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Une énigme de Proverbes 30 résolue en Jean 3

Lire toute la Bible, même les passages difficiles

Il est recommandé de lire la Bible en entier, de préférence en alternant Ancien et Nouveau Testament. Cette lecture permet de trouver des relations, des correspondances.

Des paroles de l’Ancien Testament se réalisent dans le Nouveau, des actions de l’Ancien Testament trouvent leur explication dans le Nouveau. C’est normal puisque le plan de salut de Dieu s’étend sur toute la Bible.

Parfois, il nous arrive de tomber sur un passage qui nous paraît étrange. Nous avons le droit de dire « je ne comprends pas, je ne vois pas ce que ça veut dire ».

Mais il est important de ne pas en rester là. La difficulté doit nous pousser à chercher, à approfondir. Voici un de ces passages

Proverbes 30 : 1 à 4

Paroles solennelles d’Agour, fils de Yaqé. Voici ce que cet homme déclara à Itiel, Itiel et Oukal : 

Oui, je suis trop stupide pour un homme, je n’ai même pas l’intelligence d’un être humain. Je n’ai jamais acquis la sagesse, et je n’ai pas accès à la connaissance de celui qui est saint.

Qui est monté au ciel et en est revenu ? Qui a recueilli le vent dans le creux de ses mains ?  Qui a enveloppé les eaux dans le pli de son vêtement ?  Qui a établi les limites de la terre ? 

Quel est son nom ? Quel est le nom de son fils ? Dis-le-moi si tu le sais.

Bible en français courant

Le problème se pose surtout pour le premier verset.

Une succession de noms inconnus, Agour, Yaqé, Itiel, Oukal. A part Itiel, noté aussi dans Néhémie 11.7, on ne les trouve pas ailleurs dans l’Ancien Testament

Dans toutes les versions consultées, protestantes et catholiques, françaises, anglaises et allemandes, c’est la même chose. On retrouve les mêmes noms énigmatiques Agour, Yaqé etc.

D’abord un bref rappel historique pour éclairer la suite

L’Ancien Testament a été écrit en hébreu. Après l’exil, les Israélites vivant en Babylonie et en Égypte se sont adaptés aux langues de ces pays. L’hébreu d’origine n’est plus utilisé couramment.

On l’entend seulement dans les lectures publiques de la Torah. Alors les gens ne sont plus habitués. Ils comprennent de moins en moins.

Il faut donc traduire l’hébreu en araméen et en grec. En Égypte, vers 270 avant J.C, pour pouvoir juger les Juifs selon leurs propres lois, le souverain de l’époque, grec d’origine, demande qu’on traduise en grec l’AT hébreu. Cette traduction s’appelle la LXX

Comme en fait, ce premier verset de Proverbes 30 ne veut pas dire grand-chose, faisons un petit tour dans les traductions anciennes du texte original hébreu, d’abord la bible grecque des LXX

Surprise : La Bible grecque s’arrête au ch 29.

On retrouve le ch. 30 au ch 24 après le verset 22

Mon fils, crains mes paroles et repens toi quand tu les reçois. C’est ce que dit l’homme à ceux qui croient en Dieu. Maintenant, j’arrête.

Et regardons aussi dans la Vulgate

une version latine ancienne traduite de l’hébreu vers 391 par S Jérôme

Parole de celui qui rassemble, du fils de celui qui répand les vérités. Vision prophétique d’un homme qui a Dieu avec lui et qui, étant fortifié par la présence du Dieu qui habite en lui a dit 

Ces traductions donnent un sens au verset. Les noms étranges (Agour, Yaqé, Oukal) ont disparu. Le traducteur ne les a pas simplement plaqués tels quels. En fait ces mots hébreux ont un sens. Leur traduction précise rend le texte compréhensible.

Probablement un problème de traduction. Mais comment l’expliquer ?

Aujourd’hui nous pouvons lire un texte en français et le comprendre. Et aussi l’écouter et le comprendre.

A l’époque de l’Ancien Testament aussi, on pouvait lire un texte en hébreu et le comprendre. On pouvait aussi entendre le texte lu et tout aussi bien le comprendre.

Alors où est le problème ?

L’hébreu ancien écrit n’a que des consonnes, les voyelles ne sont pas notées. « b » peut représenter « ba », « bè », « bi », « bu », etc.). Tout le monde en ce temps-là a l’habitude de reconnaître les syllabes exactes (consonnes + voyelles) qui forment une phrase.

Mais laissons passer quelques centaines d’années. Quelles voyelles mettre entre les consonnes de l’hébreu. On ne le parle plus ! Il faut deviner, lettre après lettre, chaque syllabe écrite.

Entre le 7e et le 10e s de notre ère, les massorètes des savants juifs ont inventé les points et les traits qui représentent les voyelles. Ils les ont ajoutés aux consonnes. Cela facilite, cela rend possible la lecture de la Bible en hébreu.

Mais si le point ou le trait est mal choisi ou mal recopié, le son obtenu est différent. Et bien sûr aussi le mot et sa traduction.

De plus, dans les rouleaux de la Torah, il n’y a ni versets ni chapitres. Les consonnes sont collées en petits groupes, sans voyelles, ni ponctuation, ni indication de fin de phrase. C’est la lecture qui leur donne un sens.

Parfois, on n’arrive pas à bien séparer les différents groupes de consonnes pour en faire des mots qui forment une phrase.

La Bible est un texte inspiré. L’inspiration biblique concerne le texte original, hébreu pour l’AT, grec pour le NT. Les traductions (françaises ou autres) doivent produire un texte suffisamment fidèle et assez compréhensible pour faire profiter le lecteur de cette inspiration.

Alors, si un écueil apparaît, comme ici dans Proverbes 30, il ne faut pas pousser la poussière sous le tapis mais chercher une solution.

Quelques recherches dans divers documents … à partager avec vous

Le premier verset

En déplaçant des consonnes et en modifiant des voyelles de l’hébreu, on obtient

Diberei aegor beni qa hamassa
Retiens (rassemble) mes paroles, mon fils, reçois mon oracle


Agour, le nom propre inconnu ailleurs, devient aegor, un verbe signifiant rassembler, – Dt 28.39, Pr 6.8, 10.5

 

 

 

Fils de Yaqé devient : « mon fils, reçois l’oracle »

Le père demande solennellement à son fils de « recueillir » ou de « rassembler » ses paroles, comme un « oracle », comme une parole divine.

 

Alors celui qui parle doit être soit Dieu lui-même, soit un prophète qui délivre un message au nom de Dieu.

Dans les traductions habituelles, la suite du verset 1 se présente ainsi

dit l’Homme à Ithiel, à Ithiel et à Ucal.

Comme nous l’avons vu un peu plus tôt, il n’y a pas de noms propres dans les versions grecque et latine anciennes ;

Alors faisons aussi la traduction

Itiel : it veut dire « avec », i veut dire « moi ». El est une forme courante du nom de Dieu. Donc « Dieu est avec moi »

Itiel est répété pour expliquer sa signification (Dieu est avec moi)
Oukal veut dire « je suis capable »
« Dieu est avec moi et je suis capable »

Retiens mes paroles, mon fils, reçois l’oracle, dit l’Homme à Itiel, à « Dieu est avec moi et je suis capable »,

Lisons le verset 2

Car je suis trop brutal pour être un homme, et je n’ai pas l’intelligence humaine ;
je n’ai pas appris la sagesse, et je n’ai pas la connaissance des saints.

Selon l’interprétation la plus répandue, ces versets disent que la raison humaine est incapable de comprendre Dieu.

Celui qui parle se moque de ceux qui prétendent connaître Dieu. Il est tellement ignorant qu’il est apparemment au niveau des bêtes brutes. En l’avouant, il fait preuve d’humilité ou de désespoir.

 

Mais si on change des points voyelles, brutal ba’ar; devient brûlant ou brillant bo’ér. Donc

je brûle trop brillamment pour être un homme

 

 

On peut le prendre au sens littéral si celui qui parle est Dieu. Dans l’Ancien Testament Dieu est souvent représenté comme un feu.

Et aussi au sens figuré, de l’illumination prophétique : « je suis plus brillant qu’un homme » ou « je suis trop brillant pour être un homme »

Le fils doit conserver précieusement les paroles de son père, parce que son père brûle d’une perspicacité plus qu’humaine.

Retiens mes paroles, mon fils, reçois l’oracle, dit l’Homme à Itiel (« Dieu est avec moi »), à « Dieu est avec moi et je suis capable », car je suis plus brillant qu’un homme, et mon intelligence n’est pas humaine.

Je n’ai pas appris la sagesse, mais j’ai la connaissance des saints.

Pourquoi les paroles du père sont-elles dignes d’être conservées ?

Sa perspicacité est plus brillante et sa compréhension est plus grande que celles des hommes. Sa connaissance n’a pas été enseignée par la sagesse humaine. Elle provient d’une compréhension directe du surnaturel.

Le fils est Itiel « Dieu est avec moi » amplifié en : « Dieu est avec moi pour que je sois capable ».

Le père est « l’Homme » (Hgbr). La racine guéber « être fort, puissant » désigne un homme adulte. Puisque le père est l’Homme, son fils Itiel est « le fils de l’Homme ».

Mais qui est cet homme et qui est son fils ?

Les mots « oracle » et « parole prophétique » sont des mots du vocabulaire prophétique.

Ne’oum « Parole prophétique » introduit toujours celui qui exprime la prophétie, le prophète, ici  » l’Homme « . Elle indique aussi que Dieu est la source de la parole prophétique. Par conséquent, « l’Homme » doit être un prophète inspiré, ou Dieu lui-même.

Si l’Homme est un prophète inspiré, alors les vv. 2-3 revendiquent l’inspiration divine. Le prophète brûle d’une illumination surnaturelle. L’inspiration lui donne plus qu’une compréhension humaine. Il a une connaissance divine venue non par l’éducation, mais par une révélation directe de Dieu.

L’autre possibilité est que le mot « homme » se réfère à Dieu. Il semble étrange que Dieu soit appelé « l’Homme », mais sur les 375 occurrences du mot « parole prophétique » 364 sont suivies d’un nom divin. Occurrence, c’est le nombre de fois où un mot est utilisé dans un livre.

Les versets 2 et 3 parlent de l’intelligence divine de Dieu

Je brûle plus vivement qu’un homme s’applique mieux à Dieu qu’à un prophète. Dans la Torah, Dieu est fréquemment représenté comme un feu.

Et je n’ai pas l’intelligence humaine s’applique aussi à Dieu. Dieu n’a pas une compréhension purement humaine. Ses pensées dépassent de loin celles des hommes. Cf. Ésaïe 55.8-9.

Je n’ai pas appris la sagesse. Contrairement aux êtres humains, Dieu n’a pas besoin d’apprentissage ou d’une éducation à la sagesse. Cf. Ésaïe 40.13-14.

Pourtant j’ai la connaissance des saints. Dieu n’a pas besoin d’une éducation pour avoir une connaissance divine.

Mais pourquoi Dieu est-il appelé  » l’Homme « 

On suppose que les massorètes ont mis correctement les points voyelles « ha guéber » ‘l’Homme’.

 

Cependant, on pourrait aussi mettre « ha guibor” , ‘le Puissant’.

Ce mot désigne Dieu en tant que guerrier ou ‘Dieu puissant (Dt. 10.17 ; Prov. 21.22).

 

 

Une fois que (hgbr) est compris comme  » le Puissant « , le sens des versets devient clair.
L’homme est « le Puissant », Dieu. Sa présence avec Itiel rend celui-ci capable

Retiens mes paroles, mon fils, reçois l’oracle, dit le Puissant à Itiel,
« Dieu est avec moi et je suis capable »,car je brille plus qu’un homme, et mon intelligence n’est pas celle d’un homme ;Je n’ai pas appris la sagesse, mais j’ai la connaissance des saints.

Itiel, le fils de  » l’Homme  » ou le fils du  » Puissant  » ? Si l’Homme ou le Puissant est Dieu, alors Itiel est le fils de Dieu

Le Verset 4 pose 5 questions adressées par l’Homme ou le Puissant à son fils

Qui est monté au ciel et en est descendu ? Qui a rassemblé le vent dans ses vêtements ? Qui a enveloppé l’eau dans un manteau ? Qui a établi toutes les extrémités de la terre ? Quel est son nom et quel est le nom de son fils. Car tu le sais

Je retiens la première et la dernière question pour les mettre en relation avec Jean 3
Qui est monté au ciel et qui en est descendu ? Quel est son nom et quel est le nom de son fils

Qui est monté au ciel et qui en est descendu ?

Dans Proverbes 30.4, l’Homme » demande au fils de l’Homme : « Qui est monté au ciel et qui est descendu ? » Cette question reste sans réponse. Mais on attend : « personne, sauf Dieu ».

A de nombreuses occasions dans l’Ancien Testament, L’Eternel Dieu est monté au ciel et est descendu sur terre.

A cette question, adressée au fils de l’Homme, Jésus répond en Jean 3.13

Et personne n’est monté au ciel, sauf celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme ». 

Dans Proverbes 30.4 la montée/descente est celle de Dieu (l’Homme, le Puissant, le Père).

Dans Jean 3.13, c’est la montée/ descente du Fils de l’homme.

On peut l’expliquer en se référant à Itiel, le nom du fils (Dieu est avec moi).

Ce nom exprime que le père, Dieu, est présent avec le fils dans la descente sur terre et dans la montée au ciel.

Jésus dit que personne n’est monté au royaume des cieux, sauf lui-même :
Personne n’est monté sauf celui qui est descendu du ciel. Personne d’autre que le Fils de l’homme.

Ces paroles de Jésus dans Jean 3.13 ressemblent à celles de Proverbes 30.4.
Qui est monté au ciel et qui en est descendu ?

Les mots et la pensée des deux textes sont très proches.
Dans Proverbes 30.4, montée et descente entre la terre et le ciel sont dans le même ordre que Jean 3.13. La question de Proverbes 30.4  qui est monté ?  trouve sa réponse en Jean 3.13 : c’est le Fils de l’homme

La question de Proverbes 30 attend une seule réponse : personne sauf Dieu. Aucun homme n’est monté et descendu du ciel. Mais Dieu l’a fait en de nombreuses occasions racontées dans l’Ancien Testament.

Personne sauf Dieu.

Jésus le remplace par : personne sauf le Fils de l’homme. La montée et descente de Dieu en Proverbes 30.4, Jésus l’interprète comme la sienne. Il revendique donc l’unité entre le Fils de l’homme et Dieu.

Comment confirmer cette unité ?

Celui qui m’a envoyé est avec moi de Jean 8.29 signifie que l’envoyeur, Dieu, accompagne celui qu’il envoie, Jésus.

Quand le Fils de l’homme descend sur terre, alors Dieu descend avec lui. Quand le nom Itiel est compris de cette manière, la montée/descente de Proverbes 30.4 devient à la fois celle du fils et celle du père qui est avec lui.

On peut comparer Dieu est avec moi et le Père et moi nous sommes un (Jean 10.30). C’est la même chose. Cela indique une unité d’action, ici, une unité de montée et descente

Une telle unité entre Jésus et Dieu n’est pas unique dans l’évangile de Jean. A plusieurs reprises, ce que l’Ancien Testament dit à propos de Dieu, Jean l’interprète comme une référence au fils préexistant.

Par exemple, le texte d’Esaïe 6.1 dit que Esaïe a vu Dieu dans sa gloire. Pour Jean 12.37-4, le prophète a vu la gloire de Jésus.

Donc quand Jésus dit qu’il est monté au ciel, il rappelle les récits bien connus de l’Ancien Testament. Dieu (sous la forme de l’Ange de l’Éternel) remontait au ciel après une visite sur terre.

Selon Jean 3.13, c’est le Fils, la 2e personne de la Trinité, qui fait ces voyages entre ciel et terre. En tant que manifestation de Dieu dans le monde, le Fils de l’homme est descendu sur terre. Et il monté aux cieux à de nombreuses occasions avant son incarnation.

Et dans l’incarnation, il est venu sur terre en tant qu’homme, parfaitement homme, tout en restant parfaitement Dieu

Quel est son nom et quel est le nom de son fils ?

Le nom du Fils de l’homme dans Proverbes 30.1-4 est Itiel ‘Dieu est avec moi’ développé en ‘Dieu est avec moi si bien que je suis capable’.

Dans Jean 3.2 Nicodème affirme ce qu’il croit à propos de Jésus

Maître, nous savons que tu es un maître/ un enseignant envoyé par Dieu, car personne ne peut faire ces signes miraculeux que tu fais si Dieu n’est pas avec lui.

Nicodème affirme que Dieu est avec Jésus, le Fils de l’homme. Cela rappelle le nom du Fils de l’homme de Proverbes 30.1, Itiel, Dieu est avec moi de sorte que je suis capable.

Personne n’est capable de faire les miracles que tu fais si Dieu n’est pas avec lui.

Le fait que Jésus est ‘capable’ de faire des miracles montre que ‘Dieu est avec lui.’.

Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel. Jean 3.13

Jésus se désigne lui-même comme le fils de l’homme, en référence à Proverbes 30.4.

Proverbes pose la question : quel est son nom et quel est le nom de son fils ? En Jean 3, Jésus répond en se désignant comme fils de l’homme. Il se met lui-même à la place d’Itiel, le Fils de l’homme de Proverbes 30.

Fils de l’Homme comme Fils de Dieu

Dans Proverbes 30.1-4 ‘l’homme’ peut être compris comme une référence à Dieu, ‘le Tout-Puissant’

Si « l’Homme » de Proverbes 30 est en fait le « Puissant », c’est-à-dire Dieu, alors  » le fils de l’Homme « de Jean 3 est  » le fils du Puissant  » ou  » le fils de Dieu « .

Jésus se désigne lui-même comme « Fils de l’Homme ». Ce pourrait donc être un synonyme voilé de « Fils de Dieu ». Les deux titres exprimeraient la relation entre Dieu et son Fils.

Fils de Dieu l’exprime de manière claire, Fils de l’homme de manière voilée. Ces deux titres et « fils » sont utilisés de manière interchangeable dans Jn 3.13-18.

13 Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel.

14 Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, 15 afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.

16 Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

17 Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.

18 Celui qui croit en lui n’est point jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

Le Fils de l’homme de Jean 3.13-14 devient « le Fils » ou  « le Fils unique » en 3.16-17 puis « le Fils de Dieu » en 3.18. Cela suggère que ces titres sont synonymes.

 Ils expriment la filialité de Jésus et la paternité de Dieu. Fils de Dieu exprime la relation de Jésus au Père clairement, tandis que le Fils de l’Homme le fait de manière énigmatique.

Une énigme à résoudre ?

Pourquoi ce 1e verset de Proverbes 30 est-il laissé tel quel par les traductions habituelles ?

Au moins, les traductions anciennes se sont donné la peine de traduire ces noms étranges et d’en faire quelque chose de compréhensible. 

La Bible est la Parole de Dieu. Elle est logique, écrite pour être comprise. Alors pourquoi ce verset ?

Le début de la solution est dans le titre.

Proverbes fait partie des écrits de Sagesse (ketubim). En hébreu, Proverbes c’est Mashal, énigme mais aussi parabole. Son principal auteur, Salomon, démontrait sa sagesse en répondant aux énigmes posées par la reine de Saba (1 Rois 10.1).

Et aussi, dans Nombres 12.8, Dieu dit que, contrairement aux autres prophètes, il ne parle pas à Moïse « par énigmes ». Donc Dieu parle aussi par énigmes.

Et quand Jésus parlait en paraboles, ce n’était pas, contrairement à ce qu’on croit couramment, pour faciliter les choses mais pour faire un tri. (Mt 13.13, Mc 4.11, Lc 8.10)

Les difficultés du verset se situent surtout dans les caractères hébreux du texte. Beaucoup disparaitraient si les mots étaient prononcés avec les voyelles. C’est ce qu’on a vu plus haut.

L’interprétation traditionnelle, celle qu’on lit dans toutes nos versions actuelles s’appuie sur une seule lecture. Mais en refaisant la traduction, on peut prendre en compte deux lectures diamétralement opposées.

Paroles d’Agour ou / Rassemble mes paroles ?
L’ Homme ou / le Puissant ?
Deux personnes, Ithiel et Oucal / ou une seule, Ithiel « Dieu est avec moi et je suis capable ? »
Brutal, sous-humain, / ou brillant, surhumain ?

Les ambiguïtés, (le double sens du texte) semblent intentionnelles. Par exemple, l’expression à Ithiel (leithiel) (se lit en hébreu dans les deux sens.

Alors, le double sens des mots du texte pourrait bien être volontaire.

Proverbes 30.1-4 pourrait être une prophétie intentionnellement dissimulée en énigme. Une énigme résolue par Jésus dans Jean 3.

En conclusion

Si le travail sur le texte était une bataille, le résultat était un véritable plaisir. Un plaisir à glorifier Dieu.

Voir un verset qui ne veut pas dire grand-chose se transformer en une belle annonce prophétique de Jésus, le Fils de l’Homme, le fils de Dieu, cela valait la peine de fouiller, de naviguer dans les dictionnaires de langue et les commentaires.

Prenons exemple sur les gens de Bérée qui examinaient chaque jour les Écritures, pour voir si ce qu’on leur disait était exact. (Actes 17)

Et surtout, gardons toujours présente à l’esprit et prête à être mise en application cette fonction essentielle de la Parole de Dieu

 Toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne. 2 Tm 2. 16-17

C.Streng

Comenius – L’homme image de Dieu et la conception de l’éducation

Le labyrinthe d’une vie

Comenius (Jan Amos Komensky), un chrétien engagé,  un pédagogue dans la tourmente

Paysage de Moravie République tchèque

Jan Amos Komensky (Comenius) est né le 28 mars 1592 à Nivnice, près d’Uhersky Brod en Moravie du Sud, (actuellement République Tchèque) dans une famille de l’Eglise de l’Unité des Frères de Bohême, héritière spirituelle de Jean Hus.

Après des études universitaires en Allemagne à Herborn ((1611-1613) et  Heidelberg (1613-1614), il enseigne à l’école latine de Prerov puis à Fulneck où il est nommé pasteur de la communauté de langue allemande.

Sous la persécution religieuse

Au début de la guerre de Trente ans, défaite des protestants tchèques contre l’empereur d’Autriche Habsbourg à la bataille de la Montagne Blanche, près de Prague en 1620.
Elle est suivie d’une Contre Réforme catholique féroce : exécution des chefs politiques, foi  protestante interdite, habitants contraints de se convertir au catholicisme ou d’émigrer.

Comenius y perd ses biens, ses livres,  sa paroisse et surtout sa femme et ses deux filles emportées par la peste. Il se remarie deux ans plus tard.

Dans la clandestinité, il écrit en 1623 Le labyrinthe du monde et le paradis du cœur, une allégorie qui explique sa conception du monde.

Emigré et voyageur à travers l’Europe

En 1628, il quitte son pays pour ne plus jamais y revenir. Il mènera à travers l’Europe, une existence compliquée d’émigré. Il éprouve les misères et les dangers provoqués  par la guerre et les haines religieuses. Il connaît aussi la notoriété de ses œuvres pédagogiques et philosophiques auprès des puissances politiques.  Il en  espèrera toujours, mais en vain, un secours pour sa patrie.

Oeuvres pédagogiques et linguistiques

De 1628 à 1641 à Lezno à la frontière polonaise où  les réfugiés de l’Unité des Frères, bénéficiaient de la protection de la famille protestante Leszczynski, il fait paraître ses œuvres pédagogiques principales :

  • La Porte ouverte des langues (Janua Linguarum reserata),
  • La Didactique tchèque (Didaktica ceska) (1628-1632) remaniée en latin  sous le nom de Magna Didactica (La Grande Didactique), (1633-1638), 

Grande Didactique – Didactica Magna

Ces deux ouvrages lui valurent plusieurs invitations et séjours à l’étranger :

En 1641-42 à Londres,  il participe à des travaux aboutissant à la création de l’Académie des sciences (Royal Society) ;

en 1641-1648, à Elbing en Pologne suédoise,  il écrit plusieurs manuels de langues.

Evêque de l’Unité des Frères, dispersée

en 1648-1650, deuxième séjour à Leszno.

En 1648, le traité de Westphalie attribue la Bohême et la Moravie aux Habsbourg, catholiques. Ceux-ci, selon le principe « cujus regio, ejus religio »(tel roi, telle religion)  imposent leur religion.
Un retour des fidèles de l’Unité des Frères dans leur patrie est définitivement exclu.

En 1650 , il  est nommé évêque  de l’Unité des Frères, dispersée dans toute l’Europe

D’un séjour à l’autre : oeuvres didactiques

de 1650-1654, à Sarospatak à la cour des Rakoczy princes calvinistes de Transylvanie, il travaille à des œuvres didactiques,

de 1654-1656, troisième séjour à  Leszno, : en avril 1656 il perd ses manuscrits et sa bibliothèque lors de l’incendie de la ville par les catholiques polonais.

En 1656, il s’établit à Amsterdam où le Sénat s’engage à publier l’ensemble de ses oeuvres didactiques. Il y mourra 15 ou le 25 novembre 1670.

Les chemins du labyrinthe et la clé du paradis

Le labyrinthe du monde et le paradis du cœur,  contient la clé qui aide à comprendre les choix de vie de Comenius. On peut suivre ainsi le fil conducteur de sa pensée philosophique  et  pédagogique.

Le pèlerin et ses deux guides

Le pèlerin part à la découverte du monde et des diverses activités de l’homme. Il est guidé à travers la ville symbolique par deux personnages allégoriques.

  • l’obnubilateur  impose sa manière d’envisager le monde
  •  l’ubiquiste  découvre tout, voit tout, surveille tout. 

Un monde terrifiant de manipulation

La conjonction de ces deux pouvoirs aboutit à l’image d’un monde terrifiant  où la domination des âmes est doublement assurée par la manipulation des conditions extérieures de la vision (l’obnubilation) et par la manipulation des conditions intérieures de la pensée (l’inquisition). (O. Cauly, Comenius, l’utopie du paradis) 

Mais des lunettes mal ajustées

Les deux personnages affublent le pèlerin de lunettes magiques qui font passer le faux pour le vrai, l’illusion pour la réalité.
Mais comme ces lunettes sont mal ajustées, il peut voir, en oblique,  ce qui se passe en fait et comment est produite cette illusion.

Devant le tribunal de la vanité

Le pèlerin, réticent à toutes les  sollicitations reste sur sa réserve. Il éveille  les soupçons de ses guides qui le conduisent devant le tribunal de la Vanité, reine du monde. Échappant de peu à la mort, il est tenté de désespérer d’un monde, devenu un labyrinthe sans espoir de sortie.

La vérité du paradis

Cependant, les masques …tombent. Et le pèlerin entrevoit soudain la vérité sous la forme d’un paradis …qui s’est réfugié dans l’asile d’un cœur pur.(Cauly

Modèle de l’Eglise invisible et de la cité de Dieu

C’est le modèle non seulement de l’Église invisible formée par la communauté spirituelle des âmes fondée sur la loi… de l’amour… Mais aussi d’une véritable cité de Dieu et des hommes, d’une communauté effective qui renaîtra dans la cité réunifiée (la Jérusalem céleste) lorsque les temps seront venus. (Cauly)

Comenius, homme non du désespoir ou de la résignation, mais de la nostalgie

Comenius, pèlerin entraîné dans le labyrinthe de la détresse par l’effondrement de l’Europe, particulièrement de sa propre nation, pendant la guerre de Trente ans, est d’abord habité par le désespoir devant ce  monde enténébré. Mais il ne se contentera pas cependant d’un paradis du cœur, en abandonnant le monde.

Il n’est pas l’homme de la résignation mais de la nostalgie  (vir desiderium) du paradis, du paradis tchèque. Il attend la réalisation de son désir… la renaissance de l’État tchèque. Il y consacrera son combat politique

Un projet de réforme de l’éducation pour restaurer la société

Et par son  projet d’une réforme de l’éducation,  il préparera la restauration de la société …déstructurée par la guerre  et menacée dans son identité spirituelle

Le rétablissement glorieux et le bel épanouissement… de l’Église, de l’État et de toute la nation de Bohême (quand il plaira à Dieu de restituer sa souveraineté au peuple tchèque) auront à reposer sur une reconstruction sage et circonspecte de l’enseignement. (Comenius, Projet succinct pour le rétablissement des écoles dans le royaume de Bohême)

Un projet global de restauration de l’homme

Mais cette réforme de l’éducation ne se limite pas à promouvoir la renaissance de la nation tchèque. Elle s’inscrit dans le projet global d’une restauration de l’homme à sa condition initiale, affirmée au début de La grande didactique : 

Dieu a décidé de faire renaître le paradis de l’Église et de transformer le désert en jardin de délices… par l’institution d’une droite institution efficace pour redresser l’humaine corruption … Et cela se fera principalement grâce à l’éducation soigneuse et prudente de la jeunesse.

Il n’y a aucun moyen de sortir de ce monde insensé et cruel de barbarie et d’ignorance sans l’éducation qui mène à la véritable régénération de l’homme et du monde, comme le dira  Comenius  dans Via Lucis :

Alors que le feu de la guerre embrasait les pays voisins et à partir de là l’Europe entière, et que tout dans la chrétienté menaçait de sombrer dans la désolation, je n’avais pas d’autre consolation que de voir réaliser l’ancienne promesse divine de la lumière qui, à la fin des temps, refoulerait les ténèbres.
Comme une collaboration humaine devait être nécessaire, cela ne pouvait être rien d’autre, pensais-je, que de mieux instruire la jeunesse de toutes les choses (à partir de leur fondement naturel) et par là même de sortir de ce labyrinthe du monde. (Cauly)

Un acte de résistance politique et culturelle

Ainsi, avec la  Didactique tchèque commencée en 1628, Comenius pose un acte de résistance politique et culturelle aux nouveaux maîtres de la nation tchèque.
Ceux-ci imposaient le catholicisme comme religion officielle, ils repoussaient la langue tchèque à l’arrière plan au profit de l’allemand, et sous l’égide de la pédagogie jésuite, réintroduisaient l’enseignement du latin dans les écoles primaires.

L’homme image de Dieu… en route vers le paradis

L’Unité des frères remontait à Jean Hus.

Sa  théologie de la perfectibilité infinie, est développée par Comenius :

En l’homme et dans la vie sont restées de la grâce divine de petites étincelles de lumière qu’il (lui) appartient … de raviver pour en créer une lumière claire en lui-même, en la personne des autres et pour toute l’humanité.
Le premier homme est tombé dans les ténèbres du péché. Par le sacrifice de Jésus, il peut essayer de reconquérir en tant qu’image de Dieu la perfection perdue, de racheter par une activité réformatrice fervente de toute la vie la chute du premier homme. (La grande didactique) 

Ainsi, pourra-t-il retrouver son état  premier d’avant la chute.

Il est plus naturel à l’homme et plus facile par la grâce de l’Esprit Saint de devenir sage, honnête et saint que de suivre le mal étranger. En effet, chaque chose revient facilement à sa nature… non l’état de corruption qui nous caractérise tous depuis la chute… mais la condition première, originelle à la quelle nous devons tous revenir. Après la chute et le châtiment, Dieu a greffé… dans les cœurs les boutures d’une grâce nouvelle. Et il  a envoyé son fils pour racheter la faute originelle…(La grande didactique)

L’homme peut donc être ramené à la vertu de Dieu par des moyens sûrs…, et refléter  la perfection de Dieu  par la connaissance , la vertu et la religion : c’est pourquoi nous réclamons l’instruction des chrétiens de la lignée du nouvel Adam…

En effet, l’homme, est image du Dieu omniscient. Par ses capacités intellectuelles, il naît capable d’acquérir la connaissance des choses. D’abord parce qu’ il est à l’image de Dieu… Et puisque parmi toutes les qualités de Dieu domine l’omniscience, nécessairement l’image de cette qualité resplendit aussi dans l’homme. (La grande didactique) 

Tout homme est éducable.

L’éducation, donnée ou reçue,  peut le faire sortir du labyrinthe qui le sépare de Dieu.  Elle  l’éclaire en lui ôtant  les lunettes de l’illusion qui faussent toutes les perspectives.
La pédagogie participe au rétablissement en lui de la ressemblance à l’image de Dieu, du retour au paradis  d’avant la chute.

Sur ce point, une réserve s’impose :

Le Nouveau Testament précise que la pleine restauration de l’image originelle de Dieu en l’homme commence par la nouvelle naissance opérée par le Saint Esprit. (Jean 3.3,7 ; Ephésiens 2.8-9.
C’est sur cette base essentielle que s’appuie ensuite l’oeuvre du Saint Esprit de restauration de l’image de Dieu en l’homme, en collaboration avec l’homme (Philippiens 2.12, 1 Pierre 1.10). Comenius a dû considérer la première étape comme implicite.

Le droit à l’instruction appartient à tous.

Les institutions scolaires, doivent donc être ouverts à tous.

Tous les enfants, nobles ou roturiers, riches ou pauvres, garçons ou filles de toutes les villes, cités ou villages doivent être admis dans les écoles ; voilà ce dont il faut se convaincre. (La Grande didactique)

A une époque où l’instruction était encore peu répandue et surtout parmi les plus riches, Comenius, reprend le souhait de Luther dans son Manifeste aux villes de l’Empire en 1525 . Il  demande ardemment la création d’écoles aux frais de l’État,  afin d’instruire la jeunesse des deux sexes. Même ceux qui sont destinés à l’atelier ou aux champs, doivent …recevoir régulièrement une instruction littéraire, morale et religieuse. (La Grande didactique)

Personne ne doit être exclu de l’instruction.

Les filles peuvent accéder non seulement à  l’enseignement primaire mais au delà :

Aucune raison ne justifie l’exclusion du sexe faible (je tins à y insister) de l’étude, que celle-ci se fasse en latin ou en langue vulgaire…Les femmes sont aussi également à l’image de Dieu…; elles sont douées d’un intelligence vive et d’une aptitude à la connaissance égale, voire supérieure à la nôtre …(La grande didactique)

Et aussi  les enfants peu intelligents, peut-être même des handicapés mentaux légers

On dira encore: il y a des esprits si abrutis qu’il et impossible d’y introduire quoi que ce soit. Je réponds : il y a certes des miroirs sales qui reflètent mal les images…Mais il faut commencer par nettoyer le miroir…Alors il ne refuse(ra) pas de jouer son rôle (La grande didactique)

Eduquer en tenant compte des différences

Cependant, le pédagogue ne se berce pas d’illusions à propos de l’éducabilité générale de l’homme. Il sait qu’il existe entre individus des disparités parfois considérables et il faut en tenir compte.

Mais il est possible d’instruire et d’éduquer une telle diversité de caractères avec une seule et unique méthode parce que… tous les hommes, par delà les différences d’aptitude intellectuelle ont une même et unique nature humaine dont il convient d’éduquer les organes. (La grande didactique)

L’enfant, du labyrinthe de l’école humaniste  au paradis de La Grande Didactique

Une pratique réelle de l’éducation et une véritable connaissance de la psychologie infantile

Page de titre de la Grande didactique Didactica Opera Omnia

La pédagogie de Comenius va au delà  de ses  bases éthiques et religieuses, avec la visée de la régénération de l’homme et de la sortie du labyrinthe.
Elle  n’en reste pas à des conceptions abstraites  mais elle s’appuie sur une pratique réelle de l’éducation et une véritable connaissance de la psychologie enfantine.

Une image positive de l’enfant

L’image positive qu’il donne de l’enfant, lui aussi à l’image de Dieu s’oppose à l’opinion négative qu’on en avait généralement au  17ème siècle.
Traditionnellement, l’enfant considéré comme mauvais, porté au mal, devait être soumis à une autorité  qui pouvait aller jusqu’à la répression.

Enracinée dans la tradition protestante de Bohême

Cette conception positive de l’enfance, insolite en ce 17e siècle, s’enracine dans la vieille tradition protestante et révolutionnaire de Bohême.  La vision utopique (et angélique) de la pureté de l’enfant permettait ainsi d’effectuer la critique de la corruption de l’homme et des pouvoirs établis…(Cauly)

L’enfant, le bien le plus précieux à éduquer

A Bérulle qui affirmait que « l’enfance est le plus vil et le plus abject de la nature humaine après celui de la mort », Comenius  répond qu’il n’y a rien de plus grand ni de plus estimable car elle est, à l’exception du péché originel, l’image non corrompue de Dieu. L’enfant est le bien le plus précieux que l’homme a le devoir d’éduquer. (Cauly)

Cette présence divine, il la souligne dans un passage de la dédicace de la Grande Didactique. Il y qualifie les enfants de maîtres et de modèles  vis-à-vis des grandes personnes…parce que  en eux se trouvent les dispositions les plus simples et les plus aptes à recevoir une amélioration que la miséricorde divine apporte aux causes humaines désespérées. (La grande didactique)

L’enseignement traditionnel au 17e siècle

Des classes surchargées, avec des élèves de tous les âges

L’enseignement au 17ème siècle était dispensé dans des classes surchargées, totalement hétérogènes.

Les enfants des classes sociales élevées entraient au collège dès cinq ans, puis neuf ans mais ceux du peuple entre douze et quinze ans.
Dans une classe de Cinquième du collège des jésuites de Chalons   (1618-1620), il y avait  165 élèves de 8 à 18 ans.
(Etienne Krotky, Former l’homme)

Aucune attention au niveau de maturité des enfants

Ensuite, on ne tenait aucun compte du niveau de maturité psychologique et intellectuelle  des enfants. On pensait qu’ils avaient les mêmes mécanismes mentaux et qu’ils étaient capables des mêmes performances  que les adultes.

Une aberration : faire apprendre la langue maternelle à partir du latin

Comenius dénonce l’aberration qui consiste à faire apprendre à l’enfant sa langue maternelle à partir du latin.

Il rappelle l’angoisse de l’élève, la sienne aussi quand il était élève à l’école latine, écrasé  sous le labyrinthe d’une masse de règles, de commentaires, de comparaisons de textes, de controverses, gavé  de grammaire latine y compris les exceptions et les irrégularités… hébété parce qu’incapable de savoir quel est le sens de tout cela. (La grande didactique)

Pire, dès qu’ils avaient appris à déchiffrer l’alphabet grec et alors qu’ils ignoraient encore les fondements de la langue, on leur mettait en mains des grammaires faisant état de différences grammaticales dialectales. (Krotsky)

Etudier trop vite des auteurs difficiles

Il critique aussi une habitude des écoles latines de passer aux auteurs dès que les élèves ont goûté aux règles de grammaire. Mais à quels auteurs ?
Les écoles qui veulent donner l’impression qu’elles sont les meilleures vont tout de suite … à Cicéron, à Virgile et il conseille de prendre les exemples de grammaire dans la vie courante. (Krotsky)

Des méthodes d’éducation torturantes, décevantes

Il reproche aussi aux méthodes d’enseignement d’être  si dures que les enfants considèrent l’école comme un épouvantail et une chambre de torture pour l’esprit .

La plupart éprouvent des nausées à la vue des lettres et des livres et préfèrent courir travailler chez les artisans ou faire n’importe quoi,  que de ne procurer que des résultats fort décevants. (La grande didactique)

Et inefficaces

La lavandière, l’artisan… apprennent n’importe quelle langue nouvelle, voire plusieurs, en moins de temps qu’il en faut aux élèves des écoles apprenant le latin à temps plein et à toute force…Mais  toujours pas capables   de s’exprimer sans… grammaire ou dictionnaire après quinze ou vingt ans d’études. (La grande didactique)

La Grande Didactique : une nouvelle organisation scolaire

Elle tient compte  de l’âge des enfants et de leur niveau de développement psychologique et intellectuel.

Pour Comenius, l’homme ne devient adulte que vers vint-quatre ans, avec quatre stades de développement  d’une durée approximative de six ans chacun,  caractérisés par la maturation d’une faculté ou de possibilités propres :

Quatre stages de développement

la petite enfance -INFANTIA -(de la naissance à 6 ans) – stade des sens externes et de la motricité;

l’enfance -PUERITIA -(de 6 à 12 ans) -stade des sens internes : éveil de la représentation mentale des choses;

  l’adolescence -ADOLESCENTIA -(de 12 à 18 ans) -stade de la faculté de jugement et de raisonnement;

la jeunesse -JUVENTUS -(de 18 à 24 ans) -stade du développement de l’entendement pur et de la volonté  (Comenius, la nouvelle méthode des langues – Methodus Linguarum novissima)

Quatre cycles d’enseignement

Ces quatre stades correspondent  à quatre cycles d’enseignement ouverts à tous, garçons et filles, au moins jusqu’à douze ans :

pour la petite enfance, l’école du giron maternel,

– pour l’enfance, l’école élémentaire publique, en langue maternelle,

– pour l’adolescence, l’école latine et le gymnase, (le lycée)

– pour la jeunesse, l’Académie (l’Université) et les voyages,

avec des écoles maternelles dans toutes les maisons; des écoles élémentaires dans chaque commune… un gymnase dans chaque ville, une Académie dans chaque royaume ou même  chaque grande région. (La grande didactique)

Un enseignement homogène donné de la même manière à tous

Auparavant, les maîtres s’épuisaient à dispenser un enseignement individuel à l’un et à braire contre les autres livrés au désœuvrement …et à l’ignorance. Ils dissociaient les matières naturellement liées, comme la lecture et l’écriture, et les élèves employaient des livres divers sur les même matières. (La grande didactique)

Maintenant, selon le modèle du soleil qui éclaire toute la terre de la même façon, un enseignement homogène, est donné de la même manière à tous, par un seul maître avec un même livre et les mêmes méthodes pour chaque matière.

Il s’appuiera sur des notions de base solides et concises. Il suivra une progression selon laquelle chaque nouvelle connaissance renforce celle qui la précède et ouvre la voie de celle qui la suit. (La grande didactique)

Un seul maître pourra ainsi  enseigner simultanément à une classe d’une centaine d’élèves

  • en divisant la classe en groupes de dix élèves avec des moniteurs
  • en ne donnant jamais de leçons particulières mais toujours collectives,
  • en se plaçant de manière à être vu et entendu de tous à la fois .

Les huit principes de la leçon modèle

L’auteur donne ensuite les huit principes de la « leçon modèle » qui permettent au maître d’éveiller et de maintenir l’attention des élèves et il explique les procédés de correction mutuelle des exercices écrits

Une nouvelle méthode d’enseignement

facile et agréable pour que les élèves aussi bien que les enseignants ne soient pas dégoûtés (du travail) avant même de l’aborder et avant d’en voir les résultats.
Puisse l’école cesser d’être un labyrinthe, un bagne, une prison et un lieu de détresse, et puisse-t-elle commencer à être un stade, un palais, un festin et un paradis» qui permettra « d’arriver à sortir des labyrinthes scolaires », selon le titre de l’un de ses traités. (Krotsky)

Fondements d’un enseignement et d’une étude faciles

Dans le chapitre XVII de La Grande Didactique qui porte le titre Fondements d’un enseignement et d’une étude faciles, il demande  au maître

  • d’éveiller chez les élèves le désir de savoir et d’apprendre
  • de choisir un méthode d’enseignement qui diminue la fatigue de l’élève et lui évite de se braquer  de peur qu’effrayé, il ne se détourne de l’étude (La gande didactique)

On fait violence à l’entendement (l’intelligence)

  • chaque fois qu’on contraint l’élève à accomplir une tâche au dessus de son âge et de ses forces
  • chaque fois qu’on lui impose d’apprendre par cœur des choses mal expliquées ou mal formulées et lorsqu’on exige de lui un exercice trop brièvement présenté,

Et aussi quand on lui fait apprendre des mots qu’il ne comprend pas.

Des motivations naturelles poussent l’homme à chercher la connaissance

Comenius  insiste sur les motivations naturelles qui poussent l’homme à désirer acquérir la connaissance. Ainsi,

Il n’est pas nécessaire de forcer l’œil  à s’ouvrir pour fixer les objets car, ayant soif spontanément de lumière, il prend plaisir de lui-même à regarder.

De même notre esprit a soif d’objets …Il capte toute chose sans fatigue pourvu que tu procèdes distinctement, avec l’ordre qui lui convient et une chose après l’autre (La grande didactique)

La connaissance commence par les sens

puisque rien ne peut parvenir à l’intelligence qui ne soit d’abord dans la sensation, la connaissance doit nécessairement commencer par les sens… C’est seulement lorsque l’observation de ces choses aura été conduite que la parole interviendra pour les expliquer avec profit. (La grande didactique)

Pour le jeune enfant, découverte du monde par l’observation des objets

Comenius  fait participer le jeune enfant  à la découverte du monde en lui faisant observer les objets qui le composent :

par les sens externes, il apprendra dès la maternelle à distinguer et à nommer les animaux, les éléments de la nature comme l’eau, le vent,… les membres du corps et à se repérer dans le temps.
Si l’observation directe des choses est impossible, on utilisera un livre d’images.

Pour l’enfant plus grand, développer sensibilité, imagination et mémoire

Pour l’enfant plus grand, on développera la sensibilité interne, l’imagination, la mémoire à l’école élémentaire en même temps que les organes d’exécution, la main et la langue pour la lecture, l’écriture, le dessin…le calcul, l’arpentage…et autres exercices qui font travailler la mémoire. (La grande didactique)

Un programme d’éducation complet pour l’intelligence, la langue et la main

Il propose donc un  programme d’éducation complet qui exerce à la fois l’intelligence, la langue et la main et permet à l’enfant d’acquérir des notions  et des principes par l’observation du concret, réel ou imagé.

Le Monde en images, premier livre scolaire illustré

en application des principes pédagogiques de Comenius

le Monde en images (Orbis sensualium pictus quadrilinguis) paru en 1652, est le premier livre scolaire illustré. C’ est l’application pratique la plus complète des principes pédagogiques de Comenius.

Le monde en images – Orbis pictus

avec un sous titre à caractère encyclopédique :

La peinture et la nomenclature de toutes les choses fondamentales et de toutes les actions principales de la vie humaine 

 un abrégé de l’ensemble du monde et de toute la langue … mais aussi un abrégé pictural et pédagogique, embelli de peintures, de nomenclatures et de descriptions. (Recueil d’extraits de l’oeuvre pédagogique)

Correspondance entre l’illustration et le nom de l’objet grâce à des numéros

Il permet d’établir la correspondance entre l’illustration représentant un objet  ou une notion et le nom qu’ils portent. En effet, les mots du texte portent un numéro qui correspond à l’image où l’objet est représenté.

Du simple au complexe

Le livre va du simple au complexe, avec une initiation aux métiers, comme le montre l’illustration et le texte sur l’imprimerie.

Avec un alphabet illustré

Précédé par un alphabet symbolique qui accompagne chaque lettre par  la figure de l’animal dont la voix naturelle en semble imiter le son, il sera utile pour l’apprentissage de la langue maternelle, et comme les mots traduits en d’autres langues (allemand) sont placés en regard des mots latins…, il servira  à comprendre mieux et plus facilement la langue latine. (Recueil d’extraits de l’oeuvre pédagogique)

A la base des encyclopédies enfantines actuelles

Le Monde en images fut édité jusqu’en 1910. On en retrouve aujourd’hui le principe dans les encyclopédies enfantines avec des illustrations simples, claires, et en couleurs, les mots pour  désigner les choses, un texte d’explication.

Pour l’adolescent, former le jugement, l’intelligence et la volonté

Observer, comparer, découvrir les raisons des choses

A l’adolescent, Comenius  demande aussi d’observer les choses mais surtout de les comparer et d’essayer d’en découvrir les raisons

On  passera de la pratique à la théorie par l’étude de la dialectique, de la grammaire, de la rhétorique.
Ainsi se formera le jugement et l’intelligence réflexive de tout ce qui est perçu par les sens.

Enfin, les Académies cultiveront surtout ce qui se rapporte à la volonté…pour qu’elle exerce son pouvoir légitime sur toute chose. (la grande didactique)

Pas d’enseignement avec des mots et des opinions glanés dans des livres.
Montrer comment les choses existent par elles-mêmes

Il rejette l’enseignement « par procuration » courant à son époque, qui consiste à farcir l’esprit d’un fatras de mots… et d’opinions glanées ça et là dans les livres;  au lieu d’éveiller l’intelligence en mettant les élèves en présence des choses, en leur montrant comment elles existent en elles-mêmes et par elles-mêmes. (La grande didactique)

Rendre les études faciles et intéressantes : aller du général au particulier, du facile au difficile

En même temps, il cherche à rendre les études faciles et intéressantes selon les principes du début du chapitre XVII de la Grande Didactique. Entre autres il fallait aller du général au particulier, du facile au difficile. Mais ce n’était pas appliqué pour l’enseignement du latin

Pour l’enseignement du latin aux débutants, on donnait des règles en latin

On donnait aux débutants en latin les règles de la langue en latin……un lexique latin-langue vernaculaire alors qu’il faudrait l’inverse; ce n’est pas leur langue qu’ils doivent apprendre mais le latin…un maître étranger qui ne connaît pas leur langue (La grande didactique)

Il  faudrait plutôt donner les explications dans la langue de l’élève et tirer de son environnement les exemples qui illustrent les nouvelles règles

La porte ouverte sur les langues (Janua linguarum resrata)

Un manuel de latin fondé sur la langue maternelle

C’est selon ces préceptes que Comenius écrivit La  porte ouverte sur les langues (Janua linguarum reserata). La première édition parut en 1631.
C’est un manuel de latin qui prend la langue maternelle comme point de départ.

1000 phrases simples avec 8000 mots latins et leur traduction en langue maternelle

Il consiste en mille phrases simples concernant le monde environnant, composées de huit mille mots latins mis en ordre, avec en regard, le même mot dans la langue maternelle. 

Petite encyclopédie de la nature et du monde environnant

C’est aussi une petite encyclopédie qui mettra l’élève en contact avec les phénomènes de la nature et les différentes facettes du monde qui l’entoure.

Une promenade dans le monde créé depuis l’origine jusqu’à la Sainte Trinité

Le cours des choses est présenté … à travers une promenade effectuée par l’enfant en compagnie de l’auteur qui le guide dans le monde créé, depuis 1’origine des choses jusqu’à la Sainte-Trinité à travers toutes les sphères de la vie. (Cauly)

100 courtes scènes de la vie quotidiennes en 100 rubriques :

De courtes scènes de la vie quotidienne sont clairement et distinctement présentées à l’esprit de l’enfant et distribuées en Cent rubriques (ou «Titres communs des choses») qui révèlent une progression méthodique: de la création aux différents règnes (minéral, végétal, animal) en passant par les différentes sphères de la vie sociale et économique, puis culturelle, jusqu’à la fin dernière de l’existence. (Cauly)

L’ouvrage sera rapidement traduit en plusieurs langues ,dont une édition en français et latin en 1642.

Le paradis retrouvé ?

Comenius  est un auteur passionnant, d’une grande richesse et par là même, d’une grande complexité. Il a exercé ses talents dans de nombreux domaines, pédagogique, philosophique, religieux et politique. Il a suscité l’admiration de beaucoup mais il n’a pas fait l’unanimité de tous et il s’est attiré critiques et ennemis.

Le rétablissement de la nation tchèque ?

Par exemple, il faisait trop confiance aux pseudo prophéties de personnes atypiques ou peu recommandables qui annonçaient un rétablissement de la nation tchèque, démenti par les faits.

On pourrait l’excuser en disant qu’il symbolisait les espoirs d’un peuple persécuté, en fuite, livré au jeux politiques et aux trahisons.

En effet, l’espoir suscité par le soutien de la Suède était immense, ses armées étaient sur le point d’occuper Prague.
Mais  l’annonce du  traité  de Westphalie mit fin à la conquête qui aurait accompli les prophéties de retour. Cependant…

Quand les traités de Westphalie (1648) eurent confirmé la domination étrangère sur la Bohême, Comenius, dans le Testament de l’Unité, mère mourante, lança ce cri qui sonnait comme un défi:

«0 peuple tchèque, un jour viendra où tu auras de nouveau le gouvernement de tes affaires dans tes propres mains».

Cette foi dans le retour de l’indépendance nationale sera le soutien des patriotes tchèques au cours du dix-neuvième siècle. Et quand l’heure de cette indépendance sera venue, en 1918, le président-libérateur, Masaryk, se référera à cette «prophétie» dans son premier discours solennel à la nation.(Krotsky)

Passion, générosité, espoir en Dieu

Si on considère l’ensemble de la vie et les motivations de Comenius, on ne peut s’empêcher d’y lire à la fois la passion, la générosité et un immense espoir en Dieu.

Pas de révolte malgré les malheurs. Dieu est le roc de sa vie

Les malheurs de sa patrie et ses souffrances personnelles auraient pu ruiner sa foi et le pousser à la révolte.
Mais, parlant de Dieu après l’incendie de Fulneck et la mort de sa femme et de ses enfants, il dira qu’il est le « roc de sa vie », une « tour forte ».
Et quand il perd ses manuscrits, -quarante années de travail – lors de l’incendie de Lezno en 1656, il dit qu’il « avait tout perdu excepté cet unique qui, à lui seul, est tout» (Krotsky).

Il y a quelque chose de prodigieux et d’authentiquement chrétien, dans le contraste entre les souffrances et les férocités endurées par Comenius, et l’allégresse mystique dont rayonnent ces textes écrits dans la pauvreté et dans l’exil.
La visualisation des choses et la conception philosophique du monde dans l’œuvre de Comenius
Marc Fumaroli Du Paradis du cœur au Collège de lumière

Souci de formation pour les gens de son époque livré à l’ignorance

Il avait un véritable souci pour la masse des gens de son époque livrés à l’ignorance intellectuelle morale et spirituelle par la négligence des pouvoirs politiques et les vicissitudes de la guerre et il était convaincu que de bonnes écoles pouvaient remédier à ces lacunes. Seul il sentait, à son époque, que «l’art de former les hommes était un des plus profonds mystères du monde et de notre salut» (Krotsky)

Un bilan, au moins sommaire, de son système éducatif ?

 Presque ignoré dans l’enseignement public français

On attribue à Rousseau sa conception du développement psychique de l’enfant et son système éducatif

Un premier fait : Comenius  est à peu près totalement  ignoré dans le monde de l’enseignement public. On a attribué à Rousseau la paternité de sa conception du développement psychique de l’enfant et de son système d’éducation.

Il serait …facile de montrer comment bien souvent Rousseau répète Comenius; parfois on « retrouve textuellement les expressions de Comenius« . (Krotsky)

Plus de notoriété aujourd’hui … dans les rencontres de spécialistes

Il est un peu plus connu aujourd’hui mais sa notoriété est limitée au cercle des spécialistes de colloques. 

La seule biographie accessible en français jusqu’à une date relativement récente était celle d’Anna Heyberger parue en1928.

Une Grande Didactique tronquée, éliminant toute dimension religieuse…

Quant à La Grande Didactique, elle a connu deux traductions.

Celle des Éditions Klincksieck parue en 1992 a heureusement remplacé celle de Piobetta en 1942 aux P.U.F.

Celui-ci, sous les égides du laïcisme, récupère les « avantages pédagogiques » de Comenius  en éliminant toute dimension religieuse.
Les premiers chapitres de La Grande Didactique et d’autres passages  sont simplement ignorés et les mots comme Dieu, religion remplacés par des points de suspension !

Reproche de vouloir rendre l’étude facile et inciter à la paresse

Certains lui ont reproché de vouloir rendre l’étude facile et d’inciter ainsi les élèves à la paresse.

Mais son objectif :  rendre accessible au peuple la culture réservée  l’élite

Mais il ne faut pas oublier son objectif de rendre accessible au peuple la culture réservée  jusqu’alors à l’élite, en évitant de le rebuter par trop de difficultés.

«Il faut toujours choisir dans la mesure du possible des moyens …faciles à employer (ce qui est difficile passera pour impossible)». …«Tout ce que tu entreprends, il faut que tu aies des moyens sûrs et une méthode facile pour le mettre en pratique». (Krotsky)

A la même époque, les jansénistes de Port Royal

Il n’était d’ailleurs pas le seul à travailler sur un meilleur enseignement des langues et des méthodes d’enseignement, moins rebutantes et plus accessibles aux élèves.

En témoignent les titres d’ouvrages composés à la même période par les Jansénistes à Port Royal

  • Nouvelle méthode pour apprendre facilement et en peu de temps la langue latine (1644)
  • Nouvelle méthode pour apprendre facilement et en peu de temps la langue grecque (1657) de Lancelot. (Krotsky)

Evaluer les notions de facilité, difficulté à la mesure des conditions de l »époque

Il est important aussi d’évaluer les notions de facilité et difficultés à la mesure des conditions de son époque – en particulier l’enseignement du latin donné en latin- et de ne pas le comparer aux conditions actuelles de l’enseignement.

Facile pour un  élève de l’école de Comenius voulait dire  « un peu plus accessible » alors que, dans certains domaines et exigences de l’enseignement actuel, cela signifie parfois « élémentaire » ou « indigent ».

Comenius : culture pour toutes les couches de la société

Diderot et Voltaire :  conservateurs sans sympathie pour le peuple

Comenius  est le premier à avoir travaillé à diffuser la culture dans toutes les couches de la société parce que  il respecte en chaque homme l’image de Dieu, alors que Diderot ou Voltaire qui «étaient des conservateurs sans sympathie, pour la masse populaire qui leur inspirait parfois des mots très durs». (Krotsky)

Droit à l’éducation pour les infirmes, les déficients intellectuels et ceux qu’on pensait réservés à l’esclavage

Il accorde aussi le droit à l’éducation aux infirmes et déficients intellectuels et aussi à ceux qu’on appelait alors « barbares »et que l’on pensait dépourvus d’âme, donc réservés pour l’esclavage.

Conclusion par Comenius

Nous laisserons à Comenius le soin de tirer lui-même la conclusion qui établit le lien entre les éléments fondamentaux, les options et les réalisations de sa vie

Dans l’ouvrage L’école comme un jeu (Schola ludus), il se décrivait ainsi en 1657 :

« Moravus sum natione, lingua Bohemus, professione theologus ad Evangelii ministerium
De nationalité, je suis Morave, de langue, Tchèque, de profession, Théologien au service de l’Évangile. »

Quant à ses recherches en didactique, il écrit clairement

Ce que j’ai écrit pour la jeunesse, je ne l’ai pas écrit comme pédagogue mais comme théologien. (Opera didactica omnia IV, 27).

Illustration tirée des «Oeuvres didactiques complètes» avec l’inscription « Tout coule de soi-même, la violence est absente des choses ».

 

Concilier pardon des péchés, sainteté et amour de Dieu

Le problème du pardon des péchés

Pourquoi la mort de Jésus était-elle indispensable pour le pardon des péchés ? Dieu ne pouvait-il pas se montrer miséricordieux en pardonnant simplement les péchés sans qu’elle soit nécessaire?

Selon  Cur deus Homo ?/Pourquoi Dieu s’est-il fait homme ? d’Anselme de Canterbury un théologien anglais du 11e s, on ne peut simplifier la procédure du pardon. On ne peut comparer le pardon entre hommes, pour des offenses personnelles, avec celui de Dieu, créateur des lois que nous transgressons.
Le problème du pardon est celui du choc entre la perfection divine et la rébellion humaine, entre un Dieu d’amour qui pardonne et un Dieu saint et juste qui juge. La solution se trouve à la croix où se concilient la miséricorde et la justice de Dieu.

La gravité du péché

L’Écriture définit le péché comme une offense contre l’autorité et l’amour de Dieu. C’est comme un défi lancé à Dieu, comme une prétention à l’indépendance. C’est aussi le refus d’ affronter la gravité du péché qui conduit à l’éliminer du vocabulaire…en le remplaçant par crime, jugé par l’État ou par maladie. Mais reconnaître le péché comme péché conduirait « au réveil de la responsabilité personnelle »
On élimine ou on atténue la responsabilité morale de l’homme par tout un ensemble de facteurs externes : hérédité, éducation, société. Ou alors, on façonne un homme sans responsabilité, prédéterminé par l’environnement. Ce serait donc la faute de la société.

La responsabilité légale dépend de la responsabilité mentale ou morale et aussi de l’intention et de la volonté. Elles peuvent être atténuées, chez l’enfant ou chez la personne mentalement handicapée. Mais les failles de la nature humaine ou de l’éducation ne peuvent servir d’excuse.

La Bible constate l’existence d’une tension entre ce qui nous conditionne – le péché originel – et notre aptitude à exercer notre responsabilité morale. Celle-ci n’est jamais supprimée. Elle fait partie de la nature humaine. Elle n’est pas atténuée par la chute, c’est à dire l’intervention du péché originel. L’homme garde toujours un minimum de pouvoir de décision.

Vraie et fausse culpabilité

Nous sommes tous inexcusables car sachant ce qu’il faut faire, nous ne l’avons pas fait


Nous savons, en effet, que la loi est spirituelle.
Mais moi, je suis charnel, vendu au péché.
Car je ne sais pas ce que je fais. Je ne fais point ce que je veux, et je fais ce que je hais. Or, si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais par là que la loi est bonne.
Et maintenant ce n’est plus moi qui le fais, mais c’est le péché qui habite en moi. Ce qui est bon, je le sais, n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair. J ‘ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien.
Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal
que je ne veux pas.
Romains 7.14-19

Cependant, notre conscience n’est pas infaillible. Il existe un faux sentiment de culpabilité, mais aussi un faux sentiment d’innocence, une fausse contrition, une fausse assurance du pardon.

La sainteté et le courroux de Dieu

Le péché est incompatible avec la sainteté de Dieu et avec sa colère qui est sa répugnance à l’égard du mal et sa vigoureuse opposition à ce mal.

L’Écriture l’illustre par plusieurs métaphores : la hauteur ou transcendance, la distancela lumière et le feu, le vomissement par dégoût devant les désobéissances du peuple d’Israël ou la tiédeur de l’Église de Laodicée.

Apocalypse 3.15-16
Je connais tes oeuvres. Je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche.

Même si le Dieu de nos contemporains est plutôt laxiste, nous devons éviter toute présomption et ne pas brûler les étapes quand nous expliquons l’œuvre de l’expiation. Il faut garder une juste compréhension de la gravité du péché et de la majesté de Dieu.

La satisfaction pour le péché

Les mots satisfaction et substitution provoquent de nombreuses critiques.

Satisfaire le diable?

Dans l’Église primitive, on pensait que c’était le diable qui avait rendu la croix nécessaire, comme instrument de sa défaite. Pour plusieurs Pères de l’Église, le diable est le maître du péché et de la mort. C’est le principal tyran dont Jésus vint nous affranchir.

Il faut relever trois erreurs

  • accorder au diable plus de pouvoir qu’il n’en a en réalité,
  • lui reconnaître certains «droits» sur l’homme,
  • faire de la croix un troc entre Dieu et le diable.

D’autres définissent la transaction comme une duperie (un hameçon, une souricière).

John Stott reconnaît un certain intérêt à ces théories. Mais il exclut toute transaction et surtout toute duperie entre le diable et Dieu.

Satisfaire la loi ?

La nécessité morale de la satisfaction divine à la croix s’explique par les exigences de la Loi, décrites dans les 5 premiers livres de l’Ancien-Testament en particulier dans le Décalogue (les dix commandements Exode 20.1-17; Deutéronome 5.6-21). Dieu aime les pécheurs et il désire les sauver. La sanction exigée par la loi a été appliquée à la croix et ainsi les exigences de la Loi ont été satisfaites.

Pour les Pères latins du 4e s, la libération par le Christ de la malédiction de la Loi s’explique par l’application de la sentence légale.

Galates 3.13
Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous -car il est écrit: Maudit est quiconque est pendu au bois

Pour les Réformateurs du 16e s, Jésus-Christ devait absolument se soumettre à la loi pour nous arracher à sa condamnation.

Cependant, si la désobéissance aux lois morales de Dieu attire la condamnation, ce n’est pas parce que Dieu est le prisonnier de ses lois, mais parce qu’il est leur auteur.

Satisfaction de l’honneur et de la justice de Dieu?

Dans Cur Deus Homo ? Anselme rejette la thèse patristique de la rançon : c’est la dette de l’homme envers Dieu qui doit être acquittée.
L’unique personne volontaire pour opérer la satisfaction devait nécessairement être à la fois parfaitement Dieu et parfaitement homme, puisque nul, hormis un Dieu véritable, ne pouvait l’accom­plir, et que nul, hormis un homme authentique, n’était dans l’obliga­tion de le faire.

Les Réformateurs ont souligné la notion de justice en Dieu et l’impossibilité de concevoir un moyen de salut qui n’eût pas satisfait sa justice.

Hugo Grotius (1583-1645) insistait sur le caractère objectif de la croix, unique moyen de satisfaire les exigences de la justice divine. Il accordait aussi une grande importance à la morale publique dans ses deux aspects de prévention des délits et de respect de la loi.

Plusieurs théologiens du 20e s. ont aussi appliqué cette conception d’un Dieu «gouverneur moral du monde» à la doctrine de l’expiation. Pour Emil Brunner, le
péché est un assaut contre l’ordre moral du monde, expression de la volonté morale de Dieu. Il existe une analogie entre la loi naturelle et la loi morale dont aucune ne peut être violée impunément

La satisfaction de Dieu lui-même ?

Les Écritures soulignent la parfaite cohé­rence de la personne de Dieu, contraint de juger les pécheurs, tout en restant fidèle à lui-même, en utilisant le langage de la provocation, du feu, de la colère. Son jugement est inéluctable parce qu’il est enraciné dans la sainteté de sa nature, et en parfaite harmonie avec ses exigences et avec sa nature révélée.

Sainteté et amour de Dieu dans le pardon des péchés

Dans Osée 11 et d’autres textes on trouve des expressions d’une dualité en Dieu, compatissant et qui fait grâce… mais qui ne tient pas le coupable pour innocent.
Pour Emil Brunner la «nature duelle» ou double de Dieu est le mystère central de la révélation chrétienne. Cette dualité entre sainteté et amour de Dieu n’est jamais inconciliable, car Dieu n’est pas en désaccord avec lui-même. Pour se satisfaire lui-même, il s’est sacrifié – en substitution à notre place.

Amour de Dieu et pardon du péché

Comment Dieu peut-il aimer l’homme pécheur et pardonner ses péchés ? Il n’y a pas de contradiction en Dieu. Sa justice et sa miséricorde divines, ne sont jamais en conflit et n’ont pas besoin d’être réconciliées. Mais elles sont glorifiées par l’œuvre du Christ pour la rédemption des pécheurs.
Le sacrifice dans l’Ancien Testament préparait et préfigurait le sacrifice rédempteur.

La Pâque et le transfert du péché

Dieu se révèle à la Pâque à la fois comme Juge, comme Rédempteur et comme Dieu de l’alliance avec Israël. J. Stott dénonce toute tendance à vider de son sens le mot « substitution », en voilant la différence entre une substitution de repentance dans laquelle le substitut offre ce que nous ne pouvions pas offrir et une substitution pénale dans laquelle le substitut subit ce que nous ne pouvions pas subir.

Dans l’Ancien Testament, porter les péchés signifiait supporter les conséquences pénales, subir la sanction, même à la place d’un autre. Le rituel des deux boucs pour l’expiation des péchés, le jour du Grand Pardon, le rend évident : il montre que la réconciliation avec Dieu n’était possible que par cette substitution, ce transfert du péché des hommes sur l’animal.

Il (Aaron) prendra les deux boucs, et il les placera devant l’Éternel, à l’entrée de la tente d’assignation.
Aaron jettera le sort sur les deux boucs, un sort pour l’Éternel et un sort pour Azazel.
Aaron fera approcher le bouc sur lequel est tombé le sort pour l’Éternel, et il l’offrira en sacrifice d’expiation.

Et le bouc sur lequel est tombé le sort pour Azazel sera placé vivant devant l’Éternel, afin qu’il serve à faire l’expiation et qu’il soit lâché dans le désert pour Azazel.
Lévitique 16:7-10

Pour l’auteur de la lettre aux Hébreux, Jésus est «un grand prêtre miséricordieux et fidèle» (Hébreux 2.17). Il est aussi le parfait représentant des deux victimes, le bouc sacrifié dont le sang devait être apporté dans le Saint des saints et le bouc qui était chargé des péchés du peuple et chassé dans le désert.

Or, ces choses étant ainsi disposées, les sacrificateurs qui font le service entrent en tout temps dans la première partie du tabernacle.
Et dans la seconde le souverain sacrificateur seul entre une fois par an, non sans y porter du sang qu’il offre pour lui-même et pour les péchés du peuple.
Mais Christ est venu comme souverain sacrificateur des biens à venir. Il a traversé le tabernacle plus grand et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est -à-dire qui n’est pas de cette création.
Et il est entré une fois pour toutes dans le lieu très saint, non avec le sang des boucs et des veaux, mais avec son propre sang, ayant obtenu une rédemption éternelle.

Hébreux 9.6-7, 11-12

Mais c’est Ésaïe 53 qui annonce le plus clairement les souffrances et la mort du Christ.

Les déclarations de Jésus lui-même dans Marc 10.45

Le Fils, de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup

reprennent les prophéties sur le Fils de l’Homme de Daniel 7. 13-14

Je regardai pendant mes visions nocturnes.
Et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme.
Il s’avança vers l’ancien des jours, et on le fit approcher de lui.
On lui donna la domination, la gloire et le règne; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent.
Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit.

et celles du Serviteur d’Ésaïe 53. 10-12

Il a plu à l’Éternel de le briser par la souffrance…
Après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché, Il verra une postérité et prolongera ses jours; et l’œuvre de l’Éternel prospérera entre ses mains.
À cause du travail de son âme, il rassasiera ses regards; Par sa connaissance mon serviteur juste justifiera beaucoup d’hommes, et il se chargera de leurs iniquités.
C’est pourquoi je lui donnerai sa part avec les grands.
Il partagera le butin avec les puissants, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort, et qu’il a été mis au nombre des malfaiteurs, parce qu’il a porté les péchés de beaucoup d’hommes, et qu’il a intercédé pour les coupables.

Dans les paroles de la Cène, Jésus déclare que « son sang serait répandu pour beaucoup » (Marc 14.24).

Il était bien conscient de porter, dans sa mort, le péché des hommes.

Il prend sur lui notre malédiction, et nous donne sa bénédiction; il devient péché en se chargeant de notre péché, et nous devenons justes par sa justice; mais sans qu’il soit devenu réellement pécheur.

Ce sont les conséquences pénales de nos péchés qui ont été transférées sur lui. La croix est donc bien un sacrifice de substitution : le Christ est mort à notre place.

Qui prend la place du pécheur ?

Stott souligne l’erreur qui consiste à voir en Jésus-Christ un être humain séparé à la fois de Dieu et de nous. Jésus-Christ n’est pas une tierce personne indépendante, intervenant pour apaiser un Dieu en colère et lui arracher un salut accordé à contrecœur. Il ne faut pas non plus  accorder à Dieu seul l’initia­tive de punir l’innocent Jésus à la place des pécheurs qui méritaient le châtiment. Ce raisonnement faux les met en opposition en faisant du Christ l’objet de la colère de Dieu. Il fait aussi de Dieu celui que le Christ doit persuader, alors que les deux coopèrent pour le salut des pécheurs.

Stott nuance l’expression d’Actes 20.28 «l’Église que Dieu s’est acquise par son propre sang», le sang de Jésus, Dieu le Fils. Il précise qu’aucun verset de l’Écriture n’affirme que Dieu en personne serait mort sur la croix. En effet, on ne peut pas dire que Dieu est mort. En effet, le Nouveau Testament désigne par «Dieu », le Père et  la personne qui est montée sur la croix n’est pas le Dieu le Père, mais le Dieu le Fils.

Le rôle des personnes de la Trinité dans le drame de la croix

Le traitement du rôle des différentes personnes de la Trinité dans le drame de la croix est pertinent et approfondi. L’auteur met en garde contre l’erreur parfois constatée, par exemple dans certains cantiques. Ils font de Jésus-Christ, notre substitut, l’antagoniste miséricordieux d’un Dieu en colère. Il tenterait de lui arracher le pardon pour que le pécheur échappe à son jugement. Non, il n’y a pas de dissociation entre le Père et le Fils. La construction d’un Christ miséricordieux qui fait pression sur un Dieu réticent pour qu’il prenne des mesures de clémence à notre égard s’effondre devant la réalité de l’amour de Dieu, dans la totalité de sa Trinité.

Un examen utile de certaines hérésies des premiers siècles sur la Trinité

On appréciera aussi l’utilité de l’examen de certaines hérésies des premiers siècles sur la Trinité.
Toutes ces controverses peuvent sembler fort éloignées de nos préoccupations de chrétiens du 21e s. Nous faisons cependant bien de nous tenir sur nos gardes. Ces tendances hérétiques peuvent se retrouver dans certains mouvements sectaires actuels.
Une accentuation excessive sur les souffrances endurées par Dieu le Fils sur la croix aboutit à l’erreur des modalistes et des patripassiens. Ils confondent entre elles les personnes de la Trinité. Ils nient aussi la distinction éternelle qui existe entre le Fils et le Père. Les monophysites et les théopaschites, confondent les deux natures, divine et humaine, du Christ. Ils nient également le fait qu’il était une personne en deux natures.

En effet, la fausse doctrine de William Branham ou de Kenneth Hagin, est en vogue dans certains milieux extrémistes. Elle prend appui sur les thèses modalistes. Le Père, le Fils et l’Esprit ne seraient pas des personnes distinctes au sein de la divinité, mais trois «modes» temporels par lesquels Dieu se serait successivement révélé.

Dieu en Christ

Notre substitut n’est ni le Christ seul, ni Dieu seul, à cause de l’incarnation. C’est Jésus-Christ avec sa double nature humaine et divine. Selon le Nouveau Testament, l’expiation est effectuée à la fois par le Père et le Fils. Dieu a pris l’initiative et a envoyé son Fils pour nous. Il a agi à travers lui et a partagé ses souffrances.
A la croix se manifestent à la fois châtiment et amnistie, justice et miséricorde. Il n’y a donc pas trois acteurs, mais deux. Nous d’un côté, et Dieu-fait-homme-en-Christ de l’autre. La mort de Christ est présentée comme celle du Fils de Dieu.
Les mots «satisfaction» et «substitution» sont donc très utiles pour exposer la doctrine du salut. Dieu en Christ s’est substitué à nous. C’était le seul moyen pour permettre à la fois la satisfaction du saint amour de Dieu et le salut des êtres humains rebelles.

N.B. : les citations littérales ou approximatives de John Stott sont en italique.

C. Streng