Catégorie : Approfondir

Comprendre, vivre et approfondir la foi chrétienne

Dans la détresse, ne crains pas, crois seulement

Ne crains pas, crois seulement :
des circonstances dramatiques 

Résurrection de la fille deJairus – Gustave Doré

« Ne crains point, crois seulement » : Jésus a prononcé ces paroles dans des circonstances dramatiques.

Et, à l’arrière de la scène, dans les coulisses, en filigrane, en parallèle, se joue un autre drame moins visible, un combat intérieur, … se cache un secret difficile, impossible à dévoiler…

Luc, historien et théologien

Luc, l’auteur du 3e Évangile n’a pas  assisté personnellement aux événements racontés dans son évangile.  Mais Luc l’historien  a recueilli les récits des témoins. Luc le théologien les a organisés. Il  a fait vivre ces événements pour montrer que Jésus a bien été choisi par Dieu pour apporter la libération à son peuple.

Pour son  ami Théophile, (son nom signifie « qui aime Dieu »), le premier destinataire de son Evangile,  Luc met en scène acteurs, circonstances et déroulement de ces drames. Cela se passe au chapitre 8 versets 40 à 56. On retrouve le même double récit, à quelques  détails près, dans Matthieu 9 et dans Marc 5.

Luc 8. 40 à 56

À son retour en Galilée, Jésus fut accueilli par la foule, car tous l’attendaient. À ce moment survint un homme appelé Jaïrus. C’était le responsable de la synagogue. Il se jeta aux pieds de Jésus et le supplia de venir chez lui : sa fille unique, âgée d’environ douze ans, était en train de mourir. Jésus partit donc pour se rendre chez lui. Cependant, la foule se pressait autour de lui.

Il y avait là une femme atteinte d’hémorragies depuis douze ans et qui avait dépensé tout son bien chez les médecins, sans que personne ait pu la guérir. Elle s’approcha de Jésus par derrière et toucha la frange de son vêtement. Aussitôt, son hémorragie cessa.

– Qui m’a touché ? demanda Jésus.

Comme tous s’en défendaient, Pierre lui dit :

– Voyons, Maître, la foule t’entoure et te presse de tous côtés !

Mais il répondit :

– Quelqu’un m’a touché ; j’ai senti qu’une force sortait de moi.

En voyant que son geste n’était pas passé inaperçu, la femme s’avança toute tremblante, se jeta aux pieds de Jésus et expliqua devant tout le monde pour quelle raison elle l’avait touché, et comment elle avait été instantanément guérie. Jésus lui dit :

– Ma fille, parce que tu as cru en moi, tu as été guérie, va en paix.

Il parlait encore quand quelqu’un arriva de chez le responsable de la synagogue et lui dit :

– Ta fille vient de mourir, n’importune plus le Maître !

En entendant cela, Jésus dit à Jaïrus :

– Ne crains pas, crois seulement : ta fille guérira.

Une fois arrivé à la maison, il ne permit à personne d’entrer avec lui, sauf à Pierre, Jean et Jacques, ainsi qu’au père et à la mère de l’enfant. Ce n’était partout que pleurs et lamentations. Jésus dit :

– Ne pleurez pas ; elle n’est pas morte, elle est seulement endormie.

Les gens se moquaient de lui, car ils savaient qu’elle était morte. Alors Jésus prit la main de la fillette et dit d’une voix forte :

– Mon enfant, lève-toi !

Elle revint à la vie et se mit aussitôt debout ; alors Jésus ordonna de lui donner à manger. Les parents de la jeune fille étaient stupéfaits. Mais Jésus leur recommanda de ne dire à personne ce qui s’était passé.

 

Ne crains pas : l’audace de celui risque de tout perdre.

Jaïrus, le pharisien, responsable de synagogue

Jaïrus, l’un des responsables de la synagogue de Capernaüm, …un pharisien…

Un statut social élevé, une réputation à préserver, une orientation théologique bien établie mais aussi  un corporatisme à défendre.

Les pharisiens, gardiens de la Loi et des 613 commandements

Les pharisiens se sont établis gardiens de la Loi dans les détails les plus minutieux de sa lettre, selon les critères étroits de l’interprétation talmudique. – les 613 commandements, un commentaire précis, au détail près des 10 commandements et des Lois du Lévitique.

Le juif pieux doit les appliquer mot à mot, geste après geste pour conserver sa pureté rituelle.  Surtout ne pas se souiller en s’approchant de gens impurs ou moins purs que lui. Ces pharisiens sont en majorité opposés à Jésus.

Pour Jésus, c’est l’intention profonde de la Loi, la pureté du cœur, la vie intérieure réelle de la personne qui comptent.

Jaïrus, un pharisien avec tous les honneurs et les avantages de sa position.

A quoi cela sert s’il perd l’essentiel ?

Mais « que sert -il à un homme de gagner tout le monde, s’il perd son âme ? » (Marc 8.36)

On peut transposer : s’il risque de perdre l’essentiel, ce qui a le plus de valeur pour lui.

A quoi sert la meilleure réputation, les plus grands avantages sociaux,  quand une âme, une vie (même mot en grec) une vie qui nous est précieuse, est en jeu.

La vie de sa fille unique

Pour Jaïrus, c’est la vie de sa fille unique de 12 ans : elle est mourante. 12 ans… l’âge où la fillette peut devenir femme, où les parents commencent…à la préparer à son futur mariage. Mais tout semble perdu… A moins que…

Ne crains pas … de faire sauter les barrières …

Jaïrus  prend le  risque : perdre sa réputation auprès de ses collègues responsables de la synagogue… auprès des autres pharisiens.

Malgré la méfiance vis à vis de Jésus

La majorité d’entre eux garde vis à vis de Jésus une distance de sécurité très critique. Il se mêle trop à la foule ignorante, qui ne connaît pas la loi (et se fait traiter de maudits Jn 7.49) et aux gens infréquentables :

…Il fréquente des collecteurs d’impôt comme ce Lévi /Matthieu  (Mt 9.9). Ces collaborateurs de l’occupant romain, …ces pécheurs connus dans la ville, réunis avec Jésus autour de la même table! … Quel affront contre la pureté rituelle, quelle contradiction avec l’orthodoxie religieuse :

 

« Pourquoi votre maître mange -t-il avec les publicains (une autre façon de dire collecteur d’impôt) et les gens de mauvaise vie ?

 

Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades » répond Jésus

Ce sont les malades, pas les bien portants qui ont besoin de médecin

Jaïrus a-t-il entendu ces paroles rapportées dans Matthieu 9.11 et 12 ?

Oui, Jaïrus en a vraiment besoin

En tout cas, il les prend pour lui aussi. Il a besoin d’un médecin. Il se jette aux pieds de Jésus. Il le supplie d’entrer dans sa maison. Sa fille unique de douze ans est en train de mourir. (v. 41 et 42)

A Capernaüm, Jésus vient de guérir par un miracle à distance, par une simple parole, le serviteur d’un officier romain (Luc 7.1-9). C’est de cette sorte de médecin que Jaïrus a précisément besoin.

La femme cachée derrière un arbre

Cachée derrière un arbre, une femme vient de voir Jaïrus se jeter aux pieds de Jésus. La foule s’est écartée pour  laisser passer le responsable de la synagogue, puis s’est refermée…

Cette femme, ses voisins la connaissent… quelques uns de ceux qui suivent le mouvement de la foule…

Les hémorragies épuisantes

La santé : pas brillante du tout : jour après jour les hémorragies l’épuisent.

Les tentatives de guérison : nombreuses, douloureuses, coûteuses, sans résultat.

« Elle a dépensé tout son bien chez les médecins, sans qu’aucun ait pu la guérir » (v. 43).

Aujourd’hui, on donnerait un nom à cette maladie féminine. Sans doute pas un cancer, car qui y résisterait douze ans ?…Troubles hormonaux, kyste, fibrome… On les soigne, on les guérit couramment aujourd’hui. Mais à l’époque…

Moral au plus bas

Le moral : ce n’est pas mieux. Douze ans sans amélioration.

« Au contraire, son état avait empiré » (Marc 5.26)

Pas de vie sociale ou religieuse

La vie sociale et religieuse : quasiment inexistante. D’après Lévitique 15 25-30, cette femme est  impure en permanence. Ses meubles et sa vaisselle aussi. Impossible pour elle de s’asseoir  auprès de quelqu’un, de prendre un repas avec sa famille, avec des amis.

On peut supposer qu’elle n’est pas mariée. Jésus lui dit « ma fille » et non femme comme il le fait habituellement.

 

Elle a besoin d’un médecin, quelqu’un qui la délivre de son impureté. Comme ce païen du pays des Géraséniens, de l’autre côté du lac, ce païen possédé d’une légion de démons que Jésus vient de délivrer  (Lc 8.26)

Ne crains pas …. L’audace de celle qui n’a plus rien à perdre

Comment faire sans provoquer de scandale ?

Cette  femme  voudrait bien, elle aussi, se jeter aux pieds de Jésus. Mais comment faire?

Pas question de  provoquer un scandale en arrivant devant lui, elle, une femme impure. Impossible aussi de crier sa maladie à travers la foule, pour que Jésus la guérisse de loin, par une parole…

Ne crains pas … la nécessité lui  fait trouver  sa solution.

Elle se glisse à travers les gens, par derrière, elle fraie son chemin le plus discrètement possible…
Surtout ne pas se  faire remarquer avant d’avoir atteint son but.

La seule audace à sa portée

Toucher les franges à l’arrière du manteau de Jésus. Toucher les franges, ce rappel visible des commandements de Dieu (Nombres 15.38-40)

Le texte de Luc se borne à constater, sans commentaire.

Comment évaluer son geste ?

Mais nous, comment allons-nous évaluer son geste : chercher une guérison en touchant des franges, un objet…. Superstition, fétichisme ? On a d’autres exemples d’objets dans la Bible : les mouchoirs de Paul et l’ombre de Pierre, qui guérissaient (Act 5.15, 19.12) … Aucun reproche à ce sujet.

Une foi qui prend des risques

Ce qui compte vraiment, c’est la foi qu’elle ose manifester, à tout prix, en prenant des risques.

Guérie … elle le sait, elle le sent. Puis partir discrètement…sans publicité…

Crois : d’une foi empirique à une foi éclairée

« Qui m’a touché »…  « Je sais qu’une force est sortie de moi » La voici découverte !

Jésus ne lui dit pas directement  « ne crains pas ». Mais quelque chose comme :

« Ne crains pas de te montrer à découvert. N’aie pas peur  de parler  devant tout le monde.

Tu as commencé avec l’audace de la foi, continue : dis leur, à tous, ce que j’ai fait pour toi… »

Pourquoi cette demande de Jésus ?

Jésus a été conscient du toucher de la femme. Il  l’a accepté. Il a reconnu, à travers le geste, la foi, simple, pas très éclairée, –certains diraient « la foi du charbonnier ». Il ne lui reproche rien. Il ne méprise pas cette foi un peu « folklorique ». Il part de ce qu’elle sait et il la fait aller plus loin.

Savons-nous, nous aussi,  adapter notre annonce de l’Evangile  au niveau des gens ?

Evitons nous de répondre parfois trop automatiquement à des questions qu’ils ne se posent même pas ? Montrons-nous que nous nous intéressons vraiment  à eux ?…

Essayons-nous d’apprendre à discerner, derrière les habitudes, les barrières de défense sociales et religieuses, les besoins profonds, les véritables enjeux ?…

Pour la femme aussi, pas de foi de deuxième catégorie

Jésus ne veut pas que la femme ait seulement une guérison dérobée à la hâte. Il ne veut pas d’une foi de deuxième catégorie,  qui reste secrète et qui n’engage pas.

Elle a les mêmes droits à la sollicitude du Sauveur que Jaïrus, que les notables de la ville.

Jésus  lui accorde la guérison complète. Celle du corps, bien sûr, mais aussi et surtout le salut de son âme: « ta foi t’a guérie, sauvée ».

Le droit de recevoir l’Evangile sans se cacher

Dans la  société juive du 1e siècle, la femme et l’enfant  n’ont  guère de valeur. Jésus leur montre son intérêt, son amour. Ils ont droit à ses bienfaits, ils ont le droit d’écouter et de recevoir l’Évangile de manière ouverte et pas en se cachant. A la synagogue, les femmes  écoutaient derrière un rideau, le Talmud interdisait de leur donner une instruction religieuse.

Une femme qui a trouvé sa dignité

Alors devant tout le monde, la femme raconte : sa maladie, son impureté, sa démarche pour s’approcher de Jésus, sa guérison instantanée, complète…Elle témoigne…Elle a trouvé sa dignité, son approbation auprès du Seigneur.

Et les timides …

Et nous, les timides, les réservés, les introvertis… nous qui laissons trop souvent les autres exprimer dans leur prière ce que nous n’osons dire nous-mêmes, dépassons-nous parfois notre crainte pour raconter tout haut ce que le Seigneur a fait pour nous … ?

 

Craindre ou croire…croire ou craindre ?

Un équilibre en fâcheuse posture pour Jaïrus.

Jésus est bien en route pour venir guérir sa fille, mais pourquoi cette interruption ? Surtout, pourquoi le Seigneur insiste-t-il tellement pour savoir qui l’a touché ?  « Tout le monde te touche »… Les disciples et Pierre l’ont bien vu. Ca ne sert à rien sauf à perdre du temps… du temps précieux. L’angoisse du père augmente : on va finir par arriver trop tard.

 

Oui, il est trop tard !  L’équilibre se brise.

Un serviteur à travers la foule : « ta fille vient de mourir. N’importune plus le maître. ».

Pour cette sorte de personne, la limite de la puissance de Jésus s’arrête à la vie : «  tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ».  Après, plus la peine d’espérer, ça ne vaut plus la peine. Tout est joué.

Non, ça vaut encore la peine !  Il n’est jamais trop tard pour le Seigneur  !

« Ne crains point, crois seulement et elle sera guérie…sauvée »

Ne crains pas le retard : le Seigneur permettra un miracle encore plus grand, non seulement une guérison mais une résurrection.

Ne crains pas les mauvaises nouvelles. Souviens-toi d’Abraham. Il a cru contre toute évidence que Dieu  pourrait ressusciter son fils après le sacrifice. (Hébreux 11. 17-19)

Ne crains pas l’évidence de la mort

« La jeune fille n’est pas morte, elle dort ». Jésus l’affirme, même si on se moque de lui. Même si les pleureuses sont déjà sur place. C’est la coutume. Même  les familles les plus pauvres ont au moins un joueur de flûte et une pleureuse, une femme payée pour pleurer.

Crois seulement

Elle dort, elle va se réveiller. Jésus a la puissance de la vie.

Il la prend par la main: lève-toi Myriam… C’est l’heure.

… comme sa mère le matin.

Impossible tant qu’elle est morte. …Elle n’est plus morte, … tout simplement.

Elle se lève, elle marche, elle a faim. Une petite mine encore un peu pâlotte, mais de l’appétit…

« Donnez-lui à manger. »… Le retour à la vie normale. Jésus est passé par là.

De la discrétion bien sûr. Elle est guérie, mais personne parmi les moqueurs ne saura exactement comment ça s’est passé.

Bien des années plus tard…

Théophile, ce vieil ami de Luc se souvient…Il est devenu chrétien… puis responsable d’une Église de la région d’Antioche.

Ce récit a répondu à plusieurs questions importantes pour lui :

A qui Jésus réserve-t-il sa sollicitude ?

S’intéresse-t-il aux pauvres seulement…aux marginaux dans la société… à ceux dont la misère, la détresse se voient manifestement ?

Non, Jaïrus, cadre supérieur de la synagogue,  a, lui aussi, reçu toute l’attention du Seigneur !…

Les pharisiens se sont montrés très critiques, très négatifs vis à vis de Jésus. En a-t-il tenu rigueur à Jaïrus ? Non, au contraire… Et pour Nicodème aussi, cet autre pharisien venu le rencontrer discrètement, la nuit… il a tracé le chemin du salut (Jean 3.16)

Jésus ne fait pas d’amalgame, il s’intéresse à chacun, individuellement.

Jésus s’est laissé approcher par une femme impure, il l’a guérie.

Lui, Théophile, un païen, est aussi impur aux yeux du pharisien juif, fier de sa pureté, ce pharisien qui n’entrerait jamais dans sa maison de païen

il offre à tous le royaume de Dieu

Mais ce que Jésus a fait pour cette femme impure, pour les marginaux de son peuple, il l’offre aussi aux étrangers, aux païens… C’est l’offre du Royaume de Dieu jusqu’aux extrémités de la terre…

Sa puissance et son amour se manifestent, dans tous les pays, à tous les niveaux de la société,  pour chaque personne individuellement.

Alors lui, Théophile, homme bien considéré, mais païen, a reçu ses réponses. Il s’est tourné vers le Seigneur, il le sert fidèlement.

 

Ce récit, il va en parler dans sa communauté : il va lui demander de s’engager plus encore…  L’an 70 est passé, avec la destruction du Temple de Jérusalem, l’Église et la synagogue se sont séparées … La foi chrétienne ne peut plus rester privée, secrète, à l’ombre de la communauté juive…

Ne crains pas… la moquerie, le mépris, l’opposition, la persécution…la mort …

Crois seulement… et tu seras sauvé…pour l’éternité…

 

Et aujourd’hui ? Nos raisons de croire l’emportent-elles sur nos raisons de craindre… ?

C. Streng

Paul et la contestation à Corinthe – le voile sur le coeur

La contestation à Corinthe

2 Corinthiens 3.1-18. 

Paul et la contestation

Paul vient de l’apprendre par un courrier express. Des judaïsants, des Juifs devenus chrétiens, qui se disent « serviteurs du Christ » (11.23) sont venus perturber les chrétiens de Corinthe.

« Ce Paul, comment pouvez-vous lui faire confiance : il n’a pas de lettre de recommandation officielle des autorités de Jérusalem.
Comment peut-il se dire envoyé de Dieu : il n’a ni beaucoup de santé, ni beaucoup de succès et ses discours ne sont guère éloquents. Il n’est pas brillant comme notre grand législateur, Moïse : Lui au moins reflétait la gloire de Dieu sur son visage.

Retour à la Loi de Moïse ?

Et vous, Corinthiens, Grecs d’origine païenne. Vous vous êtes tournés vers le Christ, c’est bien mais pas suffisant.. Regardez un peu votre état moral, votre conduite, il y aurait beaucoup à en redire. Vous feriez bien de vous conformer à la Loi donnée par Moïse… »

Quelques chrétiens de Corinthe mettent alors aussi en doute l’autorité de Paul et la validité de son ministère. Le ver est dans le fruit. Comment arrêter les ravages ?

Les arguments de Paul

Regardons comment l’apôtre va répondre point par point à ses adversaires au chapitre 3 de sa 2lettre aux Corinthiens

Commençons-nous de nouveau à nous recommander nous-mêmesou avons-nous besoin, comme certains, de vous présenter des lettres de recommandation ou de vous en demander ?

Notre lettre de recommandation, c’est vous

Canal de Corinthe

 

« Avez-vous vraiment besoin de lettres de recommandation, ne savez-vous pas qui je suis, Avez-vous oublié mon service pour Dieu parmi vous ? »

 

« Notre lettre c’est vous-mêmes, une lettre écrite dans notre coeur, que tout le monde peut connaître et lire »

Ma lettre de recommandation, en fait c’est vous, les chrétiens de Corinthe. Votre nouvelle vie en Christ, voilà une véritable lettre de recommandation.

Votre vie nouvelle, c’est le résultat de mon ministère. C’est une lettre du Christ authentifiée, validée par l’action de l’Esprit sur vos vies. Pas une lettre écrite avec de l’encre sur des tablettes de pierre mais une lettre du Christ écrite sur vos cœurs

Vous êtes une lettre que le Christ a confiée à notre ministère et qu’il nous a fait écrire, non avec de l’encre, mais par l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tablettes de pierre, mais sur des tablettes de chair : sur vos coeurs.

Bien sûr j’ai quelques soucis

Oui, bien sûr, j’ai un problème de santé, une écharde dans la chair (2 Co 12.7) et bien des détresses

Ainsi, nous sommes accablés par toutes sortes de détresses et cependant jamais écrasés. Nous sommes désemparés, mais non désespérés, persécutés, mais non abandonnés, terrassés, mais non pas anéantis (4.8-9)

Ceux qui me critiquent ont du succès, mais n’est ce pas un succès facile ?

En tout cas nous, nous ne sommes pas comme tant d’autres qui accommodent la Parole de Dieu pour en tirer profit (2.17)

Je ne ne suis pas très brillant dans mes discours ?
 Mon objectif, c’est de vous prêcher Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié sans les discours persuasifs de la sagesse… (1 Cor 2.2, 4)

Mon assurance, ma capacité viennent de Dieu

Mon assurance me vient de Dieu, pas du tout de moi. C’est lui qui m’a appelé à être apôtre et c’est lui qui m’a donné les compétences pour mon service. C’était une démonstration d’esprit, de puissance

 Cela ne veut pas dire que nous puissions nous considérer par nous-mêmes à la hauteur d’une telle tâche ; au contraire, notre capacité vient de Dieu. (v. 5)

Et les nôtres ?

Et nos compétences, nos capacités à nous , d’où viennent-elles ? En apparence de notre éducation, de notre personnalité, de notre intelligence ? En fait, tout vient de Dieu, c’est bien lui qui nous les accordées.

La Loi de Moïse : pas un moyen de salut

« Etre chrétien ne suffit pas » vous a-t-on dit. Il faut aussi obéir à la loi de Moïse.

Oui, la loi de Moïse est juste. Mais elle n’est pas un moyen de salut. Personne, pas même ceux qui vous recommandent de la suivre, n’est capable de l’appliquer dans tous ses commandements. Elle a fixé une norme mais sans offrir de moyen pour l’atteindre. Elle révèle le péché. Et les hommes et les femmes pécheurs et faibles sont incapables d’y échapper.

Est-ce donc le bien qui est devenu pour moi la mort ? Jamais de la vie ! C’est le péché qui, pour se manifester comme tel, a produit en moi la mort par le bien, afin que, par le commandement, le péché apparaisse dans toute sa puissance de péché. Romains 7.13

La loi tue mais Dieu fait vivre

Oui, la lettre de la Loi tue, avec ses commandements écrits elle inflige la mort (v.6) L’ancienne alliance, le ministère de Moïse au service de la Loi conduit à la mort ( v.7) et à la  condamnation (v. 9).

Mais ce que la Loi était incapable de faire, parce que l’état de l’homme la rendait impuissante, Dieu l’a fait. Il a condamné le péché dans la nature humaine en envoyant à cause du péché son propre Fils dans une nature semblable à celle de l’homme pécheur Romains 8.3

La nouvelle alliance dans les coeurs

Dieu a fait de Paul le serviteur de la nouvelle alliance conclue par le sang du Christ (Luc 22.20). Cette nouvelle alliance annoncée par Jérémie est inscrite dans les pensées et gravée dans les cœurs.

 Mais voici quelle alliance je vais conclure avec le peuple d’Israël : Après ces jours, déclare l’Éternel, je placerai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes, je la graverai dans leur coeur ; moi, je serai leur Dieu, eux, ils seront mon peuple. Jérémie 31.33

La nouvelle alliance, le ministère au service de l’Esprit permet aux hommes d’être déclarés justes devant Dieu (v. 9). Paul peut annoncer la vie. Et les Corinthiens l’ont reçue.

L’Esprit vivifie, L’Esprit communique la vie (V.6). La nouvelle alliance au service de l’Esprit est gravée sur leurs coeurs

Comment « tuer » avec la lettre ?

– Mettre en avant son système de pensée ou de croyance et en faire la norme de vérité
– Mettre en avant le rituel de son Eglise, y compris la manière de pratiquer le baptême et la cène
– Prêcher son petit credo au lieu ou en plus de l’Evangile.

Les Juifs avaient une théorie à propos du Messie: il devait apparaître sous telle forme, faire tel travail, atteindre tel destin. Il est venu, mais n’était pas conforme à leur théorie. Ils l’ont rejeté et ont été condamnés.

Attention aussi à ne pas employer l’expression à tort et à travers pour accuser. Un vocabulaire théologique précis qui définit bien les choses, la rigueur et la justesse de l’expression, ce n’est pas la lettre qui tue.

Moïse, la gloire de la Loi et la gloire de l’Evangile (v. 7-12)

La loi donnée par Moïse était glorieuse, majestueuse, c’est vrai, mais si glorieuse que les Israélites ne pouvaient le regarder en face. Et cette loi condamne les pécheurs à mort. (v. 7) Elle exige l’obéissance. Seul l’Esprit rend capable d’obéir
Alors le ministère qui conduit les hommes à être déclarés justes devant Dieu est bien plus glorieux que celui qui les condamne (v. 8)

Une gloire passagère, une gloire éternelle

La gloire de la Loi et celle du législateur, Moïse était passagère (v.7, 11), celle de l’Esprit demeure pour toujours (v. 11)

Exode 34: 29-35. décrit la splendeur qui brillait du visage de Moïse quand il revenait de sa rencontre avec Dieu. Ce rayonnement, cependant, s’est évanoui avec le temps et il a disparu à la longue.

Paul affirme que Moïse représente le judaïsme ancien. Sa gloire, était autrefois une réalité dans l’histoire.
L’Ancien Testament était glorieux et sans égal dans les siècles précédant le Christ. Tribus organisées en nation, doctrine du Dieu unique (malgré la tendance à l’idolâtrie païenne) sainteté de la vie humaine, droits des personnes et des biens, obligations de fraternité , devoirs envers la nation, les pauvres et les étrangers, respect du sabbat et de son culte, obéissance à Dieu…

La gloire qui demeure : l’Evangile

Cette gloire temporaire se dégrade maintenant. Son temps est fini. Elle a cédé la place à ce qui demeure, c’est à dire l’Évangile.

 On peut même dire que cette gloire du passé perd tout son éclat quand on la compare à la gloire présente qui lui est bien supérieure. Car si ce qui est passager a été touché par la gloire, combien plus grande sera la gloire de ce qui demeure éternellement (v. 10, 11)

Ce contraste entre l’ancienne et la nouvelle alliance est à l’avantage de la nouvelle alliance. Il remplit Paul d’assurance (v. 12). Dieu l’a appelé à le servir, à faire connaitre la gloire de Dieu au monde. Le ministère de l’Esprit ouvre les coeurs à Dieu, le ministère de la justice déclare justes les pécheurs, le service pour Dieu demeure pour toujours. Son ministère est beaucoup plus glorieux que celui de Moïse.

Le voile sur le coeur

Moïse et son voile v. 13-16

Moïse reflétait la gloire de Dieu. Oui mais les Juifs ne le supportaient pas. Alors il mettait un voile sur son visage. Paul l’explique aux versets 13 et l’adapte à la situation de son temps au verset 14

Nous ne faisons pas comme Moïse qui « couvrait son visage d’un voile » pour empêcher les Israélites de voir la réalité vers laquelle tendait ce qui était passager. Mais leur esprit est devenu incapable de comprendre : aujourd’hui encore, lorsqu’ils lisent l’Ancien Testament, ce même voile demeure ; il ne leur est pas ôté, car c’est dans l’union avec le Christ qu’il est levé.

Les interprétations possibles ne s’excluent pas l’une l’autre.

1.Un éclat qui s’affaiblit

En présence de Dieu, le visage de Moïse était rayonnant. Mais cet éclat allait en s’affaiblissant . Il ne voulait pas que les Israélites le voient s’effacer. Alors il se voilait le visage.

Pourquoi ? pour éviter que le peuple ne soit déçu. Il savait que les Israélites étaient facilement découragés. Plusieurs fois, il ont voulu retourner à l’esclavage en Egypte.

Il serait facile de les critiquer. Mais nous pouvons essayer de les comprendre. Nous n’aimons pas changer nos habitudes même si certaines sont à la limite du supportable. Beaucoup veulent continuer dans les traditions religieuses dans lesquelles ils ont été élevés. Ils sont parfois tellement engagés dans leur passé, qu’ils sont insensibles à la vérité de l’Evangile, à toute nouveauté, même vraie, même profitable.

2. Une religion temporaire 

La lumière qui s’effaçait sur le visage de Moïse indiquait que la religion de la Loi était temporaire. Mais les Israélites au jour de Moïse et au temps de Paul (jusqu’à ce jour v. 15) persistaient à le regarder comme si elle était l’incarnation définitive du salut de Dieu. Ainsi, la lumière qui diminue sur le visage de Moïse contraste avec la gloire sans fin de Dieu qui rayonne du visage de Jésus-Christ (4.6).

3. Un acte de grâce et de jugement

Un acte de grâce et de miséricorde divine, mais aussi de jugement contre un peuple rebelle.
Moïse se voilait pour éviter au peuple d’Israël d’être frappé à mort par la gloire divine qui rayonnait de son visage. Leur idolâtrie avec le veau d’or, les murmures, les révoltes, leur endurcissement dans le péché les aurait détruits s’ils avait continué à regarder le visage de Moïse dans son éclat

 Pour moi, je n’irai pas au milieu de vous, car vous êtes un peuple rebelle et je pourrais être amené à vous exterminer pendant le voyage. Exode 33.3

Le voile porté par Moïse exprime le jugement de Dieu. La gloire reflétée de Dieu doit être voilée pour ne pas les détruire à cause de leur péché. Il exprime aussi la miséricorde de Dieu. La gloire de Dieu peut être présente au milieu du peuple par l’intermédiaire de Moïse.

Le voile, obstacle, endurcissement

Au temps de Paul, le voile représente aussi la difficulté de comprendre, l’endurcissement spirituel. Il empêche ceux qui étudient la Loi d’en comprendre la portée profonde, de saisir que la vraie gloire de Dieu est en Christ.
A la première prédication de Paul à la synagogue de Corinthe, les Juifs locaux l’ont contredit, injurié et jeté dehors..(Actes 18: 5-11)`

Le voile enlevé

Alors, le seul moyen d’enlever le voile qui obscurcit , c’est la Parole, la Parole écrite, prêchée de l’Evangile mais aussi et surtout la Parole vivante, le Christ. Enlever le voile, c’est se tourner vers le Christ , se convertir et continuer …

Rejeter le Christ, le seul qui puisse ôter le voile, c’est s’obstiner dans l’endurcissement. Seuls ceux dont le cœur est transformé par l’Esprit accepteront d’être rachetés par le Christ. Accueillir le Seigneur pour faire disparaître le voile et passer de l’ancienne alliance à la nouvelle.

«Le voile … n’est enlevé que par le Christ» (v. 14c), c’est pourquoi cette nouvelle alliance est scellée en Christ. Paul insiste : Israël doit se tourner vers le Christ et le reconnaître comme Seigneur.

Moïse se dévoilait en présence de la gloire du Seigneur. Pour Paul, c’est l’expérience du chrétien qui se convertit, qui se tourne vers le Christ.

Paul le souhaite et l’espère pour les Juifs de son temps.
S’ils se tournent vers le Seigneur, s’ils se convertissent, le voile qui enveloppe leurs cœurs et leurs esprits sera enlevé. Israël doit lui-même agir pour enlever le voile.
Il en est de même pour les non juifs. Dans la nouvelle alliance, toute personne peut entrer en présence du Seigneur par l’Esprit qui enlève le cœur de pierre et écrit la loi de Dieu sur les cœurs.́

A propos de voile, une illustration

Après une opération de la cataracte, on a un voile blanc devant l’oeil, d’abord opaque puis de plus en plus transparent. Le chirurgien recommande de  beaucoup boire pour enlever le sang resté dans l’œil.

Boire beaucoup pour laver, purifier…
Ajouter de plus en plus de Parole de Dieu à la Parole éclaire cette Parole. Elle enlève les obstacles qui empêchent de la comprendre et de la mettre en pratique.
Ainsi, la parole inspirée des Evangiles et des lettres du Nouveau Testament éclaire la Parole de l’Ancienne Alliance
Mais une parole simplement humaine, légalisme, traditions d’Eglise… ajoute encore du trouble. Attention à notre nourriture spirituelle.

Là où est l’Esprit du Seigneur, là règne la liberté.

On peut comprendre le lien entre la liberté de parole et le voile enlevé par l’Esprit du Seigneur.
Il faut rapprocher « la hardiesse, l’audace de la parole », résultant de la confiance et de la liberté et les expressions araméennes traduites par « découvrir la tête » – comme signe de liberté ou « découvrir le visage », qui signifie « avoir la liberté de parler ». L’expression était bien connue des rabbins, anciens collègues de Paul.

C’est la réponse de Paul à ceux qui lui reprochent de manquer d’éclat, de présence. Il a la hardiesse, la liberté de la parole. Il a le le droit d’avoir accès à Dieu, avec une bonne conscience, liée à la liberté et à l’autorité.

Cette hardiesse est le remède à la crainte, au découragement

On peut rapprocher « puisque nous avons vraiment un tel espoir, nous parlons avec une grande liberté » (3.12) de « puisque nous avons ce ministère … nous ne sommes pas découragés » (4.1)
Sa «hardiesse» , sa liberté de parole lui vient de sa «sincérité» (2.17). Elle s’oppose à toute «tromperie»

Nous rejetons les intrigues et les procédés indignes. Nous ne recourons pas à la ruse et nous ne falsifions pas la Parole de Dieu (4.2).

Son assurance repose sur l’espoir, sur ce qui est permanent, pas transitoire (3.11). Car si ce qui est passager a été touché par la gloire, combien plus grande sera la gloire de ce qui demeure éternellement.
Il est appelé à être « serviteur » d’une nouvelle alliance et il posséde donc une autorité valable

 «Nous parlons avec une grande assurance ou liberté » correspond à «Je n’ai pas honte ou je suis fier de l’Evangile» (Romains 1:16).

Transformation progressive à l’image de la gloire du Seigneur

 Et nous tous qui, le visage découvert, contemplons, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en son image dans une gloire dont l’éclat ne cesse de grandir. C’est là l’oeuvre du Seigneur, c’est-à-dire de l’Esprit. (v. 18)

Le Christ a enlevé le voile une fois pour toutes. C’est pourquoi il est possible à la fois et en même temps de contempler et de refléter le Christ.

Comme Moïse, le chrétien reflète la gloire du Seigneur dans la mesure où il le contemple. La contemplation du Christ transforme le chrétien, et alors il devient le reflet de l’image contemplée. Nous devons contempler le Christ pour refléter son image.

Le Christ, reflet de l’image de Dieu vue dans un miroir.

Et celui qui contemple le Christ reflète aussi l’image de Dieu. Ainsi, les croyants sont peu à peu transformés dans l’image divine, c’est à dire le Christ.

Comme l’indique le verbe principal du verset « transformés » (en grec, métamorphoser), c’est une transformation intérieure qui se manifeste de façon « visible ». Ainsi le visage de Moïse rendait visible la gloire de Dieu.
L’image divine du Christ, image de Dieu est rendue «visible» dans le mode de vie du chrétien.

La gloire du Seigneur qui se reflète dans la vie du croyant augmente progressivement. La transformation n’est pas instantanée, mais progressive. En participant à la gloire du Christ, le chrétien se transforme en cette même gloire jusqu’à la glorification finale.

Transformation de gloire en gloire par l’intermédiaire du Seigneur qui est l’Esprit.

Dans la nouvelle alliance inaugurée par la résurrection de Jésus-Christ et l’envoi de l’Esprit, Jésus-Christ est proclamé Seigneur de l’univers, accessible au chrétien par l’Esprit.

Paul ne veut pas dire que le Christ et l’Esprit sont une seule personne.
Il s’agit d’une identité de fonction entre le Christ et l’Esprit.
«Les croyants sont transformés de gloire en gloire (comme quand on est transformé) par le Seigneur, qui travaille par l’Esprit »
C’est Jésus Christ qui a donné son Esprit à l’Eglise, et par son Esprit il est présent dans son Eglise. Le ministère du Christ dans l’Eglise s’accomplit par l’Esprit. La relation que le chrétien peut avoir avec le Seigneur ressuscité passe par l’intermédiaire de l’Esprit.

Un cantique dit : « tel que je suis, je viens à toi ». Mais aucun chrétien ne devrait rester tel qu’il est. Et surtout pas mettre d’obstacle au changement spirituel que Dieu veut faire en lui. Certains ne ressentent pas la nécessité d’un tel changement intérieur du moment qu’ils pensent avoir la bonne étiquette, la bonne Eglise, la bonne confession de foi.

Le désir de Dieu, c’est que chaque chrétien devienne comme le Christ. Qu’il parvienne à la maturité, « à l’état d’adulte, à un stade où se manifeste toute la plénitude qui nous vient du Christ. » (Ephésiens 4.13) avec une transformation quotidienne de son caractère en celui de son Seigneur.

Pour cela, il faut laisser le Saint-Esprit faire son travail en l’invitant dans toutes les chambres, tous les domaines de notre vie. Alors il nous révélera nos zones d’ombre, nos faiblesses, nos péchés.

Et si on les reconnaît devant les autres, au lieu de les cacher, et si on laisse l’Esprit de Dieu nous transformer, ce sera un témoignage.

Le chrétien ne joue pas au « parfait ». Mais il laisse les autres voir comment le Seigneur transforme peu à peu sa vie. C’est être « des lumières dans le monde », « un parfum du Christ », « une lettre lue par tous les hommes ».

C. Streng

Remplis du Saint Esprit à la Pentecôte

Attendre le Saint Esprit à Jérusalem 

Le jour où le Seigneur est retourné auprès de son Père, il a demandé aux disciples de rester à Jérusalem et d’y attendre de recevoir le Saint-Esprit, d’être remplis du Saint-Esprit qui les équiperait pour leur service de témoins du Royaume des cieux. C’est ce qu’ils font, sans doute dans la maison où ils avaient déjà fêté la Pâque avec Jésus : Actes 1.14.

D’un commun accord ils se retrouvaient souvent pour prier avec quelques femmes, dont Marie, la mère de Jésus, et avec les frères de Jésus. Peut-être ce jour-là sont réunis les 120 dont il est parfois question
Mais ils ne savent pas de date et dix jours vont se passer ainsi, dans l’attente.

Actes 2.1-13

Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu. 2 Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. 3 Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s’en posa sur chacun d’eux. 4 Ils furent tous remplis d’Esprit saint et se mirent à parler en d’autres langues, selon ce que l’Esprit leur donnait d’énoncer. 

5 Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem. 6 Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. 7 Etonnés, stupéfaits, ils disaient : Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? 8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? 9 Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont, d’Asie, 10 de Phrygie, de Pamphylie, d’Egypte, de Libye cyrénaïque, citoyens romains, 11 Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans notre langue les oeuvres grandioses de Dieu ! 12 Tous étaient stupéfaits et perplexes ; ils se disaient les uns aux autres : Qu’est-ce que cela veut dire ? 13 Mais d’autres se moquaient en disant : Ils sont pleins de vin doux !

LES ÉVÈNEMENTS

La Pentecôte est l’une des trois fêtes majeures annuelles qui rassemblent des Juifs venus de tous les horizons de l’époque. Elle se situe à la fin de la moisson de l’orge. Mais ce qu’on sait moins, c’est que, selon la tradition juive, c’est aussi cinquante jours après la Pâque que Moïse a reçu la Loi au Sinaï.
Un jour Moïse avait émis un souhait remarquable à une occasion qui ressemble curieusement à la scène de jalousie des disciples de Jean envers Jésus : lire Nombres 11.26-29. Dieu accueille ce souhait et en fait une annonce prophétique : Joël 3.1-5. Dans son exposé magistral (17-21) Pierre va reprendre cette prophétie pour expliquer à la foule immense des Juifs réunis pour la fête qu’aujourd’hui ils sont en train d’assister à sa réalisation.

Remarquons tout de suite que ce qui se passe là n’est pas simplement un événement subjectif, difficile à identifier et à expliquer. Les choses sont évidentes pour toute une énorme foule. Dieu est à l’œuvre et il se passe des choses que la foule entend et des choses qu’elle voit.

Un mugissement de tempête vient du ciel, de Dieu, il remplit le local et retentit bien au-delà. Des sortes de langues de feu se posent sur la tête de chacun d’eux, c’est-à-dire sur les apôtres, sur les non apôtres et sur les femmes (Joël mentionnait les filles et les servantes).
Plus impressionnant encore est ce qui arrive alors : Voilà des Galiléens, réputés pour leur ignorance et même pour leur manière bizarre de prononcer leur araméen maternel, qui se mettent à parler dans toutes les langues du monde connu alors. Pas un bredouillis ou la répétition continue des deux mêmes syllabes sans signification, mais ils célèbrent les hauts faits, les choses merveilleuses que Dieu a accomplies (11).


la foule près du mur des Lamentations

Ils ont dû sortir entre-temps et ainsi toute la foule les entend, stupéfaite de pouvoir les comprendre dans les langues maternelles respectives. Il ne s’agit pas d’une prédication posée et ordonnée, mais aussi nombreux qu’ils sont, chacun des croyants est saisi par le Saint-Esprit. Oubliant tout le reste, ils adorent et louent bien fort, ils célèbrent de manière bien intelligible la majesté, la sainteté, l’amour et la grâce de Dieu manifestés dans ce qu’ils ont vécu avec lui. Chacun à sa façon, à son niveau, est témoin du Dieu vivant qui fait grâce à ses créatures.
Alors, forcément, les gens s’interrogent :

QU’EST-CE QUE CELA PEUT BIEN VOULOIR DIRE ? (v. 12)

Quelques observations et remarques

A. L’inversion de Babel

À un niveau élémentaire on dit parfois que la Pentecôte c’est l’inversion de l’événement de Babel (Genèse 11.1-9). Toute l’humanité avait alors une langue, donc une culture unique. Les humains ne voulaient pas se disséminer sur toute la terre, comme Dieu l’avait demandé et ils ont décidé de tous se regrouper plutôt en une ville avec une tour énorme. Ils voulaient se faire un nom par leur masse et ce bâtiment. Exemple typique d’unité fabriquée artificiellement et contre la volonté de Dieu.
Dieu les disperse quand même en leur enlevant la possibilité de communiquer entre eux, de se comprendre. La sanction, c’est la dispersion, la désunion, l’impossibilité de comprendre les autres.

À Jérusalem la foule est presque uniquement constituée de Juifs. En plus de la langue de leur pays d’adoption, ils savent sans doute l’araméen pour pouvoir communiquer en Judée. L’intervention de Dieu ne consiste pas à créer une nouvelle langue commune à tous, qui ferait le lien dans cette énorme diversité. Non, la diversité des langues maternelles demeure et ne fait pas obstacle. Ce jour-là Dieu leur donne, lui, un lien intérieur à vocation éternelle : la présence et l’action de son Esprit saint.

B. Un témoignage à l’impact puissant

Si désordonné que soit le témoignage des 120 rendu à la gloire de Dieu, il a un impact puissant auprès de leurs auditeurs. En effet son contenu de ce jour-là sera toujours un peu le même : parler des œuvres majestueuses de Dieu. C’est ainsi que ce jour-là naît l’Église et que commence aussitôt le travail de la mission mondiale. Pour cela Dieu n’a pas aboli la diversité des langues, mais il a pris soin que chacun puisse entendre et comprendre le message dans sa propre langue maternelle.

Le miracle de la compréhension

Beaucoup pensent que le grand miracle de ce jour-là, c’est le parler en langues. La stupéfaction des gens au v. 11 suggère une autre perspective : le miracle de la compréhension du message, malgré les différences de langues. Le parler en langues (qui n’est d’ailleurs pas le même que celui de 1 Co 12 et 14) est un moyen magnifique. Mais le but, le résultat, bien plus important encore, c’est le miracle de la compréhension. Les gens ont tous entendu et compris le même message fondamental : les grandes œuvres de Dieu rendues accessibles et offertes à quiconque vient avec un cœur sincère et ouvert. Il ne suffit pas de parler la langue d’un étranger, il faut encore l’action décisive du St-Esprit pour atteindre son cœur et l’illuminer de la vérité divine. Sans ce miracle, celui des langues resterait stérile.

C. Impressionnés par le miracle ou transformés par le message ?

J’ose cette affirmation aussi parce qu’aux v. 11-12 rien n’est encore gagné. Là, comme après la prédication de Pierre, les gens posent une question importante. Or si au v. 12 les gens sont profondément impressionnés, il est vrai aussi qu’ils ne sont encore pas du tout profondément transformés comme ils le seront au v. 37.

Les gens honnêtes, ceux qui veulent comprendre, ont besoin d’écouter attentivement Pierre apporter l’explication de l’événement sur fond biblique. Les gens superficiels (13), eux, vont passer outre en se contentant d’une explication d’une évidente absurdité. Quand on ne veut pas comprendre, une pirouette suffit pour se débarrasser du problème.

Les premiers vont bénéficier de l’action du Saint-Esprit, du miracle de la compréhension, les autres non, parce qu’ils ne veulent pas de l’action souveraine de Dieu sur leur vie. C’est donc bien le miracle de la compréhension qui est le grand événement décisif de la Pentecôte

Après la prédication de Pierre, conduite par le Saint-Esprit, 3000 personnes s’ajoutent au petit noyau dès ce premier jour de travail missionnaire. Ce qui a changé leur cœur, ce n’est pas le parler en langues des disciples, mais bien la parole prophétique de Pierre. C’est dans cette proclamation que l’effusion du Saint-Esprit atteint son plein effet. Voilà aussi la raison pour laquelle Paul souligne la primauté de la parole prophétique sur le parler en langues.

D. La Pentecôte, un événement unique

Cela appelle encore une autre remarque, peut-être inattendue. À Noël il s’est passé un événement absolument unique, jamais répété, tout comme à Vendredi saint et à Pâques. ! D’accord !

Le Saint-Esprit est là. Alors pourquoi lui demander de venir ?

Mais alors comment certains demandent-ils à Dieu une nouvelle Pentecôte, une nouvelle effusion du St-Esprit sur eux-mêmes ou sur leur communauté ? N’ont-ils donc jamais lu Jean 14.15-20 ? …afin qu’il demeure éternellement avec vous…

Cela entraîne des conséquences : je ne peux pas chanter un cantique qui demande au St-Esprit de venir sur moi ou sur l’Église. Qu’est-ce qu’un chrétien ou une Église dont le Saint-Esprit est absent ? Seule une personne sur le point de se convertir peut chanter de telles paroles.

Surtout, ne l’attristons pas ! 

Ce dont j’ai vraiment besoin, en revanche, c’est que le Saint-Esprit ne soit pas attristé par moi, ni confiné dans quelques domaines limités de ma vie. Il faut que je lui (re)donne toute la place et les pleins pouvoirs sur ma vie pour qu’il l’utilise selon la volonté de Dieu.

Il reste toujours fidèle 

Chacun passe à un moment ou un autre par ce que nous éprouvons comme un désert spirituel. Mais cela ne signifie pas que le Saint-Esprit nous a quittés. Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables (Romains 11.29). C’est plutôt qu’il veut nous apprendre quelque chose dans les circonstances de ce moment-là ou que nous avons été infidèles sur un point donné. Or là encore si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même (2 Timothée 2.13). Même dans ce désert réjouissons-nous donc plutôt des deux promesses si réconfortantes et continuons ou corrigeons notre route avec lui !

Un nouveau peuple de Dieu 

Au Sinaï Dieu s’était constitué un peuple mis à part pour lui parmi les nations. À la Pentecôte il exauce majestueusement le vœu de Moïse : que Dieu accorde son Esprit à tous les membres de son peuple pour en faire des prophètes.
En se servant de quelques Galiléens méprisés, Dieu fait entendre ses merveilles aux représentants de toutes les langues de la terre. Et ceux qui désirent une relation personnelle avec lui, y sont introduits ce jour-là par le Saint-Esprit. Celui-ci leur ouvre la compréhension de ses actes magnifiques et de leur relation avec sa Parole. Il crée ainsi un nouveau peuple de Dieu à l’échelle du monde, un peuple uni par sa présence éternelle parmi ses membres. C’est la nation sainte, la communauté de rois-prêtres, la race élue que Dieu avait annoncée dès le 2e livre de l’Ancien Testament (Exode 19.5-6.

J.-J. Streng