la grande voie commerciale entre l’Égypte et la Mésopotamie

Le verdict : Les Philistins vont disparaître en tant que nation (v. 8b)

« C’est bien fait. Ils méprisent leurs semblables, pour eux, ils ne sont pas plus que des marchandises »

Sur Tyr

Voici ce que dit l’Eternel : A cause de trois crimes de Tyr, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision. Parce qu’ils ont livré à Édom une foule de prisonniers, sans se souvenir de l’alliance fraternelle, j’enverrai le feu dans les murs de Tyr, et il en dévorera les palais

Tyr capitale de la Phénicie dominait sur les mers le commerce international
Ici encore il est question du commerce des esclaves. Mais, circonstance aggravante le peuple victime est le partenaire d’une alliance fraternelle, d’un traité de fraternité entre pays voisins

Peut-être l’alliance politico-commerciale entre Tyr et Israël, conclue sous Salomon (1 Rois 5.26), renouvelée par Achab (cf. 1 Rois 16.31). Ou alors un accord plus proche de l’époque d’Amos. De tels accords étaient courants dans le Proche-Orient ancien. Ils faisaient des contractants des « frères » (cf. 1 Rois 9.13)

Sur Édom

Voici ce que dit l’Eternel : A cause de trois crimes d’Édom, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision. Parce qu’il a poursuivi ses frères avec l’épée en étouffant sa compassion, parce que sa colère déchire toujours et qu’il garde éternellement sa fureur, 12 j’enverrai le feu dans Théman et il dévorera les palais de Botsra.

La haine d’Ésaü envers son frère Jacob (et donc tous ses descendants) avait été annoncée dès l’époque patriarcale (Gn 25-23). Avec pour conséquence bien des conflits armés et beaucoup de sang versé.
Cette haine trouva son point culminant : les Édomites saluèrent avec une grande joie la chute de Jérusalem en 587

Après s’en être pris à Tyr, un peuple voisin d’Israël au nord, Amos dénonce Édom au sud-est.
La destruction d’Édom sera totale sur tous les plans : géographique, économique et culturel

« Tant pis pour eux ! »

Sur les Ammonites

Voici ce que dit l’Eternel : A cause de trois crimes des Ammonites, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision. Parce qu’ils ont fendu le ventre des femmes enceintes de Galaad afin d’agrandir leur territoire, j’allumerai le feu dans les murs de Rabba, et il en dévorera les palais au milieu des cris de guerre le jour du combat, au milieu de l’ouragan le jour de la tempête Et leur roi partira en exil, lui et ses chefs avec lui, dit l’Eternel

Les Ammonites établis à l’est d’Israël sont les descendants de Loth neveu d’Abraham. Ils sont accusés d’une atrocité innommable, l’éventration de femmes enceintes (v. 13). Cela pour vider toute une région de ses habitants « afin d’agrandir leur territoire ».

La menace assyrienne étant moins pressante, les Ammonites pouvaient donner libre cours à leur appétit d’expansion territoriale
Ce crime, planifié et mis en œuvre de sang-froid est donc encore plus odieux

 

« Infect, dégoûtant »

 

Sur les Moabites

Voici ce que dit l’Eternel : A cause de trois crimes de Moab, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision. Parce qu’il a brûlé, calciné les os du roi d’Édom, j’enverrai le feu dans Moab; il dévorera les palais de Kerijoth et Moab mourra au milieu du tapage, au milieu des cris de guerre et du bruit de la trompette.

L’incinération des os du roi d’Édom peut sembler moins grave que les tortures des habitants de Galaad (1.3) et l’éventration des femmes (1.13).
Mais pour les peuples du Proche Orient, la crémation inspirait l’horreur. On y voyait la destruction de la personnalité en réduisant les os en poudre.

Le feu « dévorera » non seulement Moab, le pays mais aussi Qerioth la capitale. Et aussi la Pierre de Moab, le site du sanctuaire de la divinité nationale Kemoch.
Moab avait fait disparaître toute trace de vie humaine chez un roi voisin. Elle verra aussi détruire toutes ses composantes politiques et religieuses en tant que nation.

« Une abomination ! Quelle honte ! »

Un petit point sur la situation : le péché contre la conscience des païens

Le créateur qui a créé l’homme à son image a inscrit dans chaque cœur la conscience.

Les péchés de la Syrie, des Philistins, de Tyr, d’Édom, d’Ammon et de Moab sont des péchés contre la conscience. Ils sont partout reconnus comme inhumains, même à l’époque d’Amos : guerres gratuites, massacres, rupture d’alliance et sacrilège.

 

Pour Amos, Dieu n’est pas le petit dieu des Israélites, mais le Dieu unique de l’Univers. Et tous sont responsables devant lui. Pour Amos, la moralité n’est pas une question relative. Dieu a inscrit sa loi morale dans chaque cœur. Les nations savent bien que ce qu’elles font. Sinon, elles ne pourraient être tenues responsables de leurs actes.

Dès la création, Dieu a donné à chacun suffisamment de lumière pour le suivre. Mais on a préféré les ténèbres à la lumière. Ainsi, le cœur est devenu si obscur qu’on ne peut trouver Dieu sans la lumière de l’Évangile.

 

Sur Juda

Voici ce que dit l’Eternel : A cause de trois crimes de Juda, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision. Parce qu’ils ont méprisé la loi de l’Eternel et n’ont pas gardé ses prescriptions, parce qu’ils ont été égarés par les idoles mensongères que leurs ancêtres avaient adorées, j’enverrai le feu dans Juda et il dévorera les palais de Jérusalem

Il ne s’agit plus d’atrocités en temps de guerre mais du non-respect de la Loi. Avec une conséquence identique,  le feu dans le pays et dans ses palais

Cette fois, Amos s’adresse à Juda lui-même, le peuple privilégié par son lien avec le Seigneur. Alors Amos s’attarde sur des fautes à caractère spirituel. Il n’en avait pas parlé quand il s’adressait aux païens.

Malgré la lumière morale fournie par la Loi, Juda tourne le dos au Seigneur pour rendre un culte à de faux dieux. Juda vit comme les païens, il partagera leur sort. Les Babyloniens incendieront les lieux – palais et Temple aussi – où Juda avait pratiqué l’idolâtrie.

Le péché contre la Loi

Le péché de Juda est pire que celui des nations païennes. Juda a péché contre la révélation de Dieu donnée dans la Loi. Dieu lui a donné une révélation évidente de sa volonté. Ils savent ce que Dieu exige, mais ils refusent d’obéir.

 

Dans nos églises, nous entendons chaque dimanche et parfois en semaine ce que la Bible enseigne. Mais le vivons-nous vraiment en pratique ? Sommes-nous attentifs à appliquer ce que Dieu nous indique ?

Juda vient de subir les critiques d’Amos
L’auditoire israélite de Samarie, satisfait d’avoir entendu critiquer tous les autres autour de lui s’apprête à repartir.

« Juda ! Lui aussi il en aussi pris pour son compte ». C’est bien fait pour lui. On en a assez entendu. Viens, on s’en va »

Mais surprise ! Pour ceux qui viennent de se frotter les mains en écoutant les malheurs qui attendent leurs ennemis et voisins

Sur Israël

Voici ce que dit l’Eternel : A cause de trois crimes d’Israël, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision.

Amos continue. Il invective cette fois -ci les gens auxquels il prophétise.
Et pas 2 ou 3 versets comme pour les autres mais 10

« Crimes d’Israël » qu’est qu’il raconte encore celui-là ? »

Voici ce que dit l’Eternel : A cause de trois crimes d’Israël, même de quatre, je ne reviens pas sur ma décision

 

parce qu’ils ont vendu le juste pour de l’argent, et le pauvre pour une paire de sandales.  Ils aspirent à voir la poussière de la terre sur la tête des faibles, et ils violent le droit des malheureux. Le fils et le père s’unissent à la même fille afin de déshonorer mon saint nom. 8 Ils s’étendent près de chaque autel sur des habits pris en gage, et ils boivent dans le temple de leurs dieux le vin de ceux qu’ils condamnent.

 

Et pourtant j’ai détruit devant eux les Amoréens, dont la hauteur égalait celle des cèdres et la force celle des chênes, j’ai détruit leurs fruits au-dessus et leurs racines en dessous. Pourtant, je vous ai fait sortir d’Égypte et je vous ai conduits 40 ans dans le désert pour vous mettre en possession du pays des Amoréens,

 

j’ai fait surgir parmi vos fils des prophètes, et parmi vos jeunes hommes des naziréens. N’est-ce pas le cas, Israélites ? déclare l’Eternel

Et vous avez fait boire du vin aux naziréens, et aux prophètes vous avez donné cet ordre : « Ne prophétisez pas !»

Je vous écraserai comme un chariot chargé de gerbes écrase le sol. Celui qui est agile ne pourra pas fuir, celui qui a de la force ne pourra pas s’en servir, et l’homme vaillant ne sauvera pas sa vie. Celui qui manie l’arc ne résistera pas, celui qui a les pieds légers ne s’échappera pas et le cavalier ne sauvera pas sa vie. Le plus courageux des guerriers s’enfuira nu ce jour-là, déclare l’Eternel.

 

Les crimes reprochés au royaume d’Israël

Amos ne parle même pas du veau d’or dressé à Bethel depuis Jéroboam 1e. Il passe directement à l’étape suivante : les fruits empoisonnés de cette idolâtrie chez un peuple qui s’est placé de lui-même en dehors de l’alliance avec Dieu. La conséquence : une société dominée par des vices qui nuisent aux rapports sociaux

Une société matérialiste où l’argent est roi

Ils ont vendu le juste pour de l’argent, et le pauvre pour une paire de sandales.

 

Les puissants se moquent du bonheur, des droits et de la liberté des faibles.
On saisissait les titres de propriété du pauvre. On l’expulsait de ses terres attribuées à l’époque de Josué pour le vendre comme esclave.

 

Une société pratiquant l’immoralité sexuelle

Le fils et le père s’unissent à la même fille afin de déshonorer mon saint nom

 

Était-ce la servante à la merci de tous les hommes de la maison.

Ou la prostituée sacrée du temple païen qu’on fréquentait en douce ? ou pas ?

 

Une société où règnent le plaisir et le cynisme

Ils s’étendent près de chaque autel sur des habits pris en gage, et ils boivent dans le temple de leurs dieux le vin de ceux qu’ils condamnent.

 

On boit dans la maison de leurs dieux- pas la maison du seul Dieu d’Israël

On s’étend sur des vêtements pris en gage – qui auraient dû être rendus à leurs propriétaires.

 

On boit du vin en parodiant les fêtes religieuses à Jérusalem. Ou, peut-être, en pratiquant la prostitution sacrée du culte de Baal toujours et encore à la mode

 

Et pourtant … la bonté du Seigneur (9-12)

Elle s’est manifestée à son peuple par ses grands actes dans le passé

Avec des victoires contre des peuples plus forts qu’eux

 

Et pourtant j’ai détruit devant eux les Amoréens, dont la hauteur égalait celle des cèdres et la force celle des chênes, j’ai détruit leurs fruits au-dessus et leurs racines en dessous. Pourtant, je vous ai fait sortir d’Égypte et je vous ai conduits 40 ans dans le désert pour vous mettre en possession du pays des Amoréens

 

Avec l’envoi de prophètes et d’hommes consacrés à Dieu
J’ai fait surgir parmi vos fils des prophètes, et parmi vos jeunes hommes des naziréens. N’est-ce pas le cas, Israélites ? déclare l’Eternel

            Et vous avez fait boire du vin aux naziréens, et aux prophètes vous avez donné cet ordre :       « Ne prophétisez pas !»

`Le prophète dénonce aussi l’intolérance qui refusait au naziréen le droit d’appliquer son vœu de ne boire ni vin ni boisson à base de raisin

Pour Amos ce rejet des naziréens et des prophètes est comme une invitation au jugement de Dieu

 

Par conséquent un jugement inéluctable (v. 13-16)

Je vous écraserai comme un chariot chargé de gerbes écrase le sol. Celui qui est agile ne pourra pas fuir, celui qui a de la force ne pourra pas s’en servir, et l’homme vaillant ne sauvera pas sa vie. Celui qui manie l’arc ne résistera pas, celui qui a les pieds légers ne s’échappera pas et le cavalier ne sauvera pas sa vie

 

Le châtiment d’Israël sera l’anéantissement total de son armée. Prise au piège par le rouleau compresseur des forces ennemies assyriennes, elle n’aura aucune possibilité de s’échapper.

 

Ce gars, il ne manque pas d’air. Il nous insulte ! Qu’il aille raconter ses salades à Jérusalem ou ailleurs, pas ici chez nous

 

Le péché d’Israël était le pire de tous. Non seulement ils avaient péché contre leur conscience et contre la loi, mais ils avaient méprisé l’amour de Dieu. Dans son amour, Dieu les avait rachetés d’Égypte et leur avait donné leur pays.

Puis, pour les aider à comprendre sa volonté, il leur avait donné des prophètes et des naziréens pour les conseiller. En réponse, ils ont réduit au silence les prophètes et corrompu les naziréens.

 

En dénonçant l’état moral et spirituel d’Israël, Amos espère le mettre en garde et qui sait, provoquer une repentance qui mène au salut

 

Nous chrétiens d’aujourd’hui nous avons notre conscience et en plus nous sommes instruits dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Nous connaissons donc la Parole écrite.

Alors ne restons pas insensibles à l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Et surtout, veillons à mettre en pratique l’esprit du Christ dans nos relations mutuelles.

Comment ? en accordant toujours à l’autre le bénéfice du doute. Il peut lui arriver de commettre des erreurs. Nous aussi nous en commettons, même sans nous en rendre compte. Alors ne soyons pas le juge qui ne rate personne  mais celui ou celle sur qui on peut compter pour indiquer la bonne direction

Et aussi mettons-nous au service de l’autre, voyons-le comme supérieur à nous. Cela ne nous rendra pas inférieur mais nous permettra de mettre nos dons en pratique dans un cadre de confiance et d’amour.

C. Streng

Une énigme de Proverbes 30 résolue en Jean 3

Lire toute la Bible, même les passages difficiles

Il est recommandé de lire la Bible en entier, de préférence en alternant Ancien et Nouveau Testament. Cette lecture permet de trouver des relations, des correspondances.

Des paroles de l’Ancien Testament se réalisent dans le Nouveau, des actions de l’Ancien Testament trouvent leur explication dans le Nouveau. C’est normal puisque le plan de salut de Dieu s’étend sur toute la Bible.

Parfois, il nous arrive de tomber sur un passage qui nous paraît étrange. Nous avons le droit de dire « je ne comprends pas, je ne vois pas ce que ça veut dire ».

Mais il est important de ne pas en rester là. La difficulté doit nous pousser à chercher, à approfondir. Voici un de ces passages

Proverbes 30 : 1 à 4

Paroles solennelles d’Agour, fils de Yaqé. Voici ce que cet homme déclara à Itiel, Itiel et Oukal : 

Oui, je suis trop stupide pour un homme, je n’ai même pas l’intelligence d’un être humain. Je n’ai jamais acquis la sagesse, et je n’ai pas accès à la connaissance de celui qui est saint.

Qui est monté au ciel et en est revenu ? Qui a recueilli le vent dans le creux de ses mains ?  Qui a enveloppé les eaux dans le pli de son vêtement ?  Qui a établi les limites de la terre ? 

Quel est son nom ? Quel est le nom de son fils ? Dis-le-moi si tu le sais.

Bible en français courant

Le problème se pose surtout pour le premier verset.

Une succession de noms inconnus, Agour, Yaqé, Itiel, Oukal. A part Itiel, noté aussi dans Néhémie 11.7, on ne les trouve pas ailleurs dans l’Ancien Testament

Dans toutes les versions consultées, protestantes et catholiques, françaises, anglaises et allemandes, c’est la même chose. On retrouve les mêmes noms énigmatiques Agour, Yaqé etc.

D’abord un bref rappel historique pour éclairer la suite

L’Ancien Testament a été écrit en hébreu. Après l’exil, les Israélites vivant en Babylonie et en Égypte se sont adaptés aux langues de ces pays. L’hébreu d’origine n’est plus utilisé couramment.

On l’entend seulement dans les lectures publiques de la Torah. Alors les gens ne sont plus habitués. Ils comprennent de moins en moins.

Il faut donc traduire l’hébreu en araméen et en grec. En Égypte, vers 270 avant J.C, pour pouvoir juger les Juifs selon leurs propres lois, le souverain de l’époque, grec d’origine, demande qu’on traduise en grec l’AT hébreu. Cette traduction s’appelle la LXX

Comme en fait, ce premier verset de Proverbes 30 ne veut pas dire grand-chose, faisons un petit tour dans les traductions anciennes du texte original hébreu, d’abord la bible grecque des LXX

Surprise : La Bible grecque s’arrête au ch 29.

On retrouve le ch. 30 au ch 24 après le verset 22

Mon fils, crains mes paroles et repens toi quand tu les reçois. C’est ce que dit l’homme à ceux qui croient en Dieu. Maintenant, j’arrête.

Et regardons aussi dans la Vulgate

une version latine ancienne traduite de l’hébreu vers 391 par S Jérôme

Parole de celui qui rassemble, du fils de celui qui répand les vérités. Vision prophétique d’un homme qui a Dieu avec lui et qui, étant fortifié par la présence du Dieu qui habite en lui a dit 

Ces traductions donnent un sens au verset. Les noms étranges (Agour, Yaqé, Oukal) ont disparu. Le traducteur ne les a pas simplement plaqués tels quels. En fait ces mots hébreux ont un sens. Leur traduction précise rend le texte compréhensible.

Probablement un problème de traduction. Mais comment l’expliquer ?

Aujourd’hui nous pouvons lire un texte en français et le comprendre. Et aussi l’écouter et le comprendre.

A l’époque de l’Ancien Testament aussi, on pouvait lire un texte en hébreu et le comprendre. On pouvait aussi entendre le texte lu et tout aussi bien le comprendre.

Alors où est le problème ?

L’hébreu ancien écrit n’a que des consonnes, les voyelles ne sont pas notées. « b » peut représenter « ba », « bè », « bi », « bu », etc.). Tout le monde en ce temps-là a l’habitude de reconnaître les syllabes exactes (consonnes + voyelles) qui forment une phrase.

Mais laissons passer quelques centaines d’années. Quelles voyelles mettre entre les consonnes de l’hébreu. On ne le parle plus ! Il faut deviner, lettre après lettre, chaque syllabe écrite.

Entre le 7e et le 10e s de notre ère, les massorètes

des savants juifs ont inventé les points et les traits qui représentent les voyelles. Ils les ont ajoutés aux consonnes. Cela facilite, cela rend possible la lecture de la Bible en hébreu.

Mais si le point ou le trait est mal choisi ou mal recopié, le son obtenu est différent. Et bien sûr aussi le mot et sa traduction.

De plus, dans les rouleaux de la Torah, il n’y a ni versets ni chapitres. Les consonnes sont collées en petits groupes, sans voyelles, ni ponctuation, ni indication de fin de phrase. C’est la lecture qui leur donne un sens.

Parfois, on n’arrive pas à bien séparer les différents groupes de consonnes pour en faire des mots qui forment une phrase.

La Bible est un texte inspiré. L’inspiration biblique concerne le texte original, hébreu pour l’AT, grec pour le NT. Les traductions (françaises ou autres) doivent produire un texte suffisamment fidèle et assez compréhensible pour faire profiter le lecteur de cette inspiration.

Alors, si un écueil apparaît, comme ici dans Proverbes 30, il ne faut pas pousser la poussière sous le tapis mais chercher une solution.

Quelques recherches dans divers documents … à partager avec vous

Le premier verset

En déplaçant des consonnes et en modifiant des voyelles de l’hébreu, on obtient

Diberei aegor beni qa hamassa
Retiens (rassemble) mes paroles, mon fils, reçois mon oracle


Agour, le nom propre inconnu ailleurs, devient aegor, un verbe signifiant rassembler, – Dt 28.39, Pr 6.8, 10.5

 

 

 

Fils de Yaqé devient : « mon fils, reçois l’oracle »

Le père demande solennellement à son fils de « recueillir » ou de « rassembler » ses paroles, comme un « oracle », comme une parole divine.

 

Alors celui qui parle doit être soit Dieu lui-même, soit un prophète qui délivre un message au nom de Dieu.

Dans les traductions habituelles, la suite du verset 1 se présente ainsi

dit l’Homme à Ithiel, à Ithiel et à Ucal.

Comme nous l’avons vu un peu plus tôt, il n’y a pas de noms propres dans les versions grecque et latine anciennes ;

Alors faisons aussi la traduction

Itiel : it veut dire « avec », i veut dire « moi ». El est une forme courante du nom de Dieu. Donc « Dieu est avec moi »

Itiel est répété pour expliquer sa signification (Dieu est avec moi)
Oukal veut dire « je suis capable »
« Dieu est avec moi et je suis capable »

Retiens mes paroles, mon fils, reçois l’oracle, dit l’Homme à Itiel, à « Dieu est avec moi et je suis capable »,

Lisons le verset 2

Car je suis trop brutal pour être un homme, et je n’ai pas l’intelligence humaine ;
je n’ai pas appris la sagesse, et je n’ai pas la connaissance des saints.

Selon l’interprétation la plus répandue, ces versets disent que la raison humaine est incapable de comprendre Dieu.

Celui qui parle se moque de ceux qui prétendent connaître Dieu. Il est tellement ignorant qu’il est apparemment au niveau des bêtes brutes. En l’avouant, il fait preuve d’humilité ou de désespoir.

 

Mais si on change des points voyelles, brutal ba’ar; devient brûlant ou brillant bo’ér. Donc

je brûle trop brillamment pour être un homme

 

 

On peut le prendre au sens littéral si celui qui parle est Dieu. Dans l’Ancien Testament Dieu est souvent représenté comme un feu.

Et aussi au sens figuré, de l’illumination prophétique : « je suis plus brillant qu’un homme » ou « je suis trop brillant pour être un homme »

Le fils doit conserver précieusement les paroles de son père, parce que son père brûle d’une perspicacité plus qu’humaine.

Retiens mes paroles, mon fils, reçois l’oracle, dit l’Homme à Itiel (« Dieu est avec moi »), à « Dieu est avec moi et je suis capable », car je suis plus brillant qu’un homme, et mon intelligence n’est pas humaine.

Je n’ai pas appris la sagesse, mais j’ai la connaissance des saints.

Pourquoi les paroles du père sont-elles dignes d’être conservées ?

Sa perspicacité est plus brillante et sa compréhension est plus grande que celles des hommes. Sa connaissance n’a pas été enseignée par la sagesse humaine. Elle provient d’une compréhension directe du surnaturel.

Le fils est Itiel « Dieu est avec moi » amplifié en : « Dieu est avec moi pour que je sois capable ».

Le père est « l’Homme » (Hgbr). La racine guéber « être fort, puissant » désigne un homme adulte. Puisque le père est l’Homme, son fils Itiel est « le fils de l’Homme ».

Mais qui est cet homme et qui est son fils ?

Les mots « oracle » et « parole prophétique » sont des mots du vocabulaire prophétique.

Ne’oum « Parole prophétique » introduit toujours celui qui exprime la prophétie, le prophète, ici  » l’Homme « . Elle indique aussi que Dieu est la source de la parole prophétique. Par conséquent, « l’Homme » doit être un prophète inspiré, ou Dieu lui-même.

Si l’Homme est un prophète inspiré, alors les vv. 2-3 revendiquent l’inspiration divine. Le prophète brûle d’une illumination surnaturelle. L’inspiration lui donne plus qu’une compréhension humaine. Il a une connaissance divine venue non par l’éducation, mais par une révélation directe de Dieu.

L’autre possibilité est que le mot « homme » se réfère à Dieu. Il semble étrange que Dieu soit appelé « l’Homme », mais sur les 375 occurrences du mot « parole prophétique » 364 sont suivies d’un nom divin. Occurrence, c’est le nombre de fois où un mot est utilisé dans un livre.

Les versets 2 et 3 parlent de l’intelligence divine de Dieu

Je brûle plus vivement qu’un homme s’applique mieux à Dieu qu’à un prophète. Dans la Torah, Dieu est fréquemment représenté comme un feu.

Et je n’ai pas l’intelligence humaine s’applique aussi à Dieu. Dieu n’a pas une compréhension purement humaine. Ses pensées dépassent de loin celles des hommes. Cf. Ésaïe 55.8-9.

Je n’ai pas appris la sagesse. Contrairement aux êtres humains, Dieu n’a pas besoin d’apprentissage ou d’une éducation à la sagesse. Cf. Ésaïe 40.13-14.

Pourtant j’ai la connaissance des saints. Dieu n’a pas besoin d’une éducation pour avoir une connaissance divine.

Mais pourquoi Dieu est-il appelé  » l’Homme « 

On suppose que les massorètes ont mis correctement les points voyelles « ha guéber » ‘l’Homme’.

 

Cependant, on pourrait aussi mettre « ha guibor” , ‘le Puissant’.

Ce mot désigne Dieu en tant que guerrier ou ‘Dieu puissant (Dt. 10.17 ; Prov. 21.22).

 

 

Une fois que (hgbr) est compris comme  » le Puissant « , le sens des versets devient clair.
L’homme est « le Puissant », Dieu. Sa présence avec Itiel rend celui-ci capable

Retiens mes paroles, mon fils, reçois l’oracle, dit le Puissant à Itiel,
« Dieu est avec moi et je suis capable »,car je brille plus qu’un homme, et mon intelligence n’est pas celle d’un homme ;Je n’ai pas appris la sagesse, mais j’ai la connaissance des saints.

Itiel, le fils de  » l’Homme  » ou le fils du  » Puissant  » ? Si l’Homme ou le Puissant est Dieu, alors Itiel est le fils de Dieu

Le Verset 4 pose 5 questions adressées par l’Homme ou le Puissant à son fils

Qui est monté au ciel et en est descendu ? Qui a rassemblé le vent dans ses vêtements ? Qui a enveloppé l’eau dans un manteau ? Qui a établi toutes les extrémités de la terre ? Quel est son nom et quel est le nom de son fils. Car tu le sais

Je retiens la première et la dernière question pour les mettre en relation avec Jean 3
Qui est monté au ciel et qui en est descendu ? Quel est son nom et quel est le nom de son fils

Qui est monté au ciel et qui en est descendu ?

Dans Proverbes 30.4, l’Homme » demande au fils de l’Homme : « Qui est monté au ciel et qui est descendu ? » Cette question reste sans réponse. Mais on attend : « personne, sauf Dieu ».

A de nombreuses occasions dans l’Ancien Testament, L’Eternel Dieu est monté au ciel et est descendu sur terre.

A cette question, adressée au fils de l’Homme, Jésus répond en Jean 3.13

Et personne n’est monté au ciel, sauf celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme ». 

Dans Proverbes 30.4 la montée/descente est celle de Dieu (l’Homme, le Puissant, le Père).

Dans Jean 3.13, c’est la montée/ descente du Fils de l’homme.

On peut l’expliquer en se référant à Itiel, le nom du fils (Dieu est avec moi).

Ce nom exprime que le père, Dieu, est présent avec le fils dans la descente sur terre et dans la montée au ciel.

Jésus dit que personne n’est monté au royaume des cieux, sauf lui-même :
Personne n’est monté sauf celui qui est descendu du ciel. Personne d’autre que le Fils de l’homme.

Ces paroles de Jésus dans Jean 3.13 ressemblent à celles de Proverbes 30.4.
Qui est monté au ciel et qui en est descendu ?

Les mots et la pensée des deux textes sont très proches.
Dans Proverbes 30.4, montée et descente entre la terre et le ciel sont dans le même ordre que Jean 3.13. La question de Proverbes 30.4  qui est monté ?  trouve sa réponse en Jean 3.13 : c’est le Fils de l’homme

La question de Proverbes 30 attend une seule réponse : personne sauf Dieu. Aucun homme n’est monté et descendu du ciel. Mais Dieu l’a fait en de nombreuses occasions racontées dans l’Ancien Testament.

Personne sauf Dieu.

Jésus le remplace par : personne sauf le Fils de l’homme. La montée et descente de Dieu en Proverbes 30.4, Jésus l’interprète comme la sienne. Il revendique donc l’unité entre le Fils de l’homme et Dieu.

Comment confirmer cette unité ?

Celui qui m’a envoyé est avec moi de Jean 8.29 signifie que l’envoyeur, Dieu, accompagne celui qu’il envoie, Jésus.

Quand le Fils de l’homme descend sur terre, alors Dieu descend avec lui. Quand le nom Itiel est compris de cette manière, la montée/descente de Proverbes 30.4 devient à la fois celle du fils et celle du père qui est avec lui.

On peut comparer Dieu est avec moi et le Père et moi nous sommes un (Jean 10.30). C’est la même chose. Cela indique une unité d’action, ici, une unité de montée et descente

Une telle unité entre Jésus et Dieu n’est pas unique dans l’évangile de Jean. A plusieurs reprises, ce que l’Ancien Testament dit à propos de Dieu, Jean l’interprète comme une référence au fils préexistant.

Par exemple, le texte d’Esaïe 6.1 dit que Esaïe a vu Dieu dans sa gloire. Pour Jean 12.37-4, le prophète a vu la gloire de Jésus.

Donc quand Jésus dit qu’il est monté au ciel, il rappelle les récits bien connus de l’Ancien Testament. Dieu (sous la forme de l’Ange de l’Éternel) remontait au ciel après une visite sur terre.

Selon Jean 3.13, c’est le Fils, la 2e personne de la Trinité, qui fait ces voyages entre ciel et terre. En tant que manifestation de Dieu dans le monde, le Fils de l’homme est descendu sur terre. Et il monté aux cieux à de nombreuses occasions avant son incarnation.

Et dans l’incarnation, il est venu sur terre en tant qu’homme, parfaitement homme, tout en restant parfaitement Dieu

Quel est son nom et quel est le nom de son fils ?

Le nom du Fils de l’homme dans Proverbes 30.1-4 est Itiel ‘Dieu est avec moi’ développé en ‘Dieu est avec moi si bien que je suis capable’.

Dans Jean 3.2 Nicodème affirme ce qu’il croit à propos de Jésus

Maître, nous savons que tu es un maître/ un enseignant envoyé par Dieu, car personne ne peut faire ces signes miraculeux que tu fais si Dieu n’est pas avec lui.

Nicodème affirme que Dieu est avec Jésus, le Fils de l’homme. Cela rappelle le nom du Fils de l’homme de Proverbes 30.1, Itiel, Dieu est avec moi de sorte que je suis capable.

Personne n’est capable de faire les miracles que tu fais si Dieu n’est pas avec lui.

Le fait que Jésus est ‘capable’ de faire des miracles montre que ‘Dieu est avec lui.’.

Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel. Jean 3.13

Jésus se désigne lui-même comme le fils de l’homme, en référence à Proverbes 30.4.

Proverbes pose la question : quel est son nom et quel est le nom de son fils ? En Jean 3, Jésus répond en se désignant comme fils de l’homme. Il se met lui-même à la place d’Itiel, le Fils de l’homme de Proverbes 30.

Fils de l’Homme comme Fils de Dieu

Dans Proverbes 30.1-4 ‘l’homme’ peut être compris comme une référence à Dieu, ‘le Tout-Puissant’

Si « l’Homme » de Proverbes 30 est en fait le « Puissant », c’est-à-dire Dieu, alors  » le fils de l’Homme « de Jean 3 est  » le fils du Puissant  » ou  » le fils de Dieu « .

Jésus se désigne lui-même comme « Fils de l’Homme ». Ce pourrait donc être un synonyme voilé de « Fils de Dieu ». Les deux titres exprimeraient la relation entre Dieu et son Fils.

Fils de Dieu l’exprime de manière claire, Fils de l’homme de manière voilée. Ces deux titres et « fils » sont utilisés de manière interchangeable dans Jn 3.13-18.

13 Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel.

14 Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, 15 afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.

16 Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

17 Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.

18 Celui qui croit en lui n’est point jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

Le Fils de l’homme de Jean 3.13-14 devient « le Fils » ou  « le Fils unique » en 3.16-17 puis « le Fils de Dieu » en 3.18. Cela suggère que ces titres sont synonymes.

 Ils expriment la filialité de Jésus et la paternité de Dieu. Fils de Dieu exprime la relation de Jésus au Père clairement, tandis que le Fils de l’Homme le fait de manière énigmatique.

Une énigme à résoudre ?

Pourquoi ce 1e verset de Proverbes 30 est-il laissé tel quel par les traductions habituelles ?

Au moins, les traductions anciennes se sont donné la peine de traduire ces noms étranges et d’en faire quelque chose de compréhensible. 

La Bible est la Parole de Dieu. Elle est logique, écrite pour être comprise. Alors pourquoi ce verset ?

Le début de la solution est dans le titre.

Proverbes fait partie des écrits de Sagesse (ketubim). En hébreu, Proverbes c’est Mashal, énigme mais aussi parabole. Son principal auteur, Salomon, démontrait sa sagesse en répondant aux énigmes posées par la reine de Saba (1 Rois 10.1).

Et aussi, dans Nombres 12.8, Dieu dit que, contrairement aux autres prophètes, il ne parle pas à Moïse « par énigmes ». Donc Dieu parle aussi par énigmes.

Et quand Jésus parlait en paraboles, ce n’était pas, contrairement à ce qu’on croit couramment, pour faciliter les choses mais pour faire un tri. (Mt 13.13, Mc 4.11, Lc 8.10)

Les difficultés du verset se situent surtout dans les caractères hébreux du texte. Beaucoup disparaitraient si les mots étaient prononcés avec les voyelles. C’est ce qu’on a vu plus haut.

L’interprétation traditionnelle, celle qu’on lit dans toutes nos versions actuelles s’appuie sur une seule lecture. Mais en refaisant la traduction, on peut prendre en compte deux lectures diamétralement opposées.

Paroles d’Agour ou / Rassemble mes paroles ?
L’ Homme ou / le Puissant ?
Deux personnes, Ithiel et Oucal / ou une seule, Ithiel « Dieu est avec moi et je suis capable ? »
Brutal, sous-humain, / ou brillant, surhumain ?

Les ambiguïtés, (le double sens du texte) semblent intentionnelles. Par exemple, l’expression à Ithiel (leithiel) (se lit en hébreu dans les deux sens.

Alors, le double sens des mots du texte pourrait bien être volontaire.

Proverbes 30.1-4 pourrait être une prophétie intentionnellement dissimulée en énigme. Une énigme résolue par Jésus dans Jean 3.

En conclusion

Si le travail sur le texte était une bataille, le résultat était un véritable plaisir. Un plaisir à glorifier Dieu.

Voir un verset qui ne veut pas dire grand-chose se transformer en une belle annonce prophétique de Jésus, le Fils de l’Homme, le fils de Dieu, cela valait la peine de fouiller, de naviguer dans les dictionnaires de langue et les commentaires.

Prenons exemple sur les gens de Bérée qui examinaient chaque jour les Écritures, pour voir si ce qu’on leur disait était exact. (Actes 17)

Et surtout, gardons toujours présente à l’esprit et prête à être mise en application cette fonction essentielle de la Parole de Dieu

 Toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne. 2 Tm 2. 16-17

C.Streng

Comenius – L’homme image de Dieu et la conception de l’éducation

Le labyrinthe d’une vie

Comenius (Jan Amos Komensky), un chrétien engagé,  un pédagogue dans la tourmente

Paysage de Moravie République tchèque

Jan Amos Komensky (Comenius) est né le 28 mars 1592 à Nivnice, près d’Uhersky Brod en Moravie du Sud, (actuellement République Tchèque) dans une famille de l’Eglise de l’Unité des Frères de Bohême, héritière spirituelle de Jean Hus.

Après des études universitaires en Allemagne à Herborn ((1611-1613) et  Heidelberg (1613-1614), il enseigne à l’école latine de Prerov puis à Fulneck où il est nommé pasteur de la communauté de langue allemande.

Sous la persécution religieuse

Au début de la guerre de Trente ans, défaite des protestants tchèques contre l’empereur d’Autriche Habsbourg à la bataille de la Montagne Blanche, près de Prague en 1620.
Elle est suivie d’une Contre Réforme catholique féroce : exécution des chefs politiques, foi  protestante interdite, habitants contraints de se convertir au catholicisme ou d’émigrer.

Comenius y perd ses biens, ses livres,  sa paroisse et surtout sa femme et ses deux filles emportées par la peste. Il se remarie deux ans plus tard.

Dans la clandestinité, il écrit en 1623 Le labyrinthe du monde et le paradis du cœur, une allégorie qui explique sa conception du monde.

Emigré et voyageur à travers l’Europe

En 1628, il quitte son pays pour ne plus jamais y revenir. Il mènera à travers l’Europe, une existence compliquée d’émigré. Il éprouve les misères et les dangers provoqués  par la guerre et les haines religieuses. Il connaît aussi la notoriété de ses œuvres pédagogiques et philosophiques auprès des puissances politiques.  Il en  espèrera toujours, mais en vain, un secours pour sa patrie.

Oeuvres pédagogiques et linguistiques

De 1628 à 1641 à Lezno à la frontière polonaise où  les réfugiés de l’Unité des Frères, bénéficiaient de la protection de la famille protestante Leszczynski, il fait paraître ses œuvres pédagogiques principales :

  • La Porte ouverte des langues (Janua Linguarum reserata),
  • La Didactique tchèque (Didaktica ceska) (1628-1632) remaniée en latin  sous le nom de Magna Didactica (La Grande Didactique), (1633-1638), 

Grande Didactique – Didactica Magna

Ces deux ouvrages lui valurent plusieurs invitations et séjours à l’étranger :

En 1641-42 à Londres,  il participe à des travaux aboutissant à la création de l’Académie des sciences (Royal Society) ;

en 1641-1648, à Elbing en Pologne suédoise,  il écrit plusieurs manuels de langues.

Evêque de l’Unité des Frères, dispersée

en 1648-1650, deuxième séjour à Leszno.

En 1648, le traité de Westphalie attribue la Bohême et la Moravie aux Habsbourg, catholiques. Ceux-ci, selon le principe « cujus regio, ejus religio »(tel roi, telle religion)  imposent leur religion.
Un retour des fidèles de l’Unité des Frères dans leur patrie est définitivement exclu.

En 1650 , il  est nommé évêque  de l’Unité des Frères, dispersée dans toute l’Europe

D’un séjour à l’autre : oeuvres didactiques

de 1650-1654, à Sarospatak à la cour des Rakoczy princes calvinistes de Transylvanie, il travaille à des œuvres didactiques,

de 1654-1656, troisième séjour à  Leszno, : en avril 1656 il perd ses manuscrits et sa bibliothèque lors de l’incendie de la ville par les catholiques polonais.

En 1656, il s’établit à Amsterdam où le Sénat s’engage à publier l’ensemble de ses oeuvres didactiques. Il y mourra 15 ou le 25 novembre 1670.

Les chemins du labyrinthe et la clé du paradis

Le labyrinthe du monde et le paradis du cœur,  contient la clé qui aide à comprendre les choix de vie de Comenius. On peut suivre ainsi le fil conducteur de sa pensée philosophique  et  pédagogique.

Le pèlerin et ses deux guides

Le pèlerin part à la découverte du monde et des diverses activités de l’homme. Il est guidé à travers la ville symbolique par deux personnages allégoriques.

  • l’obnubilateur  impose sa manière d’envisager le monde
  •  l’ubiquiste  découvre tout, voit tout, surveille tout. 

Un monde terrifiant de manipulation

La conjonction de ces deux pouvoirs aboutit à l’image d’un monde terrifiant  où la domination des âmes est doublement assurée par la manipulation des conditions extérieures de la vision (l’obnubilation) et par la manipulation des conditions intérieures de la pensée (l’inquisition). (O. Cauly, Comenius, l’utopie du paradis) 

Mais des lunettes mal ajustées

Les deux personnages affublent le pèlerin de lunettes magiques qui font passer le faux pour le vrai, l’illusion pour la réalité.
Mais comme ces lunettes sont mal ajustées, il peut voir, en oblique,  ce qui se passe en fait et comment est produite cette illusion.

Devant le tribunal de la vanité

Le pèlerin, réticent à toutes les  sollicitations reste sur sa réserve. Il éveille  les soupçons de ses guides qui le conduisent devant le tribunal de la Vanité, reine du monde. Échappant de peu à la mort, il est tenté de désespérer d’un monde, devenu un labyrinthe sans espoir de sortie.

La vérité du paradis

Cependant, les masques …tombent. Et le pèlerin entrevoit soudain la vérité sous la forme d’un paradis …qui s’est réfugié dans l’asile d’un cœur pur.(Cauly

Modèle de l’Eglise invisible et de la cité de Dieu

C’est le modèle non seulement de l’Église invisible formée par la communauté spirituelle des âmes fondée sur la loi… de l’amour… Mais aussi d’une véritable cité de Dieu et des hommes, d’une communauté effective qui renaîtra dans la cité réunifiée (la Jérusalem céleste) lorsque les temps seront venus. (Cauly)

Comenius, homme non du désespoir ou de la résignation, mais de la nostalgie

Comenius, pèlerin entraîné dans le labyrinthe de la détresse par l’effondrement de l’Europe, particulièrement de sa propre nation, pendant la guerre de Trente ans, est d’abord habité par le désespoir devant ce  monde enténébré. Mais il ne se contentera pas cependant d’un paradis du cœur, en abandonnant le monde.

Il n’est pas l’homme de la résignation mais de la nostalgie  (vir desiderium) du paradis, du paradis tchèque. Il attend la réalisation de son désir… la renaissance de l’État tchèque. Il y consacrera son combat politique

Un projet de réforme de l’éducation pour restaurer la société

Et par son  projet d’une réforme de l’éducation,  il préparera la restauration de la société …déstructurée par la guerre  et menacée dans son identité spirituelle

Le rétablissement glorieux et le bel épanouissement… de l’Église, de l’État et de toute la nation de Bohême (quand il plaira à Dieu de restituer sa souveraineté au peuple tchèque) auront à reposer sur une reconstruction sage et circonspecte de l’enseignement. (Comenius, Projet succinct pour le rétablissement des écoles dans le royaume de Bohême)

Un projet global de restauration de l’homme

Mais cette réforme de l’éducation ne se limite pas à promouvoir la renaissance de la nation tchèque. Elle s’inscrit dans le projet global d’une restauration de l’homme à sa condition initiale, affirmée au début de La grande didactique : 

Dieu a décidé de faire renaître le paradis de l’Église et de transformer le désert en jardin de délices… par l’institution d’une droite institution efficace pour redresser l’humaine corruption … Et cela se fera principalement grâce à l’éducation soigneuse et prudente de la jeunesse.

Il n’y a aucun moyen de sortir de ce monde insensé et cruel de barbarie et d’ignorance sans l’éducation qui mène à la véritable régénération de l’homme et du monde, comme le dira  Comenius  dans Via Lucis :

Alors que le feu de la guerre embrasait les pays voisins et à partir de là l’Europe entière, et que tout dans la chrétienté menaçait de sombrer dans la désolation, je n’avais pas d’autre consolation que de voir réaliser l’ancienne promesse divine de la lumière qui, à la fin des temps, refoulerait les ténèbres.
Comme une collaboration humaine devait être nécessaire, cela ne pouvait être rien d’autre, pensais-je, que de mieux instruire la jeunesse de toutes les choses (à partir de leur fondement naturel) et par là même de sortir de ce labyrinthe du monde. (Cauly)

Un acte de résistance politique et culturelle

Ainsi, avec la  Didactique tchèque commencée en 1628, Comenius pose un acte de résistance politique et culturelle aux nouveaux maîtres de la nation tchèque.
Ceux-ci imposaient le catholicisme comme religion officielle, ils repoussaient la langue tchèque à l’arrière plan au profit de l’allemand, et sous l’égide de la pédagogie jésuite, réintroduisaient l’enseignement du latin dans les écoles primaires.

L’homme image de Dieu… en route vers le paradis

L’Unité des frères remontait à Jean Hus.

Sa  théologie de la perfectibilité infinie, est développée par Comenius :

En l’homme et dans la vie sont restées de la grâce divine de petites étincelles de lumière qu’il (lui) appartient … de raviver pour en créer une lumière claire en lui-même, en la personne des autres et pour toute l’humanité.
Le premier homme est tombé dans les ténèbres du péché. Par le sacrifice de Jésus, il peut essayer de reconquérir en tant qu’image de Dieu la perfection perdue, de racheter par une activité réformatrice fervente de toute la vie la chute du premier homme. (La grande didactique) 

Ainsi, pourra-t-il retrouver son état  premier d’avant la chute.

Il est plus naturel à l’homme et plus facile par la grâce de l’Esprit Saint de devenir sage, honnête et saint que de suivre le mal étranger. En effet, chaque chose revient facilement à sa nature… non l’état de corruption qui nous caractérise tous depuis la chute… mais la condition première, originelle à la quelle nous devons tous revenir. Après la chute et le châtiment, Dieu a greffé… dans les cœurs les boutures d’une grâce nouvelle. Et il  a envoyé son fils pour racheter la faute originelle…(La grande didactique)

L’homme peut donc être ramené à la vertu de Dieu par des moyens sûrs…, et refléter  la perfection de Dieu  par la connaissance , la vertu et la religion : c’est pourquoi nous réclamons l’instruction des chrétiens de la lignée du nouvel Adam…

En effet, l’homme, est image du Dieu omniscient. Par ses capacités intellectuelles, il naît capable d’acquérir la connaissance des choses. D’abord parce qu’ il est à l’image de Dieu… Et puisque parmi toutes les qualités de Dieu domine l’omniscience, nécessairement l’image de cette qualité resplendit aussi dans l’homme. (La grande didactique) 

Tout homme est éducable.

L’éducation, donnée ou reçue,  peut le faire sortir du labyrinthe qui le sépare de Dieu.  Elle  l’éclaire en lui ôtant  les lunettes de l’illusion qui faussent toutes les perspectives.
La pédagogie participe au rétablissement en lui de la ressemblance à l’image de Dieu, du retour au paradis  d’avant la chute.

Sur ce point, une réserve s’impose :

Le Nouveau Testament précise que la pleine restauration de l’image originelle de Dieu en l’homme commence par la nouvelle naissance opérée par le Saint Esprit. (Jean 3.3,7 ; Ephésiens 2.8-9.
C’est sur cette base essentielle que s’appuie ensuite l’oeuvre du Saint Esprit de restauration de l’image de Dieu en l’homme, en collaboration avec l’homme (Philippiens 2.12, 1 Pierre 1.10). Comenius a dû considérer la première étape comme implicite.

Le droit à l’instruction appartient à tous.

Les institutions scolaires, doivent donc être ouverts à tous.

Tous les enfants, nobles ou roturiers, riches ou pauvres, garçons ou filles de toutes les villes, cités ou villages doivent être admis dans les écoles ; voilà ce dont il faut se convaincre. (La Grande didactique)

A une époque où l’instruction était encore peu répandue et surtout parmi les plus riches, Comenius, reprend le souhait de Luther dans son Manifeste aux villes de l’Empire en 1525 . Il  demande ardemment la création d’écoles aux frais de l’État,  afin d’instruire la jeunesse des deux sexes. Même ceux qui sont destinés à l’atelier ou aux champs, doivent …recevoir régulièrement une instruction littéraire, morale et religieuse. (La Grande didactique)

Personne ne doit être exclu de l’instruction.

Les filles peuvent accéder non seulement à  l’enseignement primaire mais au delà :

Aucune raison ne justifie l’exclusion du sexe faible (je tins à y insister) de l’étude, que celle-ci se fasse en latin ou en langue vulgaire…Les femmes sont aussi également à l’image de Dieu…; elles sont douées d’un intelligence vive et d’une aptitude à la connaissance égale, voire supérieure à la nôtre …(La grande didactique)

Et aussi  les enfants peu intelligents, peut-être même des handicapés mentaux légers

On dira encore: il y a des esprits si abrutis qu’il et impossible d’y introduire quoi que ce soit. Je réponds : il y a certes des miroirs sales qui reflètent mal les images…Mais il faut commencer par nettoyer le miroir…Alors il ne refuse(ra) pas de jouer son rôle (La grande didactique)

Eduquer en tenant compte des différences

Cependant, le pédagogue ne se berce pas d’illusions à propos de l’éducabilité générale de l’homme. Il sait qu’il existe entre individus des disparités parfois considérables et il faut en tenir compte.

Mais il est possible d’instruire et d’éduquer une telle diversité de caractères avec une seule et unique méthode parce que… tous les hommes, par delà les différences d’aptitude intellectuelle ont une même et unique nature humaine dont il convient d’éduquer les organes. (La grande didactique)

L’enfant, du labyrinthe de l’école humaniste  au paradis de La Grande Didactique

Une pratique réelle de l’éducation et une véritable connaissance de la psychologie infantile

Page de titre de la Grande didactique Didactica Opera Omnia

La pédagogie de Comenius va au delà  de ses  bases éthiques et religieuses, avec la visée de la régénération de l’homme et de la sortie du labyrinthe.
Elle  n’en reste pas à des conceptions abstraites  mais elle s’appuie sur une pratique réelle de l’éducation et une véritable connaissance de la psychologie enfantine.

Une image positive de l’enfant

L’image positive qu’il donne de l’enfant, lui aussi à l’image de Dieu s’oppose à l’opinion négative qu’on en avait généralement au  17ème siècle.
Traditionnellement, l’enfant considéré comme mauvais, porté au mal, devait être soumis à une autorité  qui pouvait aller jusqu’à la répression.

Enracinée dans la tradition protestante de Bohême

Cette conception positive de l’enfance, insolite en ce 17e siècle, s’enracine dans la vieille tradition protestante et révolutionnaire de Bohême.  La vision utopique (et angélique) de la pureté de l’enfant permettait ainsi d’effectuer la critique de la corruption de l’homme et des pouvoirs établis…(Cauly)

L’enfant, le bien le plus précieux à éduquer

A Bérulle qui affirmait que « l’enfance est le plus vil et le plus abject de la nature humaine après celui de la mort », Comenius  répond qu’il n’y a rien de plus grand ni de plus estimable car elle est, à l’exception du péché originel, l’image non corrompue de Dieu. L’enfant est le bien le plus précieux que l’homme a le devoir d’éduquer. (Cauly)

Cette présence divine, il la souligne dans un passage de la dédicace de la Grande Didactique. Il y qualifie les enfants de maîtres et de modèles  vis-à-vis des grandes personnes…parce que  en eux se trouvent les dispositions les plus simples et les plus aptes à recevoir une amélioration que la miséricorde divine apporte aux causes humaines désespérées. (La grande didactique)

L’enseignement traditionnel au 17e siècle

Des classes surchargées, avec des élèves de tous les âges

L’enseignement au 17ème siècle était dispensé dans des classes surchargées, totalement hétérogènes.

Les enfants des classes sociales élevées entraient au collège dès cinq ans, puis neuf ans mais ceux du peuple entre douze et quinze ans.
Dans une classe de Cinquième du collège des jésuites de Chalons   (1618-1620), il y avait  165 élèves de 8 à 18 ans.
(Etienne Krotky, Former l’homme)

Aucune attention au niveau de maturité des enfants

Ensuite, on ne tenait aucun compte du niveau de maturité psychologique et intellectuelle  des enfants. On pensait qu’ils avaient les mêmes mécanismes mentaux et qu’ils étaient capables des mêmes performances  que les adultes.

Une aberration : faire apprendre la langue maternelle à partir du latin

Comenius dénonce l’aberration qui consiste à faire apprendre à l’enfant sa langue maternelle à partir du latin.

Il rappelle l’angoisse de l’élève, la sienne aussi quand il était élève à l’école latine, écrasé  sous le labyrinthe d’une masse de règles, de commentaires, de comparaisons de textes, de controverses, gavé  de grammaire latine y compris les exceptions et les irrégularités… hébété parce qu’incapable de savoir quel est le sens de tout cela. (La grande didactique)

Pire, dès qu’ils avaient appris à déchiffrer l’alphabet grec et alors qu’ils ignoraient encore les fondements de la langue, on leur mettait en mains des grammaires faisant état de différences grammaticales dialectales. (Krotsky)

Etudier trop vite des auteurs difficiles

Il critique aussi une habitude des écoles latines de passer aux auteurs dès que les élèves ont goûté aux règles de grammaire. Mais à quels auteurs ?
Les écoles qui veulent donner l’impression qu’elles sont les meilleures vont tout de suite … à Cicéron, à Virgile et il conseille de prendre les exemples de grammaire dans la vie courante. (Krotsky)

Des méthodes d’éducation torturantes, décevantes

Il reproche aussi aux méthodes d’enseignement d’être  si dures que les enfants considèrent l’école comme un épouvantail et une chambre de torture pour l’esprit .

La plupart éprouvent des nausées à la vue des lettres et des livres et préfèrent courir travailler chez les artisans ou faire n’importe quoi,  que de ne procurer que des résultats fort décevants. (La grande didactique)

Et inefficaces

La lavandière, l’artisan… apprennent n’importe quelle langue nouvelle, voire plusieurs, en moins de temps qu’il en faut aux élèves des écoles apprenant le latin à temps plein et à toute force…Mais  toujours pas capables   de s’exprimer sans… grammaire ou dictionnaire après quinze ou vingt ans d’études. (La grande didactique)

La Grande Didactique : une nouvelle organisation scolaire

Elle tient compte  de l’âge des enfants et de leur niveau de développement psychologique et intellectuel.

Pour Comenius, l’homme ne devient adulte que vers vint-quatre ans, avec quatre stades de développement  d’une durée approximative de six ans chacun,  caractérisés par la maturation d’une faculté ou de possibilités propres :

Quatre stages de développement

la petite enfance -INFANTIA -(de la naissance à 6 ans) – stade des sens externes et de la motricité;

l’enfance -PUERITIA -(de 6 à 12 ans) -stade des sens internes : éveil de la représentation mentale des choses;

  l’adolescence -ADOLESCENTIA -(de 12 à 18 ans) -stade de la faculté de jugement et de raisonnement;

la jeunesse -JUVENTUS -(de 18 à 24 ans) -stade du développement de l’entendement pur et de la volonté  (Comenius, la nouvelle méthode des langues – Methodus Linguarum novissima)

Quatre cycles d’enseignement

Ces quatre stades correspondent  à quatre cycles d’enseignement ouverts à tous, garçons et filles, au moins jusqu’à douze ans :

pour la petite enfance, l’école du giron maternel,

– pour l’enfance, l’école élémentaire publique, en langue maternelle,

– pour l’adolescence, l’école latine et le gymnase, (le lycée)

– pour la jeunesse, l’Académie (l’Université) et les voyages,

avec des écoles maternelles dans toutes les maisons; des écoles élémentaires dans chaque commune… un gymnase dans chaque ville, une Académie dans chaque royaume ou même  chaque grande région. (La grande didactique)

Un enseignement homogène donné de la même manière à tous

Auparavant, les maîtres s’épuisaient à dispenser un enseignement individuel à l’un et à braire contre les autres livrés au désœuvrement …et à l’ignorance. Ils dissociaient les matières naturellement liées, comme la lecture et l’écriture, et les élèves employaient des livres divers sur les même matières. (La grande didactique)

Maintenant, selon le modèle du soleil qui éclaire toute la terre de la même façon, un enseignement homogène, est donné de la même manière à tous, par un seul maître avec un même livre et les mêmes méthodes pour chaque matière.

Il s’appuiera sur des notions de base solides et concises. Il suivra une progression selon laquelle chaque nouvelle connaissance renforce celle qui la précède et ouvre la voie de celle qui la suit. (La grande didactique)

Un seul maître pourra ainsi  enseigner simultanément à une classe d’une centaine d’élèves

  • en divisant la classe en groupes de dix élèves avec des moniteurs
  • en ne donnant jamais de leçons particulières mais toujours collectives,
  • en se plaçant de manière à être vu et entendu de tous à la fois .

Les huit principes de la leçon modèle

L’auteur donne ensuite les huit principes de la « leçon modèle » qui permettent au maître d’éveiller et de maintenir l’attention des élèves et il explique les procédés de correction mutuelle des exercices écrits

Une nouvelle méthode d’enseignement

facile et agréable pour que les élèves aussi bien que les enseignants ne soient pas dégoûtés (du travail) avant même de l’aborder et avant d’en voir les résultats.
Puisse l’école cesser d’être un labyrinthe, un bagne, une prison et un lieu de détresse, et puisse-t-elle commencer à être un stade, un palais, un festin et un paradis» qui permettra « d’arriver à sortir des labyrinthes scolaires », selon le titre de l’un de ses traités. (Krotsky)

Fondements d’un enseignement et d’une étude faciles

Dans le chapitre XVII de La Grande Didactique qui porte le titre Fondements d’un enseignement et d’une étude faciles, il demande  au maître

  • d’éveiller chez les élèves le désir de savoir et d’apprendre
  • de choisir un méthode d’enseignement qui diminue la fatigue de l’élève et lui évite de se braquer  de peur qu’effrayé, il ne se détourne de l’étude (La gande didactique)

On fait violence à l’entendement (l’intelligence)

  • chaque fois qu’on contraint l’élève à accomplir une tâche au dessus de son âge et de ses forces
  • chaque fois qu’on lui impose d’apprendre par cœur des choses mal expliquées ou mal formulées et lorsqu’on exige de lui un exercice trop brièvement présenté,

Et aussi quand on lui fait apprendre des mots qu’il ne comprend pas.

Des motivations naturelles poussent l’homme à chercher la connaissance

Comenius  insiste sur les motivations naturelles qui poussent l’homme à désirer acquérir la connaissance. Ainsi,

Il n’est pas nécessaire de forcer l’œil  à s’ouvrir pour fixer les objets car, ayant soif spontanément de lumière, il prend plaisir de lui-même à regarder.

De même notre esprit a soif d’objets …Il capte toute chose sans fatigue pourvu que tu procèdes distinctement, avec l’ordre qui lui convient et une chose après l’autre (La grande didactique)

La connaissance commence par les sens

puisque rien ne peut parvenir à l’intelligence qui ne soit d’abord dans la sensation, la connaissance doit nécessairement commencer par les sens… C’est seulement lorsque l’observation de ces choses aura été conduite que la parole interviendra pour les expliquer avec profit. (La grande didactique)

Pour le jeune enfant, découverte du monde par l’observation des objets

Comenius  fait participer le jeune enfant  à la découverte du monde en lui faisant observer les objets qui le composent :

par les sens externes, il apprendra dès la maternelle à distinguer et à nommer les animaux, les éléments de la nature comme l’eau, le vent,… les membres du corps et à se repérer dans le temps.
Si l’observation directe des choses est impossible, on utilisera un livre d’images.

Pour l’enfant plus grand, développer sensibilité, imagination et mémoire

Pour l’enfant plus grand, on développera la sensibilité interne, l’imagination, la mémoire à l’école élémentaire en même temps que les organes d’exécution, la main et la langue pour la lecture, l’écriture, le dessin…le calcul, l’arpentage…et autres exercices qui font travailler la mémoire. (La grande didactique)

Un programme d’éducation complet pour l’intelligence, la langue et la main

Il propose donc un  programme d’éducation complet qui exerce à la fois l’intelligence, la langue et la main et permet à l’enfant d’acquérir des notions  et des principes par l’observation du concret, réel ou imagé.

Le Monde en images, premier livre scolaire illustré

en application des principes pédagogiques de Comenius

le Monde en images (Orbis sensualium pictus quadrilinguis) paru en 1652, est le premier livre scolaire illustré. C’ est l’application pratique la plus complète des principes pédagogiques de Comenius.

Le monde en images – Orbis pictus

avec un sous titre à caractère encyclopédique :

La peinture et la nomenclature de toutes les choses fondamentales et de toutes les actions principales de la vie humaine 

 un abrégé de l’ensemble du monde et de toute la langue … mais aussi un abrégé pictural et pédagogique, embelli de peintures, de nomenclatures et de descriptions. (Recueil d’extraits de l’oeuvre pédagogique)

Correspondance entre l’illustration et le nom de l’objet grâce à des numéros

Il permet d’établir la correspondance entre l’illustration représentant un objet  ou une notion et le nom qu’ils portent. En effet, les mots du texte portent un numéro qui correspond à l’image où l’objet est représenté.

Du simple au complexe

Le livre va du simple au complexe, avec une initiation aux métiers, comme le montre l’illustration et le texte sur l’imprimerie.

Avec un alphabet illustré

Précédé par un alphabet symbolique qui accompagne chaque lettre par  la figure de l’animal dont la voix naturelle en semble imiter le son, il sera utile pour l’apprentissage de la langue maternelle, et comme les mots traduits en d’autres langues (allemand) sont placés en regard des mots latins…, il servira  à comprendre mieux et plus facilement la langue latine. (Recueil d’extraits de l’oeuvre pédagogique)

A la base des encyclopédies enfantines actuelles

Le Monde en images fut édité jusqu’en 1910. On en retrouve aujourd’hui le principe dans les encyclopédies enfantines avec des illustrations simples, claires, et en couleurs, les mots pour  désigner les choses, un texte d’explication.

Pour l’adolescent, former le jugement, l’intelligence et la volonté

Observer, comparer, découvrir les raisons des choses

A l’adolescent, Comenius  demande aussi d’observer les choses mais surtout de les comparer et d’essayer d’en découvrir les raisons

On  passera de la pratique à la théorie par l’étude de la dialectique, de la grammaire, de la rhétorique.
Ainsi se formera le jugement et l’intelligence réflexive de tout ce qui est perçu par les sens.

Enfin, les Académies cultiveront surtout ce qui se rapporte à la volonté…pour qu’elle exerce son pouvoir légitime sur toute chose. (la grande didactique)

Pas d’enseignement avec des mots et des opinions glanés dans des livres.
Montrer comment les choses existent par elles-mêmes

Il rejette l’enseignement « par procuration » courant à son époque, qui consiste à farcir l’esprit d’un fatras de mots… et d’opinions glanées ça et là dans les livres;  au lieu d’éveiller l’intelligence en mettant les élèves en présence des choses, en leur montrant comment elles existent en elles-mêmes et par elles-mêmes. (La grande didactique)

Rendre les études faciles et intéressantes : aller du général au particulier, du facile au difficile

En même temps, il cherche à rendre les études faciles et intéressantes selon les principes du début du chapitre XVII de la Grande Didactique. Entre autres il fallait aller du général au particulier, du facile au difficile. Mais ce n’était pas appliqué pour l’enseignement du latin

Pour l’enseignement du latin aux débutants, on donnait des règles en latin

On donnait aux débutants en latin les règles de la langue en latin……un lexique latin-langue vernaculaire alors qu’il faudrait l’inverse; ce n’est pas leur langue qu’ils doivent apprendre mais le latin…un maître étranger qui ne connaît pas leur langue (La grande didactique)

Il  faudrait plutôt donner les explications dans la langue de l’élève et tirer de son environnement les exemples qui illustrent les nouvelles règles

La porte ouverte sur les langues (Janua linguarum resrata)

Un manuel de latin fondé sur la langue maternelle

C’est selon ces préceptes que Comenius écrivit La  porte ouverte sur les langues (Janua linguarum reserata). La première édition parut en 1631.
C’est un manuel de latin qui prend la langue maternelle comme point de départ.

1000 phrases simples avec 8000 mots latins et leur traduction en langue maternelle

Il consiste en mille phrases simples concernant le monde environnant, composées de huit mille mots latins mis en ordre, avec en regard, le même mot dans la langue maternelle. 

Petite encyclopédie de la nature et du monde environnant

C’est aussi une petite encyclopédie qui mettra l’élève en contact avec les phénomènes de la nature et les différentes facettes du monde qui l’entoure.

Une promenade dans le monde créé depuis l’origine jusqu’à la Sainte Trinité

Le cours des choses est présenté … à travers une promenade effectuée par l’enfant en compagnie de l’auteur qui le guide dans le monde créé, depuis 1’origine des choses jusqu’à la Sainte-Trinité à travers toutes les sphères de la vie. (Cauly)

100 courtes scènes de la vie quotidiennes en 100 rubriques :

De courtes scènes de la vie quotidienne sont clairement et distinctement présentées à l’esprit de l’enfant et distribuées en Cent rubriques (ou «Titres communs des choses») qui révèlent une progression méthodique: de la création aux différents règnes (minéral, végétal, animal) en passant par les différentes sphères de la vie sociale et économique, puis culturelle, jusqu’à la fin dernière de l’existence. (Cauly)

L’ouvrage sera rapidement traduit en plusieurs langues ,dont une édition en français et latin en 1642.

Le paradis retrouvé ?

Comenius  est un auteur passionnant, d’une grande richesse et par là même, d’une grande complexité. Il a exercé ses talents dans de nombreux domaines, pédagogique, philosophique, religieux et politique. Il a suscité l’admiration de beaucoup mais il n’a pas fait l’unanimité de tous et il s’est attiré critiques et ennemis.

Le rétablissement de la nation tchèque ?

Par exemple, il faisait trop confiance aux pseudo prophéties de personnes atypiques ou peu recommandables qui annonçaient un rétablissement de la nation tchèque, démenti par les faits.

On pourrait l’excuser en disant qu’il symbolisait les espoirs d’un peuple persécuté, en fuite, livré au jeux politiques et aux trahisons.

En effet, l’espoir suscité par le soutien de la Suède était immense, ses armées étaient sur le point d’occuper Prague.
Mais  l’annonce du  traité  de Westphalie mit fin à la conquête qui aurait accompli les prophéties de retour. Cependant…

Quand les traités de Westphalie (1648) eurent confirmé la domination étrangère sur la Bohême, Comenius, dans le Testament de l’Unité, mère mourante, lança ce cri qui sonnait comme un défi:

«0 peuple tchèque, un jour viendra où tu auras de nouveau le gouvernement de tes affaires dans tes propres mains».

Cette foi dans le retour de l’indépendance nationale sera le soutien des patriotes tchèques au cours du dix-neuvième siècle. Et quand l’heure de cette indépendance sera venue, en 1918, le président-libérateur, Masaryk, se référera à cette «prophétie» dans son premier discours solennel à la nation.(Krotsky)

Passion, générosité, espoir en Dieu

Si on considère l’ensemble de la vie et les motivations de Comenius, on ne peut s’empêcher d’y lire à la fois la passion, la générosité et un immense espoir en Dieu.

Pas de révolte malgré les malheurs. Dieu est le roc de sa vie

Les malheurs de sa patrie et ses souffrances personnelles auraient pu ruiner sa foi et le pousser à la révolte.
Mais, parlant de Dieu après l’incendie de Fulneck et la mort de sa femme et de ses enfants, il dira qu’il est le « roc de sa vie », une « tour forte ».
Et quand il perd ses manuscrits, -quarante années de travail – lors de l’incendie de Lezno en 1656, il dit qu’il « avait tout perdu excepté cet unique qui, à lui seul, est tout» (Krotsky).

Il y a quelque chose de prodigieux et d’authentiquement chrétien, dans le contraste entre les souffrances et les férocités endurées par Comenius, et l’allégresse mystique dont rayonnent ces textes écrits dans la pauvreté et dans l’exil.
La visualisation des choses et la conception philosophique du monde dans l’œuvre de Comenius
Marc Fumaroli Du Paradis du cœur au Collège de lumière

Souci de formation pour les gens de son époque livré à l’ignorance

Il avait un véritable souci pour la masse des gens de son époque livrés à l’ignorance intellectuelle morale et spirituelle par la négligence des pouvoirs politiques et les vicissitudes de la guerre et il était convaincu que de bonnes écoles pouvaient remédier à ces lacunes. Seul il sentait, à son époque, que «l’art de former les hommes était un des plus profonds mystères du monde et de notre salut» (Krotsky)

Un bilan, au moins sommaire, de son système éducatif ?

 Presque ignoré dans l’enseignement public français

On attribue à Rousseau sa conception du développement psychique de l’enfant et son système éducatif

Un premier fait : Comenius  est à peu près totalement  ignoré dans le monde de l’enseignement public. On a attribué à Rousseau la paternité de sa conception du développement psychique de l’enfant et de son système d’éducation.

Il serait …facile de montrer comment bien souvent Rousseau répète Comenius; parfois on « retrouve textuellement les expressions de Comenius« . (Krotsky)

Plus de notoriété aujourd’hui … dans les rencontres de spécialistes

Il est un peu plus connu aujourd’hui mais sa notoriété est limitée au cercle des spécialistes de colloques. 

La seule biographie accessible en français jusqu’à une date relativement récente était celle d’Anna Heyberger parue en1928.

Une Grande Didactique tronquée, éliminant toute dimension religieuse…

Quant à La Grande Didactique, elle a connu deux traductions.

Celle des Éditions Klincksieck parue en 1992 a heureusement remplacé celle de Piobetta en 1942 aux P.U.F.

Celui-ci, sous les égides du laïcisme, récupère les « avantages pédagogiques » de Comenius  en éliminant toute dimension religieuse.
Les premiers chapitres de La Grande Didactique et d’autres passages  sont simplement ignorés et les mots comme Dieu, religion remplacés par des points de suspension !

Reproche de vouloir rendre l’étude facile et inciter à la paresse

Certains lui ont reproché de vouloir rendre l’étude facile et d’inciter ainsi les élèves à la paresse.

Mais son objectif :  rendre accessible au peuple la culture réservée  l’élite

Mais il ne faut pas oublier son objectif de rendre accessible au peuple la culture réservée  jusqu’alors à l’élite, en évitant de le rebuter par trop de difficultés.

«Il faut toujours choisir dans la mesure du possible des moyens …faciles à employer (ce qui est difficile passera pour impossible)». …«Tout ce que tu entreprends, il faut que tu aies des moyens sûrs et une méthode facile pour le mettre en pratique». (Krotsky)

A la même époque, les jansénistes de Port Royal

Il n’était d’ailleurs pas le seul à travailler sur un meilleur enseignement des langues et des méthodes d’enseignement, moins rebutantes et plus accessibles aux élèves.

En témoignent les titres d’ouvrages composés à la même période par les Jansénistes à Port Royal

  • Nouvelle méthode pour apprendre facilement et en peu de temps la langue latine (1644)
  • Nouvelle méthode pour apprendre facilement et en peu de temps la langue grecque (1657) de Lancelot. (Krotsky)

Evaluer les notions de facilité, difficulté à la mesure des conditions de l »époque

Il est important aussi d’évaluer les notions de facilité et difficultés à la mesure des conditions de son époque – en particulier l’enseignement du latin donné en latin- et de ne pas le comparer aux conditions actuelles de l’enseignement.

Facile pour un  élève de l’école de Comenius voulait dire  « un peu plus accessible » alors que, dans certains domaines et exigences de l’enseignement actuel, cela signifie parfois « élémentaire » ou « indigent ».

Comenius : culture pour toutes les couches de la société

Diderot et Voltaire :  conservateurs sans sympathie pour le peuple

Comenius  est le premier à avoir travaillé à diffuser la culture dans toutes les couches de la société parce que  il respecte en chaque homme l’image de Dieu, alors que Diderot ou Voltaire qui «étaient des conservateurs sans sympathie, pour la masse populaire qui leur inspirait parfois des mots très durs». (Krotsky)

Droit à l’éducation pour les infirmes, les déficients intellectuels et ceux qu’on pensait réservés à l’esclavage

Il accorde aussi le droit à l’éducation aux infirmes et déficients intellectuels et aussi à ceux qu’on appelait alors « barbares »et que l’on pensait dépourvus d’âme, donc réservés pour l’esclavage.

Conclusion par Comenius

Nous laisserons à Comenius le soin de tirer lui-même la conclusion qui établit le lien entre les éléments fondamentaux, les options et les réalisations de sa vie

Dans l’ouvrage L’école comme un jeu (Schola ludus), il se décrivait ainsi en 1657 :

« Moravus sum natione, lingua Bohemus, professione theologus ad Evangelii ministerium
De nationalité, je suis Morave, de langue, Tchèque, de profession, Théologien au service de l’Évangile. »

Quant à ses recherches en didactique, il écrit clairement

Ce que j’ai écrit pour la jeunesse, je ne l’ai pas écrit comme pédagogue mais comme théologien. (Opera didactica omnia IV, 27).

Illustration tirée des «Oeuvres didactiques complètes» avec l’inscription « Tout coule de soi-même, la violence est absente des choses ».