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Ah qu’il est doux pour des frères : un hymne à l’amour fraternel avec des images inattendues

C’est un tout petit psaume, mis en musique et chanté avec enthousiasme pendant les cultes et les rassemblements, surtout le v. 1, car à première lecture les deux versets suivants peuvent sembler un peu bizarres

Voici, qu’il est bon et qu’il est agréable que des frères habitent unis ensemble! 

C’est comme l’huile précieuse, répandue sur la tête, qui descendait sur la barbe, la barbe d’Aaron, qui descendait sur le bord de ses vêtements; comme la rosée de l’Hermon, qui descend sur les montagnes de Sion.

Car c’est là que l’Eternel a commandé la bénédiction, la vie pour l’éternité.

Un hymne à l’amour fraternel. Alors on peut se demander ce que vient y faire la barbe d’Aaron, trempée par l’huile qui dégouline sur ses habits et la montagne de l’Hermon que peu  peuvent se vanter de connaître.

Ces images un peu inattendues ont à  dire quelque chose sur la « communion fraternelle ».

Les versets  2 et 3 commencent chacun avec « C’est comme » ils  expliquent ce que voulait dire David, l’auteur, à propos de la « douceur » ou du « délice » d’être ou d’habiter unis ensemble.

1. Le texte : Cantique des montées ou des degrés (Ps.120-134)

amour fraternel
Vue sur Jérusalem

Montée vers Jérusalem en procession ou cantiques chantés sur les degrés (marches) du Temple ?

Ils font alors partie du rituel du pèlerin qui arrive au Temple.

A. Les frères ?

Qui sont ces frères rassemblés ?

Dans l’Ancien Testament  le mot frère désignait

a) les enfants issus des mêmes père et mère  (Gn. 4.8),  également le demi-frère ou la demi-soeur  (Gn 20.16; 37.4)

b) les membres d’une même famille (cousin, neveu, par exemple Abraham et Lot, etc.)
c) les membres d’une même tribu (Gn 31.32)ou d’un même peuple  (Ex 2.11; Lv 25.25; Nu 25.18; Ro 9.3)

Le mot frère désignait également un ami intime (David et Jonathan (2Sa 1.26), un allié (formule de respect, Nb. 20.14)ou son prochain.(De 15.12.)
La notion de fraternité comporte toujours un accent de solidarité et de responsabilité mutuelles. Nul n’a le droit de dire comme Caïn: « Suis-je le gardien de mon frère« .(Ge 4.9)

Les frères sont les membres du peuple de Dieu

Le peuple hébreu est une grande famille de frères. Dans ce psaume, on peut comprendre que les frères dont il est question ce sont les membres du peuple hébreu rassemblés pour l’une des trois grandes fêtes dites « de pèlerinage » au temple de Jérusalem.

Ils sont réunis avec les habitants de Jérusalem pour une grande célébration. Ces frères sont assemblés, assis, ils cohabitent, demeurent ensemble.Que c’est beau ! Oubliées les querelles et les divergences

B. L’huile

Que signifie l’huile ?

amour fraternel
Moulin à huile dans un jardin biblique en Israël

 

Quel rapport entre l’huile versée sur la tête, la barbe d’Aaron, les franges du manteau, la rosée d’une montagne qui coule jusque sur une autre. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela fait penser à l’onction d’huile que recevaient les rois, les prophètes et les sacrificateurs.Cette onction est d’abord le signe de la présence de Dieu sur celui qui la reçoit.Elle est aussi le signe d’une mission qui leur est confiée par Dieu dans le monde. La présence de Dieu dans son amour, et le service des autres sont associés.

L’huile, symbole d’une juste relation avec Dieu

Ainsi la juste relation avec Dieu c’est de beaucoup recevoir de lui, et de beaucoup donner aux autres.

Celui qui recevait cette huile était appelé en hébreu le « Messie », ce qui s’est traduit en grec par « Christ ». « Christ » n’est donc pas le nom de famille de Jésus  ni un titre réservé ! Il désigne celui qui est reconnu comme ayant une autorité particulière venant du fait qu’il avait la présence de Dieu sur lui, pour régner, ou pour prophétiser. Ce symbole de l’huile pour représenter la présence de Dieu n’a pas été pris au hasard, il suffit de penser à tous les usages de l’huile dans la civilisation méditerranéenne

L’huile dans la civilisation méditerranéenne

  • L’huile est un des éléments de base de la nourriture, on  fait des galettes avec de l’huile d’olive et de la farine (par exemple dans l’histoire d’Élie et de la veuve de Sarepta).
  • L’huile servait également pour alimenter les lampes, elle est donc source de lumière (cette image de l’huile comme combustible se retrouve au sens symbolique dans une parabole de Jésus).
  • L’huile était aussi employée pour soigner les blessures, et calmer la douleur, comme un onguent. Le bon Samaritain verse de l’huile et du vin sur les plaies du blessé

L’huile : une image de ce que Dieu nous donne par sa présence en nous

  • Comme notre corps a besoin d’être nourri, notre vie spirituelle est alimentée par l’Esprit que Dieu nous communique, c’est ainsi que notre vie spirituelle pourra se développer.
  • « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matt 4:4), et l’on sait que c’est le Christ Jésus qui est notre « pain de vie ».
  • La Parole de Dieu nous éclaire, elle donne un sens à notre vie, elle dissipe nos peurs comme une lampe nous aide dans la nuit, et là encore, pour nous c’est le Christ Jésus qui est « la lumière du monde ».
  • Et enfin, la présence de Dieu est comme un baume dans notre cœur nous donnant consolation et douceur.

L’huile, une image de la relation fraternelle

Le Psaume 133 va très loin, nous disant que tout cela se trouve aussi dans la relation fraternelle avec l’autre. L’union fraternelle est source de lumière, de nourriture et de vie dans nos existences. Quand nous vivons ainsi c’est comme si Dieu lui-même venait renouveler notre vie.

C’est dans l’amour vécu les uns avec les autres que nous recevons les dons de Dieu, sa bénédiction, sa vie, son Esprit, sa Parole. En s’ouvrant aux autres, nous nous ouvrons aussi à Dieu.De la même manière, le Christ va résumer toute la loi en toutes circonstances par « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », commandement dit « semblable » à l’autre: « Tu aimeras Dieu de tout ton cœur… ».

– La tête et la barbe

Cette huile de bénédiction, cette « bonne huile » ruisselle, nous dit le Psaume, de la tête jusqu’à la barbe. En hébreu le mot tête signifie également le commencement ou la jeunesse. Et le mot barbe signifie également la vieillesse.

Nous pouvons donc dire que c’est toute la vie qui est illuminée par l’amour fraternel et par la bénédiction de Dieu. C’est la vie de chacun de nous, de notre naissance jusqu’à notre mort que Dieu nourrit, éclaire et soigne dans l’union de ceux qui savent vivre comme des frères. On peut le vivre et en bénéficier à tout âge, de la plus petite enfance à la vieillesse la plus avancée, c’est là que se trouve le secret universel du bien, du bonheur, de la bénédiction et de l’Eternité.

-La barbe d’Aaron

En regardant de plus près le texte, on se rend compte qu’il y a en fait deux barbes, et la seconde c’est la barbe d’Aaron. Aaron était le frère et le porte-parole de Moïse, le grand prêtre d’Israël, il est le symbole même de la relation avec Dieu… et le mot « barbe » désigne aussi en hébreu la puissance ou l’autorité. Ce qui est en jeu, c’est donc la force de notre relation à Dieu.

Et la puissance de notre relation à Dieu est irriguée, nourrie, illuminée, renforcée par ce baume précieux de l’amour fraternel.L’amour est ce qui renouvelle, illumine toute une vie, jusque dans notre vie spirituelle ou religieuse. Sans amour, notre vie religieuse serait privée de lumière de nourriture et de vie (cf. 1 Cor 13).

– Le bord du vêtement – Les tsitsith

Ensuite, l’huile nous est dite descendre jusqu’au « bord du vêtement » d’Aaron. C’est une référence aux franges rituelles que les juifs faisaient sur le bord de leurs vêtements, appelées tsitsith :Nombres 15:38-40

Parle aux fils d’Israël, dis-leur de se faire une frange sur les bords de leurs vêtements-ceci pour les générations à venir – et de mettre un fil pourpre dans la frange qui borde le vêtement.Il vous servira à former la frange.

En le voyant vous vous souviendrez de tous les commandements du SEIGNEUR, vous les accomplirez et vous ne vous laisserez pas entraîner par vos coeurs et par vos yeux qui vous mèneraient à l’infidélité.

Ainsi vous penserez à accomplir tous mes commandements et vous serez saints pour votre Dieu.

Les franges, un appel à l’obéissance à la volonté de Dieu

Les franges sont là pour rappeler au croyant les commandements de Dieu auxquels il doit obéir. Ce qui est en jeu maintenant, c’est donc l’obéissance à la volonté de Dieu, la fidélité à Dieu. On voit, en passant que cette obéissance à une règle n’est pas ce qui vient en  premier pour le psalmiste, mais cela passe après la relation personnelle à Dieu, après la foi du cœur.

De toute façon, l’obéissance aux commandements finalement se résume à ce seul commandement : et c’est le message de l’Evangile : aimer son prochain. Vivre uni avec son frère, c’est ce qui donne la plénitude à toute notre vie, à notre relation à Dieu, et à notre obéissance à sa Parole.

– La rosée qui descend de l’Hermon. 2° image

La rosée de l’Hermon, source de vie

Après l’huile, c’est la rosée qui décrit l’amour fraternel. Dans les pays semi-désertiques, la rosée est une véritable source de vie. Quand les prophètes rêvent du temps messianique, il y a toujours de l’eau en abondance, des fleuves, des torrents d’eau. En période de sécheresse, la rosée du matin permet aux plantes de survivre.

amour fraternelCe qui est surprenant ici, c’est que cette rosée nous vient de l’Hermon, c’est-à-dire d’une montagne, haute de 2 800 m. et très souvent recouverte de neige. Le Jourdain y prend sa source : l’eau venant du Mont Hermon irrigue toute la Palestine.

Le Mont Hermon se trouve à la frontière nord d’Israël, avec le Liban, des voisins parfois peu fraternels. Or, c’est de là, nous dit le Psaume, que peut venir la vraie bénédiction.L’eau descend du Mt Hermon pour couler sur les montagnes de Sion – Jérusalem au sud de la Palestine.

Une foi vivante, en relation avec les autres

Notre foi ne peut vivre que du fait que nous soyons en relation avec l’extérieur, que nous acceptions de dialoguer avec les autres, avec ceux qui ne sont pas nos frères ou nos semblables. Si nous nous replions sur nous-mêmes, nous mourons. Il nous faut nous ouvrir, vivre unis avec nos frères, certes, mais aussi accueillir l’autre, voire son ennemi.

Le Mont Sion, c’est le lieu du temple de Jérusalem, symbole de la demeure de Dieu. Or, il est vrai que notre foi risque toujours de se dessécher. Il lui faut une source d’eau vive pour rester comme un jardin verdoyant et fécond, et non pas devenir un désert aride et stérile.

L’eau est ainsi, de même que l’huile une image de la présence de Dieu.Cette source de vie et de fraîcheur vient finalement encore du fait de se savoir vivre unis en frères. C’est cela qui peut venir irriguer notre propre relation à Dieu, notre foi.

Dans ce Psaume, plusieurs procédés littéraires mettent en évidence que l’expérience des frères au verset 1 et la bénédiction au verset 3 sont étroitement liées l’une à l’autre. Nous pouvons  lire ces deux lignes parallèles comme se faisant écho l’une à l’autre.

L’unité des frères a trait à la grâce de la vie pour toujours. L’insistance sur la « descente » des symboles souligne le fait que l’unité des frères dans la bénédiction de la vie à jamais, vient toujours d’en haut. C’est une grâce et non pas un dû.

Ce mouvement descendant conduit à la conclusion. Ce qui unit ces frères est une bénédiction commune. Ils sont frères, dans un premier temps, parce qu’ils sont bénéficiaires du même héritage: la vie à jamais. Le plaisir qui leur est réservé ne relève pas simplement du fait qu’ils sont frères, ni frères ensemble, mais qu’ils se trouvent unis dans l’adoration du Seigneur miséricordieux qui leur a accordé la vie pour toujours. C’est l’adoration collective du Seigneur, source de la vie, qui est « ô combien bonne et ô combien agréable ».

Ce salut, cette vie est une grâce, une bénédiction, au cœur de l’alliance entre Dieu et son peuple. Les deux comparaisons, huile de consécration et rosée mettent en évidence la bénédiction de Dieu. Chacune est un symbole de cette grâce divine.Là se joue la plénitude de la relation à Dieu : dans l’amour fraternel et dans l’ouverture à nos moins proches.

Et c’est là aussi que la bénédiction de Dieu « descend » sur nous et même que la vie « descend » vers nous depuis l’Hermon, depuis l’extérieur. Et c’est là, oui, que se trouve la bénédiction, et la Vie Eternelle

Conclusion

La véritable unité des frères n’est possible que grâce à la bénédiction de la vie éternelle en Jésus-Christ. La vie éternelle ne se trouve qu’en lui. Il dit: « Je suis la résurrection et la vie. » (Jean 11:25).Elle est donnée plutôt que fabriquée. C’est bien plus qu’un tour de force ou qu’une réalisation humaine. Malgré les traditions et les origines différentes au sein de l’Eglise, quiconque croit en Jésus-Christ a la vie éternelle (Jn 3:15). La personne qui croit en Christ est en lui et elle est en rapport fraternel avec tous ceux qui sont en Christ. Cette unité en Christ est déjà établie. Elle existe. A nous de la nourrir et de la préserver.

Jésus, dans sa prière sacerdotale, prie pour ceux qui croiront en lui par la parole des apôtres: « Je vis en eux et tu vis en moi; c’est ainsi qu’ils parviennent à l’unité parfaite… » (Jn 17:23)

Paul, dans sa lettre aux Éphésiens, dit: « Efforcez-vous de maintenir l’unité que donne l’Esprit Saint par la paix qui vous lie les uns aux autres. » (4:3) Plus loin, dans le même chapitre, il parle de notre croissance en Christ et de l’édification du corps entier, « jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu » (v. 13).

Le même apôtre nous exhorte: « Et par-dessus tout, mettez l’amour, ce lien qui vous permettra d’être parfaitement unis. » (Colossiens 3:14) La communion fraternelle ne fonctionne pas comme ça, par hasard. Elle est fécondée et stimulée par l’huile et par la rosée, deux images de la présence de Dieu  parmi nous. Gardons ces images pour rechercher et faire vivre, encore et toujours la communion fraternelle qui nous est proposée dans la Parole !

Voici, qu’il est bon et qu’il est agréable que des frères habitent unis ensemble!

Car c’est là que l’Eternel a commandé la bénédiction, la vie pour l’éternité.

L. Nussbaumer

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