Catégorie : Approfondir

Comprendre, vivre et approfondir la foi chrétienne

Paul et la contestation à Corinthe – le voile sur le coeur

La contestation à Corinthe

2 Corinthiens 3.1-18. 

Paul et la contestation

Paul vient de l’apprendre par un courrier express. Des judaïsants, des Juifs devenus chrétiens, qui se disent « serviteurs du Christ » (11.23) sont venus perturber les chrétiens de Corinthe.

« Ce Paul, comment pouvez-vous lui faire confiance : il n’a pas de lettre de recommandation officielle des autorités de Jérusalem.
Comment peut-il se dire envoyé de Dieu : il n’a ni beaucoup de santé, ni beaucoup de succès et ses discours ne sont guère éloquents. Il n’est pas brillant comme notre grand législateur, Moïse : Lui au moins reflétait la gloire de Dieu sur son visage.

Retour à la Loi de Moïse ?

Et vous, Corinthiens, Grecs d’origine païenne. Vous vous êtes tournés vers le Christ, c’est bien mais pas suffisant.. Regardez un peu votre état moral, votre conduite, il y aurait beaucoup à en redire. Vous feriez bien de vous conformer à la Loi donnée par Moïse… »

Quelques chrétiens de Corinthe mettent alors aussi en doute l’autorité de Paul et la validité de son ministère. Le ver est dans le fruit. Comment arrêter les ravages ?

Les arguments de Paul

Regardons comment l’apôtre va répondre point par point à ses adversaires au chapitre 3 de sa 2lettre aux Corinthiens

Commençons-nous de nouveau à nous recommander nous-mêmesou avons-nous besoin, comme certains, de vous présenter des lettres de recommandation ou de vous en demander ?

Notre lettre de recommandation, c’est vous

Canal de Corinthe

 

« Avez-vous vraiment besoin de lettres de recommandation, ne savez-vous pas qui je suis, Avez-vous oublié mon service pour Dieu parmi vous ? »

 

« Notre lettre c’est vous-mêmes, une lettre écrite dans notre coeur, que tout le monde peut connaître et lire »

Ma lettre de recommandation, en fait c’est vous, les chrétiens de Corinthe. Votre nouvelle vie en Christ, voilà une véritable lettre de recommandation.

Votre vie nouvelle, c’est le résultat de mon ministère. C’est une lettre du Christ authentifiée, validée par l’action de l’Esprit sur vos vies. Pas une lettre écrite avec de l’encre sur des tablettes de pierre mais une lettre du Christ écrite sur vos cœurs

Vous êtes une lettre que le Christ a confiée à notre ministère et qu’il nous a fait écrire, non avec de l’encre, mais par l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tablettes de pierre, mais sur des tablettes de chair : sur vos coeurs.

Bien sûr j’ai quelques soucis

Oui, bien sûr, j’ai un problème de santé, une écharde dans la chair (2 Co 12.7) et bien des détresses

Ainsi, nous sommes accablés par toutes sortes de détresses et cependant jamais écrasés. Nous sommes désemparés, mais non désespérés, persécutés, mais non abandonnés, terrassés, mais non pas anéantis (4.8-9)

Ceux qui me critiquent ont du succès, mais n’est ce pas un succès facile ?

En tout cas nous, nous ne sommes pas comme tant d’autres qui accommodent la Parole de Dieu pour en tirer profit (2.17)

Je ne ne suis pas très brillant dans mes discours ?
 Mon objectif, c’est de vous prêcher Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié sans les discours persuasifs de la sagesse… (1 Cor 2.2, 4)

Mon assurance, ma capacité viennent de Dieu

Mon assurance me vient de Dieu, pas du tout de moi. C’est lui qui m’a appelé à être apôtre et c’est lui qui m’a donné les compétences pour mon service. C’était une démonstration d’esprit, de puissance

 Cela ne veut pas dire que nous puissions nous considérer par nous-mêmes à la hauteur d’une telle tâche ; au contraire, notre capacité vient de Dieu. (v. 5)

Et les nôtres ?

Et nos compétences, nos capacités à nous , d’où viennent-elles ? En apparence de notre éducation, de notre personnalité, de notre intelligence ? En fait, tout vient de Dieu, c’est bien lui qui nous les accordées.

La Loi de Moïse : pas un moyen de salut

« Etre chrétien ne suffit pas » vous a-t-on dit. Il faut aussi obéir à la loi de Moïse.

Oui, la loi de Moïse est juste. Mais elle n’est pas un moyen de salut. Personne, pas même ceux qui vous recommandent de la suivre, n’est capable de l’appliquer dans tous ses commandements. Elle a fixé une norme mais sans offrir de moyen pour l’atteindre. Elle révèle le péché. Et les hommes et les femmes pécheurs et faibles sont incapables d’y échapper.

Est-ce donc le bien qui est devenu pour moi la mort ? Jamais de la vie ! C’est le péché qui, pour se manifester comme tel, a produit en moi la mort par le bien, afin que, par le commandement, le péché apparaisse dans toute sa puissance de péché. Romains 7.13

La loi tue mais Dieu fait vivre

Oui, la lettre de la Loi tue, avec ses commandements écrits elle inflige la mort (v.6) L’ancienne alliance, le ministère de Moïse au service de la Loi conduit à la mort ( v.7) et à la  condamnation (v. 9).

Mais ce que la Loi était incapable de faire, parce que l’état de l’homme la rendait impuissante, Dieu l’a fait. Il a condamné le péché dans la nature humaine en envoyant à cause du péché son propre Fils dans une nature semblable à celle de l’homme pécheur Romains 8.3

La nouvelle alliance dans les coeurs

Dieu a fait de Paul le serviteur de la nouvelle alliance conclue par le sang du Christ (Luc 22.20). Cette nouvelle alliance annoncée par Jérémie est inscrite dans les pensées et gravée dans les cœurs.

 Mais voici quelle alliance je vais conclure avec le peuple d’Israël : Après ces jours, déclare l’Éternel, je placerai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes, je la graverai dans leur coeur ; moi, je serai leur Dieu, eux, ils seront mon peuple. Jérémie 31.33

La nouvelle alliance, le ministère au service de l’Esprit permet aux hommes d’être déclarés justes devant Dieu (v. 9). Paul peut annoncer la vie. Et les Corinthiens l’ont reçue.

L’Esprit vivifie, L’Esprit communique la vie (V.6). La nouvelle alliance au service de l’Esprit est gravée sur leurs coeurs

Comment « tuer » avec la lettre ?

– Mettre en avant son système de pensée ou de croyance et en faire la norme de vérité
– Mettre en avant le rituel de son Eglise, y compris la manière de pratiquer le baptême et la cène
– Prêcher son petit credo au lieu ou en plus de l’Evangile.

Les Juifs avaient une théorie à propos du Messie: il devait apparaître sous telle forme, faire tel travail, atteindre tel destin. Il est venu, mais n’était pas conforme à leur théorie. Ils l’ont rejeté et ont été condamnés.

Attention aussi à ne pas employer l’expression à tort et à travers pour accuser. Un vocabulaire théologique précis qui définit bien les choses, la rigueur et la justesse de l’expression, ce n’est pas la lettre qui tue.

Moïse, la gloire de la Loi et la gloire de l’Evangile (v. 7-12)

La loi donnée par Moïse était glorieuse, majestueuse, c’est vrai, mais si glorieuse que les Israélites ne pouvaient le regarder en face. Et cette loi condamne les pécheurs à mort. (v. 7) Elle exige l’obéissance. Seul l’Esprit rend capable d’obéir
Alors le ministère qui conduit les hommes à être déclarés justes devant Dieu est bien plus glorieux que celui qui les condamne (v. 8)

Une gloire passagère, une gloire éternelle

La gloire de la Loi et celle du législateur, Moïse était passagère (v.7, 11), celle de l’Esprit demeure pour toujours (v. 11)

Exode 34: 29-35. décrit la splendeur qui brillait du visage de Moïse quand il revenait de sa rencontre avec Dieu. Ce rayonnement, cependant, s’est évanoui avec le temps et il a disparu à la longue.

Paul affirme que Moïse représente le judaïsme ancien. Sa gloire, était autrefois une réalité dans l’histoire.
L’Ancien Testament était glorieux et sans égal dans les siècles précédant le Christ. Tribus organisées en nation, doctrine du Dieu unique (malgré la tendance à l’idolâtrie païenne) sainteté de la vie humaine, droits des personnes et des biens, obligations de fraternité , devoirs envers la nation, les pauvres et les étrangers, respect du sabbat et de son culte, obéissance à Dieu…

La gloire qui demeure : l’Evangile

Cette gloire temporaire se dégrade maintenant. Son temps est fini. Elle a cédé la place à ce qui demeure, c’est à dire l’Évangile.

 On peut même dire que cette gloire du passé perd tout son éclat quand on la compare à la gloire présente qui lui est bien supérieure. Car si ce qui est passager a été touché par la gloire, combien plus grande sera la gloire de ce qui demeure éternellement (v. 10, 11)

Ce contraste entre l’ancienne et la nouvelle alliance est à l’avantage de la nouvelle alliance. Il remplit Paul d’assurance (v. 12). Dieu l’a appelé à le servir, à faire connaitre la gloire de Dieu au monde. Le ministère de l’Esprit ouvre les coeurs à Dieu, le ministère de la justice déclare justes les pécheurs, le service pour Dieu demeure pour toujours. Son ministère est beaucoup plus glorieux que celui de Moïse.

Le voile sur le coeur

Moïse et son voile v. 13-16

Moïse reflétait la gloire de Dieu. Oui mais les Juifs ne le supportaient pas. Alors il mettait un voile sur son visage. Paul l’explique aux versets 13 et l’adapte à la situation de son temps au verset 14

Nous ne faisons pas comme Moïse qui « couvrait son visage d’un voile » pour empêcher les Israélites de voir la réalité vers laquelle tendait ce qui était passager. Mais leur esprit est devenu incapable de comprendre : aujourd’hui encore, lorsqu’ils lisent l’Ancien Testament, ce même voile demeure ; il ne leur est pas ôté, car c’est dans l’union avec le Christ qu’il est levé.

Les interprétations possibles ne s’excluent pas l’une l’autre.

1.Un éclat qui s’affaiblit

En présence de Dieu, le visage de Moïse était rayonnant. Mais cet éclat allait en s’affaiblissant . Il ne voulait pas que les Israélites le voient s’effacer. Alors il se voilait le visage.

Pourquoi ? pour éviter que le peuple ne soit déçu. Il savait que les Israélites étaient facilement découragés. Plusieurs fois, il ont voulu retourner à l’esclavage en Egypte.

Il serait facile de les critiquer. Mais nous pouvons essayer de les comprendre. Nous n’aimons pas changer nos habitudes même si certaines sont à la limite du supportable. Beaucoup veulent continuer dans les traditions religieuses dans lesquelles ils ont été élevés. Ils sont parfois tellement engagés dans leur passé, qu’ils sont insensibles à la vérité de l’Evangile, à toute nouveauté, même vraie, même profitable.

2. Une religion temporaire 

La lumière qui s’effaçait sur le visage de Moïse indiquait que la religion de la Loi était temporaire. Mais les Israélites au jour de Moïse et au temps de Paul (jusqu’à ce jour v. 15) persistaient à le regarder comme si elle était l’incarnation définitive du salut de Dieu. Ainsi, la lumière qui diminue sur le visage de Moïse contraste avec la gloire sans fin de Dieu qui rayonne du visage de Jésus-Christ (4.6).

3. Un acte de grâce et de jugement

Un acte de grâce et de miséricorde divine, mais aussi de jugement contre un peuple rebelle.
Moïse se voilait pour éviter au peuple d’Israël d’être frappé à mort par la gloire divine qui rayonnait de son visage. Leur idolâtrie avec le veau d’or, les murmures, les révoltes, leur endurcissement dans le péché les aurait détruits s’ils avait continué à regarder le visage de Moïse dans son éclat

 Pour moi, je n’irai pas au milieu de vous, car vous êtes un peuple rebelle et je pourrais être amené à vous exterminer pendant le voyage. Exode 33.3

Le voile porté par Moïse exprime le jugement de Dieu. La gloire reflétée de Dieu doit être voilée pour ne pas les détruire à cause de leur péché. Il exprime aussi la miséricorde de Dieu. La gloire de Dieu peut être présente au milieu du peuple par l’intermédiaire de Moïse.

Le voile, obstacle, endurcissement

Au temps de Paul, le voile représente aussi la difficulté de comprendre, l’endurcissement spirituel. Il empêche ceux qui étudient la Loi d’en comprendre la portée profonde, de saisir que la vraie gloire de Dieu est en Christ.
A la première prédication de Paul à la synagogue de Corinthe, les Juifs locaux l’ont contredit, injurié et jeté dehors..(Actes 18: 5-11)`

Le voile enlevé

Alors, le seul moyen d’enlever le voile qui obscurcit , c’est la Parole, la Parole écrite, prêchée de l’Evangile mais aussi et surtout la Parole vivante, le Christ. Enlever le voile, c’est se tourner vers le Christ , se convertir et continuer …

Rejeter le Christ, le seul qui puisse ôter le voile, c’est s’obstiner dans l’endurcissement. Seuls ceux dont le cœur est transformé par l’Esprit accepteront d’être rachetés par le Christ. Accueillir le Seigneur pour faire disparaître le voile et passer de l’ancienne alliance à la nouvelle.

«Le voile … n’est enlevé que par le Christ» (v. 14c), c’est pourquoi cette nouvelle alliance est scellée en Christ. Paul insiste : Israël doit se tourner vers le Christ et le reconnaître comme Seigneur.

Moïse se dévoilait en présence de la gloire du Seigneur. Pour Paul, c’est l’expérience du chrétien qui se convertit, qui se tourne vers le Christ.

Paul le souhaite et l’espère pour les Juifs de son temps.
S’ils se tournent vers le Seigneur, s’ils se convertissent, le voile qui enveloppe leurs cœurs et leurs esprits sera enlevé. Israël doit lui-même agir pour enlever le voile.
Il en est de même pour les non juifs. Dans la nouvelle alliance, toute personne peut entrer en présence du Seigneur par l’Esprit qui enlève le cœur de pierre et écrit la loi de Dieu sur les cœurs.́

A propos de voile, une illustration

Après une opération de la cataracte, on a un voile blanc devant l’oeil, d’abord opaque puis de plus en plus transparent. Le chirurgien recommande de  beaucoup boire pour enlever le sang resté dans l’œil.

Boire beaucoup pour laver, purifier…
Ajouter de plus en plus de Parole de Dieu à la Parole éclaire cette Parole. Elle enlève les obstacles qui empêchent de la comprendre et de la mettre en pratique.
Ainsi, la parole inspirée des Evangiles et des lettres du Nouveau Testament éclaire la Parole de l’Ancienne Alliance
Mais une parole simplement humaine, légalisme, traditions d’Eglise… ajoute encore du trouble. Attention à notre nourriture spirituelle.

Là où est l’Esprit du Seigneur, là règne la liberté.

On peut comprendre le lien entre la liberté de parole et le voile enlevé par l’Esprit du Seigneur.
Il faut rapprocher « la hardiesse, l’audace de la parole », résultant de la confiance et de la liberté et les expressions araméennes traduites par « découvrir la tête » – comme signe de liberté ou « découvrir le visage », qui signifie « avoir la liberté de parler ». L’expression était bien connue des rabbins, anciens collègues de Paul.

C’est la réponse de Paul à ceux qui lui reprochent de manquer d’éclat, de présence. Il a la hardiesse, la liberté de la parole. Il a le le droit d’avoir accès à Dieu, avec une bonne conscience, liée à la liberté et à l’autorité.

Cette hardiesse est le remède à la crainte, au découragement

On peut rapprocher « puisque nous avons vraiment un tel espoir, nous parlons avec une grande liberté » (3.12) de « puisque nous avons ce ministère … nous ne sommes pas découragés » (4.1)
Sa «hardiesse» , sa liberté de parole lui vient de sa «sincérité» (2.17). Elle s’oppose à toute «tromperie»

Nous rejetons les intrigues et les procédés indignes. Nous ne recourons pas à la ruse et nous ne falsifions pas la Parole de Dieu (4.2).

Son assurance repose sur l’espoir, sur ce qui est permanent, pas transitoire (3.11). Car si ce qui est passager a été touché par la gloire, combien plus grande sera la gloire de ce qui demeure éternellement.
Il est appelé à être « serviteur » d’une nouvelle alliance et il posséde donc une autorité valable

 «Nous parlons avec une grande assurance ou liberté » correspond à «Je n’ai pas honte ou je suis fier de l’Evangile» (Romains 1:16).

Transformation progressive à l’image de la gloire du Seigneur

 Et nous tous qui, le visage découvert, contemplons, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en son image dans une gloire dont l’éclat ne cesse de grandir. C’est là l’oeuvre du Seigneur, c’est-à-dire de l’Esprit. (v. 18)

Le Christ a enlevé le voile une fois pour toutes. C’est pourquoi il est possible à la fois et en même temps de contempler et de refléter le Christ.

Comme Moïse, le chrétien reflète la gloire du Seigneur dans la mesure où il le contemple. La contemplation du Christ transforme le chrétien, et alors il devient le reflet de l’image contemplée. Nous devons contempler le Christ pour refléter son image.

Le Christ, reflet de l’image de Dieu vue dans un miroir.

Et celui qui contemple le Christ reflète aussi l’image de Dieu. Ainsi, les croyants sont peu à peu transformés dans l’image divine, c’est à dire le Christ.

Comme l’indique le verbe principal du verset « transformés » (en grec, métamorphoser), c’est une transformation intérieure qui se manifeste de façon « visible ». Ainsi le visage de Moïse rendait visible la gloire de Dieu.
L’image divine du Christ, image de Dieu est rendue «visible» dans le mode de vie du chrétien.

La gloire du Seigneur qui se reflète dans la vie du croyant augmente progressivement. La transformation n’est pas instantanée, mais progressive. En participant à la gloire du Christ, le chrétien se transforme en cette même gloire jusqu’à la glorification finale.

Transformation de gloire en gloire par l’intermédiaire du Seigneur qui est l’Esprit.

Dans la nouvelle alliance inaugurée par la résurrection de Jésus-Christ et l’envoi de l’Esprit, Jésus-Christ est proclamé Seigneur de l’univers, accessible au chrétien par l’Esprit.

Paul ne veut pas dire que le Christ et l’Esprit sont une seule personne.
Il s’agit d’une identité de fonction entre le Christ et l’Esprit.
«Les croyants sont transformés de gloire en gloire (comme quand on est transformé) par le Seigneur, qui travaille par l’Esprit »
C’est Jésus Christ qui a donné son Esprit à l’Eglise, et par son Esprit il est présent dans son Eglise. Le ministère du Christ dans l’Eglise s’accomplit par l’Esprit. La relation que le chrétien peut avoir avec le Seigneur ressuscité passe par l’intermédiaire de l’Esprit.

Un cantique dit : « tel que je suis, je viens à toi ». Mais aucun chrétien ne devrait rester tel qu’il est. Et surtout pas mettre d’obstacle au changement spirituel que Dieu veut faire en lui. Certains ne ressentent pas la nécessité d’un tel changement intérieur du moment qu’ils pensent avoir la bonne étiquette, la bonne Eglise, la bonne confession de foi.

Le désir de Dieu, c’est que chaque chrétien devienne comme le Christ. Qu’il parvienne à la maturité, « à l’état d’adulte, à un stade où se manifeste toute la plénitude qui nous vient du Christ. » (Ephésiens 4.13) avec une transformation quotidienne de son caractère en celui de son Seigneur.

Pour cela, il faut laisser le Saint-Esprit faire son travail en l’invitant dans toutes les chambres, tous les domaines de notre vie. Alors il nous révélera nos zones d’ombre, nos faiblesses, nos péchés.

Et si on les reconnaît devant les autres, au lieu de les cacher, et si on laisse l’Esprit de Dieu nous transformer, ce sera un témoignage.

Le chrétien ne joue pas au « parfait ». Mais il laisse les autres voir comment le Seigneur transforme peu à peu sa vie. C’est être « des lumières dans le monde », « un parfum du Christ », « une lettre lue par tous les hommes ».

C. Streng

Remplis du Saint Esprit à la Pentecôte

Attendre le Saint Esprit à Jérusalem 

Le jour où le Seigneur est retourné auprès de son Père, il a demandé aux disciples de rester à Jérusalem et d’y attendre de recevoir le Saint-Esprit, d’être remplis du Saint-Esprit qui les équiperait pour leur service de témoins du Royaume des cieux. C’est ce qu’ils font, sans doute dans la maison où ils avaient déjà fêté la Pâque avec Jésus : Actes 1.14.

D’un commun accord ils se retrouvaient souvent pour prier avec quelques femmes, dont Marie, la mère de Jésus, et avec les frères de Jésus. Peut-être ce jour-là sont réunis les 120 dont il est parfois question
Mais ils ne savent pas de date et dix jours vont se passer ainsi, dans l’attente.

Actes 2.1-13

Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu. 2 Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. 3 Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s’en posa sur chacun d’eux. 4 Ils furent tous remplis d’Esprit saint et se mirent à parler en d’autres langues, selon ce que l’Esprit leur donnait d’énoncer. 

5 Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem. 6 Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. 7 Etonnés, stupéfaits, ils disaient : Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? 8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? 9 Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont, d’Asie, 10 de Phrygie, de Pamphylie, d’Egypte, de Libye cyrénaïque, citoyens romains, 11 Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans notre langue les oeuvres grandioses de Dieu ! 12 Tous étaient stupéfaits et perplexes ; ils se disaient les uns aux autres : Qu’est-ce que cela veut dire ? 13 Mais d’autres se moquaient en disant : Ils sont pleins de vin doux !

LES ÉVÈNEMENTS

La Pentecôte est l’une des trois fêtes majeures annuelles qui rassemblent des Juifs venus de tous les horizons de l’époque. Elle se situe à la fin de la moisson de l’orge. Mais ce qu’on sait moins, c’est que, selon la tradition juive, c’est aussi cinquante jours après la Pâque que Moïse a reçu la Loi au Sinaï.
Un jour Moïse avait émis un souhait remarquable à une occasion qui ressemble curieusement à la scène de jalousie des disciples de Jean envers Jésus : lire Nombres 11.26-29. Dieu accueille ce souhait et en fait une annonce prophétique : Joël 3.1-5. Dans son exposé magistral (17-21) Pierre va reprendre cette prophétie pour expliquer à la foule immense des Juifs réunis pour la fête qu’aujourd’hui ils sont en train d’assister à sa réalisation.

Remarquons tout de suite que ce qui se passe là n’est pas simplement un événement subjectif, difficile à identifier et à expliquer. Les choses sont évidentes pour toute une énorme foule. Dieu est à l’œuvre et il se passe des choses que la foule entend et des choses qu’elle voit.

Un mugissement de tempête vient du ciel, de Dieu, il remplit le local et retentit bien au-delà. Des sortes de langues de feu se posent sur la tête de chacun d’eux, c’est-à-dire sur les apôtres, sur les non apôtres et sur les femmes (Joël mentionnait les filles et les servantes).
Plus impressionnant encore est ce qui arrive alors : Voilà des Galiléens, réputés pour leur ignorance et même pour leur manière bizarre de prononcer leur araméen maternel, qui se mettent à parler dans toutes les langues du monde connu alors. Pas un bredouillis ou la répétition continue des deux mêmes syllabes sans signification, mais ils célèbrent les hauts faits, les choses merveilleuses que Dieu a accomplies (11).


la foule près du mur des Lamentations

Ils ont dû sortir entre-temps et ainsi toute la foule les entend, stupéfaite de pouvoir les comprendre dans les langues maternelles respectives. Il ne s’agit pas d’une prédication posée et ordonnée, mais aussi nombreux qu’ils sont, chacun des croyants est saisi par le Saint-Esprit. Oubliant tout le reste, ils adorent et louent bien fort, ils célèbrent de manière bien intelligible la majesté, la sainteté, l’amour et la grâce de Dieu manifestés dans ce qu’ils ont vécu avec lui. Chacun à sa façon, à son niveau, est témoin du Dieu vivant qui fait grâce à ses créatures.
Alors, forcément, les gens s’interrogent :

QU’EST-CE QUE CELA PEUT BIEN VOULOIR DIRE ? (v. 12)

Quelques observations et remarques

A. L’inversion de Babel

À un niveau élémentaire on dit parfois que la Pentecôte c’est l’inversion de l’événement de Babel (Genèse 11.1-9). Toute l’humanité avait alors une langue, donc une culture unique. Les humains ne voulaient pas se disséminer sur toute la terre, comme Dieu l’avait demandé et ils ont décidé de tous se regrouper plutôt en une ville avec une tour énorme. Ils voulaient se faire un nom par leur masse et ce bâtiment. Exemple typique d’unité fabriquée artificiellement et contre la volonté de Dieu.
Dieu les disperse quand même en leur enlevant la possibilité de communiquer entre eux, de se comprendre. La sanction, c’est la dispersion, la désunion, l’impossibilité de comprendre les autres.

À Jérusalem la foule est presque uniquement constituée de Juifs. En plus de la langue de leur pays d’adoption, ils savent sans doute l’araméen pour pouvoir communiquer en Judée. L’intervention de Dieu ne consiste pas à créer une nouvelle langue commune à tous, qui ferait le lien dans cette énorme diversité. Non, la diversité des langues maternelles demeure et ne fait pas obstacle. Ce jour-là Dieu leur donne, lui, un lien intérieur à vocation éternelle : la présence et l’action de son Esprit saint.

B. Un témoignage à l’impact puissant

Si désordonné que soit le témoignage des 120 rendu à la gloire de Dieu, il a un impact puissant auprès de leurs auditeurs. En effet son contenu de ce jour-là sera toujours un peu le même : parler des œuvres majestueuses de Dieu. C’est ainsi que ce jour-là naît l’Église et que commence aussitôt le travail de la mission mondiale. Pour cela Dieu n’a pas aboli la diversité des langues, mais il a pris soin que chacun puisse entendre et comprendre le message dans sa propre langue maternelle.

Le miracle de la compréhension

Beaucoup pensent que le grand miracle de ce jour-là, c’est le parler en langues. La stupéfaction des gens au v. 11 suggère une autre perspective : le miracle de la compréhension du message, malgré les différences de langues. Le parler en langues (qui n’est d’ailleurs pas le même que celui de 1 Co 12 et 14) est un moyen magnifique. Mais le but, le résultat, bien plus important encore, c’est le miracle de la compréhension. Les gens ont tous entendu et compris le même message fondamental : les grandes œuvres de Dieu rendues accessibles et offertes à quiconque vient avec un cœur sincère et ouvert. Il ne suffit pas de parler la langue d’un étranger, il faut encore l’action décisive du St-Esprit pour atteindre son cœur et l’illuminer de la vérité divine. Sans ce miracle, celui des langues resterait stérile.

C. Impressionnés par le miracle ou transformés par le message ?

J’ose cette affirmation aussi parce qu’aux v. 11-12 rien n’est encore gagné. Là, comme après la prédication de Pierre, les gens posent une question importante. Or si au v. 12 les gens sont profondément impressionnés, il est vrai aussi qu’ils ne sont encore pas du tout profondément transformés comme ils le seront au v. 37.

Les gens honnêtes, ceux qui veulent comprendre, ont besoin d’écouter attentivement Pierre apporter l’explication de l’événement sur fond biblique. Les gens superficiels (13), eux, vont passer outre en se contentant d’une explication d’une évidente absurdité. Quand on ne veut pas comprendre, une pirouette suffit pour se débarrasser du problème.

Les premiers vont bénéficier de l’action du Saint-Esprit, du miracle de la compréhension, les autres non, parce qu’ils ne veulent pas de l’action souveraine de Dieu sur leur vie. C’est donc bien le miracle de la compréhension qui est le grand événement décisif de la Pentecôte

Après la prédication de Pierre, conduite par le Saint-Esprit, 3000 personnes s’ajoutent au petit noyau dès ce premier jour de travail missionnaire. Ce qui a changé leur cœur, ce n’est pas le parler en langues des disciples, mais bien la parole prophétique de Pierre. C’est dans cette proclamation que l’effusion du Saint-Esprit atteint son plein effet. Voilà aussi la raison pour laquelle Paul souligne la primauté de la parole prophétique sur le parler en langues.

D. La Pentecôte, un événement unique

Cela appelle encore une autre remarque, peut-être inattendue. À Noël il s’est passé un événement absolument unique, jamais répété, tout comme à Vendredi saint et à Pâques. ! D’accord !

Le Saint-Esprit est là. Alors pourquoi lui demander de venir ?

Mais alors comment certains demandent-ils à Dieu une nouvelle Pentecôte, une nouvelle effusion du St-Esprit sur eux-mêmes ou sur leur communauté ? N’ont-ils donc jamais lu Jean 14.15-20 ? …afin qu’il demeure éternellement avec vous…

Cela entraîne des conséquences : je ne peux pas chanter un cantique qui demande au St-Esprit de venir sur moi ou sur l’Église. Qu’est-ce qu’un chrétien ou une Église dont le Saint-Esprit est absent ? Seule une personne sur le point de se convertir peut chanter de telles paroles.

Surtout, ne l’attristons pas ! 

Ce dont j’ai vraiment besoin, en revanche, c’est que le Saint-Esprit ne soit pas attristé par moi, ni confiné dans quelques domaines limités de ma vie. Il faut que je lui (re)donne toute la place et les pleins pouvoirs sur ma vie pour qu’il l’utilise selon la volonté de Dieu.

Il reste toujours fidèle 

Chacun passe à un moment ou un autre par ce que nous éprouvons comme un désert spirituel. Mais cela ne signifie pas que le Saint-Esprit nous a quittés. Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables (Romains 11.29). C’est plutôt qu’il veut nous apprendre quelque chose dans les circonstances de ce moment-là ou que nous avons été infidèles sur un point donné. Or là encore si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même (2 Timothée 2.13). Même dans ce désert réjouissons-nous donc plutôt des deux promesses si réconfortantes et continuons ou corrigeons notre route avec lui !

Un nouveau peuple de Dieu 

Au Sinaï Dieu s’était constitué un peuple mis à part pour lui parmi les nations. À la Pentecôte il exauce majestueusement le vœu de Moïse : que Dieu accorde son Esprit à tous les membres de son peuple pour en faire des prophètes.
En se servant de quelques Galiléens méprisés, Dieu fait entendre ses merveilles aux représentants de toutes les langues de la terre. Et ceux qui désirent une relation personnelle avec lui, y sont introduits ce jour-là par le Saint-Esprit. Celui-ci leur ouvre la compréhension de ses actes magnifiques et de leur relation avec sa Parole. Il crée ainsi un nouveau peuple de Dieu à l’échelle du monde, un peuple uni par sa présence éternelle parmi ses membres. C’est la nation sainte, la communauté de rois-prêtres, la race élue que Dieu avait annoncée dès le 2e livre de l’Ancien Testament (Exode 19.5-6.

J.-J. Streng

Jésus face à Pilate, la pièce maitresse du récit de la passion

Le procès de Jésus devant Pilate qui se déroule au prétoire, le tribunal romain,  est la pièce maîtresse du récit  de la Passion du Christ.

Une certaine autonomie juive sous administration romaine

Depuis l’an 6, Judée, Samarie et Idumée sont administrées par un procurateur romain. Il exerce le commandement militaire dans le cadre d’une juridiction autonome avec toutefois une certaine dépendance à l’égard du légat gouvernant la province de Syrie Le procurateur possède un pouvoir presque absolu sur les juifs et il est directement responsable devant l’empereur. Mais aussi longtemps que l’autorité impériale est maintenue et les impôts romains acquittés, les Juifs jouissent d’une relative autonomie. La religion juive est reconnue comme culte officiel de la région ; les décisions juridiques du sanhédrin ont force de loi, sauf pour la peine de mort qui doit être ratifiée par le procurateur.

Inscription de Pilate à Césarée Maritime

Pilate, indécis ou plutôt brutal et obstiné

Depuis dix ans, cinquième procurateur de Judée, le Romain apparaît dans les Évangiles comme un homme indécis, cherchant à sauver Jésus mais dépassé par les événements. Il semble plutôt, d’après les témoignages de Flavius Josèphe dans Guerres juives (p. 169-177), et Philon d’Alexandrie dans delegatione ad Gaium qu’il était brutal et obstiné, « un homme naturellement rigide, têtu dans sa dureté, plein de ressentiments, excessivement colérique ». Il méprisait les Juifs et leurs coutumes et n’était pas disposé à leur accorder des faveurs.

Impopulaire par ses provocations

Il se rend très impopulaire par une série de provocations qui suscitent une résistance unanime dont il ne sort finalement jamais vainqueur.

Le défilé des drapeaux romains à Jérusalem, et plus tard les boucliers avec portraits et effigies de l’empereur suspendus sur le palais d’Hérode heurtent le sentiment monothéiste qui interdisait les images. Quant à la construction d’un aqueduc aux frais du trésor du Temple, elle donne lieu à une manifestation violemment réprimée, avec plusieurs morts. Voir aussi Luc 13.1.Pilate finit toujours par céder, soit à la pression de la foule, soit aux ordres de l’empereur à la suite de plaintes des notables juifs.

Cet homme qui représente le pouvoir quasi absolu de Rome a créé un tel précédent par son manque de diplomatie antérieur qu’il s’est en quelque sorte lié les mains d’avance. Les dirigeants juifs sauront en profiter.

Des dirigeants juifs décidés à faire mourir Jésus

Non seulement ils exigent d’être reçus en audience aux premières heures du matin, mais ils refusent d’entrer dans le prétoire de peur de se souiller par scrupules religieux. Ils craignent une contamination rituelle qui les aurait empêchés de célébrer la Pâque le soir venu . Quant à des scrupules moraux ou juridiques, cela semble ne pas même les effleurer. Jean a fait cette remarque avec une note d’ironie  caustique. Ceux qui mettent tout en œuvre pour  faire mourir Jésus sont pointilleux en matière de loi. Ils prennent garde à ne pas “ se souiller ” du point de vue rituel mais le font certainement du point de vue moral et juridique.

Sentence de mort à confirmer

En effet, ils espèrent que l’affaire se conclura vite. En effet, la procédure d’exequatur rend exécutoire un jugement prononcé par une autre juridiction. Le Romain devrait donc, à leur avis, confirmer la sentence qu’ils ont préparée par leur interrogatoire.

Devant le Sanhédrin, Jésus a été reconnu coupable de blasphème pour s’être proclamé Fils de Dieu. C’est bien ce que les chefs religieux réaffirment en disant au procurateur romain que Jésus  doit mourir “selon la Loi” (Jean 9.17).

Mais ils savent aussi que, pour le pouvoir romain, le blasphème est d’ordre religieux et ne constitue pas un chef d’accusation recevable.

Motif d’accusation modifié pour le rendre recevable

Ils modifient donc le motif d’accusation. Passant du religieux au politique, ils accusent Jésus d’être un dangereux agitateur, un de ces « messies » guerriers qui soulèvent le peuple et l’excitent à la révolte (Jean 18.30, Luc 23.22). En fait, dans leur pensée, les deux griefs sont indissociables : une perturbation dans la sphère religieuse pouvait provoquer des désordres sociaux, politiques et amener  le pouvoir romain à réagir.

En effet la période de la Pâque avec son afflux de pèlerins, son effervescence des jours de fête est favorable à ce type de manifestation. La troupe venue en renfort de Césarée Maritime est en place et on vient  d’arrêter quelques zélotes ou sympathisants coupables de meurtre au cours d’une sédition (Marc 15.7) Quelle occasion rêvée pour les chefs religieux et les sadducéens de se rendre le pouvoir romain favorable en livrant un agitateur de plus.

Mais Pilate décide d’un procès selon les règles

Mais le procurateur refuse et décide d’ouvrir un procès conforme aux procédures romaines légales. En effet, le zèle des chefs sadducéens, favorables aux Romains à dénoncer un compatriote qui n’avait pas encore attiré l’attention des troupes romaines lui paraissait suspect.

Gouverneur d’une province sénatoriale, il avait une compétence juridique particulière. … Le procès, surtout quand la peine capitale était en jeu, n’était pas conduit par un juge indépendant avec un jury local, mais par le représentant de l’empereur exerçant à la fois les fonctions de magistrat et de juge. Celui-ci pouvait donc organiser et mener les débats à sa guise. Les représentants de l’empereur étaient tenus de respecter les règles essentielles de droit, sinon ils risquaient d’être dénoncés à Rome par les pouvoirs locaux

En déclarant  “ Prenez-le, vous, jugez-le selon votre loi ” (v. 31b), Pilate veut les obliger à dévoiler leurs  intentions.

Il les renvoie à leur propre loi, sachant très bien qu’elle n’a plus d’effet exécutoire : ils n’ont pas la possibilité d’exécuter un condamnation à mort. De plus, il se moque d’eux et il les humilie en les forçant en quelque sorte à déclarer eux-mêmes devant lui qu’ils n’ont plus d’indépendance politique ni juridique (Jean 8.6-7) :

“ Il ne nous est pas permis de mettre quiconque à mort ” (v. 31d).

Jésus face à Pilate

Il interroge ensuite Jésus sur le thème du pouvoir et du royaume : es-tu le roi des Juifs? (Jean 18.33)

Le procurateur sait que Jésus n’est pas roi puisque la royauté n’existe plus depuis que les procurateurs préfets romains ont remplacé les rois tels Hérode autrefois reconnus par les Romains.

Si Jésus répond affirmativement, il se placerait d’emblée dans l’illégalité en ajoutant son nom à la liste des contestataires issus de mouvements politico-messianiques, Athrongès, par exemple, le berger qui se déclara roi quelque temps après la mort d’Hérode. Il serait coupable, selon la loi Julia du crime de lèse-majesté, commis contre le peuple romain et sa souveraineté (Digeste 48.4.4).

Jésus innocent

La réponse de Jésus ne laisse aucun doute sur son innocence. Ses affirmations sur « une royauté qui n’est pas de ce monde » montrent au procurateur qu’il  n’a aucune visée politique pouvant présenter un quelconque danger pour le pouvoir en place. Ce dernier serait donc prêt, comme le fit un de ses successeurs dans des circonstances similaires, à le déclarer irresponsable et à le laisser partir

Peur du mécontentement des Juifs

Mais le procurateur craint que cette décision opposée à leurs exigences ne provoque le mécontentement des chefs juifs. Il les sait capables d’agir comme ils l’ont déjà fait à d’autres occasions :  avertir les autorités supérieures, disant qu’il a libéré un dangereux activiste, provoquer une manifestation de protestation parmi la foule qui viendrait s’opposer au verdict d’innocence ou les deux à la fois.

Partie de ping-pong  coupable/innocent

On assiste alors tout au long de ce procès à une partie de ping-pong entre le procurateur et les chefs religieux sur le thème « coupable, non coupable », avec des solutions de traverse pour se débarrasser du problème.

Un premier essai de fuite, ou manœuvre juridique et politique bien comprise : il  envoie le prévenu à Hérode (Luc 23.6-12) Jésus est Galiléen ; quoi de plus normal que de transmettre son cas à la juridiction dont il dépend. Mais Hérode ne se charge pas de l’affaire et lui renvoie Jésus.

Deuxième tentative pour  mettre la balle dans le camp de l’adversaire : il propose , selon la tradition, de libérer un prisonnier de leur choix. Il est au courant des acclamations de la foule quelques jours auparavant. Peut-être vont-ils à nouveau choisir Jésus ? Il pourrait donc le libérer sans prendre le risque de s’engager personnellement.

C’est bien Barabbas qu’ils réclament ! 

Un brigand , un voleur mais aussi selon Flavius Josèphe un séditieux, c’est à dire un terroriste de la révolte antiromaine (Marc 15.7 et Luc(23.19). Ironie grinçante : les Juifs réclament la libération d’un rebelle antiromain, eux qui ne tarderont pas à professer une fidélité inconditionnelle envers l’empereur.

Jésus flagellé pour attirer la pitié des Juifs

Enfin, il fait battre Jésus de verges et le présente au public en piteux état. La flagellation est la première étape avant l’exécution capitale, un châtiment, certes cruel et humiliant, mais qui prouve que le chef romain  n’a trouvé dans le prisonnier aucun crime passible de peine capitale. Il estime suffisant de l’avoir ainsi traité et il n’y a  pas de raison d’aller plus loin en le condamnant à mort comme ses adversaires le réclament (18, 31).

Il pense ainsi attirer la pitié des Juifs qui se contenteraient de ce châtiment. :Voici votre roi. Cela échoue encore. Poussés par les chefs, ils rejettent Jésus (crucifie, crucifie) et déclarent leur préférence pour le pouvoir romain (Jean 19.14-15).

Pilate les amène, pour finir, à renier leur souveraineté nationale, c’est-à-dire en réalité celle de Dieu sur son peuple.

Pilate abandonne la partie

Finalement, il abandonne totalement la partie quand la menace le concerne personnellement : si tu le relâches, tu n’es pas ami de César (Jean 19.12).

Par cet argument politique, les Juifs veulent frapper un grand coup susceptible d’abattre toutes les résistances du juge. Le Romain veut  relâcher Jésus. Qu’il le fasse, mais dans ce cas il ne se comportera pas en ami de César. Il rompt de ce fait avec l’empereur. D’“ ami ” il devient ennemi.

Menaces de dénonciation

Ils ne se contentent pas de convaincre le procurateur de  trahison s’il remet Jésus en liberté.  Il y a dans leurs paroles une menace voilée de dénonciation auprès des instances supérieures de l’Empire.

…Et contre sa conscience et sa conviction profonde que Jésus était innocent, il le leur livra pour être crucifié (Jean 19.6).

Un échec inévitable ?

Cet échec du chef romain à « sauver Jésus » , à éviter de le condamner à mort était-il inévitable ?

A-t-il agi de la manière la plus sensée ?

On peut en douter en observant la manière dont il s’adresse à la foule : comme c’est parmi vous une coutume  que je vous relâche quelqu’un à la fête de Pâque , voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? (Jean 18.39)

Cette coutume est un privilège accordé aux Juifs. La libération doit correspondre à un désir de leur part. Or, non seulement les juifs n’ont pas demandé qu’on leur relâche Jésus, mais ils sont là uniquement pour qu’on le condamne.

Celui que le procurateur cherche apparemment à remettre en liberté est désigné par lui du titre de “ roi des Juifs ”. C’est là l’expression même de sa mauvaise volonté. Il n’a aucune chance d’aboutir et fait tout pour échouer.

Comment en effet supposer que les Juifs, fermement décidés à obtenir la mort de Jésus, aient pu changer d’attitude en l’entendant paré d’un titre qu’ils contestent, titre chargé en outre d’un mépris qui les offense?

A-t-il été le jouet d’une collusion  entre les chefs religieux et la foule ?

Comment retourner une foule et l’utiliser pour forcer la main à un magistrat ? Que sont devenus les admirateurs de la semaine précédente ? Étaient-ils Galiléens alors que devant le prétoire, il s’agirait de  Judéens, moins favorables à Jésus ? Quoi qu’il en soit, ces gens venus là pour demander la libération d’un prisonnier. Il est facile de les influencer pour qu’ils paraissent faire un choix spontané, mais déjà induit par les autorités.

Menace d’une agitation populaire

La foule est donc utilisée par les chefs religieux pour forcer la main au Romain. S’y ajoute la menace implicite d’une agitation populaire s’il ne lui accorde pas ce qu’elle demande, c’est à dire  Barabbas. Il y a déjà eu des précédents, cités par Flavius Josèphe et Philon. Les autorités seules n’auraient pas suffi à obliger le chef romain à condamner Jésus parce que entre le procurateur et eux,  la discussion se situe au plan juridique.  Et là elles  n’ont aucune chance même si elles tentent de présenter Jésus comme une menace pour le pouvoir. Il est préférable que ce soit la  foule qui intervienne parce que là, on ne se situe plus sur le plan juridique ou rationnel mais seulement émotionnel avec la menace que tout devienne  incontrôlable à un moment particulièrement délicat. Le procurateur alors se verrait  précipité dans une situation qu’il ne pourrait pas contrôler  vu le petit nombre de ses soldats par rapport à la foule. Ou alors, serait-il contraint de faire agir la troupe, comme il l’avait déjà fait, avec des conséquences désastreuses, pour lui en particulier ?

Complice d’un activiste ou dénoncé pour ses exactions

Avec la menace de le dénoncer à l’empereur comme soutien d’un activiste rival du pouvoir en place, donc complice d’un coupable du crime de lèse-majesté qu’il aurait libéré au lieu de le punir comme il se doit, ou alors en dévoilant les exactions commises pendant son mandat, l’échec du préfet de Judée est évident et inévitable.

Ponce Pilate, le préfet de Judée a érigé un bâtiment dédié à l’empereur Tibère. L’inscription originale, trouvée dans les fouilles du théâtre de Césarée Maritime, est conservée au Musée d’Israël à Jérusalem

Lors de l’affaire des boucliers, rapportée par Philon d’Alexandrie, il a été  violemment désavoué par Tibère… Le paragraphe 302 est une rétrospective de ses activités :

“ Il tremble que si effectivement ils députaient une ambassade, ils n’allassent fournir des preuves de sa culpabilité pour tout le reste de son administration en donnant le détail de ses concussions, de ses violences, de ses rapines, de ses brutalités, de ses tortures, de la série de ses exécutions sans jugement, de sa cruauté épouvantable et sans fin ”

En disant à Pilate que s’il relâchait Jésus, il n’était pas “ ami de César, “ les juifs ont utilisé  leur argument le plus efficace. Le procurateur n’avait certainement aucune envie que l’empereur Tibère, alors sur l’île de Capri, malade d’une maladie répugnante, rempli de suspicion et plein de colère et de désir de vengeance, apprenne qu’il a pris parti pour un prisonnier accusé de crime de lèse majesté. La punition risquée était la confiscation des biens, la révocation de la fonction officielle, l’exil ou parfois pire. Le procurateur était sûr que le sanhédrin juif aimerait envoyer un tel rapport à l’empereur. Il a perdu courage avant que la menace ne se précise. ” .” J.W. Shepard, The Christ of the Gospels (Grand Rapids: Eerdmans, 1939), p. 591.

Jésus condamné par pression politique

Pilate ne pouvait donc qu’échouer et il s’en lave les mains, c’est à dire en rejette la responsabilité sur les Juifs. Dans son esprit, il a fait ce qu’il a pu mais certainement pas ce qu’il a dû. Il n’a pu assurer la justice contre des gens qui n’en ont pas envie et ont beau jeu de lui rappeler des injustices antérieures. Il cède à la pression et condamne Jésus pour motif politique de rébellion et lèse majesté  selon ce qui est écrit sur  le titulus : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs ». L’écriteau n’exprime pas le fond de sa pensée  : Je l’ai échappé belle, j’ai éliminé un dangereux rival de l’empereur, il  peut m’en être reconnaissant !

Les Juifs se torpillent eux-mêmes

En effet, l’idée de royauté est un faux argument auquel personne n’attache une véritable importance. Et même pire, cela amène les autorités juives à se torpiller en déclarant nous n’avons pas d’autre roi que César et que son sang retombe sur nous et sur nos enfants (Matthieu 27.25) Ils ont commis l’erreur la plus monumentale qui soit en condamnant toute leur descendance pour se tirer d’affaire. Pourtant c’est Jésus lui-même qui dira sur la croix, Père, pardonne leur, car ils ne savent pas ce qu’il font (Luc 23.34).

Jésus crucifié comme séditieux

Jésus fut donc crucifié par le pouvoir romain occupant comme “séditieux”; sur l’ordre du préfet romain. Le préfet de Judée mettra en application une disposition que l’on trouve dans le Digeste – connu également sous le mot grec de Pandectes -, sous la plume du juriste Paul. Si la publication officielle du digeste est du 16 décembre 533, sur ordre de l’empereur Justinien, les textes réunis sont anciens et, pour ce qui concerne les dispositions pénales, elles étaient d’une particulière stabilité dans le monde romain. Le texte sur lequel se fondera donc le chef romain, même si aucune sentence écrite ou prononcée n’a été mentionnée, doit être le suivant: “ Les auteurs de sédition ou de troubles en excitant le peuple ou bien sont portés en croix, ou sont jetés aux bêtes, ou sont déportés dans une île, suivant la classe sociale à laquelle ils appartiennent ”

Pilate, responsable devant l »histoire

Pilate porte donc devant l’histoire la responsabilité de la condamnation à mort de Jésus. Cette responsabilité n’est atténuée ni par les manœuvres des chefs des juifs pour l’y contraindre – car le préfet de Rome avait pour lui la majesté du droit et la force des armes – ni par les vociférations de la foule, malgré son étrange pouvoir sur les esprits faibles qu’une attitude résolue eût fait taire. Sa responsabilité est une responsabilité entière dans le procès historique de Jésus.

Quelques semaines après les événements de la semaine pascale, Pierre et Jean s’adressent à la foule étonnée par la guérison d’un homme boiteux de naissance. Il  lui rappellent  encore  sa culpabilité à propos de la mort de Jésus , comme ils l’avaient déjà fait à la Pentecôte quelque temps auparavant.

Mais victoire du Christ

Mais ils proclament en même temps à nouveau la victoire du Christ déclaré Seigneur, victoire démontrée par sa résurrection, victoire sur tous ses accusateurs, sur les calomniateurs, les faux témoins, les pouvoirs politiques et religieux, sur les puissances qui tentent de dominer le monde.

…le Dieu de nos pères, a glorifié son serviteur Jésus, que vous avez livré et renié devant Pilate, qui était d’avis qu’on le relâche. Vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu’on vous accorde la grâce d’un meurtrier. Vous avez fait mourir le Prince de la vie que Dieu a ressuscité des morts; nous en sommes témoins.

Et  en déclarant :

Et maintenant, frères, je sais que vous avez agi par ignorance, ainsi que vos chefs. Mais Dieu a accompli de la sorte ce qu’il avait annoncé d’avance par la bouche de tous ses prophètes, que son Christ devait souffrir,

ils soulignent que la perspective de Dieu, infiniment au delà des actions négatives ou même destructrices des hommes pouvait même aller jusqu’à relativiser cette culpabilité en faisant passer au premier plan  la nécessité des souffrances et de la mort de Jésus en vue du salut.

On peut dire globalement que tous ceux qui d’une manière ou d’une autre rejettent le Christ le font par ignorance, même ceux qui directement ont provoqué sa mort. Mais il faudrait aussi ajouter que c’est une méconnaissance du plan éternel de Dieu et non une ignorance dans le domaine de la morale et de la justice.

C’est Jésus seul qui connaissait vraiment le plan de Dieu pour lui. Il a vécu selon ce plan, en toute connaissance de cause, conscient des moindres intentions des hommes, pressentant leurs calculs, leurs complicités, leurs ambitions religieuses et politiques. Mais il leur annonce toujours la possibilité du pardon et de la grâce, la proximité du Royaume de Dieu  en sa personne et par ses actes de puissance et de libération.

Il est allé au supplice de la croix,  sans pratiquement prononcer une parole, sans se défendre devant un tribunal inique, sans protester devant la lâcheté et l’étalage des intérêts personnels et des inquiétudes politiques. Il a refusé de s’abaisser au niveau des tactiques humaines et a choisi d’avancer jusqu’au bout dans la voie de l’obéissance, disant :

Voici, je viens (Dans le rouleau du livre il est question de moi) Pour faire, ô Dieu, ta volonté (Hébreux 10.7).

Sa Passion est l’aboutissement d’un conflit qui l’oppose à l’incrédulité d’un monde qui le rejette, mais elle est surtout victoire sur ce monde et sur ses dirigeants, visibles ou occultes. Et paradoxalement, ceux qui ont le plus visiblement contribué à cette victoire, sont les juifs de Jérusalem, les chefs religieux et le procurateur romain. Leur rôle dépasse leur position historique et finalement rejoint, sans qu’ils en aient été conscients, le plan éternel de Dieu. Ils ont concouru, par leur refus et leur hostilité destructrice, à la gloire du crucifié, qui pourtant n’accepte pas la gloire venant des hommes, mais seulement celle qui vient de Dieu (Jean 5.41,44) ;

C’est ce que Paul rappellera plus tard aux Corinthiens :

Nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait prédestinée pour notre gloire, sagesse qu’aucun des chefs de ce siècle n’a connue, car, s’ils l’avaient connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire (1 Corinthiens 2.8).

C.Streng