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Comprendre, vivre et approfondir la foi chrétienne

Se recentrer sur l’essentiel : le Christ, (ses souffrances, sa résurrection)

Se recentrer sur l’essentiel : le Christ, ses souffrances, sa résurrection

Se recentrer sur l’essentiel, c’est à dire le Christ, la puissance de sa résurrection, la communion à ses souffrances.

Ainsi je connaîtrai Christ, la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances en devenant conforme à lui dans sa mort.  Philippiens 3.10.

C’est l’expérience de l’apôtre Paul. Rattrapé par Dieu au moment-clé,  il lui a laissé recentrer toute sa vie sur le Christ souffrant et ressuscité.

Le verset dans son contexte

Pourtant, moi-même je pourrais mettre ma confiance dans ma condition. Si quelqu’un croit pouvoir se confier dans sa condition, je le peux plus encore.


J’ai été circoncis le huitième jour, je suis issu du peuple d’Israël, de la tribu de Benjamin, hébreu né d’Hébreux. En ce qui concerne la loi, j’étais pharisien. Du point de vue du zèle, j’étais persécuteur de l’Eglise. Par rapport à la justice de la loi, j’étais irréprochable.

Mais ces qualités qui étaient pour moi des gains, je les ai regardées comme une perte à cause de Christ.
Et je considère même tout comme une perte à cause du bien suprême qu’est la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur.

A cause de lui je me suis laissé dépouiller de tout et je considère tout cela comme des ordures afin de gagner Christ  et d’être trouvé en lui non avec ma justice, celle qui vient de la loi, mais avec celle qui s’obtient par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu et qui est fondée sur la foi.

Ainsi je connaîtrai Christ, la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances en devenant conforme à lui dans sa mort  pour parvenir, d’une manière ou d’une autre, à la résurrection des morts. Philippiens 3.4-11

L’essentiel mais lequel ?

Facile à dire, mais pour se recentrer sur l’essentiel, il faut découvrir en quoi il consiste. Le but que l’on vise, ce qu’on veut atteindre, est-ce le vrai, le bon, ou conduit-il à une impasse ?  est-ce quelque chose d’inintéressant, d’inutile ou même de dangereux ?

Beaucoup d’argent pour satisfaire toutes les envies, quelques pièces pour finir le mois ?
Sport extrême ou « supporter » devant la télé ?
Hautes fonctions politiques, ou existence sans vagues ?
Indépendance assumée ou famille avec des responsabilités, des joies et des difficultés ?
Pâques, chasse aux œufs ou Pâques, résurrection du Christ ?
Moi au centre du monde ou Dieu qui règne en moi ?

L’essentiel, la réussite pour Saul de Tarse?

Un beau point de départ

Apôtre Paul. Mosaïque de l’Eglise byzantine Saint-Sauveur-in-Chora à Istanboul

Il était Juif, membre du peuple choisi par Dieu. Il était né dans la tribu de Benjamin, une tribu restée fidèle comme celle de Juda au Temple de Jérusalem. Pas devenue idolâtre comme les 10 autres tribus. (Philippiens 3.5)

Un parcours sans faute

Saul était fidèle à la loi de l’Ancien Testament, telle que la comprenaient les pharisiens.
Face à la justice de la loi, (aux exigences de la loi), j’étais irréprochable Philippiens 3.6

Pas tout à fait

Irréprochable ? Mais si zélé pour cette loi devenue le centre de sa vie qu’il se chargea lui-même de la défendre.
Pas avec des arguments comme ceux que lui avait enseignés son maître Gamaliel (Actes 22.3) mais avec des mandats d’arrêt.

Du point de vue du zèle, j’étais persécuteur de l’Eglise  Philippiens 3.6

Remarquons le bien : c’est lui a pris les devants.

Il demanda aux autorités juives des lettres l’autorisant à arrêter les nouveaux convertis
Il s’attaqua donc à ceux qui avaient mis leur confiance dans le Christ ressuscité.
Il chercha à détruire l’Eglise chrétienne à ses débuts.

C’était devenu sa raison de vivre,  menacer et tuer les disciples du Seigneur  (Actes 9.1), les arrêter, les amener à Jérusalem pour les faire condamner (9.2).

Le rapprochement entre zèle religieux et persécution n’est pas dû au hasard. Quand Dieu n’est pas à la première place, quand un mouvement humain, si religieux soit-il, met au centre les réalisations et les efforts de l’homme, il y a risque de conflits de valeurs donc tentation de persécuter.

Brusquement recentré

Mais Dieu avait décidé de le réorienter, de le recentrer sur un nouvel essentiel.

Une lumière éblouissante, éjecté du cheval….dans la poussière, aveugle, les yeux bouchés par les écailles de ses certitudes à lui, son assurance de pharisien fidèle, son bon droit de mandataire, d’agent de la religion officielle contre ce mouvement d’erreur.

Eh bien non, Saul, tu te trompes. Tu crois servir Dieu en poursuivant mes disciples mais c’est moi, Jésus, que tu persécutes. Actes 9.5

La suite, c’est la rencontre avec Ananias. Les écailles tombent, une nouvelle manière de voir, une nouvelle orientation donnée cette fois par Dieu lui-même, pas par les traditions d’une religion, une nouvelle feuille de route

J’ai choisi cet homme pour me servir  auprès des nations étrangères et des Juifs Actes 9.15
Je lui montrerai moi-même tout ce qu’il devra souffrir pour moi Actes 9.16.

Là Dieu est vraiment au centre.

Saul a bien compris. Il lui a laissé le gouvernail
Et Paul va passer tout le reste de sa vie au service du Seigneur, un vrai service centré sur le vrai essentiel, le service du Christ crucifié et ressuscité.

Assumer le passé pour repartir

Sa persécution de l’Église. Il en a honte. Il ne l’oubliera jamais, il l’assume sans se défausser, sans accuser les autres, les circonstances.

En effet, je suis le plus petit des apôtres et je ne mérite même pas d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu 1 Corinthiens 15.9

Mais l’essentiel pour lui, c’est de repartir. Affirmer la grâce de Dieu, son pardon, la direction nouvelle donnée à sa vie : devenir un fidèle serviteur de Dieu et de l’Église du Christ, en construction.

Mais par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n’a pas été sans résultat. Au contraire, j’ai travaillé plus qu’eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu [qui est] avec moi. 1 Corinthiens 15.10

Le grand ménage

Tout en progressant dans sa connaissance du Christ, Paul a fait le grand ménage de ses convictions : déblayer le terrain de ses ordures pour faire place nette.

Mais ces qualités qui étaient pour moi des gains, je les ai regardées comme une perte à cause de Christ. Et je considère même tout comme une perte à cause du bien suprême qu’est la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur. A cause de lui je me suis laissé dépouiller de tout et je considère tout cela comme des ordures afin de gagner Christ. Philippiens 3.7-8

Mettre en lumière

Quand la lumière vive du soleil entre dans une pièce, on voit nettement la poussière qu’on ne remarquait pas dans l’ombre.

Faire le tri

Quand on se prépare à déménager, on a du mal à imaginer le nombre de choses à trier et à déblayer,  Mais il faut faire un choix :, jeter, donner, retenir l’essentiel

Quand le Christ entre dans une vie, celle de Paul, la nôtre aussi, il faut aussi faire le tri. Et si on confie à Dieu ce tri, dans la réflexion et la prière, pas mal de choses se classent d’elles-mêmes : à mettre dans les déchets.

Évidemment, certains péchés ou mauvaises habitudes d’avant la conversion pratiqués ou caressés dans l’imagination (émissions télé, sites internet).

Plus difficile à classer dans la colonne « perte «
Pas le « pédigrée », mais la valeur qu’on lui attache

Juif, pharisien, zélé pour la loi… d’une famille évangélique connue, d’une lignée de pasteurs … , fils ou fille de missionnaires…

Pas les réalisations personnelles, elles ont permis d’avancer dans la vie, mais l’importance qu’on leur donne, en se comparant aux autres, en les faisant remarquer.

Il suffit de regarder, d’écouter les déclarations des candidats aux élections
« Moi..je… ceci… cela…

Que reste-il encore à déblayer ?

Déblayons aussi notre bonne volonté, nos efforts, nos méthodes à nous pour nous approcher de Dieu.

Avant de pouvoir s’orienter vers une nouvelle vie, un peu de comptabilité

Dans la colonne « perte », les efforts religieux
Dans la colonne « profit », la foi en Jésus Christ seul

Un concentré de la justification par la foi.

Afin de gagner Christ et d’être trouvé en lui non avec ma justice, celle qui vient de la loi, mais avec celle qui s’obtient par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu et qui est fondée sur la foi. Philippiens 3.9

A cause du péché, il y a rupture de la relation entre Dieu et nous.

Impossible de la rétablir nous-mêmes malgré tous les efforts. Nous sommes tous incapables de respecter la loi dans tous ses détails comme Dieu le demande. Quand on réussit d’un côté, on rate de l’autre et tout est à refaire.

De fait, la personne qui obéit à toute la loi, mais qui pèche contre un seul commandement, est en faute vis-à-vis de l’ensemble. Jacques 2.10

La loi sert à rendre conscient du péché. Comme l’arbitre qui distribue les cartons rouges. Mais elle ne donne pas de solution véritable contre le péché.

Carton rouge, « suspendu », séparé de Dieu.

Dieu prend l’initiative de rétablir la relation.

Jésus Christ, Dieu le Fils, est mort sur la croix. Il a payé à la place des humains le prix du péché, c’est à dire la mort.
Il est ressuscité. C’est la preuve de sa victoire sur le péché. C’est le seul moyen donné par Dieu pour que le pécheur qui se repent soit déclaré juste

En effet, Dieu était en Christ: il réconciliait le monde avec lui-même en ne chargeant pas les hommes de leurs fautes, et il a mis en nous la parole de la réconciliation 2 Corinthiens 5.19

Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous afin qu’en lui, nous devenions justice de Dieu. 2 Corinthiens 5.21

Au moment de la mort, inutile de se présenter devant Dieu le juge avec la justice gagnée en respectant la loi. En fait on n’arrive pas vraiment à la respecter
Mais seulement avec la justice de Dieu donnée par la foi en Christ

Le Christ crucifié et ressuscité au centre de la prédication de Paul

C’est l’axe central de sa prédication.. Il le fait toujours valoir face à ceux qui essaient d’imposer une autre et prétendue meilleure façon de servir Dieu – un autre Evangile.

Face aux judaïsants : ils enseignaient aux nouveau convertis qu’ils pouvaient atteindre la perfection devant Dieu en étant circoncis et en suivant tous les préceptes de la loi

Car je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus Christ et Jésus Christ crucifié. 1 Corinthiens 2.2

O Galates, dépourvus de sens ! Qui vous a fascinés, vous, aux yeux de qui Jésus Christ a été peint comme crucifié. Galates 3.1

Face aussi à la gnose, « la connaissance », du monde grec et romain, la recherche d’informations religieuses et philosophiques privilégiées, hors de la portée du commun des mortels, pour atteindre soi-disant les plus hauts niveaux de spiritualité

Au centre de la vraie connaissance, une vie orientée sur l’essentiel

Connaître le Christ, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances  Philippiens 3.10

Connaître le Christ : pas seulement comme un personnage historique, en lisant le récit de sa vie. Pas de manière seulement humaine.

Ainsi, désormais, nous ne percevons plus personne de manière humaine; et si nous avons connu Christ de manière purement humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. 2 Corinthiens 5.16

Profondément, personnellement, comme le Seigneur vivant, ressuscité

Le connaître dans la puissance de sa résurrection et en même temps dans la communion de ses souffrances

En expérimentant dans la transformation de nos vies la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances

Puissance de la résurrection et communion des souffrances sont liées. Un seul article pour les deux dans l’original grec. Le Christ les a vécues toutes les deux. On ne peut les séparer, choisir l’une et pas l’autre.

La puissance de la résurrection, c’est la puissance de Dieu qui a ressuscité Jésus de la mort le matin de Pâques

Cette puissance, il l’a déployée en Christ quand il l’a ressuscité et l’a fait asseoir à sa droite dans les lieux célestes. Ephésiens 1.20

Paul désire la puissance de résurrection. Pas pour devenir lui-même puissant. Mais pour être rendu conforme à la volonté de Dieu, en accord avec la volonté de Dieu dans sa vie.
Cette puissance spirituelle commence à la conversion.

Elle continue à agir de manière progressive dans la vie physique, morale et spirituelle dans le combat contre le péché au cours de la sanctification.

Elle transforme peu à peu à l’image du Christ

Nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire comme par le Seigneur, l’Esprit. 2 Corinthiens 3.18

Jusqu’à la transformation de nos corps mortels en corps glorieux

Il (Dieu) transformera notre corps de misère pour le rendre conforme à son corps glorieux par le pouvoir qu’il a de tout soumettre à son autorité. Philippiens 3.21

Quand Christ, notre vie, apparaîtra, alors vous apparaîtrez aussi avec lui dans la gloire. Colossiens 3.4

Pas de puissance de résurrection sans communion aux souffrances du Christ.

les souffrances du Christ

Lui, le Christ a vécu les deux. Ce sont les phases d’une même expérience

Il ne s’agit pas de mourir sur la croix comme le Christ rédempteur, pour expier les péchés du monde. Lui seul le pouvait, puisqu’il était à la fois Dieu et homme, sans péché.

Une mort au péché et à soi-même

La communion avec Christ dans ses souffrances et sa mort, c’est une prise de conscience spirituelle, une lutte contre le péché, une mort au péché et à soi-même dans la vie quotidienne.

Christ est mort, et c’est pour le péché qu’il est mort une fois pour toutes; maintenant qu’il est vivant, c’est pour Dieu qu’il vit. De la même manière, vous aussi, considérez-vous comme morts pour le péché et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ [notre Seigneur]. Romains 6.10-11

Une souffrance pour la cause du Christ

C’est aussi une souffrance à cause du Christ, une souffrance pour le bien des autres, une souffrance parce qu’on avertit et que ce n’est pas accepté.

Paul l’a vécue et soufferte de plusieurs manières :

– certains Juifs s’opposaient brutalement à la proclamation de l’Évangile,
– d’autres venaient dans les Églises pour perturber les chrétiens avec un autre Évangile
– certains chrétiens (à Corinthe) se conduisaient d’une manière indigne, pire que les païens.

Il le résume ainsi

Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous et je supplée dans ma vie à ce qui manque aux peines infligées à Christ pour son corps, c’est-à-dire l’Église. Colossiens 1.24

C’est l’avertissement que Jésus donnait à ses disciples :

Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: ‘Le serviteur n’est pas plus grand que son seigneur.’ S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Jean 15.20

Réflexion à poursuivre et à s’approprier

De nos jours, en Occident, la persécution est assez légère : railleries, une certaine mise à l’écart de la société, des refus pas toujours justifiés de locaux pour le culte ou pour des réunions.

Mais ailleurs et récemment, des chrétiens sont morts en martyrs. Pensons aux coptes d’Égypte massacrés récemment et aux chrétiens d’Orient persécutés à mort.
N’oublions pas non plus les martyrs protestants du 16e s. en Europe. Ils sont morts parce qu’ils suivaient le Seigneur, ils conformaient toute leur vie à son appel.

Dans les pays d’Occident encore relativement protégés, les chrétiens ne se sentent pas prêts (et moi non plus) au martyre, à la communion aux souffrances du Christ en devenant conforme à lui dans sa mort.

Quant à la puissance de la résurrection, il ne faudrait pas se tromper à son sujet. Cette puissance appartient au  Seigneur. C’est une arme qu’il  accorde au chrétien pour le combat spirituel, pour la lutte contre les mauvais esprits dans les lieux célestes.

Contrairement à ce que  prétendent certains mouvements chrétiens, et les paroles de certains chants,  ce n’est pas l’arme absolue dont l’homme pourrait disposer, sans limites et à sa guise  contre ses adversaires ici, sur terre.

Car nous n’avons pas à lutter contre des êtres humains, mais contre les puissances spirituelles mauvaises du monde céleste, les autorités, les pouvoirs et les maîtres de ce monde obscur. Ephésiens 6.12

Ce que le Seigneur demande de nous :

Si ce n’est pas encore fait, tournons nous vers Jésus dans la repentance.

Il est mort sur la croix à cause de nos péchés. La justice qu’il a reçue de Dieu par la résurrection est la seule qui sauve, qui justifie. Et il nous la donne gratuitement

Si nous sommes chrétiens, avançons dans la sanctification.

Si nous participons aux souffrances et à la mort du Christ, par la lutte contre le péché, la mort au péché, par une vie humble de service comme la sienne sur terre, Dieu exercera dans nos vies, dans l’Église, corps du Christ, sa puissance de résurrection.

C.Streng

Plan de Dieu et projets des hommes

Plan de Dieu et projets des hommes

Pendant tout le vie terrestre de Jésus et en particulier dans la semaine précédant sa passion, il peut être intéressant de remarquer comment interagissent le plan de Dieu et les projets organisés par les hommes.

Projet d’arrêter Jésus

En effet, les autorités religieuses voudraient bien arrêter Jésus, soit au début de la semaine, quand tous les pèlerins ne sont pas encore arrivés, ou alors plus tard, quand ils seront repartis. Il ne faudrait surtout pas que cela arrive en fin de semaine, au point culminant de la fête. En effet la foule est plus nombreuse et de ce fait plus incontrôlable. Certains auraient peut-être profité de l’occasion pour provoquer une échauffourée et par conséquent l’intervention de la troupe d’occupation romaine (Matthieu 26.3-5, cf. Marc 14.2).

Son heure n’est pas arrivée

Mais Jésus les évite soigneusement la nuit et se mêle à la foule pendant la journée. Il ne leur donne aucune occasion de l’arrêter (Matthieu 21.45-46; Luc 20.19; 21.37; 22.2), comme s’il voulait retarder les événements jusqu’au moment prévu par Dieu. Jusqu’au moment déterminé où il sait que son heure est arrivée, il recherche l’incognito. Après la résurrection de Lazare, il s’était retiré à Éphraïm, à une vingtaine de kilomètres de Jérusalem (Jean 11.53-57) et plus tard, à Béthanie.

Hugues Cousin souligne l’importance du verbe choisi : il se cacha comme un proscrit/ se retira/ prit le maquis dans une région. Il argumente à propos de la réaction possible de certains lecteurs :

Affirmer que Jésus s’est caché, c’est heurter la foi chrétienne qui présente toujours Jésus comme ayant accepté librement son sacrifice. Le croyant ne peut accepter un Jésus qui chercherait par tous les moyens à échapper à sa passion… Il existe un moyen terme entre le refus de la mort à tout prix et sa recherche, sa quête ; c’est à l’intérieur de cet espace…que s’inscrit le comportement de Jésus.

Un homme libre

Dans cet espace de liberté Jésus montre précisément qu’il est aussi un homme véritable. Il agit en homme, avec maturité, intelligence et perspicacité. Sa relation de filiation et d’obéissance à son Père ne font pas de lui le jouet d’un fatalisme aveugle et absolu.

Maître des circonstances

Il choisit lui-même les circonstances exactes qui vont déclencher le processus de son arrestation. Il oblige ses adversaire à agir d’une manière contraire au plan initialement prévu et à l’accélérer. En effet, il organise discrètement, avec Pierre et Jean, son dernier repas avec ses disciples (Luc 22.8). Et quand tous les convives sont réunis, il prend Judas par surprise. Il lui révèle qu’il est au courant de ses projets de trahison et il lui donne même l’occasion de faire machine arrière.

En phase avec le plan de Dieu

Mais le traître découvert, pris de panique, se précipite chez les chefs : la fête de la Pâque va commencer et il ne reste que quelques heures de la nuit pour agir. Il leur apporte la clé de leur problème : le lieu (et aussi le moment) exact où Jésus se retire la nuit : ils pourront ainsi l’appréhender sans crainte des réactions. Ce temps et ce lieu coïncident avec ceux que Dieu a choisis. Le sacrifice de Jésus aura lieu au temps déterminé précisément, en même temps que celui des agneaux pascals le vendredi, veille du sabbat.

Pour choisir l’heure de sa passion

Et quand il a répondu dans sa prière au jardin de Gethsémané, « Mon Père, s’il n’est pas possible que cette coupe s’éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite! » (Matthieu 26.42) il se lève et s’avance librement à la rencontre de ceux qui sont venus l’arrêter (Jean 18.4).

Le temps de Dieu a rencontré celui des hommes.

C.Streng

Actes prophétiques du Christ avant la Passion

Trois actes prophétiques du Christ : la résurrection de Lazare, l’entrée à Jérusalem, la purification du Temple

Au moment de son arrivée définitive à Jérusalem, avant la passion, Jésus-Christ va poser trois actes prophétiques. Ils sont témoins de la réalité du royaume de Dieu en sa propre personne : la résurrection de Lazare, l’entrée triomphale à Jérusalem et la purification du Temple.

Thèmes de la littérature juive et de la prophétie de Zacharie père de Jean-Baptiste

La littérature juive à propos du royaume présente trois thèmes principaux que l’on retrouve dans la prophétie de Zacharie, père de Jean-Baptiste:

Zacharie, son père, fut rempli du Saint-Esprit, et il prophétisa, en ces mots : Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et racheté son peuple, et nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur. (Luc 1.67-69).

Le premier est l’espoir eschatologique que Dieu interviendra dans les affaires des hommes ; le second, que la restauration de la puissance politique d’Israël sera accomplie par Dieu à travers un roi descendant de David, le troisième est la croyance en la résurrection des morts et dans un « Fils de l’Homme » compris comme un Messie surnaturel.

Jésus-Christ donne une dimension spirituelle élargie à cette conception limitée du royaume. Il enseigne et va prouver dans la réalité que l’espoir de l’Ancien Testament est accompli dans sa propre personne et dans sa mission, et pas seulement pour Israël mais pour toute l’humanité.

La résurrection de Lazare, accomplissement l’un des thèmes prophétiques du royaume

Cathédrale d’Uzès; Résurrection de Lazare, Simon de Châlon 1550

La résurrection de Lazare est une illustration ou application de cet accomplissement des thèmes prophétiques du royaume promis.

Ce n’est pas la première résurrection des Évangiles. Il y a eu celle du fils de la veuve de Naïn (Luc 7.11-15) et celle de la fille de Jaïrus (Marc 5.21-43).

Quand le Christ promet à Marthe la résurrection de son frère, ce n’est pas, comme elle le pense pour la fin des temps, mais pour l’immédiat.

En lui disant : « Je suis la résurrection et la vie » (Jean 11.25), il se présente comme ce Fils de l’Homme. Il réalise effectivement cette résurrection des morts, pas dans le futur, mais au moment même. Marthe ne s’y trompe pas. Elle déclare alors qu’il est le Christ, c’est à dire le Messie.

La réaction des chefs juifs

Les chefs juifs non plus d’ailleurs ne s’y trompent pas, mais à une autre niveau. Informés de la résurrection de Lazare, ils organisent rapidement une réunion du sanhédrin. Ils ne mettent pas en doute la réalité du miracle. Ils veulent prendre les mesures qu’ils pensent nécessaires pour juguler un danger qu’ils croient imminent.

Si la population reconnaît Jésus comme roi d’Israël, ils risquent de perdre leur crédit auprès d’elle (tous croiront en lui). Cela pourrait aussi susciter une réaction violente de Rome contre la ville et la nation (Jean 11.46-48). Caïphe alors prophétise, sans en comprendre vraiment la portée, que Jésus doit mourir. Mieux vaut le sacrifice d’un seul homme que celui de toute une nation.

C’est pourtant le plan de Dieu lui-même qu’il annonce malgré son incroyance et son rejet de Jésus : Celui-ci va mourir pour la nation entière et par cette mort, beaucoup trouveront la vie éternelle.

La résurrection de Lazare est ainsi une étape qui prépare le triomphe de Jésus auprès de la foule lors de son entrée à Jérusalem.

Entrée triomphale à Jérusalem

L’entrée triomphale du Christ à Jérusalem est le deuxième acte prophétique : Il entre dans la ville de manière officielle, comme le roi davidique que Dieu a chargé de restaurer la puissance politique d’Israël.

Une entrée comme celle des rois Macchabée

Entrée de Jésus à Jérusalem – Lippo Memmi

Le Christ apparaît comme Simon Macchabée, « entré à Jérusalem en triomphe, avec des acclamations et des palmes » (1 Macchabée 13.51), ou comme Juda Macchabée devant lequel « le peuple, portant… des rameaux verts et des palmes, fait monter des hymnes… » (2 Macchabée 10.7) [1]

Le parallèle est saisissant : rien n’y manque, ni les rameaux, ni même les vêtements jonchant le sol pour servir de tapis, ni surtout les acclamations de la foule tirées du Psaume 118. Le psalmiste rappelle qu’Israël est entouré d’ennemis mais compte sur la protection de Dieu pour sa délivrance.

Pas d’illusions sur les acclamations de la foule

Jésus ne refuse pas ces acclamations mais il en limite la portée immédiate : il ne sera pas le roi guerrier, conquérant qui va chasser les Romains. D’ailleurs, il est monté sur un âne et non sur un cheval.

Mais il ne se fit aucune illusion sur la profondeur des sentiments de la foule. Elle désire que Jésus soit son roi, mais de la même manière que les Galiléens voulaient le faire roi après la multiplication des pains. C’est pour cela aussi qu’il pleure sur la ville, sachant les malheurs qui l’attendent. Il dessèche aussi le figuier pour montrer symboliquement le dessèchement qui attend la nation.

La foule est donc déçue et les autorités politiques de Jérusalem sans doute irritées ou inquiètes : « voici, le monde est allé après lui » (Jean 12.29). Elles craignent de perdre leur crédit auprès du peuple (Matthieu 23.15) et aussi une réaction violente du pouvoir romain.

La purification du Temple

Le dernier acte prophétique du Christ, le plus significatif est la purification du Temple. Il va avoir lieu dans la cour du Temple de Jérusalem. Il constituera un des principaux chefs d’accusation pour le sanhédrin.

Jésus chasse les marchands du lieu réservé à la prière des non Juifs

Jésus chassant les marchands du Temple

Jésus pénètre dans le seul endroit du Temple où les non Juifs, attirés par le monothéisme et la religion juive ont le droit de se tenir pour adorer Dieu. I

l se met à chasser ceux qui vendaient leur disant : « Il est écrit: Ma maison sera une maison de prière. Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs » (Marc 11.17, cf. Matthieu 21.12-13)

Cette cour est réservée à l’adoration des païens. Elle mesure 450 mètres sur 300. Le marché du temple occupe une bonne partie de la surface. Marchands d’animaux, changeurs d’argent et foule se pressent. Et au moment des fêtes de la Pâque, il y a plusieurs centaines de milliers de personnes.

Une maison de prière pour toutes les nations

Jésus chasse donc les marchands les animaux, et les acheteurs. Ils occupent le peu de place réservée aux adorateurs d’origine païenne. Ceux-ci n’ont pas le droit de dépasser la cour extérieure. Ils n’ont donc pas d’autre choix que de prier au milieu de la foule, des animaux et du brouhaha.

Marc 11.17 Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations reprend Esaïe 56.6-7 :

Et les étrangers qui s’attacheront à l’Éternel pour le servir, Pour aimer le nom de l’Éternel, Pour être ses serviteurs, Tous ceux qui garderont le sabbat, pour ne point le profaner, Et qui persévéreront dans mon alliance, Je les amènerai sur ma montagne sainte, Et je les réjouirai dans ma maison de prière; Leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel; Car ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples.

Ce texte d’Esaïe annonce que les étrangers seront acceptés dans le Temple au moment où le Seigneur ramènera son peuple de l’exil.

Le geste de Jésus montre qu’il désapprouve l’attitude d’ Israël : le peuple de Dieu a perdu de vue sa mission de témoignage en faveur de tous les peuples.

La fin du verset « vous en avez fait un repaire de brigands » cite le verset 7 de Jérémie 11 avertissant ses compatriotes. Il se résume ainsi :

Le temple n’a pas un pouvoir magique, ce n’est pas un fétiche qui permet de faire n’importe quoi (v.4 de Jérémie). Si on ne conforme pas sa conduite aux exigences de Dieu, ce n’est pas la peine de venir adorer au temple.

En effet, Jérusalem et le temple seront détruits en 587 avant J.-C. par Nabuchodonosor et le peuple d’Israël emmené en exil à Babylone. C’est donc un avertissement de Jésus à ses propres compatriotes.

Le commerce du Temple, nécessaire mais abusif

Jésus réagit sans doute aussi contre les abus du commerce dans cette cour du Temple.

Au moment de la Pâque, chaque adorateur doit obligatoirement payer un impôt annuel d’un demi-sicle (Exode 30.13). Celui-ci pèse environ 6 grammes d’argent, dans la monnaie spéciale du Temple, la seule acceptée.

Le fidèle doit donc échanger son argent sur place. Il lui faut aussi offrir un animal (agneau, pigeon) en sacrifice. Pour des gens venus de loin, c’est plus facile de l’acheter à l’endroit même.Ceux qui amènent leur propre animal doivent le faire authentifier officiellement et cela coûte cher.

L’argent était échangé à un taux exorbitant. Les animaux vendus ou authentifiés au prix fort. Ce commerce était un monopole des prêtres qui en tiraient un revenu considérable.

Selon certains commentateurs, Jésus procède à cette expulsion pour rendre à l’adoration des non Juifs cette partie de la cour occupée par les animaux, les marchands et la foule des acheteurs. Il veut  permettre au Temple d’être une maison de prière pour tous les peuples (Marc 11.17); ou alors le réserver à une pure et véritable adoration de Dieu.

Mais dans les conditions de l’époque, le marché du Temple était nécessaire à l’exercice du culte. Il permettait d’acquitter sur place l’impôt du temple qui exigeait un change et de se procurer les animaux destinés aux sacrifices. L’adoration au Temple n’a jamais été exempte des abus du commerce lié à l’obligation de se procurer des animaux pour les sacrifices

Une remise en cause du culte sacrificiel ?

Jésus remettait-il en cause dans son principe tout le culte sacrificiel du Temple. Il savait bien que les sacrifices étaient ordonnés par Dieu, que cela exigeait une certaine part de commerce. Il était conscient aussi que son geste pouvait passer pour une attaque contre les sacrifices ordonnés par Dieu, donc contre le culte lui-même.

Un acte prophétique de la destruction du Temple en 70

Les paroles du Christ dites en privé aux disciples « Il ne restera pas pierre sur pierre… » (Marc 13.1) complètent son geste. Ce ne sont pas des paroles de menace mais d’avertissement. Elles rappellent celles qu’il a prononcées lors de la première purification du Temple (Jean 2.18-22). Les Juifs de Jérusalem le comprennent d’ailleurs au sens littéral du Temple d’Hérode.

En fait Jésus parle de lui-même et il met l’accent sur sa mort et sa résurrection (Jean 2.19). Ce sont ces paroles, transformées, qui seront utilisées plus tard pour l’accuser devant le sanhédrin (Marc 14.58 par.; cf. Marc. 15:29).

L’action de Jésus est un acte prophétique. Sous les apparences d’une justice immédiate, elle symbolise la future destruction du Temple en 70. Interprétée comme un symbole de destruction, elle concorde avec les paroles  de Jésus. Il a explicitement annoncé la ruine future du sanctuaire (Matthieu 24.2 Mc 13.2 Luc 19.44; 21.6). Cet acte de Jésus est bien prophétique, mais à l’inverse de l’espérance apocalyptique. Ce n’est pas la restauration de la puissance d’Israël mais sa destruction et celle du Temple qu’il annonce ici.

Un élément déterminant pour l’arrestation du Christ

L’épisode au Temple est probablement un des éléments déterminants pour l’arrestation de Jésus. Il constitue une provocation, non seulement pour les dirigeants, les prêtres, mais aussi, pour tous ceux qui considéraient le sanctuaire comme le lieu approprié où le croyant pouvait offrir les sacrifices ordonnés par Dieu pour le pardon des péchés.

Parler contre le Temple, prophétiser sa destruction était considéré comme un blasphème et conduisait à des sanctions, au moins à la menace de mort (Jérémie 26).

Il est vrai qu’on n’a vu intervenir, ni la garde du Temple, ni la troupe romaine en faction à la forteresse Antonia pourtant toute proche. Il y aurait eu seulement quelques tables renversées…

Le climat d’une période de fêtes comme celle de la Pâque, avec un très grand nombre de pèlerins était effervescent. Il y avait occasion pour des militants nationalistes, de tendance zélote, d’organiser un coup de force. Avec la surveillance des troupes romaines prêtes à intervenir à la moindre manifestation de désordre, il est certain que l’action de Jésus a provoqué l’exaspération des chefs et a conduit à son arrestation.

  1. Les livres Apocryphes de l’Ancien testament ne sont pas inspirés mais ils contiennent des renseignements historiques utiles.

C.Streng