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Comprendre, vivre et approfondir la foi chrétienne

Esaïe prophète en temps de crise

Esaïe 40.27-31 : un temps de crise politique et spirituelle

Israël et Juda sous domination de l’empire assyrien

Esaïe a été prophète pendant plus de quarante ans à Jérusalem, depuis la fin du règne d’Osias en 740 jusqu’au début de celui de Manassé, le plus mauvais roi du royaume de Juda, vers 686.

Israël et Juda sont les deux royaumes du Nord et du Sud après le schisme, la séparation des tribus, sous le règne de Roboam fils de Salomon.

 

Les deux royaumes sont passés sous la domination de l’empire assyrien, … la grande puissance politique et militaire de l’époque.

Depuis plus d’un siècle, l’empire assyrien, la grande puissance politique et militaire de l’époque impose sa suzeraineté, son autorité politique sur les petits États : Syrie, Israël et Juda. (2e livre des Rois, chapitres 16 à 20)

par l’intermédiaire du parti pro-assyrien

Cette influence s’exerce par l’intermédiaire du parti pro-assyrien, qui cherche à mettre en place le roi et la politique de son choix, évidemment favorables à l’empire assyrien. Mais il y a un parti adverse qui résiste, d’où des luttes d’influence.

 C’est un temps de crise, de crise violente. Plusieurs des derniers rois d’Israël assassinent leur prédécesseur et se font assassiner par leurs successeurs. Les petits États entrent dans des jeux d’alliance pour se rebeller ; ils refusent de payer le tribut, leimpôt exigé par l’Assyrie;  ils cherchent l’appui de l’autre grande puissance, l’Égypte.

Des alliances à risque catastrophique : l’idolâtrie

Dans le monde antique, toute alliance politique avec un pays étranger, a une conséquence … quasi inévitable. On se conforme à ses croyances religieuses, on rend un culte à ses divinités, à ses idoles. Et on le fait d’autant plus facilement que – croit-on- … ce sont ces divinités qui lui donnent sa puissance, qui lui permettent ou lui accordent la réussite.

Esaïe s’oppose à ces alliances avec des puissances étrangères. En effet, elles entraînent l’idolâtrie. Il prophétise aussi bien la fin des États vassaux que celle des empires suzerains successifs, Assyrie puis Babylonie. Seul un reste du peuple de Dieu se repentira et reviendra de l’exil

Achaz, roi de Juda est en conflit avec les rois de Syrie et d’Israël. Plutôt que  la confiance en Dieu, il préfère l’alliance avec l’empire assyrien.
Résultat logique et inévitable : le royaume de Juda deviendra un satellite de l’Assyrie.
Comme Esaïe l’a prophétisé, le royaume de Syrie est écrasé en 732, le royaume d’Israël cesse d’exister en 722, la population est déportée en Assyrie.

Ezéchias un roi fidèle mais…

Ézéchias, fils et successeur d’Achaz est un roi fidèle qui fait confiance à Dieu. Les chapitres 36 à 39, la partie historique du livre d’Esaïe racontent ses démêlés avec l’empire assyrien.
Jérusalem est assiégée en 701 par le roi Sanchérib et l’armée assyrienne   
Suite aux prières du roi  et du prophète, la ville est délivrée miraculeusement. Une épidémie, probablement la peste, fait 185000 morts en une nuit chez les assaillants.

Mais Esaïe dénonce aussi l’orgueil et la légèreté du roi. Ezéchias montre tous ses trésors, c’est à dire sa puissance militaire à l’ambassade babylonienne du roi  Mérodac-Baladan. Certes celui-ci veut le féliciter pour sa guérison miraculeuse; Mais surtout chercher une alliance contre l’empire assyrien.
L’empire babylonien, la nouvelle puissance politique  et son roi Nabuchodonosor reviendront plus tard, en vainqueurs.

Les Babyloniens emmèneront les descendants d’Ézéchias en captivité.

La prophétie d’Esaïe : un encouragement en temps de crise

Les chapitres 40 et suivants peuvent être lus selon des perspectives différentes.

Esaïe, prophète du 8ème siècle s’adresse sans doute d’abord directement à ses contemporains, qui ont échappé au siège de Jérusalem après le retrait de Sanchérib en 701. Ils n’ont pas retrouvé d’indépendance politique véritable et craignent toujours une nouvelle invasion.

Le message pourra s’appliquer aussi aux contemporains de Manassé, le plus mauvais des rois de Juda. Son idolâtrie et ses crimes attireront nécessairement le jugement et l’exil annoncé à Ézéchias.

Enfin, la prophétie peut contenir, un message pour les exilés qui la liront beaucoup plus tard à Babylone après la prise de Jérusalem en 586.

Ceux qui veulent rester fidèles à l’Éternel ont besoin d’être encouragés Ils ont besoin de savoir qu’il y aura, au-delà de l’exil, au delà des épreuves, un avenir pour le peuple de Dieu.

 

Contestation et découragement

Pourquoi dis-tu, Jacob,
pourquoi répètes-tu, Israël :
Ma destinée est cachée au Seigneur,
mon droit passe inaperçu de mon Dieu ?
(Segond 21)

Il y a contestation

Ma destinée échappe à l’Eternel
Il y a un accusé, Dieu : il ne s’occupe pas de Ma destinée, il ne tient pas compte de Mes droits avec grand M
Il y a un contestataire, le prophète l’appelle par son nom : Jacob/Israël, peuple de l’alliance. 

Tout un programme pour Israël : Dieu l’a choisi, s’est révélé à lui, il lui a donné des avertissements et des promesses. Dieu ne s’occuperait-il pas de son peuple ? Quelle contradiction !

Les « pourquoi » d’Esaïe sont lancés sur un ton de réprimande : pourquoi dis-tu…, pourquoi répètes-tu… ?

Le prophète veut les faire réfléchir à leurs pensées, à leurs attitudes, et à leurs actions.

Le temps du 2e verbe en hébreu (répètes-tu) suggère que se plaindre était devenu une habitude en Juda.

Ma destinée est cachée, mon droit passe inaperçu ou dans la version Semeur :
Mon Dieu ne fait rien pour défendre mon droit.

Le verbe hébreu Abar, signifie littéralement « passer à côté, ne pas tenir compte », comme quelqu’un qui marche juste à côté de nous sans faire attention à nous. Je suis en panne sur la route, les voitures passent sans s’arrêter

Il y a découragement

Israël se plaint : ses droits et sa justice ne figurent pas à la première place dans le plan de Dieu. Dieu n’est pas juste, il aurait dû faire les choses à leur manière, à eux.

A première vue Israël a raison. De nombreux rois ont trop souvent méprisé ses droits et son sens de la justice. Samuel en avait averti le peuple quand celui-ci avait demandé un roi 

Quelques extraits de 1 Samuel 8. 11-18
Voici les droits du roi qui régnera sur vous : il prendra vos fils et … ils iront devant son char comme gardes du corps … Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères.  Il prendra le meilleur de vos champs, de vos vignes et de vos oliviers et il le donnera aux gens de sa cour.  Il prendra la dîme de vos semailles et de vos vendanges, et il la donnera à ses hauts fonctionnaires et aux gens de sa cour. … Ainsi vous deviendrez ses esclaves.  Ce jour-là vous crierez contre le roi que vous vous serez choisi, mais ce jour-là le SEIGNEUR ne vous répondra pas !

La situation politique du moment est sombre. L’empire est toujours maître de la situation : l’Assyrie ou, de manière prophétique, la Babylonie, dominent la région dans toutes les questions politiques et militaires. Jérusalem, assiégée, affamée a été délivrée par miracle sous le règne d’Ezéchias en 701 (2 Rois 19.35-37) mais pour combien de temps. Sa destruction et la captivité de ses habitants sont annoncées, mais pour quand ?

La chair est comme l’herbe, fragile comme la fleur des champs (Esaïe 40.6 et 7).
Il n’y a pas d’espoir de voir la domination impériale s’affaiblir. Pas d’espoir non plus qu’Israël redevienne assez puissant pour secouer le joug du dominateur.
Les quelques tentatives des derniers rois d’Israël et plus tard, des derniers rois de Juda ont été des échecs lamentables. Le royaume d’Israël a disparu en 722 et celui de Juda en 586 avant J.C.

Mais comment oser contester ?

Dieu n’est pas seulement le créateur mais aussi celui qui préserve tout, terre, corps célestes, nations, individus.
Alors comment pouvez-vous, vous le peuple de Dieu, vous qui avez reçu des promesses et des privilèges qui ont été accordés à vous seuls parmi toutes les nations, comment pouvez-vous dire que Dieu vous a abandonnés ?

Cette contestation pose aussi la question : « qui tient le gouvernail du navire, qui dirige le monde, qui détermine la direction de l’histoire, qui décide du rôle du peuple de Dieu » ?

La réponse est évidente. Cependant, à travers les paroles d’Esaïe, Dieu veut aider son peuple à réfléchir. Bien sûr, rien n’a changé dans sa situation mais il ne peut pas voir comment les choses vont évoluer. Il lui manque la perception, la compréhension de la grandeur de Dieu.

Qu’est ce que ces affirmations nous apprennent à propos des pensées du peuple d’Israël et aussi des nôtres ?

La justice qui m’est due échappe à mon Dieu :

Autrement dit, nous n’obtenons pas les bons coups de main au bon moment. « La vie » n’est pas juste !

Est ce de l’incroyance, est-ce de l’ignorance, peut-être les deux ?

On ne croit pas vraiment que Dieu est capable de connaître tous les détails de notre vie. On ignore l’amour qu’il a pour nous. Dieu ne s’intéresse pas à nous, il est trop occupé par autre chose pour faire attention à nos besoins.

Ces accusations illustrent le processus d’endurcissement de la personne : apitoiement sur soi-même, amertume, frustration, colère. Si on n’obtient pas ce qu’on veut, alors on se croit négligé ou abandonné par Dieu ; « personne ne m’aime ».
Les épreuves et les difficultés de vie sont inévitables. Mais elles ne veulent jamais dire que Dieu nous a oubliés ou ne se soucie pas de nous.

 Un Dieu éternel aux commandes : Esaïe 40.28

Ne le sais-tu pas ?
Ne l’as-tu pas entendu ?
C’est le Seigneur (YHWH), le Dieu de pérennité (d’éternité)
qui crée les extrémités de la terre ;
il ne s’épuise ni ne se fatigue ;
son intelligence est insondable.

Un peuple qui ne comprend pas

Le prophète introduit au verset 28 une  2ème série de questions adressées à son peuple 
Ne le sais -tu pas, n’as-tu pas entendu, c’est à dire, ne comprends-tu- pas?
La connaissance de Dieu du peuple est inadaptée et peu profonde. Sa pratique extérieure superficielle a fermé et endurci les cœurs

Le Seigneur dit : Ainsi, quand ce peuple s’approche de moi, 
il me glorifie de la bouche et des lèvres, mais son cœur est loin de moi, 
et la crainte qu’il a de moi n’est qu’un commandement appris des hommes
. (Esaïe. 29.13).

La nature insondable de Dieu

Le prophète affirme la nature insondable de Dieu. L’Éternel est Dieu de toute éternité. Sa stratégie s’étend dans la durée. Elle ne se limite pas au présent. Il ne compte pas en mesures humaines mais en dimensions cosmiques à la mesure et à la distance du ciel (Esaïe 40.12) et des étoiles (Esaïe 40.26)

C’est lui, Dieu,  qui crée les extrémités de la terre

Lui seul peut mesurer l’étendue des océans, peser montagnes et collines (Esaïe 40.12 ) Son œuvre de création mais aussi sa providence s’appliquent à tous les pays et à toutes les créatures de la terre et pas seulement à Israël. Il a des projets pour l’Assyrie puis pour Babylone ; il en aura plus tard pour la Perse avec Cyrus aussi bien que pour Israël.
Israël restreint son droit, sa justice au cadre de son petit pays. Son sens limité du temps exige une satisfaction immédiate.

Dieu ne s’épuise ni ne se fatigue

Même après avoir déployé les cieux comme une tente (v. 22), avoir fait marcher en ordre l’armée des astres (v. 26) (Version Semeur)

Il est indépendant et n’a pas besoin de notre aide

« De qui Dieu a t-il pris conseil pour se faire éclairer ? (v.14) (Version Semeur)
Les nations sont comme des gouttes dans un seau , comme un grain de sable (v. 15) … Elles ont pour lui la valeur du néant et du vide (v. 17) La puissance de l’Assyrie et de Babylone peut paraître terrifiantes, ces empires ne sont rien devant Dieu. Leurs rois, il les réduit à néant, comme des fétus de paille (v. 23-24).

Dieu donne force et courage : Esaïe 40.29-31

Il (Dieu) donne de la force à celui qui est épuisé
et il augmente la vigueur de celui qui est à bout de ressources.
Les adolescents s’épuisent, ils se fatiguent,
les jeunes gens finissent par trébucher ;
mais ceux qui espèrent le Seigneur renouvellent leur force.
Ils prennent leur essor comme les aigles ;
ils courent et ne se fatiguent pas,
ils marchent et ne s’épuisent pas. Segond 21

A celui qui est fatigué

Il donne de la force à celui qui est fatigué, Et il augmente la vigueur de celui qui est à bout de ressources (qui tombe en défaillance, Semeur)

Cette force, appliquée à Dieu, suggère sa toute puissance.

Cette force pour celui qui est fatigué, cette vigueur pour celui qui est à bout de ressources, il les met à la disposition d’Israël.  Il les donne à tous ceux qui reconnaissent leur faiblesse, leurs limites. Il la donne même à ceux qui se croient forts, qui ont l’illusion d’être forts mais risquent de faiblir et de tomber, une fleur qui se fane, une herbe qui se flétrit.

Les jeunes se fatiguent et trébuchent

Les adolescents s’épuisent, ils se fatiguent, les jeunes gens (robustes gaillards, Semeur) finissent par trébucher

«Jeunes gens» vient d’un mot qui signifie élu, choisi pour porter les armes, donc ce sont des hommes dans la force de l’âge. 
Même les jeunes hommes, qui sont des symboles d’énergie, et les gages du  renouvellement de la nation, trébuchent et s’écroulent. La force humaine n’est pas grand chose. C’est parfois plutôt l’obstination, l’entêtement : une illusion de force.
La véritable force consiste à ne pas s’entêter dans des positions fausses, à se rendre compte de ses limites, ne pas se faire d’illusions sur ses capacités ou sa résistance à long terme mais c’est faire confiance aux capacités illimitées de Dieu.

Mais ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leur force

« Ils prennent leur essor, leur envol comme les aigles ;
ils courent et ne se fatiguent pas,

ils marchent et ne s’épuisent pas »

Se confier en l’Éternel, c’est un espoir qui attend ou une attente qui espère. La confiance se manifeste dans la durée.

Esaïe encourage ses compatriotes à persévérer dans la foi car il sait prophétiquement qu’ils seront plus tard exilés à Babylone.

Et ils auront besoin de cette foi qui espère

L’aigle prend son essor, non par la puissance de ses ailes, mais parce que  les courants du vent soulèvent ses ailerons.

Ni par la puissance, ni par la force mais par mon Esprit. (Zacharie 4.6)

Ceux qui font confiance à Dieu seront portés par l’Esprit de Dieu. Ils recevront la force et la patience nécessaires pour surmonter les moments difficiles, pour ne pas se fatiguer, ne pas faiblir, mais continuer.

A l’aube de la nouvelle année, nous faisons des projets …. Et nous voudrions les voir se réaliser.
Mais si des obstacles surviennent, …s’il nous semble que nos désirs en se réalisent pas …

Ne campons pas sur nos droits … et ne tombons pas dans la dépression. Mais … gardons le silence devant l’Éternel et espérons en lui (Psaume 37), … nous soumettant à Dieu à l’exemple du Christ (1 Pierre 2. 21).

 

C. Streng

Le repas chez Simon ou la pécheresse repentante – Luc 7

Le repas chez Simon

Dans cet épisode de l’Evangile de Luc (7.36-50) , le Christ interagit avec deux personnages que tout  oppose : Simon, un pharisien et une femme pécheresse anonyme.

Philippe de Champaigne, un peintre français du 17e s l’a mis en scène sous le titre  « Le repas chez Simon ou la pécheresse repentante ».

Juifs et païens dans les premières églises chrétiennes

Dans les années 60 de notre ère, les églises chrétiennes sont déjà bien constituées, avec des Juifs et des païens convertis. Mais les relations entre les deux groupes ne sont pas toujours au beau fixe. Les Juifs respectent la Loi, une loi morale forte, alors ils ont tendance à mépriser les païens convertis venus d’une société idolâtre et immorale.

Ces païens convertis ont donc besoin de savoir qu’ils sont eux aussi pardonnés, acceptés dans la famille de Dieu.

Luc et son Evangile

C’est à peu près à ce moment-là, que Luc va écrire son Evangile, à partir des récits des témoins oculaires, (1.1-2) ? En effet,  lui n’était pas présent pendant le ministère terrestre de Jésus.   

Luc va  montrer que Jésus est venu pour être le Sauveur de tous les hommes, Juifs ou païens, comme Théophile auquel il dédie son Evangile. Par de nombreux miracles et guérisons, le Seigneur authentifie sa mission : « Il est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19.10). Encore faut-il  reconnaître qu’on est perdu.

Jésus sous les divers aspects de son ministère

Le chapitre 7 présente Jésus sous les divers aspects de son ministère, annoncés par Esaïe 61.1-2

L’esprit du Seigneur, l’Eternel, est sur moi, Car l’Eternel m’a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux ; Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, Pour proclamer aux captifs la liberté, Et aux prisonniers la délivrance ;

– Celui qui guérit – le serviteur de l’officier romain (7.1-10)

– Celui qui ressuscite – le fils de la veuve de Naïn (7.11-17)

– Celui qui doit venir, annoncé par Jean-Baptiste, selon les Ecritures,  et qui a connu le rejet (7. 18-35)

– le prophète, c’est à dire l’oint, qui a reçu l’onction divine – le Christ et Seigneur avec l’autorité divine de pardonner les péchés : le repas chez Simon ou le pécheresse repentante (7. 36-50)

36 Un pharisien invita Jésus à manger avec lui. Jésus entra dans la maison du pharisien et se mit à table. 37 Une femme pécheresse qui se trouvait dans la ville apprit qu’il était à table dans la maison du pharisien. Elle apporta un vase plein de parfum 38 et se tint derrière, aux pieds de Jésus. Elle pleurait, et bientôt elle lui mouilla les pieds de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les embrassa et versa le parfum sur eux. 39 Quand le pharisien qui avait invité Jésus vit cela, il se dit en lui-même: «Si cet homme était prophète, il saurait qui est celle qui le touche et de quel genre de femme il s’agit, il saurait que c’est une pécheresse.» 40 Jésus prit la parole et lui dit: «Simon, j’ai quelque chose à te dire.» «Maître, parle», répondit-il. 41 «Un créancier avait deux débiteurs: l’un d’eux lui devait 500 pièces d’argent, et l’autre 50. 42 Comme ils n’avaient pas de quoi le rembourser, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l’aimera le plus?» 43 Simon répondit: «Celui, je pense, auquel il a remis la plus grosse somme.» Jésus lui dit: «Tu as bien jugé.» 44 Puis il se tourna vers la femme et dit à Simon: «Tu vois cette femme? Je suis entré dans ta maison et tu ne m’as pas donné d’eau pour me laver les pieds; mais elle, elle les a mouillés de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. 45 Tu ne m’as pas donné de baiser; mais elle, depuis que je suis entré, elle n’a pas cessé de m’embrasser les pieds. 46 Tu n’as pas versé d’huile sur ma tête; mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds. 47 C’est pourquoi je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés, puisqu’elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui l’on pardonne peu aime peu.» 48 Et il dit à la femme: «Tes péchés sont pardonnés.» 49 Les invités se mirent à dire en eux-mêmes: «Qui est cet homme qui pardonne même les péchés?» 50 Mais Jésus dit à la femme: «Ta foi t’a sauvée. Pars dans la paix!» Segond 21

Le texte de Luc, illustré par le tableau, selon 3 axes

  • La femme et sa manifestation d’amour, de reconnaissance
  • Le pharisien bloqué dans ses convictions, la dictature des apparences
  • Jésus, la finesse du regard, au delà des apparences   

Le contexte

La pécheresse

Luc présente une pécheresse anonyme. Elle vient  d’une ville qui n’est pas nommée non plus. Sans doute un souci de discrétion. Peut-être Naïn citée un peu plus haut, ou alors Capernaüm

La tradition catholique, a supposé que la ville était Magdala. Elle a identifié la pécheresse avec Marie Madeleine.  Ainsi est née, la légende célèbre dans la littérature religieuse et dans les arts, de la Madeleine pénitente.

Dans les autres Evangiles (Matthieu 26.6s Marc 14.3s, Jean 12.1s,) une femme verse aussi du parfum. Pas sur les pieds, mais sur la tête de Jésus. Marie de Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare. Elle peut difficilement être confondue avec la pécheresse du texte de Luc

Le tableau

Le tableau peint en 1656 était installé dans le réfectoire de l’abbaye du Val de Grâce, à Paris. Il invitait les religieuses à méditer, au cours des repas, l’Evangile en images.

Il est conservé au musée de Nantes

Sa construction très symétrique met en valeur les deux personnages principaux. Au premier plan au centre, à notre gauche Jésus,  en face, Simon

Dans les peintures de repas des scènes bibliques, les convives étaient assis autour d’une table carrée. A partir du 17e s, sous l’influence de l’archéologie, on représente les convives  à demi couchés autour d’une table en demi-cercle (triclinium ).
Champaigne peint un triclinium parce que Luc a écrit : « Il entra et prit place sur un lit ».

I. La femme et sa manifestation d’amour, de reconnaissance

Une pécheresse, peut-être une prostituée… Le texte ne le précise pas

Elle rompt la symétrie. Sa présence déséquilibre la scène, elle bouleverse ce qui est organisé, ordonné.

D’ailleurs comment a-t-elle pu entrer dans la maison, parmi les invités ?

Ce n’était pas inhabituel. Dans les repas de fête, toute personne pouvait  entrer, s’asseoir contre le mur, regarder les invités et peut-être demander des restes

la pécheresse repentante embrassant les pieds de Jésus

Elle se tient derrière aux pieds de Jésus

Comme les autres convives, Jésus était à demi couché sur le bras gauche, appuyé sur les coussins d’un divan, et les pieds nus étendus en arrière

… les cheveux dénoués.

La femme  oublie les convenances sociales. Il était honteux pour une femme de dénouer ses cheveux en public.  C’était un motif de divorce.

Elle tient et caresse le pied de Jésus. Elle ne s’intéresse pas du tout à la discussion entre Simon et Jésus, ni au scandale qu’elle a provoqué. Elle est aux pieds du Seigneur et seul cela compte.`

Elle arrose de ses larmes les pieds de Jésus  et les essuie avec ses longs cheveux dénoués.

Elle pleure d’émerveillement devant le pardon de Dieu. Elle sait qu’elle est acceptée, aimée  de Dieu. Elle a probablement entendu les enseignements de Jean-Baptiste, et aussi ceux de Jésus… Et elle s’est laissé convaincre … de repentance

Elle verse le parfum sur les pieds du Sauveur

Son parfum personnel, un parfum très cher contenu dans un vase d’albâtre, souvent orné d’argent et d’or.  Elle manifeste ainsi sa reconnaissance…Quand on aime, on ne compte pas

II Le pharisien, bloqué dans ses convictions : la dictature des apparences

Simon le pharisien et son geste de mépris

 

 

Le pharisien se dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait qui et de quelle espèce est la femme qui le touche, il saurait  que c’est une pécheresse.

Comment expliquer sa réaction négative devant le comportement de Jésus ?

Simon l’a bien remarqué : Jésus a accepté le geste d’amour de la femme. Il ne l’a pas repoussée avec dégoût et  mépris.
Mais lui, le pharisien, ne comprend rien à cette scène, ni à sa profonde signification morale.

Alors il  construit ses hypothèses

Si Jésus est un prophète, il doit savoir ce que valent les gens.

On reconnaît un prophète à sa clairvoyance. On le reconnaît aussi à sa sainteté.

Un prophète ne se laisserait pas toucher par une femme pécheresse et impure.

Si Jésus savait que la femme est une pécheresse, il ne voudrait rien avoir à faire avec elle. Or Jésus a laissé la femme le toucher. Donc il ne sait pas qui est cette femme. Par conséquent il ne peut être un saint prophète

Et il en tire ses conclusions

Puisque Jésus n’a pas rejeté cette femme, il ne sait pas ce que valent les gens.

Puisque Jésus ne sait pas que cette femme est une pécheresse, il ne peut pas être un prophète.

Puisque Jésus n’est pas un saint prophète, je  peux le rejeter, lui, son message et son ministère.

Mais ses conclusions logiques en elles mêmes sont tirées d’hypothèses fausses

Simon ne dit rien mais le langage du corps parle à sa place

Son portrait représente bien le pharisien d’un certain âge, tel qu’on l’imagine.

  • Visage au large front, teint sanguin de l’homme bien nourri
  • Regard dur du notable persuadé de sa supériorité
  • Mépris exprimé par le geste de repousser avec la main

Mépris traduit  aussi par les mots qu’il utilise dans sa réflexion muette : « qui elle est, ce qu ‘elle est, c’est à dire une pécheresse »

La scène qu’il voit le choque : il la refuse.

Refus : le pharisien, c’est le « séparé » du peuple qui ne respecte pas assez la loi du pur et de l’impur.

Des règles de pureté inapplicables pour le peuple

Les pharisiens voulaient que le peuple lui aussi applique, dans la vie courante, toutes les règles de pureté obligatoires  pour les prêtres au moment de leur service dans le Temple. Par exemple, le prêtre en exercice ne pouvait toucher un mort, humain ou animal, sous peine de souillure rituelle (la parabole du Bon Samaritain).

Mais pour le peuple du pays, c’était impossible à appliquer … Les gens et les bêtes mouraient à la maison et il fallait s’en occuper.

Les professions dites « impures »

On regardait comme impures les professions en relation avec l’étranger, le non juif : …

La Mishnah, un commentaire juif  déclare: « Si les collecteurs d’impôts sont entrés dans une maison [tout ce qui est en elle] devient impur »

les métiers en contact avec des animaux qui pouvaient être malades, souillés ou morts

Des métiers indispensables : berger pour les troupeaux des riches propriétaires, ou  tanneur des peaux des animaux sacrifiés dans le Temple.

Le problème : on confondait pureté ou impureté rituelle avec péché ou sainteté morale.

Quand risque-t-on pas de se conduire en  pharisiens comme Simon ?

Quand on évalue les gens d’un coup d’œil rapide, sans même leur adresser la parole. On  les catalogue  en fréquentables, ou non fréquentables, quand on dit, « il (elle) n’est sûrement pas chrétien » au vu de l’ aspect extérieur, de la coiffure, de la manière de s’habiller, peut-être même de la profession.

Mais aussi en tant que chrétiens, quand nous nous plaignons des autres et des circonstances, sans reconnaître nos propres erreurs

III. Jésus, la finesse du regard, au delà des apparences

le geste d’amour et de pardon de Jésus

 

Comme d’habitude chez Philippe de Champaigne, Jésus est vêtu d’une robe rose, le rouge de l’amour. Il est enveloppé d’un manteau bleu, symbole de pureté. On remarque la finesse, le dessin minutieux et délicat des sandales, au pied du lit.  Un discret halo autour de la tête symbolise sa divinité.

Jésus est bien prophète.

Il a lu dans la pensée de Simon ses idées préconçues à propos des pécheurs et son rejet de la femme.

Un enseignement en bonne et due forme sur le pardon ne va pas forcer le pharisien à changer d’avis.

Il raconte une histoire qui va mettre en plein jour ce que le pharisien ne veut pas voir

41 «Un créancier avait deux débiteurs: l’un d’eux lui devait 500 pièces d’argent, et l’autre 50. 42 Comme ils n’avaient pas de quoi le rembourser, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l’aimera le plus?» 43 Simon répondit: «Celui, je pense, auquel il a remis la plus grosse somme.» Jésus lui dit: «Tu as bien jugé.»

« Lequel l’aimera le plus, c’est à dire montrera le plus de reconnaissance ? »

En hébreu ou araméen, il n’y a pas de mot particulier pour remercier ou exprimer la reconnaissance. Donc on utilise des mots comme amour, louange, bénédiction.

Ce court récit conduit à une  conclusion si  évidente que Simon tombe dans le panneau….

Celui, celle à qui le créancier a remis la plus grosse dette

sous entendu, cette femme pécheresse, évidemment, pas moi

« Alors, Simon,  es-tu incapable de comprendre pourquoi cette femme se conduit d’une manière qui te choque tellement.  Son attitude, ses larmes, ses gestes montrent sa reconnaissance. Elle sait que Dieu lui a beaucoup pardonné  » 

Et toi,  tu te trompes toi-même en t’imaginant que tu n’as pas besoin de pardon

Puis, se tournant vers la femme, il dit à Simon:

Vois-tu cette femme? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as point donné d’eau pour laver mes pieds; mais elle, elle les a mouillés de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux…

Je suis entré dans ta maison : service minimum

Intentionnellement  Jésus commence l’application de la parabole par : « Je suis entré dans ta maison ».

Il a fait au pharisien un honneur que celui-ci ne lui a pas rendu.

Que diriez-vous si on vous invitait à un repas et, à votre arrivée, rien, aucun contact… Ni poignée de main, ni baiser. On ne vous propose pas de passer à la salle de bain pour vous rafraîchir. On vous montre votre place à table sans vous présenter aux autres invités…

Cette courtoisie élémentaire en société,  se pratiquait aussi dans le Moyen Orient ancien. Ces gestes de politesse traditionnelle, Simon les néglige très clairement quand Jésus arrive chez lui.

Serait-ce peut-être : Ce jeune rabbin, invitons le avec des gens bien et voyons comment il s’en tire ?

D’où le service minimum.

C’est la femme qui a fait à Jésus les honneurs de la maison.

C’est elle, la vraie maîtresse de maison

Jésus le souligne par un série d’oppositions. Mais

Pas d’eau

Simon n’a pas donné d’eau à Jésus pour laver ses pieds. C’était une habitude de l’époque où on marchait en sandales dans des chemins poussiéreux. Le négliger signifiait que le visiteur était d’un rang très inférieur.

Mais des larmes

Ce n’est pas de l’eau mais des larmes d’amour et de reconnaissance que la femme verse sur les pieds de Jésus

Pas de baiser  sur les joues ou sur la main

Simon n’a pas donné à Jésus de baiser fraternel. Sur les joues ou sur la main si la personne était d’un rang social important.

Mais elle, elle n’a pas arrêté de m’embrasser les pieds…

Pas d’huile d’olive mais un parfum coûteux

Pas non plus d’huile d’olive qui protégeait la peau de la transpiration excessive, Mais un parfum coûteux. Quand on aime, on ne calcule pas….

Simon, tu ne m’as pas donné le minimum

tu aurais pu le faire au moins par simple politesse, sans engager ton coeur

Mais elle, elle a fait le maximum,

elle a engagé tout son cœur, toute sa vie devant tout le monde

C’est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés

– car/ puisqu’elle a beaucoup aimé.. (Segond)

-C’est pourquoi je te le dis, ses nombreux péchés lui ont été pardonnés, c’est pour cela qu’elle m’a témoigné tant d’amour. (Semeur)
Mais celui à qui on pardonne peu aime peu

La déclaration de pardon peut être comprise dans deux sens opposés, selon la traduction de la particule grecque OTI

Aimer pour être pardonné Ou Aimer /être reconnaissant parce qu’on a été pardonné

Aimer pour être pardonné

Les versions catholiques et aussi les versions Segond traduisent OTI par car, parce que, puisque

Elle est pardonnée à cause de sa conduite : parce que, puisque, car, elle a beaucoup aimé

A cause de ce qu’elle a fait, ses péchés ont été pardonnés.

ALORS est-ce la doctrine du pardon par les œuvres ?

Le grand amour de la pécheresse serait-il  la raison de son pardon ? N’est ce pas plutôt sa foi ?

Aimer /être reconnaissant parce qu’on a été pardonné

La Version Semeur traduit OTI par « c’est pour cela, c’est pourquoi »

A cause de ce qu’elle a fait, je peux maintenant conclure que ses péchés ont été pardonnés ou

Je déclare que ses nombreux péchés ont été pardonnés, c’est rendu évident par le fait qu’elle a beaucoup aimé.

L’attitude de la femme, révélée par ses gestes d’amour et de reconnaissance est la preuve qu’elle a expérimenté le pardon.

Cette  interprétation est en accord aussi avec  la parabole des deux débiteurs

Elle illustre le grand principe  évangélique du pardon et du salut par la foi seule pour lequel Luther, Calvin ont combattu.

Et il dit à la femme: Tes péchés sont pardonnés. Va en paix

Trois doigts repliés et deux doigts tendus : Symbole de miséricorde, de  salut, et de rachat

Depuis la position élevée de Jésus, ce salut descend d’en haut sur la femme.

La femme a déjà été pardonnée (v. 47). La déclaration directe de Jésus la renforce dans son assurance. Par la foi, elle a expérimenté le pardon des péchés. Elle peut partir en paix

Qui est digne de la vie éternelle ?

L’Eglise chrétienne est la seule société au monde à laquelle on peut adhérer tout en étant indigne d’en être membre disait un chrétien américain  (Charles C. Morrison)

Qui a le droit d’entrer dans le royaume de Dieu, autrement dit, qui peut prétendre à recevoir la vie éternelle ?

Moi évidemment, dit le pharisien.  Moi J’applique à la lettre la Loi de  Moïse, jusque dans les détails. Moi je me garde pur, séparé de ce qui est impur ou même moins pur, en particulier les étrangers et les pécheurs.

Bref, le royaume de Dieu c’est comme un club réservé à certains, … à ce pharisien

Et ce pharisien  lie des fardeaux pesants, et les met sur les épaules des hommes, mais il ne veut pas les remuer du doigt (Matthieu 23.4)

C’est lui qui tient la clé de la porte d’entrée du ciel, bien verrouillée…

Mais en fait, comme le dit Jésus, il la ferme autant pour lui que pour les autres

Malheur à vous, spécialistes de la loi et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez aux hommes l’accès au royaume des cieux; vous n’y entrez pas vous-mêmes et vous ne laissez pas entrer ceux qui le voudraient. Mt 23.13

Qui est appelé à entrer dans le royaume de Dieu ? Qui peut recevoir, par grâce, la vie éternelle ?

« Appelé » et pas « a le droit » « recevoir par grâce » et pas « prétendre »

Toute personne, même celle qui n’a pas les qualités requises, celle qui n’est pas à la hauteur, celle qui a besoin de secours, … le non juif, l’étranger, le pécheur…l’incapable, le raté…

A condition de reconnaître son péché devant Dieu, de se juger indigne d’être reçu dans son royaume, à condition de demander avec foi qu’il accorde par grâce, son pardon.

L’officier romain du début du chapitre, un homme respecté et apprécié, dit à Jésus : Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. Et  en même temps il exprime sa foi, sa confiance : Mais dis un mot et mon serviteur sera guéri

Alors, comment définir l’Eglise ?

  • Une assemblée de chrétiens ?
  • Une assemblée d’enfants de Dieu ?
  • Une assemblée de pécheurs pardonnés  ?

Oui, des pécheurs pardonnés par Jésus-Christ … mais qui doivent toujours continuer à demander pardon pour leurs péchés.

Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous. 9 Si nous reconnaissons nos péchés, il est juste et digne de confiance : il nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de toute injustice. 1 Jn 1.8-9

Où se situe le chrétien ? Du côté de Simon ou du côté de la pécheresse repentie ?

Si nous croyons que nous sommes pas si mal que ça en nous comparant aux autres, si nous voyons leur pailles sans que nos poutres ne nous crèvent les yeux, (Luc 6. 41-42) en particulier quand nous ne sommes pas d’accord avec eux, alors, nous ressemblons à Simon. Et Jésus peut nous traiter  d’hypocrites

Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour retirer la paille qui est dans l’œil de ton frère

Reconnaissons que c’est par la grâce de Dieu que nous avons été rachetés pour la vie éternelle. Continuons à confesser devant Dieu les péchés de chaque jour, les péchés évidents et ceux qui restent cachés dans notre pensée, et que personne ne voit, alors nous ressemblons à la femme, repentie et en paix.

Une réflexion honnête et sincère de chaque jour, qui appelle péché ce qui est péché, sans se chercher d’excuses, un cœur qui souffre parce qu’il a péché, un cœur qui se repent et croit que Dieu lui accorde le pardon, voilà ce qui plaît au Seigneur.

C. Streng

Abraham ou la confiance en Dieu

La confiance en Dieu : Abraham

Le chapitre 11 d’Hébreux nous propose une galerie de portraits de l’Ancien Testament pour illustrer divers aspects de la confiance en Dieu. Arrêtons-nous au cas d’Abraham pour dégager ce qu’a signifié pratiquement faire confiance à Dieu dans son cas particulier.

Genèse 12.1-3

1 L’Eternel dit à Abram : Va, quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père pour te rendre dans le pays que je t’indiquerai. 2 Je ferai de toi l’ancêtre d’une grande nation ; je te bénirai, je ferai de toi un homme important et tu deviendras une source de bénédiction pour d’autres. 3 Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui t’outrageront. Tous les peuples de la terre seront bénis à travers toi. 

Hébreux 11.8-10

 8 Par la foi, Abraham a obéi à l’appel de Dieu qui lui ordonnait de partir pour un pays qu’il devait recevoir plus tard en héritage. Il est parti sans savoir où il allait. 9 Par la foi, il a séjourné en étranger dans le pays qui lui avait été promis, vivant sous des tentes, de même que Isaac et Jacob qui sont héritiers avec lui de la même promesse. 10 Car il attendait la cité aux fondements inébranlables dont Dieu lui-même est l’architecte et le constructeur

1. L’environnement social

Un saut en arrière de 4000 ans.

Ur, une culture très avancée

À l’origine la famille de Térach, le père, est établie à Ur, la capitale des Sumériens à qui ont succédé les Chaldéens. Culture déjà ancienne et très avancée qui a inventé l’idée d’écrire (tablettes cunéiformes) et cela 1000 ans avant l’époque d’Abraham.
Ur se situe sur ce qui était alors l’embouchure de l’Euphrate dans le Golfe Persique, donc un lieu d’échanges commerciaux et de contacts très nombreux, à la base orientale du Croissant fertile

Une famille aisée, pas du tout nomade

La famille, sans doute assez aisée, est citadine, bien établie dans son cadre urbain, tout à l’opposé de l’image de nomades qu’on applique souvent à tort aux patriarches.

Départ pour Canaan

Pour une raison inconnue, voilà que Térach veut aller en Canaan (Gn 11.31), à 2000 km de marche de là ! Pour tous et pour le jeune Abram en particulier, c’est un chamboulement complet. Quand on est jeune, on aime changer, voyager, voir autre chose. Mais quitter TOUT : le cadre de vie, la famille, les amis, les fonctions, même la religion, centrée sur la culte de Sin, déesse de la Lune. Tout recommencer, dans un inconnu total… !

Mais arrêt à Haran

Il est vrai que Térach, le citadin, s’arrête à mi-chemin, à Haran, à 1000 km d’Ur. Important croisement des routes commerciales de haute Mésopotamie.

Sanctuaire de la déesse Sin

La seule chose qui ne les dépaysera pas, c’est que Haran est le deuxième grand sanctuaire de la déesse Sin au Moyen Orient. C’est là que Térach le citadin s’établit définitivement avec les siens, lassé de cet énorme voyage. Ouf !

2. Encore partir

Oui, mais c’est alors qu’arrive 12.1 !

L’Eternel dit à Abram : Va, quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père pour te rendre dans le pays que je t’indiquerai. 

Absolument inattendu, totalement laconique, mais vraiment inconcevable. Et en plus ce n’est pas une offre ouverte, c’est un ordre :

« Va, pars d’ici et va dans l’inconnu, sans indication de destination ! »

Une autre surprise : 12.4 !

Abram partit donc comme l’Eternel le lui avait demandé, et Loth s’en alla avec lui. Abram avait soixante-quinze ans quand il quitta Harân

Et nous qu’aurions-nous fait ? Après combien de questions, d’objections, de changements d’avis ?

Il est vrai qu’après 12.1 vient aussi 12.2-3

2 Je ferai de toi l’ancêtre d’une grande nation ; je te bénirai, je ferai de toi un homme important et tu deviendras une source de bénédiction pour d’autres. 3 Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui t’outrageront. Tous les peuples de la terre seront bénis à travers toi. 

Après l’autorité majestueuse, imposante de la voix qui demande de tout quitter, il y a les promesses époustouflantes, énormes qui font sentir une bienveillance, une générosité inconditionnelles et confondantes, un engagement inouï parmi les hommes.

Qui peut parler comme ça ?

Pas un homme, ce serait se moquer, pas une idole, elles sont inexistantes.

Un peu de recul

Les jugements de Dieu (déluge, tour de Babel)

Le jugement du déluge a laissé des traces dans toutes les grandes cultures du monde et spécialement du Moyen Orient (épopée de Gilgamesh, bibliothèque d’Assurbanipal).
Le jugement sur l’orgueil humain à la tour de Babel a aussi frappé les mentalités.

Mais qui s’est converti et revenu à Dieu ?

Quelques rares personnes restent attachées à leur Créateur dans un environnement païen dominant : Job, ses amis (et encore…)

Abram serait-il du nombre, malgré l’idolâtrie de sa famille (Jos 24.2) ? En tout cas dès qu’il a perçu la majesté de celui qui lance l’ordre et réalisé l’étendue de ses promesses, il est sur le départ.

Quel voyage !

Ordonné, conduit par Dieu

Pas choisi, comme le premier décidé par Térach, mais ordonné, conduit par Dieu ; totalement dans l’inconnu, même pas de destination, d’itinéraire connu d’avance.

Sous tente

Ce ne sera pas pour s’installer de nouveau en ville, mais désormais sous tente, quelque part en pleine nature, d’abord près du chêne de Moré, puis du côté de Bethel, puis dans le Negev.

Mais pas vraiment nomade

Au début il circule, pour découvrir le pays que Dieu lui a promis, mais ce n’est pas une vie de nomade, car il ne repartira plus ensuite que sous la pression des évènements. Pas par goût de la liberté, par tradition nomade. Ses fils et petits-fils feront de même.

Le changement essentiel

Plus Sin mais l’Eternel

Désormais la vie de toute sa maisonnée ne se déroule plus sous le signe imposé de la déesse Sin, mais sous l’autorité choisie de l’Eternel.

Térach resté idolâtre

Térach, lui, avait quitté le culte de Sin à Ur pour retomber dedans à Haran. Et comme il reste à Haran, il reste aussi et mourra dans l’idolâtrie. Il n’a pas, comme Abraham, tourné radicalement le dos au passé, pour repartir à zéro avec Dieu.

Abraham libéré du paganisme

Par son appel l’Eternel a libéré Abraham de ce fatras païen par la rupture radicale qu’il lui a demandée.

Une vraie amitié entre Abraham et Dieu

Et le sérieux et la gratitude d’Abraham s’expriment dans le fait que la première chose qu’il fait à Moré et à Béthel, c’est dresser un autel à son Dieu. Il ne s’agit pas d’un acte religieux de plus, car Abraham aura toute une série de rencontres personnelles avec ce Dieu, au point qu’une vraie amitié va se développer entre eux.

Sa décision de faire confiance

En partant ainsi, Abraham a pris une décision qui ferait peur à beaucoup de gens, tant elle paraît folle. Pour une raison qu’il faut oser s’avouer : on veut bien admettre que Dieu est plus grand que l’homme, mais de là à engager toute son existence sur une de ses paroles, en s’attendant comme à une évidence qu’il la réalisera sans faute…

Et encore à sa manière, à son heure et à la dimension qu’il choisit, lui… C’est bien un problème de confiance !

Soyons logiques : quand nous avons placé notre vie sous son autorité, nous lui avons ainsi dit d’en disposer comme il voudra, comme de son bien.

Une mise au point importante : les interventions de Dieu pas arbitraires ou tyranniques mais bienveillantes et généreuses

Ses interventions ne seront pas arbitraires ou tyranniques, à la manière des hommes, mais marquées de la bienveillance patiente et de l’infinie générosité typiques de notre Père céleste.

Obéissance … bénédiction

Si nous l’aimons, une parole de sa part prise au sérieux peut impacter toute une étape de la vie, selon le principe voulu par lui : une obéissance débouche tôt ou tard dans une bénédiction (Dt 11. 26-27)

3. Un complet recommencement

Pourquoi Dieu a-t-il choisi justement Abraham et pas un autre ?

C’est la totale et libre souveraineté de notre Créateur envers sa créature. Pas au hasard, mais par grâce. Pas en vertu de ce qu’Abraham a fait, mais de ce que Dieu a discerné dans son cœur.

Souvenons-nous du Psaume  51.7-8 : honnêteté face à la vérité

Je suis depuis ma naissance marqué du péché… mais tu veux que la droiture demeure au fond de mon être.

La droiture, l’honnêteté en face de la vérité, dès qu’elle est reconnue comme telle, une orientation d’esprit prête à tirer les conséquences de la vérité.

Abraham, un homme prêt à faire confiance à Dieu

Dieu a vu en Abraham un homme prêt à lui faire confiance, par principe, parce que Dieu mérite toute confiance. N’est-ce pas là le minimum que le Dieu vivant et vrai peut attendre de sa créature, quelles que soient ses conditions de vie ? (En ce sens Abrahm. est le frère de Job.) Dieu savait qu’Abraham accueillerait sa parole avec sérieux, il le savait, mais n’a rien fait pour l’y obliger.

Arrêtons-nous un peu aux promesses de Dieu

Dieu lui assure pas simplement une nouvelle résidence, mais tout un pays en héritage

Genèse 12.7

Le SEIGNEUR apparut à Abram et dit : Je donnerai ce pays à ta descendance. Abram bâtit là un autel pour le SEIGNEUR qui lui était apparu

Hébreux  11.8

C’est par la foi qu’Abraham obéit à un appel en partant vers un lieu qu’il allait recevoir en héritage : il partit sans savoir où il allait.

Un pays

Dieu ancre sa promesse de bénédiction dans un pays et elle pourra donc se vérifier bien concrètement en récoltes, bétail et provisions. Les valeurs matérielles et spirituelles vont ainsi s’unir dans les évènements ordinaires de la vie du pays.

Un homme important, ancêtre d’une grande nation

Dieu lui promet aussi de devenir un homme important, placé sous la bénédiction et la protection de Dieu lui-même et l’ancêtre d’une grande nation. Encore un fait largement concret et observable par quiconque.

Promesses réalisées

L’une comme l’autre promesse ont été magnifiquement réalisées. De ce point de vue Abraham est même le point de départ d’une nouvelle manière de Dieu de conduire l’humanité et de restaurer une vraie relation, perdue à cause du péché.

La bénédiction promise à travers lui pour tous les peuples de la terre se répand depuis 2000 ans grâce à l’œuvre de Jésus, son plus illustre descendant et du Saint-Esprit, à l’œuvre au moyen de l’Église.

Mais sur le long terme, pas immédiatement

Cela s’est réalisé dans la perspective longue de toute l’histoire humaine. Mais au départ, pour Abraham, cela n’avait rien d’évident et son vécu du moment aurait pu le décourager de croire à ces promesses.

Héritier mais toujours étranger

En effet, comment se considérer comme l’héritier de tout un pays, certes promis, mais dans lequel on vit toujours en étranger sous une tente et où, à l’occasion, les autochtones sont hostiles.
Et dans ce pays dont il avait au départ fait le tour du propriétaire, il ne possède en fait qu’une caverne funéraire pour Sara. Et il a dû mettre le prix pour l’obtenir.

Ancêtre mais encore sans enfant

Pire encore, comment devenir l’ancêtre d’une grande nation, quand on est sans enfant, très âgé, l’épouse aussi et stérile ? Là la confiance a subi l’épreuve du feu.

C’est là que Dieu se manifeste

Mais là aussi le Dieu à qui Abraham a fait confiance, s’est magnifiquement manifesté comme celui qui dit et la chose existe.

Placé en présence de Dieu, Abraham mit sa confiance en celui qui donne la vie à ce qui est mort et appelle à l’existence ce qui n’existe pas.  Romains 4.17.

Au delà des impossibilités et des obstacles

L’évidence incontestable des impossibilités biologiques, des obstacles pratiques infranchissables a été balayée comme fétu par celui à qui rien n’est impossible.

Oui, Dieu mérite une confiance totale. Y suis-je prêt ?

4. Mais en attendant …

Le calendrier est aux mains de Dieu et il peut s’écouler tout un temps entre la promesse et sa réalisation. Non pas pour la faire oublier, comme font certaines gens. Mais pour tester si la foi d’Abraham est à la hauteur de son grand Dieu, pour l’éduquer, ce qui explique la famine en Canaan et la tentation d’aller en Égypte pour y échapper.

L’attente, un temps d’éducation spirituelle

Ce temps d’attente, de patience est un temps d’éducation spirituelle, peut-être l’étape la plus dure. Mais Abraham ancre sa confiance dans la garantie d’un héritage et croit que celui-ci dépassera même l’horizon terrestre (Hébreux  11.9-10).

Une leçon précieuse : capable de patience grâce à Dieu

C’est en gardant l’esprit tourné vers Dieu qu’on devient capable de patience, capable de continuer la course fidèlement, même quand ça devient dur, très long, un peu fou (Col 3.1-4). Le meilleur remède contre le découragement, la fatigue, la pitié de soi = se savoir en présence de Dieu, aujourd’hui et pour toujours.

Evitant le drame de l’auto-centrisme

Si je reste braqué sur ici-bas, la moindre chose qui tourne mal, qui semble trop longue ou n’est pas appréciée par les autres, devient un drame. Je suis alors facilement submergé par les réactions, les désirs de ma nature charnelle et je ne les contrôle plus.

Gardant l’esprit accroché au Seigneur

Mais si dans la difficulté je garde l’esprit accroché au Seigneur, je reste branché sur le maître des circonstances, sur celui qui garde tous ses moyens quand je n’en ai plus et lui en a souvent d’étonnants.

Patience et efficacité

Alors je peux même être patient = attendre le moment de Dieu, faire confiance que son calendrier est le bon. Ce n’est pas parce qu’Abraham avait trop la tête au ciel qu’il n’était plus efficace sur terre. Et, inversement, on ne sert pas à grand chose sur terre quand on n’a pas l’esprit tourné vers le Tout-puissant.

De l’obéissance à la bénédiction : un chemin d’éducation

J’avais énoncé tout à l’heure un principe divin selon lequel une obéissance à un ordre débouche finalement dans une bénédiction. Il me faut y revenir pour y apporter un important complément. L’obéissance est notre part, capitale. La bénédiction est la réponse finale de Dieu. Mais entre les deux il y a une part essentielle d’éducation par Dieu. Cette part est souvent oubliée par les disciples du « Tout tout de suite », mais pas par Dieu.

La chaîne complète sera donc :
ordre – obéissance – attente patiente – bénédiction – glorification de Dieu

L’étape de l’attente patiente, confiante est un temps d’éducation, de formation d’un caractère conforme à l’image du Créateur.

C’est le travail de sanctification, indispensable dans la vie du chrétien :

1 Thessaloniciens 4.3-5 ; Hébreux 12.14.

Plus centré sur soi mais conduit par Dieu

On passe d’un style de vie centré sur soi à une mentalité façonnée par le contact suivi avec Dieu. La maturité c’est d’avoir appris à vouloir ce que Dieu veut et elle se caractérise d’abord par ce qui se passe dans le cœur.

Un nouveau départ pour l’humanité

Après la crise de Babel Dieu donne encore un nouveau départ à l’humanité, cette fois à partir d’un seul homme, Abraham, avec qui il établit une relation personnelle d’amitié, chose inconnue dans les religions de cette terre.

Bénédiction et confiance

Cette amitié est fondée par Dieu sur une volonté de bénédiction immense, englobant non seulement la descendance d’Abraham, mais même toute l’humanité.
Et au centre de ce recommencement se trouve la confiance entre un Dieu absolument fidèle à sa parole et un homme qui a compris que sa vie trouve tout son sens dans la pratique confiante de cette relation d’amitié.

L’amitié (le secret) de l’Éternel est pour ceux qui le révèrent et il les instruit de son alliance. Psaume  25.14

J.-J. Streng

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